▶ Sujet: Re: [ouvert] Le savoir perdu

J’avais une opinion différente de la Brume Sanglante vis à vis de mes semblables Kirijins, et pour cause, mon clan avait participé dans l’ombre aux desseins des hautes instances, purgeant les opposants. Récemment je m’étais intéressé au mystère de l’apparition de cette brume, incontrôlable durant les premiers mois de son existence.

Les rumeurs et les histoires qui entouraient cette brume avaient attiré mon attention, ne pouvant ignorer l'appel de l'énigme. Parmi elles, la brume qui enveloppait le village de Kiri disait être liée à un pouvoir ancien, peut-être à ce sabre manipulateur de brume, Sagiri.

Alors que je pénétrais dans le domaine des sabreurs, je ressentais le poids des questions sans réponses. Qui étaient les détenteurs actuels de Sagiri, et quel rôle jouaient-ils dans la situation actuelle du village ? Étaient-ils responsables des malheurs qui s'abattaient sur la communauté, ou bien étaient-ils des victimes de circonstances qu'ils ne maîtrisaient pas ?

Désireux de démêler ces fils d'intrigue, je me dirigeais vers les différents sabreurs qui s’entraînaient ou supervisaient les plus jeunes. Après de nombreuses interrogations, j’obtins enfin le nom et la localisation de Hayuri Heizu, l’actuelle détentrice de Sagiri. Le clan des Sabreurs possédait une hiérarchie basée sur un classement des prétendants aux sabres divins, légendaires, que je trouvais presque démoniaques.

Je me rendis au dojo désigné pour attendre mon audience avec elle. Le dojo était baigné d'une ambiance tranquille, les murs ornés de parchemins anciens et d'armes bien entretenues. Fatigué par les heures d'attente, je m'assis en me laissant envahir par la sérénité du lieu, l'odeur apaisante du bois de cèdre imprégnait l'air.

Lorsque je rouvris les yeux, une sensation étrange m'envahissait. Je ne ressentais plus qu'une seule présence en ces lieux très côtoyés auparavant. En suivant la piste, je remarquais une porte dissimulée derrière un rideau de bambou. Dans ma quête de vérité, je me rapprochais de la pièce où Hayuri Heizu avait entrepris ses propres recherches sur le sabre du temps. Avec précaution, j'ouvris doucement la porte. À l'intérieur, une lueur tamisée éclairait une pièce décorée avec élégance.

– Bonsoir. On m’a dit d’attendre plus haut. J’ai demandé audience à Hayuri Heizu. Je m'intéresse particulièrement à Sagiri, et à ses détentrices passées et présentes. Il y a des critiques et des accusations qui pèsent sur les Sabreurs, et je souhaite confronter ces rumeurs. Pourriez-vous lui laisser ce message au nom de Fuwa Yasahiro ?

▶ Sujet: Re: [ouvert] Le savoir perdu

Sous le regard inquisiteur de la mystérieuse sabreuse, je me rendis compte que ma curiosité m'avait conduit dans une situation potentiellement dangereuse. Les yeux perçants de Hayuri Heizu ne semblaient rien ignorer, et le sabre à sa ceinture se désagrégeait en brume qui envahissait la pièce, ajoutant à l'aura qui l'entourait.

Néanmoins, face à tant de contradictions, l’accueil face à son hostilité, la réalité face à ses mensonges ne faisait qu’aiguiser ma satisfaction. Son action m’avait mis sur mes gardes et mes réflexes de survie, entretenus au fil des années, surgissaient tel un automatisme. Aussitôt, mes sens en alerte dévoilaient sa position alors que je rejoignais la porte que je n’avais pas quitté.

La situation restait tendue, et je savais que je devais être prudent dans mes paroles. La maître-lame semblait en contrôle, qui continuait de se mouvoir dans la brume tout en écoutant attentivement. Je pris une profonde inspiration, conscient que mes intentions devaient être claires et respectueuses.

– Je m'excuse si je suis venu ici de manière inattendue, mais il n’y avait plus personne lorsque je me suis réveillé. J’ai donc approché la première personne proche : vous. Toutefois, si vous dégainez ainsi Sagiri, c’est que soit vous êtes Heizu, soit il lui est arrivé quelque chose…

J’étais loin de me douter m’être trompé sur la prononciation de Kayuri Heizu et, à la vue de ses réactions, je m’attardais de plus en plus à l'hypothèse que la prétendante suivante, la numéro deux du classement de Sagiri, venait de recevoir l’épée légendaire.

– En cas d'agression, je répliquerai. Je préférerai néanmoins repasser demain si nécessaire.

▶ Sujet: Re: [ouvert] Le savoir perdu

Mon échange de courtoisie avait viré au cauchemar. Pour ne pas avoir l’impression de quitter le domaine des Sabreurs tel un voleur, j’avais préféré prévenir la personne la plus proche. A moitié réveillé, je n’avais pas réalisé que la nuit était déjà tombée. La première image que je donnais étant celle d’un infiltré, et bien que la méfiance de Kayura Heizu était justifiée, elle semblait sourde à un quelconque argumentaire. A nouveau, mes sens m’interpellaient, désignant qu’une présence était rentré dans mon périmètre de détection.

J'eus un instant de stupéfaction. Il s'agissait du sabreur qui avait traité ma demande d'audience auprès de Kayuri Heizu. Probablement le même qui m’avait oublié dans les méandres de son esprit, auquel je devais une attente interminable. C'était un heureux hasard qu'il soit ici, car je pouvais peut-être m'appuyer sur notre précédente interaction pour clarifier la situation. En conséquence de quoi, je devais absolument gagner assez de temps. Malgré la brume, la maître-épéiste pêchait à me repérer, s’ensuivit un jeu du chat et la souris, décrivant des cercles hasardeux dans la pièce.  

Alors que la brume s'évanouissait, révélant à nouveau la silhouette de Kayuri Heizu, je restais immobile, gardant mon regard fixé sur la maître-lame, comme si mes yeux avaient toujours connu son emplacement. L'identité de la sabreuse devant moi avait finalement été révélée, et il était évident que je m'étais trompé dans la prononciation de son nom. C’était à la fois surprenant et rassurant. J'avais finalement trouvé Kayuri Heizu, la personne que je cherchais depuis un certain temps. Mon expression passa d'une légère inquiétude à un sourire sincère.

– Kayuri Heizu, je m'excuse pour le malentendu. J'ai été mal informé quant à la prononciation de votre nom, et je suis ravi de finalement vous rencontrer. Comme stipulé, je suis Fuwa Yasahiro, et je suis venu chercher audience auprès de vous pour discuter de Sagiri.

Le sabreur qui s'était appuyé contre la porte gardait un œil sur moi, mais je sentais qu'il ne me considérait pas comme une menace immédiate. Le nom que je lui avais donné pouvait expliquer en grande partie mon attente. Je sentais néanmoins un regard interrogateur plein de jugement.

– Toutefois, pourquoi notre invité réside encore en ces lieux ?  

Du tac au tac, comme une évidence, je répondais spontanément.

– J’ai attendu.

Un silence pesant flottait dans l’air.