Printemps 83, Pays du Feu - Homura, terrains d’entraînement.

Je poussais un énième long soupir, exprimant ainsi tout cet ennui que j’accumulais intérieurement depuis bien trop longtemps. Assis sur mon tonneau, je regardais d’un air absent les soldats homurajines s’étriper durant leurs entraînements.

Étriper… C’était un bien grand verbe pour leurs jeux de jambes aussi excitants qu’un macaque se grattant les couilles.

Pour la faire courte, ça n’avait aucun intérêt à mes yeux.

C’était d’une banalité sans nom.

Et il était tout à fait hors de question que je rentre à la taverne sans avoir un minimum transpiré. Le vieux me cramerait tout de suite. Et je n’avais aucune intention de me prendre la tête avec lui. Encore une fois. Ça avait été toute une histoire pour  qu’il me fasse venir sur les terrains d’entraînement du shogunat…

Maintenant que j’y étais, autant rendre hommage à toute cette énergie déployée.

Un autre profond et long soupir se fit entendre, lâché du plus profond de mes abyssales entrailles. Je ne pus m’empêcher de me questionner sur le sens même de ma présence ici.

Les combats de rue étaient, ma foi, bien plus divertissants et indisciplinés que ces putains d'entraînements militaires.

Et encore… C’était insulté la putain que de comparer ces exercices guerriers à ce que je pouvais faire avec elle. Au moins, les activités sexuelles avaient ce côté jouissif auquel ces manœuvres de soldats ne pouvaient malheureusement pas prétendre.

Quelques mots vinrent illuminer ma journée.

Mon regard se porta sur la source de ces propos.

Un sourire carnassier vint se poser sur mon visage alors que je dévisageais la rouquine qui me faisait face.

« Ca m’dit… uniquement si on s’fout bien correctement sur la gueule derrière ! »

Tout en sautant de mon tonneau en ricanant, j’ajoutais :

« Aucun intérêt d’faire un échauffement - aussi petit soit-il - si c’est pour s’faire la cour durant l'entraînement ! »

Du haut de mon mètre trente-cinq, je dévisageais la jeune femme, poing sur les hanches.

« On va dire qu’t’es d’accord avec les conditions ! Parce que bon, soyons francs… Faut un sacré cran pour v’nir d’mander à un nain d’être son adversaire ! Surtout quand le nain en question n’en branle pas une sur son tonneau ! »

J’éclatais de rire.

« Puis… J’te cache pas que je me faisais relativement chier sur c’dit tonneau ! J’suis bien content que tu sois v’nue me chercher ! »

Tout en reculant et en composant une série de mûdras, je lançais à mon adversaire :

« Pas d’quartier ! Le perdant paye un coup à boire et à bouffer au vainqueur ! »

L’échiquier du roi Salomon sortit alors de terre, poussant alors les quelques soldats trop proches de nous. En effet, ses dimensions étaient telles que n’importe quel être humain pouvait se cacher aisément derrière les pions, alors qu’ils étaient les pièces les plus petites.

Mon rire retentit à nouveau, avant que je ne disparaisse derrière mon armée de soldats de bois noirs. J’étais bien décidé à mener la vie dure à mon adversaire.

Pas de quartier !

Résumé:

Printemps 83, Pays du Feu - Homura, terrains d’entraînement.

Un grand sourire vint déformer mon visage. La jeune femme avait-elle seulement conscience qu’elle venait de réveiller un démon ? Aussi petit soit-il physiquement, l’énergie qu’il détenait était bien trop grande pour son corps. J’en avais tant à dépenser quotidiennement que cela paliait amplement mon niveau de chakra qui, ma foi, n’arrivait guère à suivre toutes mes idées et envies. Tout en ricanant, je lui fis savoir :

« Redescends sur terre. Les blessures sont le cadet d’mes soucis. C’est même l’un des principes fondamentaux quand on s’fout sur la gueule ! Tu peux être médecin, fleuriste, princesse ou même la pute du quartier d’à côté, j’m’en contre-branle l’oreille avec une babouche ! »

Comment ? Quoi ? Que venait-elle de faire alors que j’invoquais l’échiquier du roi Salomon ?

« Tout c’que je sais, c’est que je n’vais pas t’louper… »

Mais qu’est-ce donc que cette sorcellerie ? Voilà qu’elle se baladait avec un manteau de vent ! Elle se mit à courir vers moi. Avait-elle utilisé un boost ou sa vitesse de course à pied était déjà aussi élevée ? Hum… Je ne devais pas rester là. Je n’étais pas certain de ses capacités et le rouleau qu’elle tenait ne m’incitait guère à lui faire confiance.

Je fis une série de mûdras alors qu’elle appuyait sur un bouton. Son cylindre libéra un tissu. Jules répondit à mon appel (technique n°01). Je sautais sur son dos et nous prîmes la poudre d’escampette avant que l’étoffe ne finisse de recouvrir toutes les pièces noires. Je découvris avec stupeur qu’elle venait de bouffer tous les jetons qui se trouvaient de ce côté-ci du plateau. Je la foudroyais du regard.

« Wesh ! Espèce de grognasse d’mes deux ball’o’balls ! Arrête de faire ta guenon mal baisée et rends-moé mes pions, sinon… »

Je me figeais un instant, avant d’éclater de rire.

« En fait, non ! Garde-les ! Ca m’va que tu fasses ta guenon ! J’préfère le sinon… »

Je libérais Jules de son attelage et il se mit à tourner autour de notre adversaire, variant constamment la vitesse de déplacement et la direction empruntée. J’invoquais Moka, roi des ours (technique n°02). Beaucoup plus lent que l’émeu, il se mit à faire des cercles autour d’Asami. Il attrapa l’une de ses haches et vint la frapper contre son bouclier, comme s’il cherchait à capter l’attention de la jeune femme en la défiant.

Moka et Jules chargèrent en même temps en direction de notre adversaire. L’ours finit par la dépasser mais l’émeu tenta de lui asséner une série de trois coups de pattes au niveau de l’épaule gauche et du visage (technique n°03). Je profitais de leur diversion pour quitter le dos de l’oiseau et disparaître au milieu des pièces blanches, en espérant qu’elle n’ait pas d’autres parchemins pour sceller des objets. Les deux marionnettes se retirèrent aussitôt leur besogne terminée et se mirent de nouveau à tourner autour de la jeune femme.

Nous attendions une ouverture…

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Printemps 83, Pays du Feu - Homura, terrains d’entraînement

Alors que j’évoluais entre les pièces blanches de l’échiquier, je pris conscience que mon adversaire n’était nullement intéressé par mes marionnettes. Étonnamment, bien que l’objectif d’un entraînement fusse de battre son adversaire, cela me vexa. Ces pantins étaient ma fierté et que la jeune femme ne leur accorde pas l’attention qu’ils méritaient était une insulte à mon génie créatif.

Je continuais à slalomer entre les pièces, bien décidé à emmener mon ennemi là où je voulais qu’elle aille, Jules s’immobilisa alors que Moka se déplaçait dans ma direction. La détermination dont faisait preuve Asami avait changé. Elle était plus franche. Plus directe. J’éclatais de rire. Vu la facilité avec laquelle elle avait dévié les attaques de l’émeu, je ne doutais pas que ses capacités physiques étaient exceptionnelles.

Les chances pour que l’ours survive à son assaut était… nul. Mais son sacrifice ne sera pas vain. Je ne laisserais pas à cette guenon une victoire aussi facile. J’allais lui faire mordre la poussière, même si, pour cela, je devais mettre ma vie en danger. Notre trio se rencontra devant la reine, la puissante et majestueuse Balqis de Sabbat.

Ça allait être serré, mais pas infaisable.

Alors que j’effectuais une suite de mûdras, Moka s’interposa entre l’Uzumaki et le marionnettiste que j’étais. En position de défense (technique n°01), il brandit son grand bouclier pour encaisser du mieux qu’il pouvait le coup de notre adversaire.

Oups.

Je compris bien trop tard mon erreur. Excès de zèle de ma part ? Certainement. Erreur de jugement ? Je n’en doutais pas un seul instant. Je n’avais pas su évaluer avec précision la force de mon adversaire. Quant à anticiper les boosts utilisés par mon adversaire… N’en parlons même pas. Pour quelqu'un qui se prétendait vouloir devenir le meilleur enquêteur du yuusei, c’était pathétique.

La marionnette, malgré toute sa bonne volonté, vola en éclat avec une facilité déconcertante. Cela ne ralentit guère le poing de mon adversaire, à mon grand désarroi. Dans un dernier geste désespéré, je vins protéger de mes bras mes parties vitales. Acte aussi inutile qu’éphémère. Mon corps, aussi frêle que faible, n’était pas fait pour encaisser de telles techniques.

La douleur envahit ma carcasse toute entière, alors qu’Asami venait de la percuter de plein fouet, l’envoyant alors valser à plusieurs mètres. La souffrance me cloua au sol. Les sinistres craquements provoqués par le choc ne présageaient rien de bon. Des étoiles se mirent à danser devant mes yeux et ma vision se troubla.

Je perdis connaissance, alors que la pensée d’avoir été aussi pathétique qu’inapte à gérer convenablement un combat se logea dans mes petites cellules grises.

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Printemps 83, Pays du Feu - Homura, terrains d’entraînement

Cette femme était mon héroïne.

Elle n’avait pas hésité. Pas un seul instant. Elle m’avait prise au sérieux. Jusqu’au bout. Elle n’avait pas retenu ses coups. Malgré la douleur provoquée par son poing, j’avais la délicieuse sensation d’être en vie. Complètement. Etait-ce parce qu’elle m’avait pris pour un être à part entière ? Ou bien parce qu’elle ne s’était pas arrêtée sur mon physique ingrat ?

Puis les ombres s’emparèrent à nouveau de moi. La honte prit toute la place dans mon esprit. La dure réalité m’avait douloureusement rappelé à l’ordre. Je n’étais qu’un individu de petite taille qui avait cru en ses compétences. Tu parles. Ridicule. Je me prenais clairement pour ce que je n’étais pas. Les défaites du tournoi des genins étaient-elles un prémisse de ma décadence ?

Non. Bien sûr que non.

Elles étaient là pour me garder les deux pieds sur terre. Ou peut-être me réveiller ? Sans doute se trouvaient-elles quelque part à mi-chemin entre le rêve et la réalité. Je ne pouvais pas continuer ainsi. A me voiler la face. Si en entraînement, il ne fallait qu’une fraction de secondes pour me mettre à terre, je ne survivrais jamais sur le champ de bataille.

Pourtant, des rêves, j’en avais.

Me donnais-je vraiment les moyens de les réaliser ? N’étaient-ils que de simples songes ? Des chimères inaccessibles ? Pendant longtemps, la conviction de rester à jamais un moins que rien avait un leitmotiv. Un enfant des rues qui n’avait jamais espéré pouvoir sortir de la fange des quartiers pauvres de la capitale. Naître en tant que fils de pute était-il un acte suffisant pour décider de qui je devais être ?

Puis, il y eut le vieux. Et Roruko.

Mais surtout le vieux. Avec sa patience infinie. Et ses intentions qui dégueulaient d’un amour paternel à n’en plus finir. Ce mec avait été un grain de sable. Une poussière qui avait réussi à arrêter cet engrenage insipide dans lequel je me voyais passer le reste de ma misérable vie. Jusqu’à prendre une place bien trop importante dans mon existence pour que j’envisage de le faire dégager définitivement. Finalement, jusqu’à aujourd’hui, il était ce qui m’était arrivé de mieux.

Que ferais-je lorsqu’il partira rejoindre Mère Nature ?

Il n’était pas en âge de mourir. Du moins, pas tout de suite. Je ne voulais pas qu’il s’en aille. Pourquoi fallait-il un jour que les Parques nous séparent ? Je refusais l’existence même d’une fin à toute chose. Surtout lorsque cela concernait le vieux. Pourquoi est-ce je pensais à tout ça ? Moi qui imaginais que la mort serait bien plus froide et insupportable que ça, je fus agréablement surpris de sentir une douce et paisible chaleur se répandre dans tous mes membres. Comme si mon heure n’était pas encore venue…

Et cette femme, dans tout ça ?

Était-elle envoyée par Mère Nature ? Quel était son rôle ? Il n’y avait ni hasard ni coïncidence. Je croyais que les gens étaient là où ils devaient être. Même s’ils étaient libres de leurs choix et que la destinée n’existait pas, la Nature faisait toujours en sorte que ceux qui avaient besoin d’aide reçoivent le soutien nécessaire. Pour avancer. Pour survivre. Pour tout simplement… vivre. Cette étrangère était-elle un ange gardien envoyé par Mère Nature ?

Lorsque j’ouvris les yeux, la jeune femme était penchée au-dessus de moi, ses paumes posées sur mon visage. Elles avaient une drôle de couleur. Vertes ? Voilà qui confirmait mes soupçons. C’était une protectrice envoyée par Mère Nature. Je me redressais vivement et me mis à tâter tout mon corps, curieux de ne sentir aucune douleur.

Je secouais vivement la tête dans tous les sens pour me remettre les idées en place. Elle m’avait prévenu. Elle était capable de me soigner si une telle situation se présentait. Il n’y a pas à dire. En tant que médecin, elle était bien plus belle qu’Ashin. Et certainement meilleur médecin. Avec une telle poigne, pas de doute. Je finis par éclater de rire, laissant alors toute la tension du combat s’envoler loin de nous.

« Est-ce qu’on t’a d’jà dit que tu étais une femme sensationnelle ? »

Je sautais sur mes pieds.

« J’te remercie pour les soins. »

Mes mains vinrent se poser sur mes hanches, sourire enjoué aux lèvres.

« J’n’ai clairement pas l’niveau pour te vaincre aujourd’hui. Mais c’n’est que partie remise. Donnons-nous rendez-vous la prochaine fois que tu pass’ras dans le coin. »

Je lui tendis une carte de visite de la Taverne Onirique.

« J’m’appelle Kaïto. Tu m’trouveras là-bas ! »

Puis, je m’inclinais respectueusement devant elle.

« J’te remercie d’avoir tenu parole et d’m’avoir apporté les soins nécessaires à mon rétablissement. »

Je me redressais, tout heureux de pouvoir aller grailler un bout en sa compagnie. Ce n’est pas tous les jours que je pouvais me balader en si belle compagnie en toute impunité.

« Chose promise, chose due. J’t’invite donc à manger où tu veux ! »

Apprenant qu’elle n’était pas du coin, je fus heureux de l’emmener à plusieurs adresses. Nous nous arrêtâmes dans chacun de ces restaurants, mangeant et buvant leurs spécialités. Nous parlâmes de tout et de rien. Surtout moi. J’étais ce qu’on appelait communément une personne bavarde. Certainement un peu trop. Nous nous séparâmes en fin de journée. Le cœur léger, je m’en retournais à la Taverne Onirique, en pensant à notre future rencontre.