Deux frappes. Deux minutes.

Tu te levas simplement, récupérant ce vieux Kimono miteux, que tu enfilas simplement. Rapiécé et mainte fois repris par tes mains calleuses, tu fixas ton reflet dans ton sceau d’eau froide quotidien, qui servait autant à l’hygiène qu’à désaltérer ta soif. Tu attrapas ce bout de ficelle, et attacha simplement tes longs cheveux, avant d’entendre le lourd verrou de la porte se défaire, et cette dernière s’ouvrir simplement.

Tu montas les escaliers, alors qu’une main vive te frappa l’arrière du crâne. Accelérant alors le pas, tu entendis

« Rapporte l’argent, et ne t’avise pas d’échouer. »

Tu hochas simplement la tête, automatiquement. Tu sortis de cette bâtisse, plutôt luxueuse, et te dirigeas d’un pas aérien dans ce village. Comme un fantôme, une ombre dans la brûmes, tu te déplaças sans un bruit jusqu’à cette immense tour. L’ordre de mission demeurait inconnu. Tu n’aurais qu’un seul partenaire. Tu ne devais pas être un poids mort. Cette fois encore, tu ferais vaciller la flamme de ta vie pour grimper l’escalier de la réussite.

Cette fois, peut-être, la mort viendrait te cueillir, te libérant de ton misérable destin.

Tu voyageais d’un pas véloce, dépassant la vie des gens quotidien, passant par les ruelles et les toits, évitant les inconnus. Moins l’on en savait sur toi, et moins tu risquais de subir la fureur de tes pairs. Comme un écho s’évanouissant dans l’air, ton existence s’effacerai, ne laissant derrière toi que des murs froids et un foyer gelé.

Tu arrivas finalement devant cette grande tour. Tu t’avanças, ton bandeau te servant de ceinture, refermant le maigre Kimono que tu portais été comme hivers. Il fallait attendre, l’ordre n’était pas encore prêt. Alors, tu te plaças dans l’ombre d’une ruelle, te recroquevillant afin que personne ne remarque ta présence.

Là, tu entendais les battements de ton cœur, tapant contre ta poitrine.
Et, secrètement, tu espérais que le suivant soit bel et bien le dernier.


Dernière édition par Okada Riku le Ven 22 Déc - 21:13, édité 1 fois

Alors celle-là, elle était pas mal quand même. On m'avait demandé pour une toute nouvelle mission, alors je m'étais préparé afin d'être prêt à la remplir. Est-ce que l'envie était présente ? Difficile à dire, sans connaître l'ordre exact de mission. Mais toujours est-il que jouer cette comédie avait un côté lassant et désagréable, par moment. Je ne faisais pas ça par plaisir. À vrai dire, je ne faisais, ici, pas grand-chose par plaisir, si ce n'était mes quelques plaisirs personnels. Seulement, plus les jours passaient, et plus ils se faisaient rares. Être ninja me demandait de consacrer beaucoup de mon temps. Et pourtant, il le fallait bien, si je souhaitais remplir mes objectifs.

Cependant, alors que tout était censé bien se passer, on m'informa d'une petite erreur administrative. L'ordre de mission n'était toujours pas prêt, alors que j'étais déjà présent sur place. Je haussai un sourcil à cette nouvelle, croisant les bras. En soi, je n'avais rien contre le fait d'attendre un peu. Ce n'était pas comme si j'étais pressé. Mais tout de même, quelle organisation. Dans un sens, je n'aimerais pas travailler dans ces bureaux, à gérer les missions et les effectifs de tous les ninjas de ce village. La paperasse administrative, non merci. Alors, j'allais simplement les laisser faire leur boulot, attendant patiemment que l'ordre tombe.

Je hochais la tête, m'adossant pas trop loin de ce bâtiment, afin qu'on me tienne au courant assez vite quand le tout sera prêt. Ce n'était censé être qu'une question de minutes, peut-être de quelques dizaines.

« C'est ainsi. »

Je me perchais un peu en hauteur, sur une branche d'arbre, commençant à griffonner quelques annotations sur mon carnet : des idées à réutiliser un peu plus tard. Je n'avais pas le temps de faire une création quelconque, mais me poser pour réfléchir, ça c'était faisable en attendant. Attentif aux alentours, entre deux pensées personnelles, mon regard ne pouvait se défaire d'une curieuse apparition. Il y avait là, ici bas, un homme à l'accoutrement particulier. Il portait un kimono dans un piteux état, qui ne lui allait même pas correctement. Les manches étaient trop courtes, celui-ci lui arrivait bien plus haut que ce qu'il devrait. Et il était tout recousu, rapiécé, bien qu'il aurait bien besoin d'un retapage supplémentaire. Le jeune homme qui le portait, de ce que je voyais, avait de longs cheveux noirs. D'ailleurs, jeune homme... peut-être pas. Etait-ce une femme ? À cette distance, le doute me prenait. En tous les cas, s'il ne portait pas ce bandeau en guise de ceinture, j'aurais peut-être pu croire à un sans-abri. Seulement, s'il s'agissait d'un shinobi, ce n'était sans doute pas le cas.

Maintenant que j'y pense, je suis censé avoir un partenaire, de ce que j'avais compris. Et au vu du comportement de cet individu, il semblerait bien que ce soit lui. Ou elle. Cette personne avait fait le même trajet que moi, puis avait fait demi-tour pour se mettre dans une ruelle adjaçente. Elle semblait attendre.

J'étais pris d'une hésitation. Les shinobis de Kiri étaient des êtres que je méprisais, et je n'avais pas de réel envie de sympathiser avec. Pourtant, j'avais de l'intérêt à le faire. Il me fallait gagner la confiance des hommes d'ici, pour parvenir à mes fins. Je lâchais un énième soupir, avant de sauter de ma branche pour me diriger vers cette ruelle. Je ne savais pas trop s'il me voyait venir, il était recroquevillé sur lui-même. Quel drôle de comportement. Pourquoi agissait-il ainsi ? Je m'avançais jusqu'à lui, me tenant debout face à lui.

« Bonjour. Est-ce que tout va bien ? »

Après avoir capté son attention, je lui tendis ma main. Je le regardais avec une certaine neutralité, avec une touche d'inquiétude néanmoins. Son comportement me préoccupait.

« As-tu mal quelque part ? Te sens-tu mal ? Je suis médecin. Alors, si je peux t'aider, n'hésites pas. »

Pour l'instant, inutile de lui parler de la mission, de savoir s'il était bien son coéquipier, ou toute autre broutille. Non, ce que je voulais de lui, c'était de m'assurer qu'il aille bien. J'avais beau ne pas aimer ce village, il n'empêche que je ne pouvais pas rester indifférent à certains comportements. Sans doute mon instinct de médecin.

Baboum. Baboum. Baboum…

Une voix brisa le silence mortifère de l’atmosphère, provoquant une réaction en chaîne, tel une étincelle touchant de la poudre noire. D’un geste vif et instinctif, presque animal, ton corps recula, comme prêt à recevoir un quelconque sévices. L’influx nerveux parcourra avec vélocité ton corps, accélérant le rythme de ton cœur, alors qu’un étau se serrait dans ta gorge. Une étreinte si familière.

Ton mouvement du visage fixa l’homme qui était en face de toi, rigidifiant ton comportement. Est-ce que tu allais bien ? L’ombre de la mort derrière toi lâchait un sinistre ricanement, alors que toute la tension de l’instant s’évacuait, réalisant qu’il ne s’agissait que d’un simple individu. Finalement, ton cœur ne c'était pas arrêté.

 « Oui. »

La voix était faible, aigüe, comme un cri étouffé par un oreiller de plume. Tu regardas un instant la main, la fixant. T’avais-ton déjà tendue une main si passive ? Qu’est-ce qu’il attendait de toi ? Pourquoi ne saisissait-il pas ton corps comme les autres ? Pourquoi n’agrippait-il pas tes cheveux pour te rapprocher de son intimité ? Ton regard passa de sa main à son visage, dans lequel tu plongeais ton regard. Ses yeux bleus empreint d’une émotion jusqu’alors inconnue. Bouge-toi, Riku, tu es vraiment trop lent.

Tu posas ta main sur le sol, n’osant saisir celle tendue afin d’y prendre appuis. Il était légèrement plus grand que toi. D’un mouvement simple, tu réarrangeas le haut de ton Kimono débraillé par ce mouvement, bien trop petit pour toi, laissant voir une partie de ton torse meurtri.

 « Je vais bien. »

Ta voix était plus claire, mais d’un calme étrange. Un médecin ? Les seuls êtres qui avais-eu un peu de compassion à ton égard. Mieux fallait-il qu’il ignore tout de ta condition. Il ne faisait que son devoir. Il n’avait rien à faire de toi. Personne n’a que faire d’une arme, d’un outil, que l’on jette une fois brisé. Tu baissas les yeux, fixant tes pieds. Il avait de jolies bottes. Toi, tu marchais avec tes sandales, dont les fils de maintien n’étaient même pas d’une congruente couleur.

 « Je ne voulais pas te déranger. Je peux aller plus loin, si tu veux. »

Tu détournas le regard, fixant le fond poussiéreux de la ruelle. Peut-être que tu pouvais te faire un peu de place, entre les poubelles et les meubles délaissés.

Sa réaction me surprit dans un premier temps. Il ne semblait pas m'avoir entendu approcher, au vu du mouvement de recul qu'il eut en reculant un peu plus loin, dès que je me fus annoncé. Je l'observais d'un air perplexe, affichant légèrement plus cette inquiétude sur mon visage. Ce type, que lui arrivait-il au juste ? S'agissait-il réellement de mon partenaire de mission ? Ah, si je m'attendais à ça. Elle risquait d'être un peu plus complexe que prévue.

Finalement, une simple affirmation glissait entre ses lèvres, d'une voix très faible. Il hésitait beaucoup en me voyant, ma main et moi. Et j'étais sans doute bien loin d'imaginer les horreurs qu'il avait dans son esprit. Moi, je ne comprenais pas réellement. Si ce n'est que ce genre de comportement n'était pas anodin. Une personne normale ne serait pas aussi stressée, voire même terrifiée. Il semblait craindre quelque chose. J'ignorais ce qu'il avait pu vivre dans sa vie, mais cela n'avait pas du être simple tous les jours. Et ça, c'était dérangeant. Si je voulais atteindre mes objectifs, je me devais de me plier à cette mentalité que je méprisais tant. Et pourtant, le naturel avait tendance à me rattraper dans ce genre de situation. L'excuse du médecin était bien trouvée, mais sans doute insuffisante sur le long terme. Surtout lorsqu'il décide de me mentir, en me disant qu'il allait bien.

Enfin, mentir... Je présumais que c'était un mensonge. Et je ne me risquais pas à grand-chose à le penser, tant cela crevait les yeux. Il y avait un problème. Forcément. Et je n'étais personne pour le forcer à me parler. Surtout que je n'étais qu'un inconnu, et qu'au vu de ses réactions il risquait de se sentir menacé si j'insiste trop. Et cela pourrait se répercuter sur notre mission. Enfin, pas que. Seulement, je me devais de garder cela à l'esprit.

Finalement, il prenait appui par lui-même pour se redresser, ignorant ma main tendue. Je la retirai. Seulement, mon regard s'arrêtait un instant sur une partie de son torse, que je pouvais apercevoir dans l'ouverture de son vieux kimono. Il avait des marques de blessures, plus ou moins récentes. Une mission, ou un entraînement qui avait mal tourné ? Difficile à dire, je n'avais fait que les voir rapidement, d'un coup d'œil. Et puis, il n'y avait visiblement aucune plaie ouverte, effusion de sang, etc.

Il annonçait ensuite qu'il ne voulait pas déranger, et qu'il allait plus loin. Quel curieux personnage, décidément. Je me pinçais le nez doucement, puis mes yeux se rivèrent dans sa direction.

« Tu ne me déranges pas. D'ailleurs, c'est moi qui suis venu vers toi. Tu peux rester ici. »

Toujours d'un air relativement neutre, je m'adossai mur de cette ruelle, face à lui. À ce moment, j'avais beaucoup de questions. Si j'étais naturel avec lui, forcément que j'aurais fait en sorte de l'aider, de le comprendre, et j'en passe. Il ne me semblait pas être ce genre de personnes que je méprisais. Mais à quel prix ? Il aurait peut-être mieux fallu pour lui. Il m'inquiétait réellement.

Néanmoins, je n'allais pas le cuisiner plus longtemps. S'il était réellement la personne que je pensais, de toute manière, j'aurais du temps et plus d'occasions de gagner, un tant soit peu, sa confiance. Si une telle chose était possible.

« Comment tu t'appelles ? »

Je l'observais un bref instant, avant de reprendre. Il était sans doute préférable de lui dire, maintenant, pourquoi je m'intéressais à lui.

« Je m'appelle Yashiro. Je crois que nous allons faire équipe au cours d'une mission, toi et moi. Après, je me trompe peut-être, mais j'avais l'impression que tu attendais comme moi. »

C'était sans doute mieux de clarifier mes intentions, avec lui.

« Je ne voulais pas te faire peur. »

Je restais ensuite silencieux un petit moment, attendant sa réponse. En m'adossant au mur, j'avais instauré une petite distance de sécurité avec lui, afin qu'il se sente un peu moins oppressé. Je restais néanmoins alerte à son comportement, je n'étais pas à l'abri d'un emportement de sa part, au vu de l'instabilité dont il semblait faire preuve.

Alors que ton corps s’élançait pour s’enfoncer dans la profondeur de la ruelle, afin de t’éclipser pour que ta présence n’altère la tranquilité de personne, le contrordre qu’il te lança te stoppa net dans ton mouvement. Sur la pointe des pieds, tu reposas tes talons au sol, appuyant ton dos sur le mur, mettant en lumière l’injonction que tu avais perçue.

« D’accord. »

Soit docile et obéissant. Si c’est trop difficile, détourne les yeux. Tu posas ton regard à l’opposé de l’individu, qui s’adossait à la ruelle, comme si ton regard était bien trop intrusif par nature. Tu te collais à la paroi, comme si ton corps souhaitait se fondre avec l’environnement. Chacun de tes gestes souhaitais une disparition immédiate. Tu restas silencieux, attendant patiemment un ordre, une commande, qui te mettrai en mouvement, te figeant jusqu’à devenir un spectre dans la brume.

Ladite commande ne tarda pas. Ton regard se fixa de nouveau dans le sien, empreint de perplexité. Pourquoi voulait-il ton nom ? Ne désobéis pas, petit nigaud. Alors que tu allais répondre à la question, il enchaîna directement. Tu joignis tes lèvres, retenant le moindre son, le moindre souffle qui aurait pu perturber sa phrase. Jamais à l’heure, le sale Riku. Fais un p’tit effort, p’tit sagouin.

« Ri… Riku. » disais-tu d’une voix presque muette, si bien qu’il t’avait fallu reprendre pour que l’on puisse entendre la dernière syllabe. « Mais appelez-moi comme vous voulez. »

Tu époussetas ton Kimono, qui ressemblait à un Keikogi, cherchant à lisser les plis pour essayer, maladroitement, de ne pas faire trop mauvaise impression. C’était plus un habit d’entraînement très simple, en lin, et surtout, très économique. Mais c’était également ton seul vêtement. D’ailleurs, tu n’avais qu’un simple sac, qui contenait de quoi te nourrir et de quoi manger. La quasi-totalité de tes possessions.

« Ce n’est pas grave. Je n’ai pas peur. » tu bredouillas « Ce n’est pas important. »

Tu fixais tes pieds. C’était peut-être la plus longue conversation que tu avais eue depuis très longtemps. Trop longtemps. Peut-être plusieurs semaines, voir, quelques mois. Et la plupart du temps, si l’on t’adressait la parole, il s’agissait plus d’ordres et d’invectives.

« Je… » Tu avalas ta salive. « Si je peux vous être utile ou agréable, Seigneur Yashiro, faites-le moi savoir. » Tu tournas la tête vers lui, le regardant « Je vous défendrai. Je peux faire tout ce que vous voulez. Disposez de moi comme vous l’entendez, jusqu’à la fin de notre mission. »

Alors que tu le regardais, tu baissas les yeux, et t’inclina simplement, dévoilant légèrement le bas de ton dos, à cause de cette veste trop petite. Puis, tu te redressas, réajustant de nouveau ton Keikogi.

« Je suis désolé pour les problèmes de missives. Je peux vous cherchez quelque chose à boire pour patienter. Ou faire tout ce que vous voulez. »

Tu fixais le mur en face de la ruelle. Détourne le regard, si c’est trop désagréable. Au moins, celui-là, il avait à peu près ton âge.

Plus cette discussion continuait, plus je trouvais de choses à y redire. Son comportement était, effectivement, très étrange. Tantôt apeuré, tantôt extrêmement docile. Non, ce n'était pas vraiment ça. Il agissait plus comme quelqu'un étant soumis que docile. Sa manière de se dénigrer, jusqu'à me demander de l'appeler comme bon me semblait était criant de sa condition. Rarement je me suis trouvé, à ce point, démuni. J'étais partagé entre ce que je devais être et ce que je voudrais être. Et c'était réellement perturbant. Il était absolument hors de question de le traiter comme un vulgaire objet, ou que sais-je encore.

À ses premières réponses, je restais silencieux, l'écoutant parler et répondre à mes quelques paroles et interrogations. Je l'écoutais, mais j'observais également chacune de ses mimiques ou mouvements. Encore une fois, d'une certaine manière, il continuait de se dénigrer. Sa manière de dire que les choses n'étaient pas graves ou importantes l'indiquait fortement. En soi, tout dans son comportement et dans ses paroles laissait transparaître ceci. Et c'était dérangeant. J'ignorais par quoi il était passé, mais je me refusais de profiter d'une quelconque manière de quelqu'un de la sorte, de le considérer comme un objet, ou bien de ne même pas l'appeler par son propre nom. C'était inconcevable. Inhumain. Et plus j'en apprenais, plus je comprenais que son quotidien devait, sans doute, être terrible à vivre. Enfin, son quotidien ou bien son passé. Que sais-je, après tout ?

La suite n'était clairement pas mieux, toujours dans la même lignée mais en grossissant le propos. Je commençais presque à me demander s'il ne s'agissait pas d'une blague de mauvais goût, mais au vu de son apparence et surtout de son comportement, tout me semblait malheureusement très sincère. Il m'appelait "Seigneur Yashiro", m'assurait de me défendre, de disposer de lui, de le laisser me satisfaire. En bref, de l'utiliser comme un vulgaire pion. C'était ce qu'il pensait être ? Ou bien, ce qu'il était réellement ? Il m'était impossible de rester entièrement neutre à cet enchaînement de propos. Je commençais, je pense, à comprendre beaucoup de choses, même si ce n'était peut-être que le sommet de l'iceberg. Sans doute, même.

Je continuais de l'observer en silence, en l'écoutant parler. Que dire ? Que faire ? Voilà un cas que je n'avais absolument pas prévu. Je lâchais un bref soupir, puis m'avançait vers lui tranquillement. Doucement, sans une once d'agressivité, je posai une main sur son épaule.

« Hé, Riku. Doucement. »

Je le regardais, brisant brièvement cette neutralité sur mon visage, lui adressant un très léger sourire qui se voulait bienveillant.

« Riku, c'est très bien comme nom. Il s'agit de ton nom, alors personne ne devrait t'appeler autrement. D'accord ? »

Je fis une brève pause, avant de reprendre d'une voix qui se voulait douce.

« Tu n'as pas à être comme ça avec moi. Je ne suis en rien un seigneur, ni ton supérieur en quoi que ce soit. Nous sommes tous les deux des ninjas, et des hommes. Alors, tu peux simplement m'appeler par mon prénom. Et tu n'as pas à me défendre, à m'obéir, ou qu'importe. Agis comme tu l'entends au cours de cette mission. Nous prendrons les décisions à venir ensemble, nous élaborerons des plans ensemble, et nous réussirons ensemble. On se soutiendra mutuellement. Si j'ai besoin d'aide, tu m'aideras ; si tu as besoin d'aide, je t'aiderai. Rien de plus simple, n'est-ce pas ? »

Je le regardais dans les yeux, cherchant à capter ce regard fuyant qu'il pouvait avoir par moment.

« Alors, détends toi. Respire. Et ne t'excuse pas de choses dont tu n'es en rien responsable. Cela ne me dérange pas de simplement attendre. Et puis, ça ne devrait plus être très long. »

Je ne saurais décrire ce comportement que j'avais. J'avais l'impression de retrouver une facette de moi que j'avais oublié avec le temps. En même temps, comment rester indifférent avec ce genre de cas ? Quoique. Je commençais à y voir plus clair. Avec une telle attitude, dans ce village, il allait se faire dévorer, détruire. Si ce n'était pas déjà le cas. De nombreuses personnes appuieront sur cette brèche pour abuser de lui. Qu'est-ce que j'y pouvais au juste ? Lui montrer, et lui apprendre à ne pas se laisser faire ? Présomptueux, pour quelqu'un que je viens de rencontrer il y a cinq minutes à peine. En tous les cas, il ne me laissait clairement pas indifférent, je ne pouvais permettre qu'il subisse de telles choses.

Je retirais ma main, sans pour autant le lâcher du regard. Je remarquais non seulement son attitude et comportement, mais aussi sa condition physique décriée par son accoutrement.

« Tu ne dois pas être très à l'aise dans cette tenue, je me trompe ? Elle ne te va plus, tu es un peu trop grand pour la porter. Mh... Laisse-moi voir. Je n'ai pas encore préparé toutes mes affaires, ne sachant pas vraiment sur quel type de mission on va tomber. En allant les chercher, j'en profiterai pour te prendre quelques vêtements, qui seront sans doute un peu plus à ta taille. Qu'en dis-tu ? »

Je croisais les bras, attendant une réponse de sa part. Mais avant ça, je rajoutais une dernière précision. Parce que je commençais à comprendre ses craintes, et en quoi il était extrêmement soumis aux ordres ou simples paroles qu'il recevait.

« Et… Je te précise qu'il s'agit d'une proposition. Tu es libre d'accepter, ou de refuser. Et sache que je ne te demanderai rien en retour. Je fais simplement ça, car je pense que tu seras un peu plus à l'aise dans des vêtements adaptés. »

Une nouvelle fois, j'attendais sa réponse.

Sa main toucha ton épaule, provoquant un spasme désagréable qui se répandit jusqu’à tes pieds. C’était donc ça, la finalité ? Lui aussi, désirais t’obtenir pour satisfaire de sombres pulsions ? Tu penchas docilement la tête du côté inverse, fixant le sol, dévoilant ainsi le passage vers ton cou pour qu’il puisse y enfoncer ses crocs de prédateur, le regard résigné. Mieux fallait-il se laisser faire. C’était plus simple.

 « Prenez votre temps. »

Avais-tu répondu à l’injonction de douceur, sans même prendre le temps de croiser son regard. Certains adorait t’observer longuement, avant de te choisir, voir la moindre de tes coutures, souvent dans un accoutrement plus simple. Ce devait-être un peu la même chose, non ? Sentant le poids de son regard, tu déplaças le tiens, fixant ses lèvres qui affichait un doux sourire. Pourquoi te souriait-il ? La demande suivante était très étrange. Pourquoi tenait-il autant à ce prénom ? Obéis au désir du client. On ne te dit pas de réfléchir, gros nigaud. De toute manière, tu en serais bien incapable.

 « Très bien… Si c’est ce qui vous fait plaisir… Je… Je ne laisserai personne m’appeler autrement en votre présence. »

Tu détournas de nouveau les yeux, baissant la tête, alors qu’il t’énonçait pleins de jolies choses. Mais tu l’avais appris : même si elles étaient belles et attrayantes, les jolies choses n’étaient pas faites pour quelqu’un comme toi. Tu devais être fonctionnel. Les loisirs et autres breloques farfelues ne devait être des outils pour satisfaire les différents Maîtres, qui se succédait au fil du temps. Celui-là semblait un peu moins autoritaire que les autres. C’est tout.

 « D’acc… D’accord. Je vais essayer. » répondis-tu d’une voix fluette. « Je ne suis pas très intelligent, mais si je peux vous soutenir ou vous aider d’une quelconque manière que ce soit, je le ferai avec plaisir. »

Tu respirais, profondément, laissant entendre le son distinctif de cette respiration régulière, libérant immédiatement toutes les tensions de ton corps. Avec le temps, tu avais développé cette capacité de maîtrise de chacun de mes muscles, si bien que « ce détendre » était devenu synonyme de « Lâcher prise ». Tu demeurais néanmoins sur tes pieds, alors que son regard se faisait de plus en plus insistant. Tu te fis violence, et remonta les yeux jusqu’aux siens. Ils étaient doux, comme sa voix et son sourire. Une étrangeté agréable.

 « Mais… je ne veux pas salir vos beaux vêtements ! » disais-tu d’une voix légèrement criarde. Qu’est-ce que tu fais imbécile ? Tu fixas ses bras, un air de panique passant sur ton visage face à ce symbole d’agacement. Avant de reprendre un air plus calme, et éteint « Habillez-moi comme vous voulez. »

Tu passas tes mains derrière ton dos, baissant de nouveau la tête en signe de soumission, tel l’animal difforme et impur que tu étais.

 « Je suis sincèrement désolé si mes vêtements ou mon apparence trouble votre quiétude… Si je peux faire quoi que ce soit pour me rattraper, dites-le-moi, Seig… Monsieur Yashiro. »

Tu inspiras profondément, puis releva la tête, affichant un très léger sourire inquiet, sincèrement préoccupé et à l’affut du moindre ordre. Ton corps se désincarna de toute tension, comme si tu replongeais dans une torpeur, dans l’attente qu’une commande, tel un fil avec sa marionnette, exige de toi quelque chose. L’ordre insufflait en toi la vie, qui s’échappait dès que l’objectif était rempli.

Comme une arme qui ne s’anime que lorsqu’on la manie.

C'était plus compliqué que ça en avait l'air. Riku continuait, et persistait avec ce comportement. Bien entendu, encore une fois, je n'étais au final personne pour le faire changer en cinq minutes à peine. Pour le moment, le mieux que je pouvais faire, c'était de le faire se sentir en confiance avec moi. Ou du moins, qu'il se sente un peu plus à l'aise. Ce serait déjà un bon début, non ? Seulement, il semblait interpréter de manière différente à ce que je pensais tout ce que je lui expliquais. Est-ce que j'y pouvais quelque chose ? Il n'avait pas l'air d'entendre le fait qu'il avait une existence qui lui était propre. Qu'il n'avait pas à m'obéir, ni à me satisfaire d'une quelconque manière.

Comment le lui faire comprendre, lui qui semblait piégé dans ce système ?

Son cas me préoccupait vraiment. Combien de personnes, avant moi, avaient eu à faire à lui ? Je savais très bien que peu de gens étaient réellement bien intentionnés. Beaucoup voudraient l'utiliser. Beaucoup voudraient abuser de sa situation.

Je l'écoutais parler. J'avais sincèrement mal au cœur en l'entendant ainsi. Un mélange de tristesse, mais aussi de dégoût quant à sa situation. Qu'entendait-il exactement, lorsqu'il me demandait de prendre mon temps ? Pourquoi toute cette gestuelle ? J'avais bien une petite idée qui commençait à germer dans mon esprit, qui expliquerait ce comportement là parmi tant d'autres. Et si elle s'avérait exacte, c'en était d'autant plus intolérable. Comment faire ? Il était hors de question qu'il  soit ainsi durant la mission. D'ailleurs, pouvait-il réellement être un shinobi, avec une telle conduite ? Tu me diras, les ninjas sont des outils du Daimyô. Et il n'y avait sans doute pas meilleur outil que celui qui se présentait devant moi. Reste à savoir ses aptitudes, mais dans tous les cas niveau obéissance et soumission, il y avait clairement de quoi faire.

« Excuse-moi. Je ne suis personne pour te juger, ou te dire quoi faire ou penser. Tu te méprends sur mes intentions, je crois. Lorsque je te dis de chérir ton nom, et d'y tenir, ce n'est pas pour moi que je dis ça. C'est pour toi, Riku. Uniquement pour toi. »

Je conservais toujours cette nouvelle distance que j'avais instauré, après avoir retiré ma main de son épaule. J'avais bien vu à quel point mon approche l'avait déstabilisé et tendu. Forcément. Un acte qui se voulait rassurant, avait eu une toute autre signification à ses yeux.

« Et de même lorsque je te parle du comportement que tu peux adopter auprès de moi, ou de la façon que tu peux me considérer, ou même encore les vêtements que tu portes. »

Une nouvelle fois, je lui souriais légèrement, d'un regard doux. Cela faisait longtemps que je n'avais pas ressenti ça. Bien sûr qu'il m'arrivait de sourire. Mais à quand remontait le dernier sourire sincère que j'avais fait ? À bien longtemps. En tout cas, il était hors de question de "l'habiller comme je le voulais", là n'était clairement pas mon intention, une fois de plus.

« Ton apparence et tes vêtements ne me troublent pas, Riku. Du moins, pas comme tu l'entends. Je m'inquiète simplement pour toi, sincèrement. Tu ne dois pas être à l'aise, alors je te propose simplement une petite aide. Mon but n'est pas de t'habiller comme je veux... Je n'ai pas une garde-robe très grande non plus, mais tu seras libre de choisir ce que bon te semble, parmi ce que j'ai. »

J'ignorais volontairement la mention du "monsieur" pour le moment, ou bien sa remarque sur le fait de salir mes vêtements. Il était inutile de trop en faire. Surtout que, je ne voulais pas me risquer à le brusquer davantage, à le perturber plus que ça. Il considérerait sans doute que m'appeler strictement Yashiro serait un ordre. C'est comme ça qu'il semblait fonctionner.

« Je te prie de m'excuser, si j'ai mal exprimé mes intentions. Je ne te veux aucun mal. Je n'attends rien de particulier de toi, si ce n'est que l'on réussisse cette mission ensemble. »

Quant à moi, un second objectif à cette mission commençait à germer dans mon esprit. Il fallait que je lui apprenne à ne pas se laisser faire, à ne pas agir ainsi. Sinon, Kiri sera son tombeau, sans l'ombre d'un doute.

Je le regardais, d'un air assez inquiet.

« Tu m'as l'air d'être une bonne personne. Je ne perçois pas une once de méchanceté, ou de fourberie, chez toi. Avec moi, tu n'as pas à t'en faire, je te respecterai comme étant mon égal, alors tu peux ne pas réagir ainsi. Cette mission sera l'occasion d'apprendre un peu plus à se connaître, toi et moi. »

Et cela me donnera sans doute un peu plus d'occasion de comprendre d'où lui vient cette attitude, et aussi d'essayer de lui offrir une corde de sortie à sa situation. Encore une fois, je n'étais personne pour changer sa vie. Seulement, si personne ne l'était, il fallait bien que quelqu'un le fasse.

« Qu'est-ce que tu aimes, Riku ? As-tu des passions ? As-tu des goûts particuliers ? »

La question, dans ce cas là bien précis, avait un double sens particulier. Cela me permettrait soit de le faire parler pour révéler sa personne intérieure et lui montrait l'intérêt que je lui portais en tant que personne, soit de mettre en lumière davantage de problématiques quant à sa situation.

Uniquement pour toi ? Tu posas une main sur l’un de tes biceps, affichant un très léger mouvement de recul. Les personnes ne sont pas aussi avenantes sans raison. Parfois, quelqu’un affichait un air gentil, pour tenter de rendre la situation moins malaisante. Tu fixais tes pieds. Il était impossible pour toi de tenir un tel regard. Car c’est par des actes de douceurs intéressées que tout avait commencé.

La chaleur des mots réchauffait légèrement ton corps, qui éprouvait un étrange mélange entre plaisir et honte, un sentiment déstabilisant. Il avait beau dire que ce n’était pas ton apparence, tu troublais tout de même sa quiétude. Comme d’habitude, tu inquiètes ton monde pour rien. Tu pourrais faire un petit effort pour qu’on ne te remarque pas, imbécile.

Tu baissais les yeux, affichant un air visiblement désolé, sans qu’un mot ne sorte de tes lèvres. Ne te justifie pas, accepte la réalité, reste silencieux.

 « Je vais tâcher de juste me concentrer sur la mission, alors. »

Tu laissas ton dos glisser, jusqu’à t’assoir par terre. Mieux fallait-il te faire petit. Tu avais déjà assez embêté ton partenaire comme ça. Normalement, cela n’arrivait pas. Tu te contentais de faire la mission, et de rentrer chez toi. Parfois, le doute t’assaillait, arrêtant tes pas. Mais où aller ? Il n’y a aucune autre place pour les gens comme toi. Les outils ayant une durée de vie plus que limitée. Les imbéciles, qui ne sont bons à rien, hormis laisser les autres faire.

 « Oui. Je suis un bon garçon. Je tâcherai de me corriger. »

Eviter les sévices. Demeurer sans exister. Bien que ce fût le souhait de Yashiro, Riku ne serait jamais son égal. Lui, il pouvait vivre, avoir de belles choses, et être. Toi, tu n’avais pas ce droit. Parce que c’était comme ça. Les déchets doivent être ranger à leur juste place.

 « Ce que j’aime ? »

Tu relevas la tête, fixant l’autre Genin de la Brume.

 « Je… Je n’ai pas le droit de le dire. On ne me demande pas d’aimer des choses, mais de faire. Alors ce que j’aime, ça importe peu non ? »

Tu baissas immédiatement la tête, te rendant compte que tu allais contre les ordres.

 « Je… Je suis désolé. Je vais essayer de répondre du mieux que je peux. »

Tu croisas les bras, réfléchissant simplement. La plupart des jours, tu les passais, observant la lumière s’éteindre dans cette cave humide, écoutant parfois les bribes de conversations des passants. Mais tu ne pouvais pas en dire autant. On te l’avait mainte fois répété grâce aux mots et aux gestes violents : ce qui est à la maison est à la maison, c’est la vie privée. Et ta vie n’intéresse personne. On ne s’intéresse pas à la vie de son épée ?

 « J’aime quand je répare des choses qu’on a jeté. »

Tu fixais tes sandales, qui en était une preuve.

 « Les gens utilisent les objets, et puis les jettes lorsqu’ils sont cassés. S’ils étaient vivants, c’est comme s’ils mourraient. Et ça fait comme si j’étais une sorte de Dieu qui leur donne une autre chance. Et puis après, j’en prends soin. »

Tu affichas un maigre sourire, ramenant tes mains vers ton cœur. D’une voix presque inaudible, tu te parlas à toi-même.

 « Moi aussi, quand je serais cassé, j’aurais peut-être une deuxième chance. »

Puis, soudainement, tu te redressas.

 « Mais en attendant…  Je pense qu’ils ont terminé… »

Bon. Ce n'était toujours pas ça. Juste se contenter de la mission, à croire que c'était la seule chose qu'il avait retenu. Ou bien, la seule chose à laquelle il se permettait de réagir. Sa situation était bien problématique, et il me démangeait de l'attraper pour le remettre droit dans ses chaussures, et lui demander clairement et ouvertement qui sont les salopards qui l'ont traumatisé ainsi. Parce que, à ce stade, il n'y avait aucun doute. Il a été victime de quelqu'un, ou même de plusieurs personnes. On ne pouvait pas se comporter ainsi sans aucun traumatisme derrière. Qui était-ce ? Sa famille ? D'autres ninjas ? Les instances supérieures ? Tant de possibilité, c'était compliqué de savoir. Et pourtant, lui demander ça ouvertement ne ferait que le plonger dans un profond mal-être. Je n'avais pas sa confiance. Il se méfiait beaucoup. Je n'étais personne.

Je le regardais avec un regard empli d'une certaine tristesse, avant de reprendre un air relativement neutre, tandis que je l'écoutais répondre à ma toute dernière question. Ce qu'il aimait. Et bien, je fus assez surpris et décontenancé dans sa réponse. Il n'avait pas le droit de dire ce qu'il aimait ? Et pourtant, en se sentant menacé, il a décidé de me répondre. Parce qu'il ne voulait pas me désobéir ? On y revenait, encore et toujours.

J'écoutais donc ce qu'il aimait. Et comment ne pas être attendri ? Il semblait avoir la pureté et l'innocence d'un enfant encore, et pourtant autrui l'avait souillé de bien des manières. Ce contraste entre cette pureté et cette souillure était douloureuse à voir. Alors, à vivre ? Je n'osais même pas imaginer. Il aimait réparer des objets, que les gens abandonnent après les avoir cassé. Il considérait, ainsi, donner une seconde vie, à ces objets. Un Dieu ? Un parallélisme flagrant avec sa propre situation était à faire. S'il se considérait comme un objet, était-il dans l'attente d'une divinité afin de lui donner une seconde chance ? Une seconde vie ? Cela se confirmait par la suite, lorsqu'il affirmait qu'une fois qu'il sera cassé, il aura peut-être une seconde chance.

Badum. Mon cœur s'accélérait en l'écoutant. Cette rencontre me bouleversait, remettait en cause cette idée globale que j'avais de chacun des ninjas de Kiri. Ils n'étaient pas tous des monstres. Il y avait aussi, dans le lot, des victimes. Peut-être qu'une poignée, peut-être des dizaines. Lui, en faisait clairement partie. Je l'observais silencieusement, réfléchissant habilement à mes prochaines prises de parole. Mais aussi, essayant de conserver mon calme pour moi. Je ne voulais pas le mettre d'autant plus mal à l'aise, sans doute il penserait que je m'énerverai contre lui.

« Tu aimerais une seconde chance ? »

Je croisais les bras, me grattant le menton de ma main droite.

« Il n'y a pas besoin d'attendre d'être cassé, pour y avoir droit. Regarde, si jamais un jour tu parviens à récupérer un objet sur le point de se casser, et que tu t'occupes bien de lui… Alors, il sera sauvé, sans ne jamais s'être complètement brisé. Un Dieu peut offrir des secondes chances, comme il peut sauver la chance initiale. À toi de leur tendre la main au bon moment. »

Je répondais en utilisant ses propres mots, sa propre idée. De quoi renvoyer, une nouvelle fois, un parallèle à sa propre situation.

« Toi aussi, tu peux être celui qui saisit cette main. À la différence d'un objet, tu es capable d'entendre et d'agir par toi-même. »

Je lui adressai un dernier sourire, un peu plus prononcé que la dernière fois.

« Oui, tu as raison. Retournons-y, afin de récupérer notre mission. Réfléchis à ce que je t'ai dit, médite là-dessus. D'accord ? »

Ensuite, on se dirigeait vers la bâtisse, afin d'enfin récupérer notre ordre de mission. Il n'y avait pas à dire, jamais je n'avais fait une rencontre comme celle-ci. Et ce n'était en rien un mal. Dans un sens, j'étais rassuré qu'il soit tombé avec moi aujourd'hui. Même s'il refusait de le voir, ou de l'entendre, il allait peut-être avoir un moment de répit au cours de sa pénible existence.

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