▶ Sujet: Re: Avenir radieux, mais non sans efforts (ft. Kaïto)
« Suivez toujours le souffle de votre esprit intérieur. »
D’Olivier Lockert, psychologue et auteur français.
Eté 83, Pays du Feu - Homura, Taverne OniriqueS’il y a bien une chose que je n’appréciais guère dans la communication, c’étaient les traces manuscrites. Ces fameuses lettres étaient, de mon point de vue, une monnaie bien trop courante. Elles s’étaient insinuées partout. Dans toutes les strates de la société. Je ne pouvais pourtant pas me permettre de cracher sur ce genre d’indices. Dans bien des cas, ces preuves écrites étaient des multitudes de signatures. Des stigmates du passé. Des vestiges que les personnes incriminées n’auraient pas voulu voir ressurgir.
Ces messages couchés sur ces feuilles avaient une odeur des plus nauséabondes. Ils creusaient des fossés magistraux entre les êtres vivants. Je trouvais qu’ils me faisaient perdre un temps monstre dans ma journée. Ils étaient froids, distants. J’appréciais la chaleur des rencontres humaines. Même si elles débouchaient sur des rixes, elles avaient le mérite de ne pas cacher la pensée des individus.
Contrairement à toute cette paperasse manuscrite, ces entrevues en vis-à-vis étaient spontanées, instinctives. Il y avait ce côté direct et ouvert que je ne retrouvais guère dans ces lignes tracées à la plume. Je ne niais pas l’importance de ces mots puisqu’ils me servaient abondamment dans beaucoup de domaines. Toutefois, je n’estimais guère ce procédé dans ma vie personnelle. De plus, mon niveau inexistant en lecture et en écriture ne m’aidait guère à apprécier cette calligraphie.
Cette introduction me permet de poser le décor, chers lecteurs, pour que vous puissiez comprendre la suite de mes propos.
Nara Megumi était une chûnin que j’avais eu l’occasion de rencontrer lors des évènements qui suivirent de près le retrait des troupes d’Oto. Nous avions eu pour mission, avec une autre jeune femme dont le nom m’échappait aujourd’hui, de mener une enquête dans un temple souterrain. Celui-ci avait été mis à jour lorsque Naga avait récupéré - pour ne pas dire volé - un objet au shogunat.
Depuis ce fameux jour, nous n’étions pas rentrés en contact l’un avec l’autre, bien qu’une alliance fut formée après… cet incident. Mon corps frissonnait dès que mon esprit osait se rappeler de ce qui s’était passé là-dessous. Malgré ma peur, je savais que je devais y retourner. Ne serait-ce que pour satisfaire ma curiosité. Ce temple était une énigme. Un mystère qui, malgré ses résistances, me faisait de l'œil depuis que nous nous étions rencontrés.
Pour en revenir à Megumi, cette dernière m’avait fait parvenir une missive. Je n’avais eu vent de son contenu que par un coup du sort. En effet, j’avais pris la mauvaise habitude de me débarrasser de toutes les lettres qui n’étaient pas des ordres de mission. Bien que le verbe utilisé ne soit pas vraiment approprié à la situation, sachez seulement que le vieux était intervenu. Depuis ma rétrogradation au sein du gang, il avait une nette tendance à être sur mon dos. Beaucoup trop, à mon goût.
Il avait balayé d’un revers de main mes protestations et j’avais dû l’écouter me lire le contenu de la lettre. La vérité ? Je n’avais que de vagues souvenirs des informations qu’elle renfermait. Elle avait tenu à m’informer qu’un certain… Quel était son nom, déjà ? Peu importe. Elle avait rendez-vous avec un jeune homme je ne sais plus quel jour et allait lui suggérer de venir me rencontrer pour je ne sais plus quelles raisons. J’avais déjà oublié. Je ne me sentais absolument pas concerné par cette affaire. Pourquoi voulait-elle que je rencontre ce… cet inconnu ?
Je n’eus pas l’occasion de m’interroger plus que cela sur cette future rencontre. J’avais bien mieux à faire et peu de temps pour permettre à mon corps et mon esprit de s’exprimer. Le service du midi venait de se terminer et j’avais accompli les tâches qui m’incombaient avec toute la minutie dont j’étais capable. Puis, heureux d’avoir été libéré des cuisines, j’étais bien décidé à travailler sur certains de mes projets. Les derniers évènements m’avaient fait réfléchir et j’avais fini par acter ce que je voulais faire de ma vie.
Je faisais des allers retours entre ma chambre se trouvant à l’étage et l’atelier du rez-de-chaussée plaçait derrière les cuisines. Durant mes trajets, je ne pris pas conscience de l’homme qui venait d’entrer dans la taverne. Il était tellement grand que mes petites cellules grises le traitèrent comme s’il était l’un des poteaux soutenant la structure.
Certains nains étaient présents dans la salle principale et s’arrêtèrent dans leurs travaux, un petit sourire aux lèvres pour m’observer. Fatigué de tout mon remue-ménage, je finis par m’asseoir aux pieds du jeune homme et mon dos prit appuie sur ses jambes, le plus naturellement du monde. Perdu dans mes pensées, je n’avais pas conscience de l’hilarité de la situation. La voix du vieux finit par retentir dans la taverne.
« Kaïto. »Je me figeais un instant, avant de lui répondre, sur la défensive :
« Quoé ? »Il m’indiqua un point au-dessus de ma tête. Lorsque je levais les yeux, je croisais un regard bleu. Qu’est-ce qu’il était grand.
« Wesh ! T’es qui, toé ? »Je n’attendis pas vraiment sa réponse et me mis à tourner autour de lui, intrigué qu’un homme se trouve à la place d’un poteau. Je finis par faire des petits « pouic pouic » avec mon index droit sur différentes parties de son corps pour m’assurer que j’avais bien à faire à un être humain, et non pas à un étrange pilier.
« Le vieux ! J’crois bien qu’on a un problème… »« Hum… De quel genre ? »« Le mec… J’crois bien qu’il a bouffé l’un des poteaux de la taverne… »Le vieux eut toutes les peines du monde à garder son sérieux.
« Kaïto… »« Quoé ? »« Il n’y a jamais eu de poteau à cet endroit-là. »« Ah. Vraiment ? Du coup, c’est qui lui ? »« Si j’en crois le brassard qu’il porte à son bras gauche, je dirais… un shinobi de l’armée régulière du shogunat… »Je me penchais pour observer l’insigne dont il parlait.
« Ah… Mais pourquoé il est là ? »Le chef du Gang des Sept Nains poussa un profond soupir. Il ne savait choisir entre les rires et les pleurs tant la situation était surréaliste. Il finit par s’approcher de notre duo et, après m’avoir mis une petite tape derrière la tête, il salua le nouveau venu.
« Salutations sur vous. Bienvenue à la Taverne Onirique… »Alors que l’inconnu était déjà sorti de mon esprit et que je tentais de repartir, le vieux m’attrapa par la peau du cou pour me retenir.
« Veuillez excuser l’attitude de mon fils. Lorsqu’il est dans son monde, il n’a pas conscience de ce qui l’entoure. »Je me mis à ronchonner.
« Qu’est-c’qu’il y a, l’vieux ? Qu’est-ce que j’ai enc… »Mon regard se posa à nouveau sur le jeune homme.
« Wesh ! T’es qui, toé ? »Je n’avais absolument pas conscientisé la première fois que je lui avais parlé.
« Aïe ! Mais qu’est-ce qui te prend ? »Le vieux venait de m’asséner un nouveau coup derrière la tête.
« Je ne t’ai pas élevé comme ça. Commence par saluer notre invité. »« De quoé ? Pour quoé faire ? Ce n’est pas moé qui m’occupe d’accueillir les clients. J’ai d’autres trucs plus urgents à faire que de parler avec un gars tout moche que j’ne connais même pas. »« Tu es insupportable quand tu t’y mets, Kaïto. »Le vieux récupéra toutes mes affaires et, avant de nous quitter, me lança :
« Je te laisse t’occuper de lui. »Quelle injustice ! Je n’avais rien demandé à personne que je me retrouvais embarqué dans une histoire auquelle je n’avais aucune envie de participer. Je savais où étaient mes intérêts. Je n’avais pas intérêt à me foirer si je voulais retourner au plus vite dans l’atelier m’occuper de mes petites affaires. Je pris une grande inspiration et pris sur moi pour ne pas envoyer ce pauvre jeune homme qui n’avait rien demandé non plus. Je me tournais vers mon interlocuteur et m’inclinais devant lui pour le saluer.
« Salutations sur vous, cher client. Bienvenue à la Taverne Onirique. J’suis Kaïto et, visiblement, j’suis votre serveur. En quoé puis-je vous être utile ? »Les chiens ne faisaient pas des chats. J’avais exactement la même salutation que le vieux.
« La cuisine étant fermée à cette heure-ci, j’peux vous installer à une table pour… euh… Vous voulez boire un truc ? »C’était nettement moins bien formulé que mes collègues nains, mais aucun d’eux ne serait venu à mon secours, tout heureux qu’ils étaient d’avoir un peu d’animation après un long et dur service.