▶ Sujet: Re: xXx

Le flanc de ma paume me lançait des picotements, perforées par deux dents à l'arrière de la pointe d’une flèche. Suffisant pour y faire perler un peu de sang, avant qu’il ne sèche à l’air libre. La gravité de la blessure ne frisait pas avec la douleur plus d’une poignée de secondes. Le projectile à nouveau dans mes mains propriétaires, je la rangeais d’un geste apprivoisé en suivant Weihan, dont les foulées étaient en avance. Plus loin, il y faisait étalage de son équipement, mon attention se portant une à une sur les armes de l’armuré. Sans surprise, il était de ceux qui côtoyaient ces instruments de sauvegarde et de mort, conciliant avec son apparence.

D’une dextre experte, le Heaume s’attelait à l'entretien de son arsenal, d’abord dans un mutisme mutuel, puis capturant la parole entre deux éclats entre la pierre et le fer. Il y faisait mention d’une absence de différence patriotisme entre Homura ou Kiri. J’y faisais une nuance cruciale bien que égoïste, celle des miens criaient revanche, brimant bien celles du Shogunat. Le curieux personnage, à la verbe sage se drapait d’une philosophie loquace tout en retenue, sans réellement se démasquer. Son apparence, son arsenal, son attitude, ses codes, ses citations ou encore son simulacre de noblesse, jetait un voile trouée, dont les ouvertures me déplaisaient à des sommets rarement atteint.

Ce n’était pas le jugement qui envahissait mes méandres, Weihan était un homme visiblement respectable, haïssable par sa nature de Continentaux, mais ce qu’il représentait, était sensiblement dangereux à la nature des Fujiwara. Ses origines, sa Voie faisaient écho au Bushido, ce même code moral qui avait banni mes ancêtres, de par la seule différence d’un sabre et de valeur auto-proclamée, scellant leurs destins. Pourtant, l’Homurajin ne portait pas de katana, remplacé par deux sabres certes plus petits, mais surtout cette hallebarde lourde, ce bouclier et cette armure, qui faisait peu référence à celle des samourai.

– Kiri ne s’attend à aucune clémence de la part d’Homura. Parfois, on ne peut éviter ce qui est voulu, quelque soit l’excuse invoquée. Que le Shogunat joue, nous résisterons, comme depuis toujours.

La cible Ashin était évidente à mes yeux, s’étant donné en pâture de manière inconsidérée. Une brèche dans laquelle je m’étais faufilé afin de dégriser le reste de ses camarades à la réalité qui s’était présenté devant eux. Leur unité qui faisait leur force était devenue prison et faiblesse, que j’avais exploité en tant qu’assassin, sans néanmoins tuer. Leurs propres valeurs retournées contre eux, se fracaissaient contre celles de Kiri, forcé par une situation qu’Homura avait déclenché.

Le geste avait été facilité, rendu aisé par le médecin, qui lui avait donné le poids de la symbolique. C’était la raison de ce choix emblématique, dicté par une diplomatie, qui se devait être musclée pour ne pas paraître faible et combattre les conventions d’Homura, traînées jusqu’à nos portes. Toutefois, il ne fallait pas se voiler la face. Si rien de cela ne serait arrivé, je m’en serai pris au plus démuni, forçant les caractères forts à s’incliner. Miyuki incarnait ce talon d’achille dans le groupe uni, probablement plus disparate qu’annoncé.

– Alors Ashin serait mort.

Je ne pipais mot de plus, omettant mon propre destin incertain, ni ceux qui à ce moment, se tenaient de chaque côté des murs. A nouveau, le chevalier des temps féodaux faisait mention de la Voie, rappelant celle du Bushido, y incorporant parole et y compris culture, faisant résonner davantage ses mots. Dans ses besaces se tenaient le nécessaire de thé, tel un noble attaché à sa routine confortable, ne lésinant pas sur le luxe même en voyage, peu importe l’hostilité que représentait une terre ennemie. Mon regard se faisait inquisiteur, dense, lourd, mais ne s’attardant jamais sur la visière, de peur d’y croiser le regard des frères ennemis. Un ordre parcourait le clan Fuwa, devenu archer assassin embusqué au fil du temps. Une consigne absolue et terrifiante pour des soldats se conditionnant toute leur vie à retirer celle d’autrui sans combattre. Devant un Fujiwara : Fuir. Ces samouraïs déjouaient nos ruses comme s’ils n’en étaient rien, le don du chakra, du corp, de l’épée et du Bushido leurs avaient été octroyés, et avec eux, une avance irrattrapable pour les damnés, les maudits Fuwa.

– Tu es un Fujiwara ? La Voie, c’est ton propre Bushido, tout ne semble pas raccord, mais.. Ça y ressemble.

Je déglutissais. Bruyamment. J’aurai préféré ne jamais émettre ce son. D’autant que depuis que le Heaume soignait le fils de sa hallebarde, je m’étais toujours tenu hors de portée de sa hampe.

▶ Sujet: Re: xXx

– Je n’arrive pas à savoir si tu es perspicace, idiot ou fou. Peut-être les trois en même temps. Tu as été habile en te présentant comme simplet aux portes.

Weihan se situait entre les limites, par maladresse ou par un certain attrait à l’exercice. Comme un sage tacticien, il maintenait un certain équilibre, aux bienséances très variables. Son inintelligence présumée conditionnait une adaptabilité à ses interlocuteurs, sur laquelle il évoluait tout en s’en jouant, facilitant des autorisations à l'accoutumée déclinées.  

– Ton petit jeu ne marchera donc pas, Ho-mu-ra. Je suis un garde, tu m'appelleras donc ainsi : « garde ». Et en tant que tel, il est inapproprié de faire autrement. L’exemple se suffit à lui-même.

La double-démonstration, entre la reproduction de sa provocation, aux syllabes appuyées, et la dénomination, qui me représentait actuellement ainsi que mon rôle, se renforçait l’un et l’autre. Il ne pouvait plus jouer l’idiot, si on lui en retirait l’occassion.

– Pour une délégation diplomatique, vous usez des mots comme s’ils étaient dénués de sens et de poids. Ils en ont, et vous y ferez face. Vous dites venir en paix, vous n’aviez qu’à faire profil bas. Prouvez-le par vos actes. Mais pour l’instant, les seuls dont vous avez fait preuve ne sont que provocations et défiances. Il est aisé de penser que vous n’attendiez qu’une faute pour en faire une déclaration quelconque. Faites-la et épargnez-nous le jeu du Shogunat d’Homura.

Des remarques qui ne lui étaient pas nécessairement destinées, bien que sa capacité à naviguer entre deux eaux en lâchant quelques piques, dont je ne me privais guère non plus, lui faisait défaut. Contrairement à l’envoyé d’Homura, je n’avais aucune responsabilité diplomatique, si ce n’est celle d’informer ceux qui mèneront les futurs échanges avec les informations et intentions de la délégation.

– Pour ce qui est des samouraïs, c’est bien le contraire, je ne peux que te rejoindre sur ton avis. Leurs codes moraux ou leur participation à l’ancien empire sont une contradiction auxquels mes ancêtres n’ont jamais adhéré. Une noblesse auto-proclamée, dont nous ne faisons pas partie. Mon regard ne porte pas sur les mêmes aspects que les leurs.

Ironiquement, les Fuwa incarnaient un idéal Fujiwara, dépossédés de chakra puissant, nous tirons nos forces davantage d’un entraînement physique rigoureux, d’une sensibilité à la pression qui nous écrasait et d’un pacte de sang scellé dès notre exil et arrivée au Pays de l’Eau, une contrée sauvage à cette époque qui s’était majoritairement préservée.

– La Voie serait donc une religion ?

Je me demandais bien quelle aberration le Continent avait pu affabuler, pour concevoir une idéologie divisive, comme cela avait été le cas pour le Bûshido.. J’avais le mauvais œil sur mon captif, dont la situation nous rendait pourtant tout autant prisonnier l’un de l’autre. Cette mission serait longue. Et alors que le regard dur des Fuwa, des laissés pour compte du code samourai, se posait sur l’armuré, je me demandais comment rendre le séjour moins pénible, égoïstement.  

▶ Sujet: Re: xXx

– Je suis en service, pas à une fête.

À vrai dire, j’avais toujours été ainsi, habité par la discipline de mon entraînement, à m'abstenir plus par défaut des frivolités sociales que par choix. C'était là une habitude bien ancrée en moi, un trait de caractère forgé par des années de dévouement à mon devoir. A contrario de ma vie professionnelle et militaires aux airs familiales, j’appréciais les relations des plus simples et abordables, les marquant parfois de mes maladresses.

– Cette condescendance, cet esprit guerrier mais insultant, feignant des concessions, c’est en cela qu’Homura est détestable. Tu t’es montré parmis les plus modéré de ta troupe, et pourtant, après avoir franchi les portes, c’est toi qui te montre le plus zélé importun.

Je retenais un soupir exaspéré. Les contes, les préceptes et l’histoire couchée sur le papier faisaient mention de ce genre de personnes, arrogantes et tortionnaires. Mais je restais imperturbable, ne laissant rien transparaître de mon irritation. Parfois, l’Archipel ressemblait au Continent, des cas similaires existaient, comme le Sabreur Haru. Parfois, afin d’abattre un monstre il fallait soi-même en devenir un.

– Me tenir là, pour assurer qu’on ne vous assassine pas avant que vous ayez à parler aux autorités est un contre-temps des plus regrettables, j'espère qu’on ne vous fera pas attendre trop longtemps. Il faudra qu’on te trouve une cape pour couvrir cette armure tape-a-l’oeil.

Mes pensées étaient bien loin et si proches de l'agitation diplomatique qui régnait. Mon attention vers celui qui me tenait la discussion, un représentant officiel à l'allure austère, dont les paroles semblaient glisser sur lui sans laisser de trace. Un rictus ironique flottait sur mes lèvres. Un concept qui m’était bien familier, moi dont chaque mouvement était calculé, chaque décision prise avec une précision mortelle. Des détails insignifiants pour lui, mais des éléments cruciaux pour moi. La pensée qui hantait chacun de mes instants depuis l'annonce de cette mission, la hâte que la délégation parte afin que cette comédie s'arrête.

La comédie, un mot qui résumait parfaitement ma vision de cette mascarade diplomatique. Une farce à laquelle je devais me prêter pour l'instant, mais dont j’espérais pouvoir me détourner, un jour. Un frisson d'anticipation parcourait mon échine à la dernière idée qui s'immisça dans mon esprit, d’un ordre prononçant leurs exécutions. Les Fuwa avaient toujours considéré que l’écart de puissance était trop grand, s’investissant à leur maigre échelle à une politique d’armement, requérant patience, réfrénant les pulsions des Kaguya avec échec. Face à la situation, céder était le choix de la facilité. Rien, absolument rien n’était facile pour un Fuwa, se heurtant à des obstacles toujours plus grands.

– Et vite avant la prochaine fête des Grandes Marées..

Comme si une simple pièce de tissu pouvait dissimuler sa nature, son essence même. Mais je me gardais bien de laisser transparaître mon amusement. Le bout de vêtement lui serait bien utile pour ne pas provoquer facilement une émeute si d’aventure le prochain Yokai marin gigantesque rapatrié à Kiri promouvait un festival, un esprit de fête spontané et désorganisé à la gloire de l’Eau et de la Brume.

– J’en ai assez de tes jeux, je ne jouerai pas. Je ne te répondrai pas davantage, gardons silence, la nuit approche et les murs sont fins.

Les mots résonnèrent dans la pièce, empreints d'une détermination qui ne laissait place à aucune ambiguïté. Sous la fausse empathie du sommeil des compagnons de Weihan, c’était bien le calme et la sérénité que je souhaitais retrouver.

Spoiler:

▶ Sujet: Re: xXx

Spoiler: