SPIRIT OF SHINOBI

embrace your power




  1. ANNONCES

    22.04.24 patch Le Patch .02 est disponible !

    01.02.24 patch Le Patch .01 est disponible !

    20.12.23 nouveautés La news de fin d'année est sortie, affublée de nombreux changements et nouveautés, notamment dans les mises à jour de topics, de contextes, ainsi que d'un bottin des PnJs apparus en narrations afin de faciliter leur suivi !

    31.10.23 nouveautés La news d'octobre est sortie et le forum se dote, à l'occasion d'Halloween, d'un bestiaire de yokai dédié aux joueurs ainsi que d'une nouvelle bannière ! Kumo obient également un nouveau Ninjutsu Spécial, les reliques mystiques.

    24.10.23 changement Le forum passe officiellement à l'été 83. De nouvelles trames sont apparues pour chaque faction !

    18.07.23 update Les doubles-comptes sont désormais ouverts à toutes les factions et nous mettons en place les rangs intermédiaire pour donner plus de visibilité sur l'avancée du personnage ! La faction de Kiri récupère également un bonus XP à la présentation.

    04.07.23 update Les doubles-comptes sont désormais fermés pour la faction de Kumo qui a retrouvé sa pleine attractivité : ils demeurent toutefois ouverts à Kiri ! Nous retirons également les bonus XP associés, puisque l'activité atteinte nous convient.

    01.07.23 update Le forum dispose désormais d'un thème sombre ! Reportez-vous au petit curseur sur votre droite pour changer de l'un à l'autre.

    24.06.23 NEWS ! La news de juin est sortie ! Au programme ; des précisions et changements sur notre philosophie, la faction des Errants et les paliers de progression.

    23.06.23 changement Le forum passe officiellement l'an 83 (printemps). De nouveaux enjeux sont apparus sur les contextes de chaque faction !

    Été 83

    Cent huit ans avant notre ère, le chakra courut sur le monde comme une traînée de poudre. Venu de nulle part et de partout à la fois, il étreignit les hommes et anima leurs corps comme ceux des nouveau-nés dès leur premier souffle. Tel un raz-de-marée changeant le monde, son énergie leur offrit les prémices de ce qu’ils nommeraient « pouvoir », bien des années plus tard.

    Celui de dépasser les limites que la nature leur avait jusque-là imposées. De donner vie et corps à leurs ambitions les plus folles comme à leurs vices les plus abjects.

    Leurs chairs avaient été bénies de la grâce de l’alizée et de la force des typhons : leurs coups étaient plus précis, leurs organismes plus vigoureux. Un simple bond les menait jusqu’aux cimes des arbres majestueux du désormais Pays du Bois. Leurs pas les guidaient sans peine à travers les monts qui édifièrent bien plus tard les frontières de l’actuel Pays des Montagnes.

    Alors, ils embrassèrent cette nouveauté comme chaque bien de l’Humanité : avec le profond désir de la dompter jusqu’au moindre détail, de faire cette énergie sienne avant tant d’autres. Il leur fallut des décennies pour maîtriser ce que le plus simple shinobi peut accomplir aujourd’hui – mais ils y parvinrent, en demeurant dans la profonde ignorance de l’origine du chakra.

    Et ils comprirent. À quel point il pouvait receler la puissance de faire de l’imagination une réalité ; à quel point ils pouvaient dompter les leurs par la force et fonder les dynasties qui gouvernèrent le monde des années durant.

    Lire la suite


    XP

    Homura

    personnages


    Kiri

    personnages, +30 XP


    Kumo

    personnages, +15 XP


    Errants

    personnages


  2. Image decoration
    shogunat printemps 83
    Contexte d'Homura
    Régie par la noblesse, la richesse et par un grand sens de l'honneur et de la droiture, Homura se distingue ni plus ni moins des autres villages par son caractère guerrier à la limite du comportement militaire. Les shinobis qui sont formés pour devenir des shinobis d'Homura sont, dès leur plus jeune âge ou dès l'entrée dans la formation, forcés de respecter ce code d'honneur. Il est précisé que quiconque y dérogerait se verrait sanctionné de différentes façons... des travaux d'intérêt publique à l'emprisonnement et du bannissement des terres d'Homura à la pure et simple mise à mort.

    ❈ Tout shinobi doit être capable de se sacrifier pour la cause Homura-jin.

    ❈ Tout shinobi doit être capable de donner sa vie pour ses camarades, particulièrement s'ils sont plus jeunes ou s'ils sont moins expérimentés. De la même manière, il doit un incontestable respect à ces derniers.

    ❈ Tout shinobi doit être capable de se sacrifier pour les civils.

    ❈ Tout shinobi doit être capable de réussir une mission primordiale même si cela signifie abandonner ou laisser mourir ses camarades.

    ❈ Tout shinobi doit être capable de dissimuler ses sentiments personnels ; pire que cela, il se doit de les ignorer et de les faire passer au second plan.

    ❈ Tout shinobi doit une indiscutable fidélité à sa faction. Toute information dissimulée, cachée volontairement ou toute trahison quelconque sera sévèrement sanctionnée.

    ❈ Tout shinobi doit se dévouer à son entraînement et au perfectionnement de son corps et de son esprit. Il doit respect aux siens et aux autres, tolérance aux différences, empathie aux plus faibles et rigueur dans ses efforts personnels (qui doivent être constants et variés).

    ❈ Tout shinobi doit un indiscutable respect à ses supérieurs hiérarchiques et doit obéir au doigt et à l'oeil à leurs ordres. Toute insubordination sera sévèrement sanctionnée.
    Image Personnage

    FUJIWARA SENCHI Portant sur ses épaules l'ensemble du clan Fujiwara, Senchi est un guerrier hors pair dont le jeune âge, la force d'esprit, la droiture, la témérité et les compétences l'ont rendu capable de se hisser au sommet. Un lien particulier mais inconnu le lie à Iwao, la Shogun, sans que personne ne sache trop quoi en penser. Certains le suspecteraient même d'être à l'origine de la mort de son père, bien que rien ne l'incrimine.

    Image Personnage

    HYÛGA EIMEI Figure représentante du clan Hyûga, devenu chef en l'an 68, Eimei incarne toute la fierté des siens. Droit, noble, charismatique tout en restant sobre, il semble en savoir plus qu'il ne le devrait. Il est à l'origine de l'ensemble des mouvements du clan Hyûga, car rares sont les membres de son clan osant défier ses ordres ou agir sans son aval. Il fait parti de la branche principale.

    Image Personnage

    NARA KUENAI Etant à la tête du clan Nara, Kuenai est extrêmement perspicace et dispose d'une intuition impressionnante. Très soucieuse des maux qui pèsent sur Homura, elle est parfaitement lucide vis-à-vis du comportement des siens comme de celui des autres clans et s'organise toujours dans l'ombre afin de limiter les dégâts. Certains la suspectent d'avoir assassiné Fujiwara Oda, et de nombreuses preuves mèneraient à penser qu'elle est coupable. Etrangement, elle rejette l'entière culpabilité sur Fujiwara Senchi.

    Enjeu n°1 :

    COOPÉRER AVEC KIRI ET KUMO

    65%

    Enjeu n°2 :

    CONNAÎTRE SES ENNEMIS

    10%

    Enjeu n°3 :

    VERS LES PROFONDEURS INCONNUES

    100%

    Derniers RP

    Retour au temple souterrain

    À l'été 83, un shinobi d'Homura se rend au sein du temple souterrain découvert lors de l'attaque d'Oto sur Homura, en périphérie du Shogunat. Ses découvertes mènent le lieu à son scellement complet par le clan Uzumaki, ainsi qu'à l'amnésie du genin.

    Le massacre du boucher

    À l'été 83, 90 civils sont assassinés dans la bourgade de Rindо̄ par un homme se faisant appeler « le Boucher ».
    Au terme d'un combat qui se révéla être une victoire pour l'escouade envoyée par Homura, il fut assassiné par Yamamoto Janome au moment où il s'apprêtait à leur révéler les plans de l'Alliance.
    À sa mort, le pouvoir des fils noirs, le Jiongu, réapparu à travers le monde.

    Évènement

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    Culture & religion

    → La chasse 春・狩猟期 – printemps
    → Festival de la Lune Rouge 夏・赤月の祭り – été
    → Virée aux morts 秋・死者への旅行 – automne
    → Nouvel an guerrier 冬・戦士新年 – hiver

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  3. Image decoration
    kirigakure printemps 83
    Contexte de Kiri
    S'il y a bien un lieu dans lequel la mort peut survenir à tout moment, c'est bien au sein du Village Caché de la Brume. Depuis des années, afin de lutter contre le retard qu'eut prit le pays par rapport aux autres factions, les autorités de l'Eau se décidèrent à mettre au point une philosophie qui leur permettrait de rattraper l'avancement des autres factions. C'est notamment au travers de l'assassinat que ces derniers trouvèrent leur réponse et ainsi furent éduquées les jeunes pousses destinées à devenir les futurs shinobis de Kiri. A un style sanglant et sanguinaire, loin de toute valeur humaine.

    ▒ Chaque Shinobi doit être capable de mourir pour la Brume et pour ses habitants.

    ▒ Chaque Shinobi doit capable d'abandonner, de laisser mourir voire de tuer ses camarades si cela leur permet la réussite d'une mission primordiale.

    ▒ Chaque Shinobi ne dispose d'aucun sentiment personnel : ils doivent agir sous les ordres de la hiérarchie.

    ▒ L'entraînement de chaque shinobi doit être rigoureux et il doit toujours être au service de l'identité de la Brume.

    ▒ Chaque Shinobi doit servitude et obéissance à la hiérarchie, tout manquement sera vu comme insubordination.

    ▒ Chaque Shinobi doit tuer tous les adversaires qui se dresseront sur le chemin de Kiri.

    ▒ La Brume est l'alliée de Kiri, nul ne doit la remettre en question.
    Image Personnage

    YUKI ZENRYŌ Yuki Zenryо̄, autrefois jeune membre du clan dont tous reconnaissaient le potentiel, devint chef de clan à la mort de Yuki Saburô en l'an 75. Très proche de la Mizukage, il lui assure son soutien inconditionnel et celui de son clan.

    Image Personnage

    KAGUYA TAOSU Cheffe du clan Kaguya, Taosu est connue comme étant une guerrière redoutable et particulièrement avide de sang et de trippes. Supportant avec fidélité l'identité de ce clan depuis des décennies, elle est, malgré son apparence, extrêmement hostile, sournoise et meurtrière, si bien qu'elle est redoutée dans son clan entier. Elle éprouve une très forte rancœur envers Oboroge, la Mizukage, car sa simple présence a fait diminuer de manière importante son quota d'assassinats par jour.

    Image Personnage

    SEIDŌ IMIFUMEI Personnalité émérite parmi les sabreurs, tout le monde au sein de Kiri connait Imifumei. Combattant redoutable maîtrisant Sо̄kо̄jikan, le Sabre du Temps, l'ensemble de Kiri le voit comme un shinobi imbattable. Il est vénéré de tous, car tous le connaissent comme un homme héroïque, portant de grandes valeurs d'espoir, de courage et de persévérance auprès des plus faibles.

    Enjeu n°1 :

    SE RENSEIGNER À L'INTERNATIONAL

    20%

    Enjeu n°2 :

    LE MYSTÈRE D'ARASHI

    0%

    Enjeu n°3 :

    LES ORIGINES DE LA BRUME SANGLANTE

    30%

    Derniers RP

    La lutte contre le yokai originel, groupe 1 et groupe 2

    Une escouade menée par Kaguya Bankichi permis à la Brume de repérer la trace de Shinchū et, au terme d'un affrontement difficile, de l'éliminer en le prenant par surprise. L'ensemble de l'escouade fut frappée par une marque maudite mystérieuse lors de son ultime râle.

    Enjeu : les origines de la Brume Sanglante & La Brume du Seigneur

    TBA

    Évènement

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    Culture & religion

    → Soutien aux cultures 春・米農業のサポート – printemps
    → Grande marée 夏・大潮 – été
    → Parade de sang 秋・血液示威運動 – automne
    → Hymne à la Brume 冬・霧に賛美歌 – hiver

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  4. Image decoration
    kumogakure printemps 83
    Contexte de Kumo
    Parmi les lieux les plus malsains et insidieux du Yuusei, Kumo s'y érige en maître. Faussement uni, le village est peuplé de shinobis qui ne souhaitent qu'agir pour leurs intérêts propres ou pour ceux des personnes pour lesquelles elles travaillent. Etrangement, cela est parfaitement assumé par tout le monde et ainsi sont éduqués les shinobis. En plus de cet état d'esprit, rédigé par le Daimyo en personne, Kumo dispose d'un Code de Renseignements que tout le monde doit consciencieusement respecter sous peine d'être sanctionné par le dernier. Evidemment, la crainte de ce dernier incite et invite tout le monde à les appliquer sans broncher.

    ζ Chaque Shinobi doit être capable de mourir pour son Daimyo.

    ζ Chaque Shinobi ne peut discuter des ordres de la hiérarchie. Aussi, tout manquement aux ordres du Daimyo est passible d'une peine de mort.

    ζ Chaque Shinobi doit être capable d'accomplir toute mission, même si cela lui impose des sacrifices insurmontables.

    ζ Chaque Shinobi doit s'entraîner en vue de récupérer toujours plus d'informations, et afin d'être toujours plus discret.

    ζ Toute information récoltée doit revenir au Daimyo sans aucune exception.

    ζ Toute personne surprise en train de comploter contre le Daimyo sera soumise à la peine de mort.
    Image Personnage

    SHIRATSUCHI BAKU'EN Baku'en est, en plus d'être le chef du clan Shiratsuchi, l'homme qui les a relevé de leur condition de "parfaits petits soldats obéissants". Désireux de liberté et de justice, il est animé par une grande hostilité qu'il parvient à maintenir discrète pour restaurer l'honneur de son clan, qu'il estime bafoué depuis des décennies. Secrètement, il rêve de pouvoir mener une rébellion contre Koriki Tomio, au risque que cela mène à l'extermination des siens.

    Image Personnage

    ABURAME YOKOSHIMA Fourbe, manipulatrice et très protectrice vis-à-vis des siens, Yokoshima est la cheffe du clan Aburame. Soupçonnée – sans preuves concrètes – par plusieurs personnalités d'avoir son nez fourré dans toutes les affaires, elle est autant admirée que crainte. En plus d'être une des rares personnes du clan Aburame à maîtriser les Rinkaichû, des rumeurs courent selon lesquelles elle serait à même d'agir efficacement, n'importe quand et dans tous les recoins du village.

    Image Personnage

    INUZUKA GETSUMEN — DÉCÉDÉ Fier et orgueilleux, à l'image des siens, Getsumen était le chef du clan Inuzuka. Reconnu pour sa ténacité au combat et pour sa témérité, il faisait partie des personnalités les plus attendues au poste de Shodaime Raikage. Il ne cachait pas sa profonde hostilité envers les dirigeants de son village, ce qui étrangement ne lui est jamais retombé dessus.

    Enjeu n°1 :

    COLLABORER AVEC HOMURA ET KIRI

    50%

    Enjeu n°2 :

    ESPIONNER LES PUISSANCES DU MONDE

    50%

    Enjeu n°3 :

    DESSEIN DE CONTRE-ATTAQUE

    0%

    Enjeu n°4 :

    SUITE DE L'AMULETTE

    20%

    Derniers RP

    L'histoire se répète : tour du raikage

    À l'été 83, l'Alliance, menée par un Yamanaka inconnu, tenta de récupérer le Shodaime Raikage. Ils y parvinrent, mais ne purent le ramener en vie - Getsumen fut tué, alors inconscient, par un shinobi nommé Sumashâ.

    L'histoire se répète : domaine aburame

    Une attaque d'un Yokai dans le Domaine Aburame décima une partie du clan. Un kumojin et deux errants présents sur place, parvinrent à endiguer la menace et à en venir à bout, en le tuant avec une la dague d'annihilation des Aburame.

    L'histoire se répète : domaine shiratsuchi

    Un shinobi de l'Alliance maîtrisant un art shinobi inconnu s'apparentant à l'orage attaqua le Domaine Shiratsuchi pour tenter de capturer l'un des membres du clan.
    Celui-ci fut tué par un Shiratsuchi ayant libéré le pouvoir de la première pièce d'une arme mythique, retrouvée plus tôt dans l'année par les forces de Kumo. Sa libération généra une explosion titanesque qui ne laissa aucun survivant.
    À la mort de l'homme inconnu, le pouvoir de l'orage, le Ranton, réapparu à travers le monde.

    Évènement

    À l'hiver 82, l'élection du Shodaime Raikage fit rage. Nommé presque unanimement, Inuzuka Getsumen prit le pouvoir et profita de son ascension pour tenter de mener un coup d'état contre le Daimyo, Koriki Tomio.
    Lui reprochant une cruauté sans nom qui punit, asservit et torture les innocents, une grande guerre civile éclata et le peuple Kumojin fut déchiré par l'affrontement des deux forces, alors que le Seigneur lui-même était présent.

    Culture & religion

    → Grande collecte 春・大採取 – printemps
    → Célébration d'Antan 夏・昨年のお祝い – été
    → Cérémonie des chandelles 秋・キャンドルの式 – automne
    → Jeux d'hiver 冬・冬季ゲーム – hiver

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Le prix de l'offense est celui de l'insouciance – solo

Seijuu Shānyùe
Le prix de l'offense est celui de l'insouciance – solo EmptyJeu 1 Fév - 20:36

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Seijuu ShānyùeErrant 流離 de rang B

Message Sujet: Le prix de l'offense est celui de l'insouciance – solo

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Le prix de l'offense est celui de l'insouciance printemps 83, pays des montagnes – ft. solo


Durant les premiers jours, son âme avait erré dans le vent et la pluie, s'était attardée dans le creux des lits des rivières et avait lovée les plus hauts monts. Cette terre qu'il avait chérit et qui l'avait transi de crainte à l'idée d'y retourner l'avait accueillie, à nouveau, dans toute la familiarité des années qu'il avait passé à l'arpenter. Il n'avait plus posé un pied à Hashiba, ni entendu la musique bercée par le barde – ce droit ne lui revenait plus. La silhouette du paresseux, il l'avait trouvée quelques fois ; au loin, au détour d'un regard, d'abord fuyant, puis désolé. Alors il l'avait laissé, lui aussi ; et les montagnes l'avaient embrassé comme il n'avait laissé l'aurore réchauffer doucement son visage à leurs pics, où le printemps clément chassait les gelées des matinées hivernales.

Des nuages de fumée claire s'échappaient de ses lèvres lorsque ses membres le hissèrent sur un autre de ces plateaux, son regard happant l'horizon comme s'il lui appartenait de le contempler. Les premières lueurs du jour peinaient encore à percer la couche de nuages, mais la fraicheur qui s'échappait du vent roulait sur sa peau avec délice – elle révélait la sueur qui perlait sur squames comme sur épiderme, raffermissait ses chairs échauffées par l'effort. Les écailles la quittèrent bientôt pour la laisser embrasser pleinement la brise ; et bien assez tôt, elle lui apporta les senteurs d'un autre flanc de ce pays, bien plus âcres – presque cendrées.
Son nez se retroussa de déplaisir, ses sourcils se froncèrent ; et ses pas le menèrent aux bords de ce précipice qu'il venait de gravir, comme s'il pourrait trouver dans le reflet de son étendue les réponses à son intérêt.

Son attention s'échoua en contrebas, affinée par l'éveil de l'aurore : là, sur le reflet laiteux des nuages illuminés par l'astre, leurs formes s'assombrissaient de colonnes de fumées noire, élevées au gré du vent et de la nuit – celles qui ne pouvaient prendre naissance que dans des braises. Des campements.
Sa dextre s'ancra sur un relief rocheux, hissant davantage sa forme vers les hauteurs comme s'il pouvait, en s'élevant, discerner davantage ce qui se tramait au loin – le mont n'était pas loin du Goulet, encore moins de la frontière. Il aurait pu croire à des marchands si leur nombre n'était pas si conséquent ; à des voyageurs, s'ils n'étaient pas si finement agencés. Mais le brouillard de l'aurore l'empêchait d'entrevoir les détails assouvis par l'horizon, les feuillages aussi – sa vue elle-même était trop faible.

Un sentiment étrange étreignit son ventre, creusant ses viscères sous le joug d'une forme d'angoisse et d'incertitude qu'il ne parvint à nommer. Ses épaules s'étaient crispées, sa mâchoire nouée. Il ne sût pourquoi sa garde s'était redressée – pourquoi son corps paraissait prêt à fuir quand aucun danger ne l'assaillait. Lorsque son regard s'abaissa sur les cicatrices qui couvraient ses bras comme l'écume couvrait les mers, ses yeux trouvèrent le reflet de la bague dont le musicien lui avait fait cadeau, tissée autour de son cou par une fine cordelette. Sa dextre empoigna l'objet avec douceur, pincé entre ses doigts, élevant son poids de son cœur. Le temps était-il si long ?

Shānyùe ne tarda pas à détourner ses pas de cette vue comme du précipice, forçant les respirations lourdes qui animaient son corps à tamiser l'inconfort qui s'élevait dans ses veines. Son corps s'agenouilla devant une crevasse formée dans la terre, où s'était nichée l'eau des pluies printanières ; ses mains s'y plongèrent comme si le toucher de l'ondine lui avait manqué pendant des jours. Elle avait le don d'apaiser ses maux par son simple confort, froid, certes – mais lorsqu'il la glissait vers son visage, ses paumes déversées en coupe pour mieux accaparer sa forme, elle lui paraissait chasser ses démons, qu'importe sa pureté ou sa fraîcheur.

Après s'être enivré du spectacle que l'aurore répandait sur le monde, il rebroussa chemin. Ces fumées avaient laissées un goût amer sur sa langue, mais ces contrées lui étaient familières ; il pourrait s'en rapprocher sans peine, ou s'en extraire si l'instinct l'emportait sur la hardiesse.

***

Son corps resta immobile un long moment. Ses yeux, écrasés sur les silhouettes qui se dévoilaient devant lui, s'étaient fendus d'un mélange de rancœur et d'aigreur ; là, à des lieux du Goulet où Hengxiá avait poussé son dernier soupir dans un silence écrasant ; dans une indifférence étouffante. Ses poings s'étaient recroquevillés sur eux-mêmes, d'écailles allant et venant sur leurs formes comme si elles furent elles-mêmes soumises à cette angoisse qui chantait, doucement, au fond de son âme – reléguée à des profondeurs qui l'occulterait de sa conscience. Aussi avares de représailles qu'elles n'étaient craintives de subir à nouveau ce joug, elles semblaient à la fois l'encourager que le forcer à reculer, sa gorge étouffée par un ressentiment mêlé d'affliction.
Son attention s'attardait sur chacun de ces visages, aux balbutiements de la nuit qui dissimulait son ombre. Les lueurs des feux de camp dispersaient leurs braises dans l'air et réverbéraient leurs lueurs sur leurs faciès, sur leurs rires putrides et arides. Le son de leurs armes s'entrechoquant dans ses souvenirs était pareil à celui de leurs choppes, heurtées au nom de la santé et de l'avenir. Des soldats. Lorsque ses yeux discernèrent le symbole du Pays du Son scellé dans les plis de leurs vêtements et de leurs armures, il senti la tristesse s'éprendre de ses chairs comme un vertige. Elle remontait le long de son échine, picotait doucement son visage jusqu'à ce que ses yeux, clos au monde, ne tentent de la faire taire.

Et puis la colère l'engloutit.

Il y eut des cris. Des ordres proférés. Des gorges tranchées. Shānyùe était devenu sourd aux hurlements l'implorant, jusqu’à ce que le silence l’emporte sur ceux des morts.






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Seijuu Shānyùe
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Message Sujet: Re: Le prix de l'offense est celui de l'insouciance – solo

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Son attention s s'était échouée sur un morceau de papier, finement glissé entre les mailles de l'armure de l'un de ces hommes ; et d'un simple geste, sa dextre était venue le saisir, intrigué par sa provenance si près de son cœur. L'encre tâchait ses revers comme ne le faisait la cire, d'un sceau brisé par l'un de ses assauts dont une partie s'était détachée dans les plis de ses vêtements – mais elle paraissait avoir été ouverte bien avant qu'il ne se jette sur leurs âmes endormies par l'alcool et les nymphes. Il en déplia sa forme, une grimace maugréant son inconfort sur ses lèvres tandis qu'il prenait place sur l'un des monticules que la terre avait élevé pour eux, sa senestre pressée contre le flanc qu'ils avaient réussi à cisailler. Le sang venait trouver sa joue, fendue par le passage d'une flèche sur ses courbes ; de ces deux blessures, aucune ne tiraillèrent son inquiétude – le contenu de cette missive, lui, eu toutefois l'honneur de voir ses sourcils se froncer à sa lecture.

La guerre qui opposait le Son au Fer ne lui était pas étrangère. Elle sévissait sur ces terres-là depuis des années, avait été le berceau qui les avaient poussés à se retrancher près d'une autre frontière – celle des monts. Celle qui avait pris naissance au sein même d'Oto, elle, était bien différente ; les lignes encrées relataient la présence d'une faction dissidente désirant s'élever contre leur seigneur, tandis que ces âmes n'étaient celles que de mercenaires et bandits que ce pays n'avait que trop abrité. Ainsi ne pouvaient-ils s'empêcher de se retourner contre eux-mêmes, d'éventrer le ventre qui les nourrissait et de se mordre la queue dans ce capharnaüm où ni victoire ni défaite ne se dévoilaient. De guerres intestines à dégâts collatéraux, chaque ombre de son regard trouvait le faciès acerbe d'un enfant du Son – et un râle, entendu au loin, lui rappela leurs présences ; celle qu'il n'avait pas éteinte malgré l'effort.

Le morceau de papier s'effondra au sol, froissé entre ses doigts crispés. Ses pieds pressèrent le sol humide sous chacune de leurs avancées tandis que sa dextre s'élevait jusqu'à sa joue pour chasser l'hémoglobine qui avait laissé sa marque, séchée par le temps et l'inaction.
Lorsqu'il fut arrivé à son niveau, ses yeux crépusculaires s'ancrèrent sur cette forme luttant pour un simple souffle, leurs iris s'affinant petit à petit au rythme de ses pas. Ils l'avisèrent avec toute subtilité de sa nature lorsque des hoquets traversèrent les lèvres du soldat affranchi, l'air allant et venant pour mourir sur sa propre lame qu'il avait retourné contre son torse. Le sang s'épanchait aux coins de ses lèvres à chaque inspiration, roulant jusqu'à sa mâchoire et au creux de sa gorge pour mieux la conquérir et l'étouffer ; et là, face au constat de cette vie épargnée par le destin, Shānyùe s'approcha davantage.

Sa main cerna le manche de l'arme qui pourfendait son corps tandis que son visage s'élevait au-dessus du sien, anonyme, baignant dans la boue. L'immobilisme se mêla à la crainte qui irradiait ces pupilles, dont il ne suffit que de quelques mots pour troquer la guerre pour la prière.

« Vous pouvez... prendre... ce que vous voulez... mais– », l'agonie répudia ses mots, étouffées par une gorgée d'hémoglobine. « Laissez-moi la vie... »


Une demande des plus surprenantes. Son faciès se rapprocha, sa rétorque soufflée dans un murmure sur l'arète de son nez :

« Dis-moi ce que tu sais des factions dissidentes. »


Un regard interloqué, succédé par un autre apeuré. Il vit ses yeux se fermer un instant et le second, oser une attention vers l'horizon ; mais quelque fuite qu'il eut espérée, sa voix trouva bien vite le chemin de sa réponse. Peu d'autres choix se présentaient à lui – et dusse sa survie avoir le goût de trahison, il l'avalerait avec pleine déraison.

« Nous n'étions... que des mercenaires. », l'homme avala une goulée de sang, avant d'ajouter ; « Et la paie de la reine était bonne. Pitié, ne me tuez p–
Pourquoi tant d'hommes étaient postés à la frontière de Sanchu ?
Les cargaisons ! », sa réponse avait tout de la hardiesse et de la hâte de le satisfaire. « Des avant-postes... il y en a tout le long de la frontière. Les vivres– », il lui fallut reprendre son souffre, entrecoupé par des grognements douloureux.


Shānyùe l'encouragea d'un signe du menton, sa poigne resserrée contre la lame lui arrachant un nouveau hoquet.

« Des ?
Oui ! L'une est affamée... l'autre, nourrie. », ses respirations se firent plus erratiques. « Avec le Pays des Montagnes à côté, il n'y avait plus qu'à se servir– »


Sa main plongea dans son torse, désossée par les écailles et les griffes qui avaient remplacé ses ongles. Elles percèrent le cœur qui s'y trouvaient en l'extirpant de ces chairs, ses iris tremblantes sous son ire. Il n'y avait plus qu'à se servir. Comme s'ils n'étaient pour eux qu'un condensé de ressources, qu'une terre bonne à piller et à assouvir ; prendre, prendre et saisir jusqu'à ce que l'avare adoucisse sa soif et ses besoins. Le simple contact poisseux laissé par ses viscères le révulsait.

L'organe vola dans l'air, jeté comme un haillon là où il disparaîtrait de sa vue. Ses pas le menèrent près des caissons entassés dans leurs tentes, faisant sauter chaque clou qui les retenaient clos les uns après les autres – et face à ces vivres et ces armes, il ne put s'empêcher de se rappeler les mots de cet impudent ; de ces campements agglutinés sur la frontière comme des mouches sur du miel. Sa mâchoire se serra, conquise par l'amertume – mais lorsqu'il rejoignit le centre du camp pour empoigner l'une de ces buches irradiées par les flammes pour mettre feu à chacune d'entre elle, il lui sembla que le toute amère qu'elle fût, elle eut davantage le goût d'assouvissement et de complaisance.

Son regard longea les nuages assombris par les lueurs de la nuit, là où le monde ne dessinait pas encore les formes de l'horizon. Les étoiles guideraient sa route jusqu'au Nord, illuminé par leurs lueurs dans le berceau du soir – avec elle, la promesse de trouver d'autres de ces bandits.






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Seijuu Shānyùe
Le prix de l'offense est celui de l'insouciance – solo EmptyMar 6 Fév - 19:23

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Message Sujet: Re: Le prix de l'offense est celui de l'insouciance – solo

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Bien des semaines s'étaient écoulées depuis la dernière fois où il avait pu contempler la chute du soleil sur les plaines d'Hashiba. L'air frais du matin roulait sur sa peau nue avec le délice de l'éveil ; ses chairs en frissonnaient, par endroits, lorsque la brise se faisait plus présente que la chaleur du nouvel astre. Ses iris osèrent s'attarder sur les courbes de l'horizon, où perlait les coulées d'or de l'aurore. Assis comme il l'était sur la terre, les genoux redressés pour y reposer ses bras éreintés, elles venaient trouver leur miroir dans son regard, tout juste baigné dans les nuages volatiles que ses respirations relâchaient dans l'azur.

Sa mâchoire se referma sur les flancs rougis d'un fruit, logé au creux de sa paume. Son goût sucré trouva sa langue, succédé par un soupir trahissant ses lèvres tandis qu'il se redressait, l'air dénué d'intention. Ses pas enjambèrent les quelques cadavres qui le séparaient du cœur d'un autre campement, avant de jeter le tronçon de cette pomme dans les braises chatoyantes du feu de la veille. Sa senestre s'éleva sur les bandages de fortune noués autour de son bras, effilant l'un d'entre eux pour en libérer la plaie – cicatrisée d'onguent et de temps. Cela ferait l'affaire.
L'odeur putride qui s'élevait de cette esplanade couverte de charognes avait un tant soit peu le luxe d'être purifiée par les flammes qui s'animaient de jour comme de nuit. Il n'avait pas compté les campements qu'il avait attaqué depuis ce jour-là, encore moins les âmes qui les habitaient autrefois, envoyée vers un tout autre lieu de repos. Cela faisait des jours qu'il demeurait au sein de celui-ci, avec pour seule compagnie celle des éléments et des oiseaux venus se repaître de leurs restes. Les armes, il les avait destinées à la rouille et à un futur émoussé, jetées dans le berceau d'une rivière profonde ou dans des crevasses formées par la roche ; certaines, enterrées à l'ombre des arbres, loin des bivouacs où l’on les avait acheminées. Les denrées, il s'en était nourri avant de les nouer dans leurs baluchons solides, dévalant la pente de la montagne vers des hameaux de Sanchu plus fertiles, et plus nécessiteux.

Ce rituel avait habité chacune de ses journées au cours des dernières semaines. Si elles n'étaient pas dédiées à l'errance et au voyage qui l'amènerait sur le chemin de ces avant-postes, elles étaient confiées à leur déchéance. Shānyùe se levait, renversait les camps sur son chemin, se reposait dans ceux qu'il avait assiégé la veille ; et s'endormait dans les bras fatigués de Morphée pour mieux recommencer ce cycle infernal. Il ignorait la raison même de ses actes, désormais. Un moyen de s'occuper, pas assez pour éprouver le délice du prix du sang ; mais suffisant pour ôter la raison de son exil volontaire de ses pensées. Automate, sentinelle et nomade – ils habitaient tous son corps, dont le futur lui semblait aussi terni qu'au lendemain fracassant de son deuil.

Son ombre s'accroupit pour empoigner l'une des bûches irradiées par les flammes aux reliefs d'ocre et de pourpre. Sa musique lui manquait. Il aurait voulu l'écouter encore, l'entendre percer le silence assourdissant de ces terres où les monts se faisaient plus rares, au pied d'une toute autre contrée. La solitude ne l'avait jamais dérangé, au cours de ces dernières années – mais après avoir goûté à sa compagnie, elle alourdissait ses épaules du poids du manque et sa poitrine de l'insuffisance laissée par son absence.

Les toiles des tentes s'enflammèrent dans les secondes qui suivirent le contact du bois et des braises, lancé lâchement sur leurs courbes. Son regard contempla les langues de feu sillonner sur leurs angles, jusqu'aux corps et aux caissons minutieusement placés pour dessiner un chemin qui emporterait ses traces comme leur existence ; et une fois que ses yeux eurent contemplé ce dont il souhaitait s'assurer, ses chevilles firent demi-tour pour parcourir le sentier du nord – recommencer ce cycle, encore et encore.

***

Au cœur d'un nouvel avant-poste, la silhouette de Shānyùe demeurait droite, immobile – ses mains entachées du sang d'un soldat qu'il venait d'absoudre. Ses viscères glissèrent, doucement, de ses griffes – mais son regard était dirigé ailleurs. Il entendit les cris qui l'entourait, les appels convoquant l'assaut et l'imprudence. Il devait réagir, il le savait – il avait encore du temps, le camp attaqué par le flanc. Les hurlements se firent plus lointains, le tintement des armes aussi. Ignorant quoi faire de lui ou simple conflit de stratégie, il pouvait choisir ; peut-être le prenaient-ils pour un yokai et préféraient la fuite ou l'épaissement de leurs défenses. Sa queue de reptile dansa dans son dos, un goût amer gagnant sa gorge. Ces armes-là, il les connaissait. Couvertes de squames sur le long de leurs lames, ou sur le cuir formant plastrons et armures. Il les connaissait. Il les avait déjà vu. Elles...

Elles ressemblaient à celles que ces hommes avaient forgées en braconnant sa chair, il y a des années.

Ses écailles quittèrent sa chair en un battement de cil. Dirigées par la peur, son animalité s'était dissoute ; aucune ne perçait sa chair, de crainte d'en être défrichées et arrachées à nouveau. Shānyùe était perdu – errant, entre les lignes du temps.

Une flèche fusa sur le flanc de son visage – elle happa avec elle son esprit des tréfonds instables où il s'était logé. Son regard s'ancra à son arrière, irradié par une colère factice – celle qui frappait avant de l'être, celle qui dissimulait la peur sans être téméraire. Celle instinctive, craintive, maladroite. Sa dextre écrasa la trachée de l'archer, dont l'échine heurta les caissons de marchandise. Son arc fut broyé, son crâne heurté contre l'un de leurs coins pour le neutraliser. Le sang perla aux coins de sa tempe : là, les poings serrés du reptile se nouèrent autour des vêtements qui cernaient sa gorge, obligeant ce soldat inconnu à concentrer son attention ôtée de toute limpidité sur ses paroles.  

« Les armes. Les armures. D'où viennent-elles ?, il dû desserrer son emprise – les mots se substituaient à des hoquets étouffés.
Les–, son regard se posa sur le corps du fantassin qu'il venait tout juste de tuer. Ses yeux suffisaient à traduire toute son incompréhension. Le corps de l'archer heurta de nouveau les malles, comme pour le rappeler à la réalité.
RÉPOND !
J'en sais rien ! », hurla-t-il pour sauver sa vie.


Shānyùe senti son être se dissocier, l'écho de ses paroles s'épaissir dans ses pensées. Il ne connaissait ce voile que trop bien – mais pour la première fois depuis des années, il occultait le monde jusqu'à l'engloutir. Son échine se résorbait sous les tremblements incontrôlés que le passé faisait ressurgir à sa conscience, à des instants auxquels il ne souhaitait jamais retourner. Son corps semblait se révolter contre lui-même, contre sa chair pour s'en extirper, pour fuir ces lieux aussi loin que possible. Chaque parcelle de sa peau lui hurlait de courir et de frapper pour ne pas être blessé le premier tout à la fois – tétanisé entre deux urgences que son esprit ne pouvait concevoir.

Son regard s'était figé, immobilisé par un temps révolu qui ne devait se répéter.

« Ça fait des années qu'elles sont là ! D'autres soldats les ont trouvés près du Goulet quand ils se sont rendu compte qu'elles n'étaient plus acheminées. L'escouade avait été massacrée ! C'était il y a longtemps, j'étais pas l– »


La voix s'était tue. Ses mains avaient broyé son crâne sans même réaliser son geste, tremblantes sous le joug d'un fantôme qu'il pensait avoir chassé ; qu'il croyait avoir surmonté.

Le corps s'effondra au sol, glissant de son emprise lorsque ses pas le firent reculer, à peine – ses bras retombant doucement, tétanisés. Deux yeux crépusculaires s'écrasèrent sur leurs alentours, dénués de toute animalité, chassée et apeurée. Les lueurs des flammes s'entremêlaient aux tentes, l'ombre des arbres devint changeante, difforme – elles n’avaient plus de sens, encore moins celui de la réalité. Le voile était revenu sur son regard, rendu hagard par des souvenirs qu'il voulait chasser. Sa dextre s'ancra sur son avant-bras, où couraient des centaines de cicatrices – elle arracha les vêtements qui le recouvrait comme s'ils le brûlaient, empoignant les chairs qui s'y dissimulaient à les en pourfendre.
Dans cette folie où l'on l'avait ramené, il lui sembla que chacune de ces marques prenait feu et irradiait son être d'une douleur que l'on avait commis l'erreur de réveiller. Elle ne cessait pas ; son fantôme la hantait, remplaçait le présent par le passé jusqu'à l'assourdir à toute autre sensation si ce n'est celle de cette torture.

Des sons étouffés lui parvinrent en vague – d'abord incompréhensibles, entremêlés dans un capharnaüm assourdissant. ...tué... la quart de nos hommes... blessés..., ...ment ?, ...orps.. Il se souvenait de ces mots. De ces paroles. Elles étaient celles qui avaient couvert son éveil, enchaîné par des soldats du Son. Ses mains s'effondrèrent sur ses oreilles avec une force qu'il ne se reconnu pas, les yeux clos comme s’il voulut s'énucléer, rompre ses tympans pour ne plus les entendre. Ne vous laissez pas avoir par leurs apparences. Ces démons ne sont que des bêtes sauvages. La douleur irradiait son être, serpentait le long de son échine ; devenu aveugle à toute chose, son poids s’écroula sur le sol, incapable de lui imposer son équilibre. Il senti une lame s'enfoncer dans son dos, incapable de savoir si elle fut réelle ou chimère. Son corps se révulsa malgré lui, chassant l'air ou une âme – il ne sut le dire. Il ne sut si le sang qu'il voyait fuser derrière ses paupières fut le sien ou celui d'un autre ; et baigné dans la folie, sa voix s'avorta dans sa gorge tandis qu'un cou se brisait entre ses doigts sans qu'il ne sente son contact.

Et comme toute bête dont on tanne le cuir, ses écailles seront les plus beaux ornements pour affuter et durcir nos armes contre le Fer.
Le reflet pur de la terreur se joua dans ses yeux, où l'ombre timide de son animalité affinait doucement ses pupilles ; grondant comme la colère qui s'élevait dans son cœur.

« Non... NON ! NON ! »


Des mains saisirent son corps – et ce fut comme si ce simple fait avait révolté son être. Il refusait d'être à nouveau à leur merci. S'il existait une chose pour laquelle il implorerait le destin, ce serait ceci. Alors son ombre s'était mise à danser, à asséner autant de frappes et de coups qu'il n'était en mesure de le faire. De sévir, quand bien même ses muscles lui hurlaient de s'arrêter, de s'obstiner à les déchirer jusqu'à ce qu'il ne reste autour de lui qu'un banquet de charognes.
Sa respiration était devenue erratique, sifflante – jusqu'à ce que le goût du fer n'emplisse sa bouche à en vomir, jusqu'à ce que la nausée ne l'éprenne au simple souvenir de ce qu'il dû endurer à leurs mains. Son corps chancela sur le côté – il manquait d'air. Il devait respirer, trouver le moyen d'acheminer ne serait-ce qu'un fragment de brise à ses poumons étouffés ; mais lorsque sa main se posa sans le voir sur l'un de ces caissons où reposait les armures, que le contact de ses propres écailles ne s'implante à même sa peau, son estomac se retourna. Il ne put empêcher le dégoût de traverser ses lèvres, sa dextre soutenant son buste pour s'empêcher de s'enliser. Shānyùe hoquetait de sa propre douleur, incapable d'empêcher ces frissons d'aigreurs de remonter le long de son dos ou de saisir son crâne de vertiges. Il pouvait sentir sa vue se troubler, ses cils s'humidifier. Sa forme accablée se redressa à peine, son regard allant et venant sur ses alentours comme une bête cherchant un endroit pour mourir – à quelques pas de là, il s'effondra, sa main couvrant les cicatrices de ses bras comme pour les protéger d'un autre outil qui viendrait les ouvrir.

Et puis il le senti. Ce métal froid contre son cœur. Celui vers lequel sa senestre s’élevait, tremblante, comme craignant que ce nouveau mirage ne le blesse à son tour. Dans cet enfer qu’il lui semblait revivre, quelque chose eu du sens. Cette forme ronde, cette sensation de gel qu’avait épousé l’or. Quelque chose qui le maintenait dans ce monde ; qui, dans cette folie furieuse, dans ce déluge de pensées incessantes et écrasantes, incarnait un ancrage immobile, un lieu où sa conscience pourrait reposer et s'accrocher pour ne pas sombrer. Une bague, pendant à son cou. Celle du musicien.

Il se souvint du jour où elle lui fut offerte, accélérant le temps vers un passé bien plus récent – et bien plus doux. Il se souvint de la chaleur de cette main qui s'était glissée entre ses brins lorsqu'il le revit, du regard d'azur où il pourrait se perdre par pur plaisir de le faire. De son contact qui avait frôlé ses lèvres enfiévrées, de son être tout entier pendu à chacun de ses mots. Et sa respiration parut s'apaiser – ne serait-ce qu'un peu. Ses yeux s'ouvrirent à nouveau, parés d'une vue encore si floue qu'il ne discernait ni l'horizon ni ses propres membres ; mais là, à relever son visage vers la voûte du ciel nocturne, priant pour qu'il soit celui de ce jour-là où la tendresse avait ancré ses lettres d'or sur sa peau, il lui semblait chasser la terreur avec une si douce lenteur. Des bouffées d'air emplirent enfin ses poumons ; leurs formes éthérées, de souffles blanchis par le froid de la nuit, ne pouvaient être plus réelles. Son crâne se pressa contre le caisson auquel il était adossé. Ses genoux se rapprochaient doucement de son torse où il dissimulait ses bras, pressés contre l'orfèvre forgée d'un métal précieux. Et le monde s'arrêta de tourner.

Une respiration fut plus lourde que les autres ; elle actait son retour sur les berges du monde, ses doigts tétanisés autour de la bague comme pour l'empêcher de s'échapper – pour en dessiner les reliefs indélébiles dans sa paume. Il senti, pour la première fois, les battements de son cœur. Les sons de la nature lui revinrent, son silence aussi. Son esprit demeurait dissocié ; et dans les chimères que son esprit fomentait pour l'aider à survivre, il lui sembla qu'une ombre vint se glisser à ses côtés, alors que ses paupières papillonnaient de fatigue. Elle se blottissait contre la sienne, fantôme d'un mort condamné à l'errance – lorsque son visage bougea sur le côté pour reposer contre elle, il crut sentir la douceur de ces brins blonds qu'il avait tant de fois ébouriffé.

Il savait que sa voix ne tarderait pas à lui parvenir. Elle le faisait toujours, lorsque sa psyché se brisait ainsi. Tu m'as fait peur, tu sais.
Alors lorsqu'elle le fit, dans un murmure qui avait tout du mirage, il se laissa aller à cette indolence aussi futile qu'elle n'était illusoire – mais pour un soir, rien qu'un soir, il voulait croire que tout ceci n'était jamais arrivé, et embrassa le sommeil en cernant cette bague comme seule relique de ce qui aurait pu être.






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Seijuu Shānyùe
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Il y a de la fumée, là-bas.
Le regard de Shānyùe s'éleva vers les ombres de l'horizon que le brouillard de l'aurore n'avait pas encore tout à fait occulté. Une poignée ôtée au temps s'était écoulée depuis son dernier assaut ; jours ou semaines, il ne saurait le dire – mais il lui semblait que la méfiance des hommes s'enorgueillît de prudence avec les heures du jour se succédant au rythme de la terre. Certains campements n'abritaient plus d'armement, d'autres trouvaient leurs nourritures loin des emplacements qui leur étaient d'ordinaire confiés. Il ne sut à quel dieu ils devaient cet éclat de sagesse, qui avait le don de l'agacer comme d'entraver son chemin – la rumeur des assauts avait tôt fait de traverser la frontière bien plus vite que ses pas ne le lui permettaient, accélérée par le vent de panique et de la promesse que ces attaques répétées.
Un soupir trahit ses lèvres. Son esprit força son corps à poursuivre sa route, écrasant roches et branchages sous ses pieds, cisaillant parfois sa peau sur les flancs escarpés d’une hutte qu'il aurait pu contourner. Là où sa chair trouvait le sommeil, il lui semblait parfois entendre les murmures de marchands allant et venant près des routes, éclairés par une simple lampe dont la flamme huilée saurait les guider à bon port. Des attaques de yokai, disait-on ; que ces derniers se faisaient bien plus présents ces derniers temps, attirés par les chaleurs grandissantes du printemps. Les flammes qui avaient dévoré les baraquements qu'il avait quitté n'avaient laissées aucune trace, si ce n'est les soupirs d'un être mêlé d'humanité et de squames que la plupart rapprochaient de ces démons sans en connaître la véritable nature – l'insouciance et l'ignorance étaient de si bons présages.

Il ne réalisa qu'après un long moment le silence qui avait épris ses pensées. Le calme était revenu, la panique absoute. Ses pas se stoppèrent, petit à petit ; comme refoulant la terre sans désir de le faire. Un souffle lui échappa, les yeux clos pas la peine. Son attention se redressa sur l'endroit où se trouvait autrefois sa forme illusoire, l'air empreint de regrets. Il tenta de l'appeler, cet être que sa psyché tentait tant de ramener à la vie ; mais en vain. Sa voix ne trouva nulle âme vivante autour de lui – elles n'existaient pas, subjuguées par les fantômes. Le vent emporta son existence – et Shānyùe poursuivit sa route, dans les reliefs d'ambre que les flammes dispersaient sur les cordages.

***

Sa silhouette s'avança au cœur de l'un de ces bivouacs, avec une lenteur qui ne pouvait que trahir son attention. Son regard s'écrasait sur ses alentours, vides de toute âme humaine si ce n'était la poignée qu'il venait de pourfendre. Cinq, tout au plus – que l’on considérait à même de pouvoir défendre ces lieux, dans un tour de garde savamment organisé. Mais il y avait ici bien plus de couchages que pour ce petit nombre d'hommes ; bien plus d'installations qui suggéraient que leurs comparses se trouvaient ailleurs. Ils n'avaient pas fui, ne s'étaient pas envolés en laissant derrière eux la fumée douce de leurs nourriture ou éclaboussé le sol et les arbres du goût âpre de leur alcool. Il y avait dans leur absence une forme de méthode, d'anticipation. Ses semaines passées dans l'errance lui avaient apprises à occulter sa présence, à écouter les bruissements de la nature pour s'y mêler et les épouser ; à s'absoudre face à ces immensités pour empêcher de tels départs précipités. Les premières fois, il avait échoué – aujourd'hui, sa maîtrise se mêlait doucement à l'habitude. Il n'avait pas pu les alerter. La raison était tout autre.
Les marchandises et les armes, il ne les voyait nulle part : comme le précédent, qui les avait déplacées à quelques mètres de là. Alors il se mit à chercher, à encercler cette esplanade comme s'il en dessinait les contours d'une carte dans son esprit.

Il attendit. Longtemps, pensant que de nouveaux viendraient prendre leur relève. Aucun d'entre eux ne le fit.
Mais la nuit eut pour lui une offrande : dans son couvert de noirceur perlaient d'innombrables lueurs, élevées par des feux et lanternes que l’on dressait le soir pour ramener le jour et éloigner les démons – un village, non loin d'ici. Alors sa dextre chassa le sang qui la rendait poisseuse, ses pas trouvèrent un nouveau chemin – aux vautours et aux charognards, il laisserait avec plaisir la pourriture de leurs chairs.

***

Les abords du bourg affinèrent les orbes de lumière : elles devinrent torches et flammèches, dont les éclats se réverbéraient langoureusement sur les murs des bâtisses. Il entendit le craquement des armures, l'écho des voix des soldats qui avaient trouvé refuge dans ce hameau sans échange ou dot pour leurs habitants. Quelques-uns montaient la garde, d'autres se laissaient aller à l'indolence de plaisirs de chair ou d'ivresse.
Son corps se glissa contre l'un des murs, longeant les abords d'une maisonnée dont l'ombre lui conférerait sa grâce sans le révéler ; et là, dans un instant où il crut que la nuit avait emporté les âmes qui s'y trouvaient vers le sommeil, le destin se décida à lui donner tort. Son pied heurta l'une des nombreuses branches liées en fagots au pied de l'édifice. Un craquement retentit, puis un autre – et il n'eut que le temps de plaquer sa chair contre les lames de bois de l'angle avant qu'un visage ne darde l'extérieur à travers la fenêtre qui siégeait sur son flanc – interloqué, à raison, par de tels sons.

Les iris de Shānyùe s'affinèrent, comme s'ils se préparaient à frapper – à s'élancer vers cette occasion, saisir son col et l'extirper de l'ouverture pour mieux le tuer. Mais le temps en décida autrement ; des longues secondes s'écoulèrent, l'incertitude planant dans l'air, avant qu'une voix ne brise le silence de l'intérieur, parée de tous les atours de la torpeur.

« Qu'est-ce que tu fais ? »


L'homme revint sur ses pas, son visage happé hors des lueurs des torches. Shānyùe s'approcha comme pour le suivre, veillant à chacun de ses gestes – jusqu'à ce que ses brins crépusculaires n'affriolent le bois de la fenêtre, un regard glissé, en coin, vers ces silhouettes.

« J'ai cru entendre un bruit. Je t'ai réveillée ?, murmura-t-il, en glissant sa paume contre la joue de la femme.
Tu pensais à l'un de ces yokai ?, elle le vit hocher la tête.
Avec ce qui se passe ces derniers temps, il vaut mieux être prudent. »


Shānyùe l'entendit marcher, allant là où son attention ne pourrait le trouver. Les gazouillements d'un bambin le stoppèrent dans son geste, les sourcils froncés.
Lorsque l'homme revint en nouant un nouveau-né dans ses bras, enroulé dans un linge, ses pupilles s'arrondirent d'abnégation.

« Tu vas repartir, n'est-ce pas ?
Notre escouade a été appelée plus au Nord.
Quand ?, demanda-t-elle en s'approchant de lui et de leur enfant, son pouce caressant sa joue rebondie.
Demain. »


Elle eut un regard étrange, perlé d'inquiétude, tandis que celui de l'homme était porté par le devoir et le regret. Il les serra tous deux entre ses bras, son visage logé dans le creux de leur cou.

« Viens te coucher. »


***

Lorsque l'aurore répandit son œuvre sur ce hameau, la nouvelle de la mort des gardes au campement arriva auprès des habitants. Shānyùe vit l'homme sortir de sa bâtisse à demi vêtu, depuis les hauteurs des arbres et des monts. Il contempla le soldat qui lui apprit le sort de ses comparses, l'air coupable qui siégea sur les traits du père, pensant que les sons qu'il avait perçu la veille étaient ceux de leur meurtrier. Que s'il avait troqué le sommeil contre son instinct, leurs vies seraient encore sauves. Il se trompait, lourdement – mais il ne lui donnerait pas le luxe de le corriger.

Au cours des nuits suivantes, de nombreuses attaques survinrent dans ce village. Incapable de le saisir par sa simple puissance, Shānyùe s'était montré créatif. Eux qui le comparaient si souvent aux yokais qui hantaient ces terres, il était allé les chercher avec l'assurance de l'offrande de ces âmes humaines – que leur appétit n'avait pu résister. Animé d'une âme double ou jumelle, il ignora la raison pour laquelle ces démons ne s'attaquèrent pas à lui ; peut-être était-ce ce regard qui leur promis un si savant banquet, cet air qui leur susurraient la même envie dévorante de les voir périr ou la lueur d'un croc de dragon, obtenu de sueur et de déraison, qui leur murmurait qu'ils partageaient leur essence et leur être.
Les denrées furent pillées, les armes brisées sur leurs flancs illusoires. Les soldats les plus téméraires troquèrent leur vie contre un glaive et s'écroulèrent comme les pantins désarticulés d'un marionnettiste inaccompli. Avec ce simple geste, il avait donné raison à la rumeur, occulté sa véritable présence – car son corps couvert de meurtrissures et de douleurs n'aurait jamais pu s'en prendre à tant d'âmes à la fois.

Parmi les cadavres, il ne trouva aucune trace de ce couple, encore moins de leur rejeton. Le lendemain les avait emportés vers le nord, le long de la frontière.
Par chance, c'était là qu'il se rendait, lui aussi.






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Ses jambes s'enfoncèrent dans le lit de la rivière, accueillant l'eau comme une douce amie sur les revers de la lune. Ses mains plongèrent dans son corps aqueux, élevant leur coupe de chair vers ses lèvres pour faire taire la soif et la douleur qui irradiait ses tempes. Elle était fraîche, peut-être trop : un frisson naquit sur son échine, remonta le long de ses os – mais cela faisait bien trop longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion de se délecter du simple plaisir d'abreuver son être. Son corps était sec, rêche ; il pouvait le sentir, ce goût pâteux qui gagnait sa gorge chaque fois qu'il tentait de déglutir ou de se nourrir. Le bruit du torrent ne l'avait pas trompé.

Son visage entier s'immergea dans le ruisseau, de nombreuses gouttes perlant de ses traits ou de ses brins salis par la boue, la poussière ou les effusions de sang. L'eau se colorait de carmin, petit à petit, lorsqu'il chassa de ses bras l'hémoglobine qui y avait trouvé refuge. Quelques morceaux demeuraient dans son corps poisseux – eux aussi, furent chassés pour s'écouler le long de la rivière, là où la clarté de l'eau remplaçait leur couleur carmin. Ses ongles raclèrent son crâne, s'immergeant petit à petit dans ce fleuve où aucun bruit du monde ne lui parvenait ; un moment de paix, aussi simple et futile soit-il. Ils étaient rares, si rares.

Alors il demeura longuement, ici, à laver son corps de ses péchés aussi physiques qu'ils n'étaient illusoires. Les lueurs d'un autre campement fendaient le manteau de la nuit, au loin – il n'aurait aucun mal à faire sécher ses vêtements, une fois qu'il aurait ravi leurs voix et leurs âmes.

***

Le regard de Shānyùe se fit le miroir des flammes qui dansaient devant lui, réverbérant leurs lueurs là où son ombre s'étirait délicieusement loin de leurs cendres. Après des semaines de recherches, des semaines à les traquer, à affiner ses dons pour se défaire de leurs vues, il était parvenu à les retrouver. Ces armes. Celles qui avaient été forgées à même sa chair, qui avaient été parées de toute la douleur que l'on lui avait infligée pour les acérer. Dans sa main trônait celle qu'il n'avait pas encore détruite – dernière d'entre toutes. Une lance, simple d'apparence, dont la pointe d'acier avait été recouverte d'écailles pour la rendre plus difficile à retirer des chairs vers laquelle l'on la tournait – pour les détruire plus encore en essayant de le faire, écharper chaque vaisseau et viscère. Sa dextre fit jouer l'arme entre ses doigts, la faisant rouler sur tous ses flancs pour en observer le savoir-faire. Elle n'était pas spécialement belle, encore moins finement agencée ; mais elle avait le luxe de répondre aux besoins pour laquelle l'on l'avait créé. Il pouvait discerner, à la lumière de ces feux, les tâches carmin qui parcourraient son bois. Profondes, elles l'étaient. Trop abreuvé, il finirait par pourrir.
Le manche ne crissa même pas lorsqu'il le brisa, son centre ramolli par l'humidité qu'il avait accumulé. Sans un dernier regard pour cette apostasie, il la jeta au cœur des flammes, avide de s'en repaître à leur tour. Elle ne leur ferait pas un festin – l'aigreur n'avait pas bon goût, ni pour les hommes, ni pour les flambeaux. Quelque chose s'allégea, toutefois, au creux de sa poitrine – de les savoir toutes ôtées de leurs mains, détruites. Inexistantes, sans aucun écho pour les ramener à sa conscience, il pourrait en effacer leur existence de sa mémoire comme celles de soldats ne le seraient bientôt de l'histoire. Tout était une question de patience ; pour eux, il se ferait le plus assidu des hommes.

D'un air distrait, perdu dans les rougeurs du bûcher, ses doigts vinrent caresser le bracelet qu’il avait ôté du corps de son enfant il y a des années, noué à son poignet et désormais scellé autour du sien comme l’acier condamnant un prisonnier. Son pouce dessinait les reliefs des écailles qui le paraient de leur beauté, identiques à celles qui couvraient les armes qu’il avait assujetti aux braises – et pourtant destinées à un tout autre futur. Elles lui rappelaient le jour où il lui en avait fait cadeau, peu de temps avant que les nouvelles de la mort de sa mère ne leur parviennent. Elles lui rappelaient l’air qui avait peint son visage face à cette offrande, la chaleur qui avait entouré sa forme quelques instants plus tard ; la fierté qui l’avait étreint les jours, mois et années suivantes lorsqu’il l’arborait avec tant de gloire. Elles lui rappelaient la promesse qu’il lui avait faite, à son tour – de lui en confier un égal à celui-ci, que ses plumes égayeraient une fois qu’il parviendrait à maitriser pleinement sa nature sans qu’il n’en ait jamais l’occasion.

Elles lui rappelaient tous les corps qu’il avait amoncelé en échange du sien. Des dizaines, des centaines depuis ce jour – il n'en avait pas gardé le compte, ni ne le pouvait. Ses moments d'égarement, où sa psyché s'effondrait étaient les instants où il tuait le plus. Il ignorait combien de victimes il avait absous de sa main, combien d'entre elles entachaient ses mains de leur sang. Au fond de lui, il ne voulait pas le savoir. Il n'en avait aucune utilité, aucune raison ; mais au creux de cette nuit noire, lorsqu'il éleva son regard vers le firmament, le soupir d'un dragon adorant la paix vint le trouver. Cela en valait-il seulement la peine ? Sa peine appelait-elle à autant de meurtres, autant de deuils créés en juste retour de celui qu'il éprouvait ? Cette question lui avait effleuré l'esprit quelques fois, d'abord au début, puis récemment – depuis que le regard du musicien l'avait courroucé pour son geste envers son ami.

La fumée du feu de camp s'éleva, noircie par les cendres de ces injures, dans l'air nocturne ; elle serpenta dans les nuages comme elle n'intoxiquait son être, appelant à la diligence d'un tout autre dieu qui souhaitait le maintenir sur ce chemin. Oui. Ils n'avaient eu aucun remord à meurtrir et tuer les siens : ces pensées qu'il éprouvait pour eux, jamais n'avaient-elles traversé leurs esprits diminués, petits – déficients. Sa colère, il devait la nourrir plus que tout autre chose, s'y accrocher pour avancer. Il n'avait, à vrai dire, pas d'autres choix.
Il l'embrassait à corps perdu, car elle avait à ses yeux tellement de sens, tellement de vie et de volonté que la tristesse et le deuil ne lui donnerait jamais. S'il la délaissait pour avancer, pour survivre à cette affliction sans la laisser la dominer, il craignait que la peine ne le fasse chavirer tout entier ; qu'il ne se laisse de nouveau aller au naufrage de son âme, impuissant face au passé. Il se préférait en colère. Son ire signifiait vivre ; son agonie, elle, signifierait mourir – se donner la mort, il le ferait sans hésiter si cela pouvait faire taire la douleur.

Faire goûter ce même désespoir à ce pays qui lui avait tout ôté... c'était tout ce qu'il voulait faire avant de fermer éternellement les yeux sur ce monde. Tout ce à quoi il se raccrochait, tout ce qui le poussait à l'éveil chaque fois que l'aurore tirait ses pensées des bras de Morphée.
Faire taire les voix des morts qui gangrénaient son esprit et s'endormir là où nul ne pourrait le réveiller – quelle douceur cette si petite promesse avait, à ses yeux.

Mais il ne put empêcher son cœur d'être pincé d'un goût amer, tandis qu'il faisait jouer cette bague entre ses doigts – le souvenir d'une voix chantante qui relatait son histoire, au rythme des cordes d'un shamisen. Une tout autre promesse qu'Izanami semblait lui susurrer, à travers son envoyé ; et il mentirait si une part de lui-même n'aimerait pas se laisser tenter par la paix qu'elle lui proposait... baignée de la culpabilité d'avoir survécu sans avoir réclamé le prix de cette offense.

Sa dextre rapprocha l'orfèvre de son visage, où ses iris crépusculaires se perdaient dans ses reflets d'or. Sa fraîcheur se logea contre l'arête de son nez, sur le relief de sa joue sans qu'il ne la laisse prendre le chemin de ses lèvres. Le sommeil arriverait bien vite ; et avec lui, l'oubli et une perdition bien trop familière.




Seijuu Shānyùe
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Il ignora à quel moment la situation lui échappa. Son corps roula contre le sol, une gerbe de sang crachée d'entre ses lèvres. Sa silhouette peinait à se redresser du sol, sa dextre ancrée dans la boue pour ne pas s'effondrer. Ses doigts s'engouffrèrent dans la terre, se frayant un chemin sous ses ongles – derrière lui, il entendit le cliquetis métallique d'un arc, le sifflement d'une flèche qui vint se planter sur le flanc de son visage, éraflant son menton sur son passage.

« Comment est-ce que tu arrives à rater une cible immobile, bouffon ?! Relance-la ! »


Un râle s'échappa de sa gorge, rauque, alors que la colère irradiait ses prunelles. Shānyùe cracha le reste de l'hémoglobine qui pourrissait dans sa gorge – l'instant suivant, sa main se referma sur la flèche plantée dans le sol et l'envoya foudroyer le crâne de son archer. Projetée comme l'on ne le ferait avec une lance, elle pourfendit l'un de ses yeux jusqu'à sa cervelle. Il l'entendit crier de terreur, s'égosiller sur une vie qu'il ne lui appartenait plus de posséder dès l'instant où il tenta de retirer le projectile de sa cavité : le sang afflua, son gosier en fut irradié et il en mourra, étouffé de sa propre bêtise que son geste n'avait pas rendu mortel, mais qu'elle avait tôt fait de condamner.
Sa dextre qui avait trouvé le repos sur le sol, elle lui offrit un appui suffisant pour trouver la force d'élever son bassin au-dessus des graviers de roche : suffisamment pour balayer les chevilles du soldat qui s'approchait de lui pour le transpercer de sa lame. Mais un coup s'effondra sur lui, venu de son flanc – d'un angle qu'il n'avait pas discerné dans son œuvre. Son crâne heurta le caisson, des mains encerclèrent sa gorge comme il n'avait étouffé celle de Kishi. Ses paumes s'effondrèrent sur celles de son géôlier, sur l'un de ses doigts que sa senestre parvint à saisir et à briser vers l'arrière. Il entendit un nouveau hurlement, une insulte proférée à son encontre – l'étau le libéra, troqué contre la botte faucha qui son menton avant ses côtes. Une nouvelle flèche se planta dans l'ossature de son bras, qu'il eut relevé par instinct lorsque le pied s'abattait à nouveau sur sa forme ; autrement, elle aurait trouvé son crâne.

Lorsqu'il avait assailli ce campement, ses soldats étaient comme préparés, comme aveugles à tous les stratagèmes qu'il mettait d'ordinaire en œuvre pour les disperser et assurer la mort de quelques-uns avant que d'autres ne reviennent sur leurs pas – diviser pour mieux régner, il n'y avait pas plus vieil adage. La pluie l'avait pris par surprise, laissant les traces de son passage dans la terre rendue humide par ses caresses. Les feux ne s'étiraient dans l'air que sous la forme de fumée blanche, éteint avant même d'avoir embrasé les bûches qui leurs étaient offertes. Elle roulait sur son visage avec l'ire de la nature, brouillait sa vue d'autant de gouttes et de brouillard que l'averse ne pouvait en convoquer. Ses pas glissaient sur le sol ; son chakra vint les renforcer pour s'assurer de leurs appuis, assailli de tous les côtés. Dans l'ombre de son regard, il discerna l'arc du soldat s'élever à nouveau dans sa direction, ses doigts tirant la corde qui sonnerait un ultime glas. Un bruit strident résonnait dans l'une de ses oreilles, d'acouphènes doublées d'un équilibre qu'il peinait à retrouver. La sentinelle s'approcha de nouveau de lui, ses mains encerclant son col pour le maintenir en place – être certain que cette flèche trouve sa cible.

Mais il préférait encore prendre sa vie de ses propres mains que de laisser ces pourritures la lui ôter.

Sa poigne saisit les vêtements de la recrue, tirant son corps vers lui ; son crâne s'écrasa contre le sien, sonnant l'homme sur le coup – et reléguant la douleur au fond de son esprit, les yeux à demi-clos. L'air siffla dans l'air et d'instinct, ses paumes pressèrent le poids du soldat devant lui, sa gorge pourfendue par l'arrière par la flèche de son confrère. Il l'entendit paniquer, lâcher son arme du dépit d'avoir donné la mort à l'un de ses supérieurs ; l'autre s'écroula, agonisant dans son sang – et Shānyùe profita de sa chute pour s'élever, allant au-devant de l'ombre que déclinait sa charogne sur l'horizon. Sa dextre saisit l'arme du macchabée, dénouant les cordages qui la retenaient et la libérant de son fourreau : elle fusa à son tour à travers le grondement de l'orage comme si l'acier eut rêvé de ce jour depuis que l'on l'eut forgé. Le fer cisailla la poitrine de l'archer, soulevée par un haut-le-coeur de surprise. Une seconde plus tard, Shānyùe abattait toute ses forces sur son poitrail, une douleur diffuse étreignant son bras – mais à force d'abattre son poids sur le manche de l'arme, celle-ci fini par faire céder les os et crever le cœur qu'ils gardaient si précieusement. La marionnette humaine s'arrêta de bouger, désossée et désarticulée par la vie qui ne l'animait plus.

De lourdes respirations s'échappaient de ses lèvres, l'échine arc-boutée au-dessus du cadavre comme pour tenter de retrouver un semblant de lucidité. L'air quittant ses poumons s'évaporait dans l'air en fumée blanche – et doucement, doucement, son buste se redressa vers la voûte du ciel, laissant la pluie se répandre sur son visage, laver les impuretés de son esprit. Elle semblait lui apporter la paix, la quiétude – toutes ces choses qui le ramenaient sur les berges du monde, petit à petit. Son pied repoussa la terre humide sans le vouloir, éreinté ; sa dextre s'enfonça sur son genou pour mieux pousser son corps à s'élever, et ce ne fut que lorsqu'il écrasa sur les ombres face à lui qu'il ne discerna la présence d'un autre soldat, immobile. Il se contentait de l'observer en silence, ses pas s'avançant petit à petit vers lui – vers les dépouilles de ses confrères qu'il semblait reconnaître. Et en un sens, il lui parut le connaître, lui aussi – cet homme qu'il avait observé à travers la fenêtre d'une bâtisse d'un village, il y a des semaines de cela.

Ce regard qu'il donnait à chacun de ses pairs décédés, il ne le connaissait que trop bien – il avait hanté ses yeux pendant des années. Aujourd'hui, Shānyùe le contemplait, de l'autre côté du rivage ; en tant que bourreau, non plus en tant que victime. Et pourtant, il demeura interdit. Sa voix s'était tue, ses lèvres scellées quand bien même il l'insurgeait de tous les mots, sa main tremblante sur l'arme à laquelle il voulait faire appel pour crier vengeance. Ses paroles ne l'atteignaient pas. Ses mots non plus, à vrai dire – ce fut comme si son être avait été dissocié par la fatigue, parfaitement amorphe, hermétique au monde extérieur et à leur douleur.

« ...Pourquoi ? Pourquoi ?! »


Parce que vous en avez fait de même avec les miens. Il ne prononça aucun mot que ses pensées susurraient, focalisé sur ses agissements, sur ses gestes avec le détachement de l'habitude, l'indifférence du meurtre qu'il n'avait que trop commis. Il le vit s'élancer vers lui, l'embout de son arme levé pour l'occire. Elle ne trouva que le goût amer des écailles venues protéger sa chair – sa dextre, elle, saisit son crâne et le fracassa contre les caisses, ses griffes perforant ses os et sa peau jusqu'à l'ouvrir à en abreuver le bois de sa cervelle. Il tomba comme les autres à ses pieds, déviant la course de sa vengeance de la sienne qu'il n'aurait pas laissé s'affranchir.
Un nouveau hurlement perça la voûte des nuages – celui d'une femme. Il la vit sortir de l'une des tentes, son kimono lâchement noué autour de sa taille à en trahir une nuit d'amour. Shānyùe se retourna vers elle. Il lut la peur dans ses prunelles, la panique. Il la vit hésiter ; courir auprès du corps de son aimé ou s'enfuir. L'instinct la poussa vers le second, ses pas s'ancrant tant bien que mal dans la boue qui entourait le hameau.
Mais elle l'avait déjà vu. Son visage, son accoutrement. Elle pourrait le reconnaître, changer la rumeur d'un yokai en celle d'un homme. Corroborer jusqu'à son identité, donner des traits et un air à traquer.

Il ne pouvait pas la laisser faire. Ni la laisser en vie. En se faisant impitoyable, il se faisait une faveur à lui-même ; s'évitait autant de déboire qu'une seule vie ne pouvait lui coûter, comme elle n'en avait coûté à ces soldats, si d'aventure leurs prédécesseurs avaient pris la peine de le tuer il y a des années.
Alors, doucement, ses jambes s'élanceraient à sa suite – elles bafoueraient la distance avec la dextérité de sa nature, ses pieds ancrés dans la stabilité des arbres ou de la roche. Elle hurla de nouveau lorsque son ombre s'effondra sur elle, ses mains enserrant son cou pour l'étouffer. Il senti les siennes siéger sur ses os, ses ongles racler sa peau, vit ses yeux s'ulcérer en criant toutes sortes de mots, l'implorant de tous les tons dont il n'avait cure ; et lorsqu'il réalisa que cela prendrait bien trop de temps, que le goût du regret ou de l'amertume s'installerait dans sa gorge, sa dextre se changea sous les atours de ses écailles dans un ultime jugement – celui de ses griffes transperçant son poitrail d'où elles défricheraient son cœur. Et, enfin, elle finit par se taire.

Il resta de longs moments ainsi, luttant contre la fatigue qui se logeait, si lascive, dans ses veines. Il ignora combien de temps, de secondes ou de minutes s'écoulèrent – mais il sut ce qui le tira de cette léthargie.
Des pleurs. Ceux d'un enfant.

Son ombre rebroussa chemin, exténuée par l'affrontement qu'elle venait de mener et qui ne semblait plus finir. Elle le mena jusqu'à la tente qu'avait quitté la femme, où les cris se faisaient plus forts, plus violents. La pluie alourdît ses mouvements, chassant petit à petit les résidus poisseux du sang sur ses mains. Mais lorsqu'il entra sous ce chapiteau où la lumière de la lune filtrait à peine, son esprit fut vidé de toute pensée.


Et son regard, lui, s'écrasa sur l'allure frêle de l'enfant, qui n'arrêtait pas de s'égosiller à n'en plus finir.






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La dernière fois qu'il eut posé un pied à Hashiba lui semblait si lointaine.
Les rougeurs de l'été se déversaient sur les monts au gré des jours qui précédaient son arrivée ; de longues semaines s'écouleraient avant que des aurores telles que celles-ci ne deviennent étouffantes – avant que le printemps ne tire définitivement sa révérence.

La silhouette de Shānyùe, elle, s'avançait doucement à travers les sous-bois différenciant la contrée du Son de celle des monts. Elle marcha, longuement, l'air hagard, perdu – transfixé sur un point illusoire. Sa forme allait et venait sur le chemin que son esprit avait tracé, d'une régularité et d'une absence qui ne pouvait être celle de la conscience. Des jours s'écoulèrent, des crépuscules aussi. Un poids reposait entre ses bras, noués près de son buste pour le supporter. Petit, tout juste l'égal de pierres. Il ne le gênait pas dans son avancée – il la faisait pour lui. La brise se logeait sur ses traits avec une douceur lascive, emportait les douceurs des odeurs et des encens qu'il avait appris à connaître, l'espace de quelques aubes. Il se souvint des silhouettes qui habitaient ce hameaux, endormies par la nuit qui tirait doucement son manteau jusqu'à l'oubli. Le soleil ne s'élevait pas encore, ses rayons non plus – Hashiba trônait dans cet espace entre la vie et la mort, entre l'éveil et le sommeil. Elle était douce, calme, muette. Seuls les bruits de la nature lui parvenaient : ils ponctuaient sa route de leurs plus beaux échos, des croassements des crapauds, du chant des oiseaux, du clapotis de la rivière ou des incartades effarouchées des lapins pensant avoir affaire à l'un de leurs prédateurs.

Du coin de l'œil, sans qu'il n'en discerne pleinement leurs ombres, certains démons terminaient leur danse nocturne, hantant les lanternes de pierre le long du sentier. Leurs êtres illusoires s'effondraient dans le creux du feu éteint depuis bien longtemps, voguant parfois à leurs alentours sans jamais trop s'éloigner. Ils ne s'approchèrent pas de lui, ni ne cherchèrent à entraver sa route ou le corrompre : ces yeux pourpres, fendus comme ceux des reptiles, suffisaient à le dissocier des humains. Ces iris ne les contemplaient pas, ni ne désiraient les offenser en leur glissant un regard qui ne lui reviendrait pas d'oser – ils reposaient sur le linge entourant cette simple forme, tâché de carmin.

Bientôt, ses pas le menèrent au creux du village d'Hashiba. Ils résonnèrent sur les dalles de pierre finement taillées par le temps et l'érosion, épousèrent le chemin que l'artisanat et la profession avait tracé pour lui. Tout bruit qu'il fît, aucun ne suffit à réveiller les âmes qui demeuraient assoupies, au creux de ces maisonnées – encore moins les bonzes du temple, dont le réveil ne saurait tarder. La nuit était encore trop fraîche, trop doucereuse ; avec le lever du jour s'éveillait leurs êtres.

Ses pieds s'arrêtèrent, aussi lentement que le souffle du vent, face à un autel. Ses yeux se détachèrent enfin du corps couvé pour épouser les formes du torii qui bénissait ces stèles aux détours de pierre. Là, dans le silence pesant de ce monde où se mêlaient les esprits et le réel, ses mains détachèrent enfin l'enfant de son buste : elles le guidèrent au repos sur cette pyrée sous laquelle aucun feu n'avait été attisé – où il ne demeurait pour elle que les braises de la veille.

Dans une forme de douceur, sa senestre lova le tissu sur la chair du bambin, comme pour le protéger du froid précédant l'aurore. Il ne le regardait pas – pas vraiment. Ses formes abstraites, sa couverture. Sa main saisit le filon au-dessus de l'autel. La cloche sonna, finement. Un appel, pur et simple : une attestation de ce qui fut, de toute offrande que l'on donnait aux bonzes et à leurs dieux.

Shānyùe détourna les talons après son geste, son visage hanté par une autre matérialité. Il portait encore les marques de son affrontement, du sang d'autrui qui avait empourpré ses traits. Il ne tenait pas à être vu. Disparaître, sans qu'on l'accable ou le somme de questions. Et ce vœu simple, on le lui accorda : aucun moine ne sorti avant que son ombre ne se mêle à celle de la nature, son esprit déjà emporté à des lieues de cette bourgade où reposait le musicien. Sa marche le ramènerait près de la frontière, lui apporterait d'autres flancs à occire, d'autres campements où sévir. Aujourd'hui, il voulait simplement rêver d'une autre vie.

Il ne se souvint pas avoir entendu l’enfant crier, ni émettre un seul son, durant tout ce temps où les dieux l'eurent guidé vers Hashiba.

Fin du RP.





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