▶ Sujet: Entre vivants parmi les morts [Chihaya]

Cela lui arrivait de temps en temps, le genin se recueillait parfois au cimetière sur la tombe des siens. Au cimetière, il avait l'habitude de passer plus de temps sur le tombeau de son père qu'il avait bien connu pendant les premières années de sa vie. Un père aimant, agréable qu'il avait plus qu'aimer, il l'admirait. Cela ne lui peinait plus, il regardait sa pierre tombale, triste, le regard vide, tandis que son esprit se rappelait de sa voix, son visage, son odeur et le transportait plus de dix ans en arrière. Il n'en pleurait plus, il n'en ressentait plus le besoin et quand bien même, cela pouvait l'irriter, il parvenait aisément à se contrôler, ne laissant rien paraître. La gorge parfois nouée, l'émotion avait l'habitude d'émerger et de le submerger. Maintenant, cela n'est plus le cas, il avait appris à faire avec, tout du moins sans, sans son père.

Il passait également quelques temps sur la tombe de celle qui aurait été sa mère, regrettant de ne pas l'avoir connu, regrettant de ne pas avoir de souvenir, de ne pas pouvoir placé de visage, d'odeur et de personnalité sur elle. Il y avait comme un vide, celle qui l'avait mis au monde, en étant parti quasiment à l'instant, c'était comme un échange, une vie contre une. Le talion ? Sa mise au monde était-elle si cruelle qu'elle en avait payé de sa vie ? Cette idée commençait à pénétrer son esprit depuis quelques temps, depuis qu'il commençait à philosopher sur un sujet aussi complexe que la vie et la mort.

Une harmonie des contraires qui forment un tout, quelque chose d'insaisissable que personne n'est en mesure de comprendre, ni d'appréhender. Cet étrangeté du cycle vie/mort qu'il ne connaît que trop bien, lui dont la vie a entraîné la mort. C'était un questionnement tout à fait légitime pour ce jeune bientôt adulte du haut de ses dix-sept étés. Il commençait peu à peu à trouver une réponse, ces moments de quiétude au milieu des morts, de ses morts, clarifiaient son esprit et apportaient un peu de lumière.

Ce moment dura longtemps, mais fut interrompu par quelqu'un qui se trouvait plutôt loin de lui. Ses bruits de pas le gênaient et contrastaient avec le silence mortuaire de ces lieux. Cela le dérangeait, sa communion avec ses morts en était perturbée, il avait perdu le fil, perdu le sens, perdu ce lien onirique. Il était revenu à son état physique, reprit ses esprits et observa cette femme marchée dans le cimetière, puis retenta de nouveau de se reconnecter.

Plus rien, il ne ressentait plus rien, il n'y parvenait pas, il était toujours rattaché à ce monde par ces bruits qui augmentaient de pas en pas. Elle se rapprochait, il ne la calculait pas, mais il la ressentait. C'était même la seule chose qu'il pouvait percevoir. Il ouvra les yeux, leva la tête puis l'observa. Ce n'était pas le monde onirique, non, ni le monde des morts, mais bien celui des vivants au milieu de celui des morts.

▶ Sujet: Re: Entre vivants parmi les morts [Chihaya]

Il ne chercha pas à continuer sa communion et la jeune fille n'était pas non plus disposée à le laisser, elle entama la discussion. Le kumojin la regarda sans réagir en premier lieu. Elle disait travailler au sein de la nécropole, elle était donc chargée de la maintenance du cimetière. Qui plus est, elle avait un look sordide, sinistre, c'était comme si elle voulait ressembler aux morts dont elle entretenait leur sépulture. Surmaquillé, le teint pâle, les yeux rouges, vêtu de vêtements noirs et rouges, elle rappelait le sang, la noirceur de la tristesse et la pâleur du corps des défunts. Ce n'était donc pas qu'un simple travail, elle avait visiblement une passion sordide pour les morts à un tel point qu'elle voulait incarner ce funeste travail.

"Enchanté Chihaya... Mais dites moi vous avez un look assez particulier. Ca fait combien de temps que vous travaillez ici ?"

Son sourire était joli et son visage l'était tout autant. Shirudo lui souriait à son tour, elle affirma également vouloir aider le Genin de son mieux. Il savait exactement quoi lui demander, mais cela lui semblait inapproprié de lui demander de nettoyer la tombe de son père. Il pouvait très bien le faire lui-même, il était donc gêné de le faire. La jeune fille fit tomber des fleurs fanées sur le sol. Tout semblait mort, autant son look que les fleurs qu'elle tenait et que Shirudo n'avait pas remarqué. Il l'aida à les ramasser puis lui posa une question d'un air gêné.

"C'est peut-être déplacé, mais... pourquoi faites-vous ce métier ? Qu'est-ce qui vous plaît tant ?"

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Shirudo

Shirudo pouvait le comprendre, les commentaires sur son look pouvait être déplacé et lui-même s'en était rendu compte, il avait simplement minimisé l'ampleur. D'autant qu'il ne la connaissait pas, ne l'avait jamais vu auparavant et lui avait jamais parlé. La transition n'était clairement pas bonne, c'était la première chose qu'il aborda alors qu'il avait tant à dire pour un premier échange. Le genin ne réalisa qu'après coup qu'il avait mal agi, mais il avait été déstabilisé, interrompu dans son moment de communion intime avec les siens.

Chihaya alla même jusqu'à remercier le bretteur, ce qui l'avait d'ailleurs surpris. Ses propos n'étaient pas forcément élogieux, ni forcément dégradant et pouvaient même être mal interprétés. Il fut donc surpris de sa réaction, mais il s'agissait peut-être d'une réaction spontanée liée à la sortie impromptue de Shirudo sur son style. Il ne fut pas au bout de ses surprises lorsqu'il apprit que la jeune femme a été d'abord adopté par celui qu'elle appelait "Benkai-san". Qui était-il ? Il n'en savait pas plus que ça. Il pouvait cependant imaginer que cette dernière était orpheline, qu'elle a peut-être perdu ses parents et qu'elle en a gardé un souvenir puissant à un tel point qu'elle aurait développé un lien avec la mort suffisamment fort pour en faire son métier.

Elle continua en expliquant qu'elle se sentait bien dans ce travail et d'ailleurs, elle ne considérait pas cela comme un job. Ce n'était donc non pas un gagne-pain, mais une passion. Elle disait également se sentir à l'aise dans cet environnement, ce qu'il ne comprenait encore moins. Il n'avait rien entendu de plus glauque de toute sa vie à un tel point qu'il en devenait confus. Comment quelqu'un pouvait être à l'aise au milieu des morts ? En quoi cet environnement pouvait la mettre à l'aise ? C'est complètement contre-intuitif. L'être humain est censé s'épanouir au milieu de la vie, là où il y a de l'espoir et non pas dans un endroit comme celui-ci au milieu de la mort.

"Il y a quelque chose qui m'échappe. Comment fais-tu pour être à l'aise au milieu des morts ? Ca m'intrigue ce que tu dis, car moi, je ne sens jamais aussi mal à l'aise que lorsque je suis dans un cimetière."

Il comptait l'interroger sur sa notion de mort et son rapport qu'elle entretenait avec. Cela pouvait peut-être le dépasser, il y avait peut-être une autre façon de percevoir la mort ou de vivre avec. C'était toujours très intéressant de rencontrer quelqu'un qui est aux antipodes de vous et qui a une conception différente de la vôtre. Pour Shirudo, c'était complètement insensé, contre-intuitif et cela défiait les lois même de l'univers. Comment un être pouvait être à ce point attiré par sa propre fin ? Il la pensait folle, mais peut-être qu'elle était saine, car excepté son style, elle semblait l'être.

"Et qui est ce Benkai-san si je peux me permettre ?"

"Oh pardon, j'ai oublié de me présenter. Je m'appelle Shirudo."