Weihan éprouva le degré de mobilité dans ses bras, le métal grinçant sous ses gestes. Une armure ne pouvait espérer calquer chacun des muscles mouvant pour accomplir la moindre action. Mais elle était pourtant comme une seconde peau pour le Genin, et chaque acte était une bénédiction après sa longue convalescence à la suite de ses blessures infligées par Janome.

« Plus vers la gauche, ou ? »

L’Eien leva le bras autant que possible, secoua la tête.

« Non, c’est parfait. »

Han hocha de la tête. Le couturier devenu forgeron par force des choses inspecta l’emboitement des pièces d’armure avec attention. Mais il était avant tout un membre du culte, un avec qui il avait grandi depuis sa toute jeunesse.

« Essaie un mouvement plus complexe. »

Weihan hocha de la tête, penchant vers l’avant pour prenre un pas de course. Il enjamba prestement un tronc d’arbre échoué au sol.  Un autre, pourrissant sur son chemin, était encore vertical et il le frappa avec force, son gantelet transperçant l’objet avec aisance. Le genin inspecta son bras, indemne.

« Utiliser une armure comme une arme. Il n’y a que toi pour en venir à de telles idées. Je ne serai pas capable de mouvements digne du nom de taijutsu, mais le poids lui-même suffira. »

Le fanatique derrière lui éclata de rire.

« Problèmes modernes, solutions modernes. »

Satisfait, Weihan éclatait de rire à son tour, balayant de la main les fragments de bois tombés sur l’acier qui le recouvrait. Il se sentait vivant comme jamais. La Voie le voulait ainsi. Éprouvant sa flexibilité tout en s’approchant de son frère de culte, le genin ne pouvait taire sa curiosité.

« Parlant de solution, tu disais vouloir me montrer quelque chose. »

Han hochait de la tête, semblait réfléchir puis levait un doigt satisfait avant d’aller fouiller dans son sac, une tâche bien inutile alors que l’objet, positivement gigantesque et enveloppé dans un drap de lin, était difficile à manquer. Le tisseur soulevait le paquet avec difficulté pour l’amener à Weihan.

« Mon travail le plus difficile à ce jour. Tu m’obliges à apprendre beaucoup de choses inutiles. Il a fallu que je trouve un charpentier seulement pour la hampe. Et trouver la bonne essence de bois un défi à lui seul. »

Il retirait le drap et Weihan siffla lentement. Son gantelet traça la surface de l’hallebarde. Plus large, l’immense lame en forme hache brillait faiblement dans la lumière ombragée de la forêt. Mais ce que remarquait d’abord et avant tout l’Eien, c’était la pointe de lance, qu’il pouvait reconnaître d’entre-toute.

« Les lames jumelles… Assemblées dans l’hallebarde. »

L’autre était à l’extrémité de la hampe. Weihan sut d’instinct que d’apprendre à manipuler l’arme avec cette pointe supplémentaire prendrait des efforts. Il pouvait aisément se transpercer par mégarde sinon.

« Elles sont impossibles à reforger, le métal est bien au-dessus de mes capacités. Mais elles peuvent être intégrées à une arme lourde avec un peu d’ingéniosité. »

Et ingénieux ce l’était, considéra Weihan en soupesant la hampe.  Lourde, encore plus lourde qu’avant. Et pourtant, ça lui semblait encore plus instinctif.

« Le fil est à travers la hampe. Pour garder celle-ci résistante malgré le creux, j’ai du tout épaissir, d’où le poids supplémentaire. Je ne sais pas si c’est pratique, du coup. »

Weihan considéra la chose. Oh, ce le serait.


Dernière édition par Eien no Weihan le Lun 19 Fév - 11:15, édité 1 fois

Durant sa convalescence, il avait eu le temps d’apprendre à maîtriser, de manière basique du moins, les lames jumelles. Un contact direct avec le fil qui les reliait permettait des les contrôler indépendamment. C’était une sorte d’exercice mental difficile à décrire. Il pouvait les ressentir instinctivement, comme des extensions de sa personne, des queues diaboliques et soumises à sa volonté. Et aussi étrange que ça pouvait paraître, les lames avaient une sorte de personnalité. Sans vraiment communiquer, elles avaient leur propre volonté passive.

Mais alors qu’il soupesait la nouvelle hallebarde, il reprenait l’habitude de cette sensation, cette fois à travers le contact indirect créé par la hampe qui recouvrait une partie du fil.

« … »

Weihan releva la hampe, fermant les yeux pour se concentrer sur les lames. D’abord rien, plus un léger cliquetis métallique. Les dagues vibrèrent légèrement, tremblèrent subtilement, comme s’ils se délogeait de la rouille qui les avait figées en place.

La lame supérieure émergea subitement, effectuant de légères courbes en sifflant dans l’air. Sa jumelle se joint à sa danse aérienne. Weihan fit tourner la hampe entre ses mains, y joignant l’exercice physique et mental alors que les lames virevoltaient en unisson à sa volonté.

Il termina un moulinet grâcieux alors que les lames reprirent position dans son arme, prête à l’emploi. Weihan songea qu’il s’agirait d’armes précieuses dans le futur, imprévisibles pour la plupart des adversaires. Ainsi installées sur une arme lourde, elles allaient en excellente combinaison avec son style de combat portée vers l’extension de sa portée d’attaque pour forcer le corps à corps peu importe la distance.

« Essaie de viser directement là-dessus. »

Han sortait ce qui semblait être des melons de son sac, les plaçant sur des troncs d’arbre dans la clairière. Weihan hocha de la tête, ramenant son arme vers l’arrière en se concentrant. C’était un exercice à lui-même de visualiser la cible, une autre d’accorder ses propres gestes et celle de deux entités distinctes. Combattre avec les jumelles était un exercice tactique qui dépassait ses gestes individuels, une pratique bien contraire à ses habitudes.

Les lames se déployèrent avec une vitesse dont était incapable Weihan, se plantant dans les fruits murs avec aisance. Weihan ramena les jumelles, utilisant le poids de l’arme rassemblée pour tourner sur lui-même.  De toute évidence, il pouvait utiliser l’élan pour projeter les lames avec plus de force.

« Essaie de propager ton chakra. »

Bonne idée. Weihan ramena l’hallebarde contre son poitrail pour effectuer des mudras. L’énergie écarlate déborda de ses mains dans son arme. Les lames jumelles, suspendues dans les airs, cliquetèrent alors que le chakra se propageaient dans le fil pour les rejoindre. Les dagues grandirent en taille alors que de nouveaux tranchants, imposants, les enveloppaient. À la base discrètes, c’était deux masses de taille conséquentes qui dansaient désormais.

Les fruits explosèrent alors que les jumelles faisaient impact cette fois, obligeant Han à se cacher derrière un arbre pour ne pas être éclaboussé.

Satisfait, Weihan ramena l’arme vers l’arrière en libérant son chakra, les formes solides se brisant en particules rougeâtres qui disparurent dans l’air.

« C’est une chose de fabriquer avec, mais voir le résultat en action… »

Le Genin hocha de la tête.

« Rien de cela ne serait possible sans toi, pourtant. »
« La Voie l’a dicté. C’est ainsi. »

Une évidence. La Voie l’avait fait survivre face à Janome, puis avait œuvré à travers Han pour le faire sortir de cette épreuve plus fort que jamais. Mais il y avait encore quelque chose qui manquait.

« J’ai une autre faveur à te demander pourtant, frère Han. »
« Hmm ? »

Weihan considérait l’arme entre ses mains, le métal presque rutilant qui couvrait sa peau. Les manier était une longue pratique, mais depuis son affrontement avec Janome, il avait aussi eu le temps de considérer à quel point leur fabrication était un exercice tout aussi complexe. Durant les semaines où il avait été cloué dans un lit d’hôpital, il avait longuement examiné les restes de son ancienne armure, le métal qui les composait, et la manière dont ils avaient été forgés à l’origine, éveillant une fascination.

« Je ne peux pas m’attendre à ce que tu fasses le voyage depuis le culte à chaque fois que je manque mourir, ce qui risque d’arriver plus d’une fois. Et cette armure risque tout autant une autre destruction. Il me semble désormais indispensable d’apprendre à la réparer, à la reforger. »
« Forger est un travail fastidieux. Il m’a fallut des mois pour pouvoir faire ta première armure. C’était il y a plusieurs années déjà. Mais… Tes arguments sont véridiques. »

Han croisait les bras avant de soupirer.

« Je connais quelques artisans locaux. Avec une partie de ton salaire de Genin, nous pouvons louer un atelier et pratiquer les arts de la forge. Je peux t’apprendre les rudiments. Le reste est une longue affaire de pratique mais également d’observer le métal qui entoure ton environnement. Même un simple outil a sa propre méthode, son propre alliage… C’est quelque chose que j’avais déjà appris avec le tissu, et que je préfère largement, en vérité. »

Weihan hocha de la tête, satisfait.

« Observe la couleur. Tu cherches une teinte distincte. »

À travers les grillages de son heaume, Weihan examinait avec attention la lueur du métal alors que le feu de la forge engloutissait le minerai. La chaleur omniprésente le faisait suer de toutes ses portes, si bien qu’à part son casque, il était presque aussi légèrement habillé que Han, qui ne portait pratiquement rien de plus qu’un napperon de forgeron.

« Le métal est particulièrement réceptif pour être forgé à une température précise, et chaque minerai a sa température idéale. Et les alliages tout autant. Tu dois apprendre leurs distinctions si tu veux en obtenir les meilleurs résultats. »

Le métal avait pris un ton particulièrement écarlate et Weihan le remua dans les braises à l’aide d’étaux.

« Et là ? »

Han jeta un regard rapide et secoua la tête négativement.

« Trop tôt. Tu peux le sentir dans les étaux, trop dur encore. Si tu essaies de le forger ainsi, le résultat sera très cassant. Trop dur. »

Weihan croisa des bras épais, intrigué.

« Ce n’est pas ce qu’on veut, que le métal soit dur ? Cela ne le rend t-il pas plus résistant ? »
« À un certain degré, mais tu veux également une certaine flexibilité, pour éviter que le métal ne se brise au premier impact. Un degré de ploiement permet d’absorber et diffuser des impacts. C’est pour ça que la hampe d’une lance est en bois plutôt qu’en métal, d’ailleurs. »

Le genin hocha de la tête, relevant sa visière quelques instants pour éponger la sueur sur son front. Han avait déjà vu son visage, il n’y avait là rien de particulier, surtout entre des suivants du culte. Han était ce qui lui ressemblait le plus à un frère, après tout.

« Je n’avais pas réalisé à quel point c’était un exercice fastidieux… Faire une armure entière prendra une éternité. »
« Oui, mais avec la pratique tu pourras travailler plus rapidement et efficacement… Ho, sors ta lame, c’est bon ! »

Weihan extirpa la tige d’acier, observant avec attention la colère plus orangée de sa teinte avant de la poser sur l’enclume. Han s’approcha, un gros marteau à la main.

« Le secret est une cadence régulière, mesurée. Tout comme la Voie, elle doit être poursuivie avec une passion délibérée, incompromise. C’est ainsi. »
« C’est ainsi. »

Han releva le marteau et commença à marteler le métal. Des étincelles volèrent dans tous les sens. Weihan nota chaque détail, jusqu’au rythme employé par le frère de culte. Ils oeuvrèrent ainsi une bonne heure, alternant entre la forge et l’enclume avant de plonger la tiger dans un tonneau pour la refroidir avant de recommencer, pliant le métal sur lui-même pour le renforcer.

Ce fut son tour de marteler et le Genin trouva l’exercice difficile mais très satisfaisant. Forger était un exercice pas si éloigné des arts militaires. Discipline et rigueur était la loi qui produisait un résultat tangible.

« Si tu veux produire un tranchant de qualité, tu dois comprendre la relation entre l’angle de coupe et le métal lui-même. Trop abrupte, et le résultat sera un hachoir. Trop fin et le moindre ouvrage l’endommagera. Pour une armure, c’est le même concept quand il s’agit de rediriger les impacts pour mitiger les dommages. »

Ils passèrent une bonne partie de l’après-midi simplement à étudier différents métaux, mais également des outils aussi simples que de simples accessoires d’agriculture ou encore des kunais bien ordinaire. Tout prenait une dimension bien différente quand on l’observait avec le regard d’un forgeron.

« Dis-moi, Han, où as-tu appris tout cela, à la base ? »
« J’ai lu des ouvrages achetés d’un marchand ambulant, le reste par expérimentation. C’est pour cela que j’insiste que tu comprennes ce que tu vois, plutôt que de t’attarder trop longuement à la théorie. L’expérience te guidera quand il s’agit de travailler l’acier, c’est la même chose avec les vêtements, simplement un différent matériel. Parlant de cela, il est temps de te donner un cours de tannerie. »

Confus, Weihan le considérait.

« Tannerie ? »
« Travailler le métal n’est qu’une partie du travail. C’est le cuir qui tient ton armure en place, en dessous. Les sangles et les attaches. La poignée d’un sabre, l’hampe d’une lance. Tu dois apprendre les bases de ces disciplines également… »

Weihan soupira.

« Heureusement que je n’ai pas besoin de mes économies… »

« Ce que tu cherches, c’est une veine relativement épaisse. Il faut beaucoup de matière première, car le processus de purification en détruira une bonne partie. »

Weihan soupira avant d’enfoncer son pied sur la pelle, continuant à grossir la pile de terre sur le côté.

« Il y a une certaine beauté à appeler ça une purification. »

Han éclatait de rire, mais un sourire malicieux prenait ses lèvres alors qu’il fouillait le sol de ses mains, attentif.  Le Genin commençait enfin à comprendre pourquoi la Voie était présente en toute chose, même celles qui n’étaient pas forcément une affaire de bien ou de mal. Le chaos était partout. Mais la Voie aussi.

La pelle frappa quelque chose de dur et Weihan s’exclama, la posant pour creuser de ses gantelets le sol meuble. La pierre se dévoila peu à peu. Han lui avait montré des images dans des livres, mais sans savoir exactement ce qu’il cherchait, son regard indéfini se contentait d’absorber tout ce qu’il voyait.

« Là. »

Le frère de culte s’était approché pour examiner la découverte de Weihan, et son doigt se posait sur une partie spécifique, une rivière grise et ocre qui parcourait le roc.

« En surface, le fer rouille rapidement à cause de l’humidité de la terre. Mais ce n’est qu’une minuscule couverture. En dessous, le métal dort. Maintenant, il faut l’extraire. »

Et avant que Weihan ne puisse demander comment c’était sensé se faire, Han lui tendait une pioche et le Genin soupirait. Ça n’allait pas être facile, de toute évidence. L’armuré s’était attendu à ce que la tâche soit difficile physiquement, mais entre le travail de forge, de fonderie, de tannage et maintenant d’extraction… C’était un emploi à temps plein. Son rendement resterait limité, surtout en faisant son travail de ninja sur le côté.

Mais c’était stimulant, et Weihan n’avait jamais eu peur du travail dur. Une enfance à la santé chétive lui avait appris à toujours chérir l’opportunité de devenir plus fort.

La pioche commença à épeler la pierre, rejetant des fragments dans tous les sens. Weihan appris rapidement à sentir la différence entre l’impact contre le roc et celui qui frappait le minerai. Avec un peu d’expérience, Il pouvait focaliser ses coups pour faire de plus gros morceaux et ainsi rendre son propre travail plus facile.

Malgré cela, il fallut une bonne heure juste pour remplir la boite qu’il avait amené. Et maintenant, il devait la ramener au village… S’il avait eu le moindre talent en fuinjutsu, il aurait été bien utile à ce moment.

Ce n’était pas tout à fait vrai. Il aurait pu utiliser le chakra pur pour fabriquer une plateforme qui transporterait le tout. Mais… Weihan voulait le faire lui-même. L’effort lui faisait du bien, lui donnait l’impression de se réaliser.

Alors c’est ce qu’il fit, ignorant la douleur dans ses muscles à chaque pas qui le ramena à l’atelier qu’il louait pour un forgeron local.

Une fois la fonderie embrasée, c’était une question de fondre le minerai brut pour en faire sortir les impuretés. La Voie était partout, comme Han l’avait dit, et il y avait une étrange satisfaction à voir les morceaux brunâtres devenir un liquide argenté, pas si lointain de celui de son armure. C’était le début, la base de tout effort d’un forgeron.

« Le fer en lui-même est simple. Tu peux faire des outils simples, des rivets ou des attaches. Mais il n’est pas approprié à faire des tranchants ou même des armures. Trop cassant. C’est une des premières choses que j’ai apprise en essayant de fabriquer ta première armure. »

Weihan hocha de la tête, intrigué.

« Dans ce cas… »
« Dans ce cas, une meilleure option est de faire un alliage pour obtenir un métal plus flexible, mais avec la même durabilité. Ou d’utiliser un autre minerai. Les premiers forgerons utilisaient le bronze par exemple, un alliage de cuivre et de plomb. Le Bronze est excellent à sculpter, mais trop mou pour faire des armes efficaces. »
« Un alliage étant de mélanger deux minerais. »

Han hocha de la tête, mais leva un doigt.

« Parfois, mais pas toujours. L’acier, par exemple, est un mélange de fer et d’un certain type de charbon. Le charbon rend la forge plus chaude, et purifie le fer à un degré normalement impossible. C’est ce que nous allons faire aujourd’hui, d’ailleurs. Ton armure est majoritairement constituée d’acier. Le fabriquer, le plier puis le façonner sera une partie non négligeable de ton apprentissage. »

Il posait un sac sur la table, et Weihan prit dans sa main l’un des morceaux noircis, laissant de la poussière foncée sur sa peau.

« Tu devras me montrer comment fabriquer ce charbon. »

Han hocha de la tête. Ils avaient encore beaucoup à faire pour que Weihan soit même un simple novice. Un débutant apprenait habituellement toute sa jeunesse auprès d’un maître. Le Genin avait un talent naturel, mais il faudrait davantage qu’un peu de talent.

Sifflotant, Weihan appliqua un peu plus de mortier avant de poser une autre pierre, terminant ce qui serait sa première forge une fois les derniers ajustements faits. Le tout était un assemblage extrêmement modeste derrière sa maison, pas plus qu’une installation amateur mais qui serait sans aucun doute inestimable à ses apprentissages, et bien plus économique que de louer un atelier local sans arrêt. Weihan était loin d’être riche après tout.

En plus du four de forge, il s’était fabriqué une enclume avec le métal contaminé qu’il avait accumulé dans les dernières semaines, et un échafaud à partir du bois récupéré dans les vastes forêts du pays du Feu. Mêmes les outils étaient en majorité de sa création, et on pouvait vite le voir; certains pics ou tiges étaient difformes ou tout simplement pas droits, les pinces ne fermaient pas correctement et le soufflet visant à amplifier le feu de la forge avait manifestement une fuite vu sa longue plainte sonore à chaque usage. Mais pour aussi débutant fut le tout, Weihan en éprouvait une certaine fierté.

Des caisses posées sur le côté de la maison serviraient à entreposer du charbon, du minerai ou autre matériel. Pour le travail de précision, une petite table à l’intérieur serait plus utile. Weihan comptait faire d’autres améliorations au fur du temps, comme une bâche pour pouvoir travailler sous la pluie, des portes d’acier pour le four, un tonneau pour le trempage à froid… Il avait beaucoup d’idées, mais peu de moyens et encore moins l’expérience pour le moment. On pouvait à peine appeler cet endroit un atelier, c’était plus une collection de support à une maîtrise naissante. Mais ce genre de projet l’enthousiasmait. La Voie le voulait à apprendre des arts qui l’aiderait lui ou les autres à atteindre la paix.

« C’est presque aussi bien que mon cagibi dans la caravane ! »

Weihan secoua la tête, amusé. Par quel miracle Han réussissait-il à être aussi habile dans tous ce qu’il entreprenait, sans davantage de ressources que lui en plus. Il n’imaginait pas de sitôt réussir à forger des armures ou des armes aussi complexes que celle que le cultiste lui avait offert.

« Bien, je pense qu’on en ait au stade où tu dois apprendre par toi-même. Tu as les bases, maintenant il te faut juste de l’expérience et beaucoup de pratique. Par chance, tu bousilles ton équipement régulièrement. »

On ne pouvait pas le nier, mais Weihan du même côté s’amusait d’avoir hâte de faire ses propres projets. Han soupira, présentant un paquet qu’il avait amené avec lui ce matin.

« Un petit cadeau, pour célébrer ton initiation aux arts et des vacances méritées pour moi. »

Fronçant les sourcils, l’armuré prenait le paquet, l’ouvrant sans cérémonie. Un marteau de forge. Il prit le large objet dans sa main, appréciant immédiatement son poids presque rassurant. Sans décorations et d’un gris terne, il fallait l’œil d’un forgeron pour apprécier sa qualité bien au-delà des outils déformés que Weihan avait fabriqué à ce jour.

« C’est… »
« Très cher, alors ne va pas l’utiliser dans une de tes fichues missions. Mais je pense qu’il te servira bien. Et plus longtemps que certaines de tes… tentatives. »

Éclatant de rire, Weihan ne pouvait qu’ouvrir les bras pour y accueillir Han, un geste qui aurait semblé étrange et rare de la part de la plupart des gens qui le connaissait. Mais entre cultistes, ils étaient une famille, et aussi près que le sang ne l’aurait permis.

« Pourquoi ai-je l’impression que tu es là pour dire au-revoir ? »

Han sourit légèrement en baissant les yeux, et Weihan soupira, comme si le fait avéré était à la fois amer et sucré à la fois.

« Tu dis que je suis prêt à apprendre de moi-même, mais je n’en ai pas du tout l’impression. Sans parler de perdre mon seul collègue à Homura. »
« Pas le seul. On m’a dit qu’il en avait trois de plus désormais. As-tu quelque chose à voir avec cela ? »

Weihan croisa les bras en silence et Han secoua la tête.

« Je suis certain que tu as réussi à te convaincre que tu n’as pas enfreint la Prohibition. Mais les anciens ne seront pas de cet avis. »
« … C’est ainsi. L’Éternité ne peut pas souffrir éternellement de garder la plupart de ces acteurs dans le noir. Plus nous serons nombreux à savoir la vérité, plus nous serons à même de faire régner la paix. »

Han le considéra, son regard trahissant des pensées que Weihan regretta. Mais il y avait de ces conversations qui ne pouvaient se terminer sur un assentiment des deux côtés, et c’était l’une de celles-ci.

« Il y a une dernière chose. Lors de tes voyages, si jamais tes pas te mènent au village de la foudre… Une rumeur veut qu’un forgeron légendaire y soit. Son nom est Godo. Tu aurais tout intérêt à lui parler si tu en as un jour l’opportunité. »
« Godo… J’ai déjà entendu ce nom de la part d’un kumojin. La qualité de son travail était… Indescriptible. Je garderai ton conseil en tête, frère. »

Ils se fixèrent quelques instants, avant de se saluer à la manière de leur religion.

« D’Éternité soit rendu. »
« Sur la Voie nous serons. »

Sans plus de cérémonie, Han se détournait, glissant les courroies de son sac sur ses épaules. Weihan le considéra en silence, ce pincement qu’était tout au revoir d’un être cher. À quelques parts, apprendre la forge lui semblait une manière de garder Han avec lui, où qu’il soit, à la manière que la Voie gardait le Culte près de son cœur en toutes choses.

Se tournant vers la forge, il fit tourner le marteau entre ses mains.