Maintenant que mon statut est clarifié auprès de mon chef de clan ainsi que du Shogunat, il me fallait m’expliquer auprès de la première victime dans toute cette histoire concernant la désertion de Karasu. Cette personne n’était nulle autre que mon frère d’arme et ami, Fujiwara Gen’Ichiro. Troisième élément dans ce trinôme envoyé au village d’Himewara afin de combattre les yokais, seul et unique shinobi ayant décidé de poursuivre la mission après la désertion du traître Hyuga, j’ai conscience que mon choix de poursuivre Karasu l’a placé dans une position extrêmement délicate et dangereuse. Je n’ai pas eu de nouvelle concernant l’éclair jaune d’Homura, Eimei n’ayant pas encore eut vent de son retour, pas plus qu’il n’était au courant de la traitrise de Karasu.
Je lui ai cependant laissé une lettre, le jour où j’en ai fait parvenir une à mon chef de clan, j’en ai également rédigé une pour Gen’Ichiro, à lui remettre en mains propres ou une personne de son clan. Sachant que la première est parvenue à destination, j’ai bon espoir que cela se reproduise concernant le message adressé au samouraï. Sachant par ailleurs qu’il n’était pas encore rentré de mission lors de mon entrevue avec l’héritier du trône, je me doute qu’il va falloir prendre mon mal en patience et guetter son arrivée. Combien de temps que je patiente ici, dans ce lieu que nous connaissons tous les deux pour y avoir été la dernière fois que l’on s’est vu ?

Le village de Ranshi Onna semble bien plus paisible en cette douce nuit étoilée qu’il ne l’a été jusqu’à présent. J’ai établi un camp de fortune à l’intérieur d’un des habitacles à moitié écroulé, partiellement préservé par les ravages du temps. Quand j’aurais enfin pu parler au Fujiwara, je prendrais la peine de me chercher un véritable camp, une cachette où me reposer entre deux missions et la traque de Karasu. Pour le moment, mon esprit et mes pensées sont entièrement tournés vers Taiyo no Matsuei, cette organisation dont je suis un des membres fondateurs, cette organisation secrète dont j’espère encore être membre. Mon nouveau statut pourrait affoler mes camarades, pourrait leur donner des raisons de penser que je ne suis plus pertinent à ce poste qui m’a été proposé. A moi de réussir à faire entendre toute ma détermination et ma loyauté en ce projet.
Assis au bord d’une toiture à moitié défoncée, rongée par la verdure ayant pris possession des bâtiments au fil des années, jambe droite repliée vers mon torse, le pied gauche pendant dans le vide, j’observe l’horizon nocturne et la beauté de ce pays que j’ai à coeur de protéger. J’ai longtemps pensé que je pouvais donner ma vie pour Homura, pour ses habitants, pour la Shogun, mais également pour mon clan et ma famille, ainsi que Shiharasi. Surtout, pour Shiharashi. J’ai longtemps pensé que ma fidélité envers eux ne connaissait et ne connaîtrait aucune faille, qu’aucune épreuve, pas même de côtoyer la mort de très près, ne pouvait me faire perdre cet amour inconditionnel envers ma nation et mes proches. J’ai toujours mis en avant la parole d’un noble, la fierté d’un Hyuga et sa loyauté envers ses convictions.

Maintenant que j’en suis rendu là, dans cette situation, puis-je encore affirmer être loyal envers eux ?

Tout est si confus dans ma tête depuis ma défaite contre Karasu… tout s’est mélangé, parfois je n’ai pas l’impression de parvenir à faire la distinction entre ce que je devrais faire pour arranger cette situation et ce que ma haine me guide de faire. Sans cet échange avec Eimei, qui a ramené un peu de clarté dans mon jugement, sans ces mots trouvés et cette foi qu’il a rattrapé de justesse avant qu’elle ne se perde définitivement dans un océan de sombres ressentiments. Un cyclone de haine et de colère, de honte et d’humiliation, difficile de ne pas se laisser obscurcir par tant de négativité et de noirceur quand vous l’avez laissé gagner votre cœur une première fois. Sans cette alternative offerte par Eimei, je suis pratiquement certain qu’à l’heure actuelle, j’aurai pu rayer ce bandeau ninja et oublier définitivement mes liens avec Homura. Si je compte bien mener cette mission personnelle à bien, afin de restaurer mon honneur et laver l’affront que nous avons subi, je ne sais pas dans quel état je serai lorsque tout sera terminé…

Je ressens de la peur depuis que je me suis réveillé, depuis que j’ai réalisé qu’il s’en était fallu de peu pour qu’il réussisse à me tuer. Mais je ne sais pas… je ne sais pas si j’ai peur de lui ou si j’ai peur de moi-même…

Une silhouette attire mon attention, s’extrayant des bois pour se rapprocher du village. Je ne l’ai pas vu venir, ayant laissé au repos mes Byakugans depuis que la nuit est tombée. Il ne vient jamais personne par ici, si ce n’est des animaux. Le risque qu’il s’agisse d’une personne envoyée pour m’éliminer est mince, mais pas impossible. Il suffit que ma lettre soit tombée entre de mauvaises mains et que ces mauvaises mains soient parvenues à déchiffrer le contenu du message. Des phrases volontairement énigmatiques, afin que seul mon camarade Gen’Ichiro puisse en capter le sens réel. Seulement le risque zéro n’existe pas, alors je me charge d’aller à la rencontre de cette silhouette sous cette identité nouvelle que je me suis créé.

Spoiler:

Un masque cachant mon véritable visage, une longue cape pourpre enveloppant toute ma silhouette, capuche sur le crâne, il est impossible ainsi de se douter qu’il s’agit de Hyuga Tatsuya sous cet accoutrement. Car je ne peux me permettre d’apparaître sous ce nom s’il ne s’agit pas de la traque que je suis censé mener. Personne ne doit savoir que je suis impliqué dans d’autres affaires, surtout pas Homura et encore moins Eimei.

Alors qui que tu sois, si tu n’es pas Fujiwara Gen’Ichiro, tu risques fort de regretter t’être aventuré jusqu’ici à une heure aussi tardive…

Je viens me positionner face à lui, silencieux, le laissant s’assurer de l’identité se cachant sous ce masque. Je sais qu’il est capable de reconnaître ma signature chakratique, qu’il n’a pas besoin d’user du Byakugan pour reconnaître son camarade Hyuga. Les samouraïs du pays du Feu sont des êtres dotés d’un talent remarquable pour le combat à l’épée, mais c’est loin d’être leur seule force. Ainsi, je demeure immobile et muet, prenant le soin de ne pas commettre un geste trop brusque qui aurait pu attiser sa méfiance et nous mener dans une situation délicate. Sa main étant déjà posée sur la garde de son arme, je le sais capable de me trancher la tête aussi rapidement que je peux neutraliser ses mouvements avec mon Juken. Et c’est cette méfiance malheureuse, mais nécessaire, qui impose cette distance entre nous, chacun souhaitant s’assurer de sa sécurité.
Lorsque finalement l’aura entourant mon ami s’estompe, je laisse échapper un léger sourire aux coins des lèvres. Un qu’il ne verra pas, ses yeux se butant à cette image fixe que lui offre le masque que je porte. — Je suis désolé pour l’accueil un peu froid, Gen’Ichiro, mais tu comprends que la situation ne me permet pas de te recevoir comme à la bonne époque… Le Fujiwara peut immédiatement noter la différence de ton qui règne dans ma voix, bien différente de ce qu’il a pu connaître de moi. Plus froide, moins chaleureuse, ma voix semble comme avoir perdu de sa légèreté d’antan, de sa lueur d’espoir qui l’animait. — Je te fais confiance, je ne te pense pas être du genre à t’abaisser à de vulgaires embuscades grotesques envers tes camarades. Ça ne lui a sans doute pas échappé, mais j’ai abandonné les formules de politesses et le vouvoiement, ces choses qui me semblent totalement absurdes et vides de sens à présent que j’ai changé de direction, que je me suis engagé sur une autre voie. Inutile de vérifier ses propos avec mon dojutsu, s’il avait voulu m’arrêter ou me tuer, il aurait déjà dégainé sa lame. Mais la prudence reste de mise tant que nous n’aurons pas mis les choses au clair.

Un pas dans ma direction, un pas que je ne cherche pas à arrêter. Je ne recule pas, mais n’avance pas pour autant, conservant ma position initiale.
Rapidement, la conversation bascule sur le point de bascule de notre relation, sur l’élément perturbateur de la mission, sur ce détail qui m’a fait dévier de ma trajectoire initiale. Karasu, ce foutu traître. Si le masque empêche de lire les expressions de mon visage, rien n’empêche de déceler ce poing qui se serre de frustration, ce tremblement dans mes membres supérieurs. Si j’ai atteint mon objectif ? Est-ce que j’en serais rendu-là si j’avais réellement atteint mon objectif ? — Non. Unique mot pour toute réponse à ses questions, un silence s’installe quelques secondes avant que je reprenne. — Le traître court toujours, je n’ai pas réussi à avoir sa tête. Pire encore, c’est ma vie que j’ai laissé en tentant de prendre la sienne. Alors non, l’objectif est loin d’être atteint… Est-ce que je regrette ? Seulement d’avoir abandonné Gen’Ichiro à son sort, durant une mission qui aurait pu lui coûter la vie. Du reste, je n’ai aucun regret, même si je ne suis pas convaincu que c’était la bonne chose à faire sur l’instant. — Si je t’ai déçu et trahi, j’en suis désolé mon ami, mais je l’ai fait dans l’intérêt de nos clans et du Shogunat… Mon esprit était entièrement tourné vers eux à ce moment-là, pas animé par un sentiment personnel. Je suis conscient d’avoir trahi ta confiance, mais ça ne change rien à mon engagement envers ce pays…

Je reste à mes yeux un soldat de Hi no Kuni, un protecteur du feu sacré et de la flamme qui brûle au sein d’Homura. Je n’ai certes plus le même statut, je ne comprends pas encore exactement où tout cela va me mener, mais je n’ai pas changé d'allégeance, je n’ai pas perdu de vue ce que nous souhaitions faire avec Taiyo no Matsuei. — Je ne suis pas un traître, tu le sais très bien, mais j’ai une autre mission personnelle à mener. Je ne renie pas Homura et encore moins Taiyo no Matsuei, mais je dois également m’occuper de Karasu et de retrouver ma dignité. Je dois obtenir vengeance, je dois te ramener sa tête comme je t’en ai fait le serment, je dois restaurer mon honneur auprès de toi, auprès des miens et de toute la cité. Ce n’est qu’alors que je pourrais envisager un retour. En partant du principe qu’à ce moment-là, il ne sera pas trop tard pour moi. — En attendant… je souhaite conserver ma place au sein de l’organisation. J’en suis un membre fondateur, ça n’a pas changé dans ma tête. Si tu me le permets, je continuerai d'œuvrer pour son bien et pour nos projets depuis l’extérieur, avec cette identité sous laquelle je me présente à toi. Hyuga Tatsuya se chargera de traquer le déserteur Karasu, tandis que Kaen de mener les opérations pour le bien de Taiyo no Matsuei.
Observant un instant sa réaction, je finis par enchaîner. — Eimei m’a offert l’opportunité de ne pas trahir le village, de ne pas être traité au même rang que Karasu, mais je ne peux pas trahir sa confiance en retour. Voilà pourquoi je devrais opérer pour l’organisation sous couverture. Je marque un nouveau temps d’arrêt avant de conclure. — Tout ce que je te demande, c’est une opportunité de te montrer que ma loyauté envers la cause et mes camarades ne s’est pas éteinte malgré la défaite. Au contraire d’une partie de moi-même qui je le sais, je le sens au fond de moi, s’est éteint lorsque le kunai du corbeau m’a transpercé la chair… — Une seule suffira. Et s’il ne veut pas me laisser cette chance, s’il ne veut plus m’accorder sa confiance, alors il me faudra emprunter ce chemin seul.

La déception pouvait se lire sur le visage du samouraï, tout comme elle pouvait très clairement se percevoir dans le timbre de sa voix. Pour autant, alors que j’avais pu appréhender cette réaction et craindre d’y être confronté, ma réaction n’est pas celle que j’attendais. Je ne me sens pas honteux, je ne me sens plus honteux pour mes actes, pas même lorsque c’est un ami qui me les reproche. Qu’il soit déçu d’avoir été trahi et abandonné, je le comprends parfaitement, mais ça ne m’affecte pas de manière positive contrairement à ce que je m’étais imaginé. Je n’en souffre pas, du moins ce n’est pas la peine qui inonde mon cœur tandis qu’il me fait part de son ressenti. Non, je me sens juste en colère, encore un peu plus.
Et je ne m’excuserai pas davantage, le temps des excuses est bien terminé, me morfondre sur ce qui est arrivé ne me fera pas arranger la situation, cela n’apaisera en aucun cas toute la haine que j’ai développé pour ce satané salopard de déserteur. Face à ce frère d’arme que j’ai abandonné une fois, je ne cherche pas l’approbation de ma mission, je cherche seulement une opportunité de me racheter. Ce qui semble prendre la bonne direction, à en juger les paroles prononcés par l’éclair jaune.

Plus surprenant en revanche, le rire franc du samouraï qui éclate dans la nuit, tranchant avec le caractère lourd, pesant de cette discussion. J’avoue ne pas le suivre dans son élan, ne sachant pas ce qu’il y a de drôle à cette situation, mais surtout, n’ayant pas du tout le cœur à rire. C’est une autre chose qui semble m’avoir été arraché des mains de Karasu, le rire. Je me perds dans une courte réflexion, cherchant à me souvenir de la dernière fois que j’ai pu esquisser un sourire. Pas depuis cette maudite mission, assurément.
Gen’Ichiro s’efforce de briser la distance de sécurité mutuellement préservée jusqu’à présent, signifiant ainsi en plus de son attitude plus légère depuis son sourire, que la situation ne devrait pas virer au rouge, sanglant. J’avoue sentir un poids s’envoler de mes épaules, comme si la tension s’était échappée en même temps qu’il s’était approché. Le niveau d’alerte s’abaisse, les muscles se détendent, les nerfs aussi. Sa décision tombe, terminant de me mettre en confiance. Il accepte de me laisser une seconde chance au sein de l’organisation, accepte de me laisser l’opportunité de leur prouver que je peux encore être utile et surtout, fiable. — J’accepte de me joindre à vous. Vous ne serez pas déçu, j’ai encore beaucoup à apporter à cette organisation, j’en suis convaincu. Et mon dojutsu ne sera pas de trop pour une expédition sur un territoire inconnu et très certainement hostile.

— Merci de me laisser cette chance, Gen’Ichiro. J’ai conscience de la chance que toi et Eimei m’offrait, et je ne compte pas la gâcher. La Flamme du Pays du Feu brûle encore dans mon cœur, sois en certain. Maintenant que la situation entre nous est claire, je peux totalement me relâcher. Aussi, nous ne sommes plus obligés de rester planter ainsi à l’entrée du village au beau milieu de la nuit. — J’ai envie d’en savoir plus sur cette aventure au Pays de la Terre, mais je préfère discuter ailleurs qu’ici. J’ai posé mes affaires dans une maison abandonnée à quelques mètres d’ici, j’ai de la viande séchée et un peu de saké, si ça te dis ? Une invitation à me suivre, afin de d’échanger dans de meilleures conditions, être plus à l’aise.
Il accepte de me suivre et je le guide jusqu’à mon chez-moi provisoire. Je partirai d’ici dès demain, maintenant que les choses sont réglées. Il est temps de me trouver une planque plus agréable au sein de laquelle me reposer entre les différentes tâches qu’il me faudra accomplir. La porte d’entrée n’est plus, tout comme les fenêtres sont manquantes, mais au moins la pièce principale est assez large pour s’y reposer sans avoir l’impression de se tenir dans un cercueil de pierre. Il n’y a plus de chaises, mais j’ai réussi à me dégoter deux caisses en bois qui donnent parfaitement le change. Je l’invite à s’installer, à faire comme chez lui. On est bien loin du luxe auquel nous sommes habitués lui et moi, nobles personnages appartenant à deux des trois clans les plus influents et riches d’Homura. J’avoue que j’ai encore du mal à me faire à cette perte de privilèges, c’était sans doute le plus insignifiant de tout ce que j’ai pu laisser derrière moi, mais le confort et le luxe n’a jamais autant de valeur à nos yeux qu’une fois qu’on l’a perdu.

En me dirigeant vers la table, je récupère la bouteille de sake à moitié pleine, une sacoche contenant de quoi grignoter un bout, ainsi qu’un couteau de poche. — Alors, parle-moi de cette… mission à Tsuchi, c’est quoi au juste ce que cherche Haruko ? Il ne se spécialise pas vraiment dans la manipulation des ombres, de mon souvenir, non ? Ou alors il fait ça pour le clan plus que pour lui ? C’est quelqu’un de fidèle au sien, lui aussi… Je m’installe sur la caisse, commence par retirer le bouchon de la bouteille et boit deux gorgées de contenu alcoolisé. C’est pas d’aussi bonne qualité que ce qu’on a l’habitude de boire dans nos domaines claniques, mais ça fera l’affaire ici. — T’en veux ? Que je lui demande, en lui tendant la bouteille.

Ayant retiré mon masque afin de pouvoir boire et manger, je pose un regard presque inanimé sur mon camarade. Plutôt, vide de toute joie. Car il pouvait bien déceler de la détermination dans mes yeux, et une certaine résignation quant à la trajectoire inattendue qu’avait pris ma vie depuis cette fameuse mission. Plus rude, plus directe, ma tête est à l’image que l’homme que je deviens peu à peu, froide et calculatrice. Exactement comme l’a fait remarquer le Fujiwara, j’ai été contraint d’élargir mes compétences, de changer mes méthodes et ma vision des choses, porter un autre regard sur le monde. Un qui me sortira de ma faiblesse, un qui me préservera à nouveau du goût amer de la défaite. Car je refuse de perdre une seconde fois, je refuse d’être à nouveau vaincu.
— Je suis obligé de me débrouiller par moi-même maintenant que mon statut au sein d’Homura a changé. Si je suis assuré de n’avoir personne à mes trousses, je suis sûr également de ne plus pouvoir bénéficier de mes anciens privilèges de noble. Je bois à nouveau, m’essuyant les lèvres d’un revers de manche. — Mais eh, je suis en vie, c’est le principal. J’aurais tout le temps de récupérer tout ça une fois que nous aurons suffisamment avancé nos projets. Ne pas perdre de vue l’essentiel, je dormirai dans des draps en soie dès lors que j’aurais repris ma place au sein du Shogunat. Ou que j’aurais pris la direction du clan Hyuga, très probablement même bien les deux.

— C’est vrai que la question se pose. Que font des secrets claniques aussi loin de nos terres ? Plus que pour sa lignée, c’est pour le bien du village qu’il faut éclaircir cette histoire. Taiyo no Matsuei a tout intérêt d’en apprendre plus, peut-être y trouverons-nous une carte en main à jouer pour le futur. Cette expédition m’intéresse et pas seulement pour avoir la chance de prouver à Gen’Ichiro que je suis toujours avec lui. Je suis curieux de savoir ce que l’on va découvrir à Tsuchi no Kuni, d’autant que c’est une terre que peu ont eu la chance de fouler. Il nous faut nous rendre là-bas, pas seulement pour le clan Nara, mais pour Hi, pour Homura.
La suite me laisse quelque peu perplexe, des géants ? On raconte que les Monts Infinis sont la proie de bandits cherchant à s’emparer des richesses des terres, mais je n’avais jamais entendu parler de géants… Je ne sais même pas vraiment à quoi ça ressemble, un géant. — Des géants… j’imagine que si tu m’en parles, c’est que cette source est fiable. Tu crois que notre équipe pourra gérer une tribu de géants ? La question se pose, pas que ça changera ma décision de venir, mais j’ai tout à gagner de savoir s’il cache pas un atout dans sa manche pour gérer ce problème. Un problème de taille, sans vouloir faire un vilain jeu de mots. — Pour ce qui de la sécurisation de la route, il suffira de trouver des terrains dégagés ou des zones neutres pour y apposer les avant-postes, ça ne devrait pas être trop compliqué. Sauf si on tombe sur un autre yokai de la trempe de Ranshi Onna… J’imagine que Eimei ne sera pas là pour couvrir nos fesses, cette fois.

J’ai bien évolué depuis, je pense pouvoir éviter la mort même face à un démon aussi redoutable, à partir du moment que mes camarades fassent aussi leur part du boulot. Je ne connais pas bien Haruko, mais il semble avoir la confiance de Gen’Ichiro, tout comme il avait la mienne lorsque nous avons décidé de fonder Taiyo. Quant à Noboru, je connais un peu le personnage…
— Deux paires de Byakugans ne seront pas de trop pour rester en dehors des radars. La dernière chose qu’on veut, c’est de pousser un conflit entre Tsuchi no Kuni et Hi no Kuni. Quant au sujet de mon anonymat, je me contente d’acquiescer de la tête. C’est ce que j’avais déjà en tête, de toute évidence. Il est impensable de me retrouver impliqué sous ma véritable identité dans les affaires d’Homura, encore moins de figurer dans les rapports de mission.

Un dernier sujet est abordé, une demande à laquelle je ne m’attendais pas forcément de la part du samouraï, mais sur laquelle je m’étais déjà penché en réfléchissant à mes options. Trouver une planque, une véritable base d’opération cette fois, pas juste une maison abandonnée et en ruines, au sein de laquelle les membres de l’organisation pourront se retrouver en dehors des murs de la capitale. Ça va devenir primordial à la vitesse avec laquelle les choses évoluent depuis quelque temps, d’autant plus maintenant que je ne peux pas vraiment retourner à Homura chaque fois que l’organisation aura besoin de se réunir. Aussi, les risques que les autorités de la Shogun percent à jour nos activités seront plus faibles, les autres auront également un point de repli vers lequel se tourner si jamais les choses tournent mal là-bas. — Je m’en occupe, oui. Je songeais justement à me trouver autre chose que cette vieille baraque comme dortoir… De l’humour, mais aucun trait du visage qui s’anime en ce sens. La froideur perdure. — Le temps que vous terminiez les préparatifs pour l’expédition, je me chargerai de trouver cette base. J’effectuerai les recherches en direction de la frontière au nord, un point éloigné de la capitale me semble important.

Une première mission en solo pour le compte de l’organisation, voilà qui allait être intéressant. — J’ai une faveur à te demander, Gen’Ichiro. Une chose que je ne pouvais pas demander à mon chef de clan, naturellement. Je me lève et m’avance jusqu’à un petit meuble, en ouvre le premier tiroir. Ma dextre s’empare de la feuille repliée sur elle-même qui se trouve à l’intérieur, un morceau de papier que je tends à l’éclair jaune d’Homura. — Pourrais-tu donner ceci à Hyuga Shiharashi, je ne sais pas si tu te souviens d’elle ? Il s’agit d’une membre de la Soke à qui l’on m’a confié le rôle de protecteur. Mon absence a probablement dû l’inquiéter, mais mon départ la laissera sans aucun doute dans l’incompréhension. C’est ce que cette lettre que je lui ai écrite cherche à corriger. Peux-tu lui confier à elle et uniquement elle ?

Le samouraï semble suffisamment confiant dans ce qu’il avance, à tel point que je ne cherche pas à discuter davantage là-dessus. S’il estime qu’à nous quatre, nous serons capable de gérer des géants, j’imagine que la meilleure des choses à faire est de lui faire confiance et de me préparer pour ce fameux jour. Je n’ai pas de visibilité sur la suite, ce n’est pas mon expédition et je n’ai aucun renseignement sur le pays de Tsuchi autre que ce que tout le monde sait déjà, à la différence de Gen’Ichiro qui semble mieux renseigné. Je le sais suffisamment réfléchi pour ne pas simplement nous envoyer à la mort, aussi je n’ai pas d’autre commentaire à faire pour le moment.
— C’est dommage en effet qu’un véritable manipulateur d’ombres nous accompagne, mais nous partons avec des représentants des trois clans majeurs de la capitale, cette configuration a de quoi faire peur à n’importe qui. Hyuga, Fujiwara et Nara, travaillant de concert pour un objectif commun, ce n’est clairement pas tous les jours qu’on peut assister à ça. Surtout si aucun d’entre eux ne cherche à tuer ou jouer un mauvais coup aux membres des autres clans. La rivalité qui anime la trinité clanique n’est un secret pour personne et perdure depuis trop longtemps déjà de mon avis, cette animosité pourrie de l’intérieur le village et rend plus vulnérable les troupes du Shogunat, mais les anciens et leaders des clans ne semblent pas s’en soucier outre mesure. Si rien a encore été fait pour corriger le problème, c’est qu’ils doivent trouver leur compte dans ce désordre perpétuel.

C’est une des raisons de la création de Taiyo no Matsuei, passer outre ces conneries, faire en sorte que la jeune génération que l’on représente ne reproduise pas les mêmes erreurs que nos aînés. Leur arracher le contrôle des clans et la mainmise sur la situation politique d’Homura, tout chambouler pour reconstruire sur des bases saines et utiles au village, à ses habitants et même tout le pays. Dans un sens, cette expédition au Pays de la Terre est cruciale pour l’avenir de l’organisation, pour notre réussite future. Je suis fier de pouvoir y participer, même si je sais que ma position au sein de Taiyo reste encore un peu bancale depuis que ma situation a changé. — Je vous y attendrai sans faute, sois en certain. Je n’ai pas l’intention de fauter une seconde fois, encore moins d’abandonner de nouveau mon frère d’arme. Il peut lire toute la détermination qui m’anime à travers mon regard, braqué sur lui.

La question de la lettre étant également réglée, apportant également un peu de légèreté à la conversation, sans pour autant que ce soit moins embarrassant. A son sourire taquin que je n’ai aucun mal à interpréter, j’y réponds par un air gêné, détournant les yeux, le remerciant tout en me grattant l’arrière de la tête. Je suis content qu’il accepte de transmettre mon message, mon coeur et mon esprit seront plus légers ainsi, en sachant que Shiharashi aura de réelles explications quant à mon départ du village et ma nouvelle vie d’errance. J’en avais besoin avant de quitter le pays, j’en avais besoin pour me sentir plus tranquille, pour accomplir les prochaines missions qui m’attendent.
La main sur mon épaule que pose le sabreur se veut chaleureuse, rassurante. Elle soulage un peu le fardeau qui pèse sur ma personne, apporte une vague de chaleur à une âme en proie à la froideur des ténèbres, cherchant son chemin vers la lumière. Ma dextre s’élève pour lui empoigner la sienne, d’épaule. Nous échangeons ainsi un regard fraternel tandis qu’il me fait part de sa promesse. Et j’y crois. Et je ferai tout pour l’aider à ce qu’il la tienne, cette promesse de tous nous ramener en vie.

— Dans cinq jours, mon frère. L’instant d’après, mon frère aux katanas s’éloigne du village et je retourne à ma solitude, remplaçant ce masque sur mon visage et retrouvant les traits de l’errant répondant au nom de Kaen.