Cette nouvelle mission que l’on vient de me confier à des allures macabres, dérangeantes. Des personnes pendues au milieu d’un clairière… c’est avec une certaine horreur dans les yeux que j’ai découvert l’ordre de mission. La folie de l’homme me fera toujours peur, comment peut-on en arriver à s’abaisser à de telles extrémités ? La violence et la mort d’autrui ne suffit donc plus ? Faut-il vraiment en plus de cela rajouter de l’horreur et l’humiliation aux défunts ? C’est avec le cœur lourd que je me suis préparé pour la mission, certes de rang C, mais ô combien importante à mes yeux. Il nous faut évidemment intervenir et mettre fin à ces sombres desseins. Et même si je ne suis pas habilité à m’occuper des corps des victimes, je saurais me montrer utile pour protéger l’équipe médicale envoyée sur les lieux.

C’est donc en tant que shinobi chargé de la protection de ces ninjas médecins que je participe, accompagné d’un Chunin du clan Nara, qui prendra logiquement les rênes du binôme. Je suis rassuré quant à la présence de cet homme que je ne connais pas, mais dont les qualités intellectuelles des siens et leur maîtrise spéciale des ombres n’est plus à prouver. J’ai bon espoir que nous saurons à nous deux assurer la protection de ces gens, quand bien même nous serons chargés de repousser seulement les yokais les plus faibles. Car oui, c’est bien contre ces monstruosités que nous allons combattre, c’est eux le principal danger là-bas, la forêt en étant infestée. Ce sera évidemment un honneur que de mettre mes Byakugans et mon Juken au service de ces hommes et femmes constituant l’équipe médicale.

Je ne traîne pas trop pour les rejoindre, mon équipement prêt et mon esprit dores et déjà entièrement concentré sur l’accomplissement de la mission. Une fois le point de rendez-vous rejoint, je suis immédiatement accueilli par l’homme que je devine être mon supérieur, Nara Masaru. Je m’incline respectueusement en réponse à ses salutations. — Vous avez vu juste. Tout le plaisir est pour moi, Masaru-san. Quelques mots avant que l’équipe médicale ne vienne se présenter à son tour, le même rituel s’installant alors avec chacun des membres constituant l’escouade.
Le départ est annoncé par le Chunin d’Homura lorsque les préparatifs sont terminés, et nous prenons donc la direction de la funeste clairière. Je me positionne naturellement à l’avant du convoi, afin d’ouvrir la voie et de repérer d’éventuels dangers à l’aide de mon dojutsu. Je pourrais ainsi être le premier à réagir en cas de problème. La zone à atteindre n’est qu’à quelques kilomètres, peut-être une dizaine, aussi devrions-nous y être d’ici environ deux heures suivant la rapidité de notre progression. Le plus gros de la mission ne se situe de toute façon pas dans ce déplacement, mais bel et bien une fois sur place, à surveiller que les yokais ne commettent pas plus de dégâts qu’ils ont déjà pu avoir l’occasion de le faire. Je suis prêt à tout faire pour m’assurer que chacun de ces médecins reviennent en vie au village, une fois la mission terminée.

En tant que possesseur d’un dojutsu permettant d’accroître la portée de ma vision, c’est bien moi le premier membre de l’escouade à repérer la clairière désignée comme point à atteindre. Et ce que j’y trouve me glace le sang, quand bien même je m’y étais préparé durant notre progression. Une scène macabre à laquelle aucune mission shinobi ne pourrait vous préparer tant cela paraît sortir d’un autre monde. Des êtres humains pendus à la chaîne, les corps suspendus par le cou à des cordages, eux-mêmes reliés aux branches les plus solides des arbres délimitant la clairière. Pas un seul survivant, évidemment, seulement des maccabés aux visages horrifiés, nuques brisées et dignités envolées.
S’il est possible de pardonner à l’être humain sa méchanceté dans certaines situations, ici le pardon n’existe pas. Quiconque s’est adonné à un rituel aussi horrible ne mérite pas de voir ses fautes pardonnées, ni même de vivre sur cette terre. Il n’y a qu’une seule issue pour le ou les coupables d’un tel sacrilège… le jugement dans la mort.

Mon visage s’est assombri dès lors que la zone s’est offerte à mes pupilles blanchâtres, mes sens accrus, passés en alerte dès lors que j’ai ressenti tout l’horreur et la dangerosité de la scène. Car je suis persuadé que ce n’est pas fini, que peu importe qui est à l’origine de cette atrocité, il ne s’arrêtera pas là. Mais le danger immédiat que représente une monstruosité démoniaque présente sur le site me pousse à mettre un instant de côté la question du responsable. Comme mentionné dans l’ordre de mission, la mort a attiré les bêtes les plus sombres sur ces terres et un yokai s’en donne déjà à cœur joie.
Laid et répugnant sont les premiers adjectifs qualificatifs qui me viennent à l’esprit lorsque ma vision décuplée se pose sur l’être malfaisant, afin de l’analyser. Petit, mais naturellement armé pour tuer, le yokai est en train de se repaître d’un corps laissé dans l’herbe. Pourquoi ne pas l’avoir pendu avec les autres ? Cette question me traverse l’esprit quelques secondes avant que le Chunin manipulateur des ombres ne m’approche, jouant sur la discrétion pour me transmettre les consignes et la façon d’éliminer le monstre. L’effet de surprise nous permettra de le neutraliser sans même qu’il n’oppose une quelconque résistance.

Ainsi, l’ombre du Nara s’étendit au travers de la zone herbeuse pour venir emprisonner le yokai, le privant de sa mobilité. La capture réalisée, je me suis élancé sans perdre un instant, m’emparant d’un kunai dans mon étui durant ma course, fondant sur la petite bête aux dents pointues. Rendu à son niveau, j'abat la lame de mon arme une première fois sur sa gorge pour la trancher d’un mouvement sec, avant de frapper une deuxième fois en retour contre sa nuque, y plantant le kunai d’un geste pourfendeur. La pointe transperce la chair de plusieurs centimètres, y reste enfoncée tandis que la créature s’effondre sur le ventre dans un hurlement étouffé par sa jugulaire tailladée.
Respectant le silence de l’opération, je fait signe d’un geste de la main à mon supérieur de patienter quelques instants avant d’autoriser l’unité médicale à progresser dans la zone. Seulement le temps de m’assurer qu’aucun danger immédiat ne subsiste, seulement le temps de m’assurer que nous ne serons pas pris de court par d’autres yokais mineurs traînant dans les fourrés, dissimulés dans la végétation. D’une vision bicolore, le noir et le blanc s’imposant dès lors que j’utilise le Byakugan, je scanne minutieusement la zone. Durant l’espace de plusieurs dizaines de secondes, je demeure immobile, laissant mon dojutsu faire le reste.

Rien, visiblement. — La zone est dégagée. Que j’élève la voix en direction de Masaru, assurant par cette phrase la possibilité aux médecins d’investir la clairière pour y commencer leur travail.
La caravane se remit en marche et le petit convoi revint rapidement à ma hauteur, décrivant un demi-cercle autour de ma personne, utilisant ma position comme point d'ancrage pour établir leur petit campement. Ils s’occupèrent de décharger le matériel nécessaire pour leur opération, tandis que le chef de l’équipe médicale s’empressa de s’enquérir de l’état de santé de la victime à mes pieds. Sans échanger un mot, nous en arrivions à la même conclusion fatale. Morte, malheureusement. Pas une surprise en soit, pour l’un comme pour l’autre, le ninja médecin avait inspecté la dépouille par conscience professionnelle plus que pour confirmer un diagnostic sautant aux yeux. — Les corps sont nombreux… il va nous falloir un peu de temps pour tous les décrocher, procéder aux premières analyses et nous occuper des dépouilles.

Un simple hochement de tête à sa remarque, je sais bien ce qu’il entend par analyses et "s’occuper" des corps. Même si je n’approuve pas cet ordre, le Shogunat semble avoir décidé que la décision la plus judicieuse ici était de brûler les corps et non pas les ramener à la capitale. Quant aux analyses, il s’agit de déterminer la cause de ces nombreux décès, qui selon les informations contenues sur la missive, suggérait à une série de suicides inexpliqués. Je n’arrive pas encore à expliquer pourquoi par manque de preuve, mais il me semble très peu probable qu’il s’agisse réellement de suicides. Pourquoi se donner la mort en masse de la sorte et pourquoi choisir cette clairière en particulier pour le faire ? Tout cela n’a pas vraiment de sens à mes yeux, si ce n’est que quelqu’un tente de dissimuler son crime, à couvrir ses traces. Un mystère que j’aimerai percer à jour, mais je n’ai pas été envoyé ici pour mener les recherches, seulement pour assurer la protection de mes camarades. Ce que je compte bien évidemment accomplir.

— Est-ce que vous y croyez vraiment, Masaru-san, à cette histoire de suicides de masse ? Ou est-ce que comme moi, vous sentez qu’il y a quelque chose qui cloche avec tout ça ? Je marque un temps d’arrêt, pensif. — Cette clairière est imprégnée d’une lourde atmosphère…