Dans le tourbillon de ma vie, je me retrouve souvent à suivre mes instincts, à écouter cette voix intérieure qui me guidait à travers les méandres de l'existence. Bien que mon éducation ait cherché à me modeler selon des normes rigides et cartésiennes, j’étais avant tout une enfant de la terre, une âme qui résonnait avec les éléments primordiaux, avec les forces telluriques qui parcouraient le monde. Les racines profondes de mon être s'ancraient dans les minerais, les roches, les arbres centenaires, me connectant à une sagesse ancienne et immuable. Et c'est en suivant ces sensations primitives, ces instincts primordiaux, que j’initiais ma voie dans ce monde complexe et changeant ; que j’envisageais de deviner qui il était.
Ainsi, lorsque je me retrouvais face à lui, près de la demeure des Nara, je sentis immédiatement sa nature, son essence profonde. Ses cheveux d'ébène dansent au gré du vent, son regard acéré scrutait l'horizon avec une intensité hypnotique. Il était l'Ombre incarnée, le reflet sombre des mystères de la nuit. Peut-être construisais-je ma propre légende, me pensant en opposé avec le versant cérébral de ce clan, qui m’aidait dans mon intégration au sein du Shogunat. Peut-être était-ce une façon de croire encore que j’étais encore rattachée à Tsuchi. J’avais deviné une partie de son identité par instinct et non par évidence. Voilà ce que je me racontais.
Pourtant, malgré cette révélation, mon sourire ne faiblit pas. Je le regardais droit dans les yeux, me présentant avec assurance, sachant que notre rencontre n'était pas le fruit du hasard, mais le résultat de forces bien plus grandes et bien plus anciennes que nous.
« Haruka Miyuki. Honorée de vous rencontrer Masaru-san. » Je m’inclinai respectueusement, mes cheveux d’or blanc glissant sur mon épaule. Mon regard se releva, se posant de nouveau sur lui plein de malices et de curiosités.
Pourquoi m’avait-il observé ?
❅ Natsu no Kage
夏の影
Pouvais-je le déceler en l'observant avec une acuité ? Lui-même se construisait une légende, se forgeant une identité de sentinelle intrépide, gardien vigilant des frontières de ce monde rude et dangereux. Les récents événements à Homura semblaient lui donner raison, renforçant sa conviction d'être un protecteur face aux menaces qui planaient sur notre monde. Pourtant, mon orgueil aurait désiré que mon nom résonne dans tout le clan Nara, que tous reconnaissent la nouvelle styliste à leur service, celle qui cousait désormais même pour Nara Kuenai. Mais la modestie me rappelait à l'ordre, me rappelant que la reconnaissance devait être méritée et que la prudence était de mise. Malgré mon désir d’étinceler dans la lumière, un penchant que je cultivais depuis mon enfance, il fallait encore lier mon destin à l'ombre, à l'attente discrète et prudente, loin des regards indiscrets. Les Akimichi pouvaient encore me chercher.
Je comprenais ses motivations, acquiesçant silencieusement à sa remarque sur la nécessité de protéger ce domaine sacré des intrusions indésirables. Dans ce monde d'ombres et de secrets, la vigilance était notre meilleur allié, et nous devions rester unis pour faire face aux défis qui se dressaient devant nous.
« Je comprends. Cependant, je travaille régulièrement pour le clan Nara depuis le début de l’été. Nara Kuenai en personne m’a confirmé cette collaboration. Vous risquez de me revoir dans les parages. »Dans l'ombre mouvante des feuilles dansantes, je découvrais une nouvelle facette de cet étrange interlocuteur. Il arborait la prestance noble caractéristique des Nara, mais son langage et son humour rappelaient ceux d'un ermite, d'un homme solitaire et inadapté plutôt que d'un noble du Shogunat. Une association d'idées pour le moins improbable, pensais-je en observant son attitude déroutante.
Mon sourire demeurait sur mes lèvres, mais il se figeait légèrement, trahissant mon embarras face à cette étrangeté. Il oscillait entre la courtoisie bienveillante et une irrégularité déconcertante, ce qui rendait difficile de le cerner entièrement. Ses allusions à ses nombreux voyages s'inscrivaient comme une pièce supplémentaire du puzzle qui dessinait l'image encore floue du portrait de Masaru.
« Écoutez, je serais enchantée pour que vous m’accompagniez. Je risquerais moins de me faire arrêter près de la demeure principale. »Nous nous mîmes en marche. Je répondis un peu plus tristement à ses interrogations. À vrai dire, mon complexe passé me poussaient encore sur des chemins biscornus et invraisemblables. Moi qui n’aspirais qu’à creuser un terrier, protecteur de ma nouvelle réalité.
« Voyager… » soupirai-je.
« Non, ce n’est pas forcément cela. Je dois aider une personne… un proche… Ainsi, je vais devoir me rendre au Sud, bien au Sud… Bien plus au Sud que je ne l’aurais imaginé. »
Mon regard se releva vers lui. Mes joues se tintèrent de rouge. Encore une fois, j’avais laissé libre cours à mes pensées et à mes émotions, sans réellement réfléchir à ce que les dévoiler pouvait me coûter. Une tare que les Akimichi me reprochait quotidiennement.
« Enfin, ce n’est pas un problème en soi. J’ai une mission à réaliser moi-même. Izanami pousse mes pas vers le voyage car il doit en être ainsi. »J’hésitais légèrement, un peu troublée.
« C’est que, si vous ne connaissez pas mon art et ma boutique, vous ne pouvez pas savoir. J’ai ramené au Shogunat un art et une mode qui vient de Tsuchi. Moi-même, j’ai un long périple à mon actif. J’espérais enfin m’enraciner. »Je tentais un petit sourire rassurant.
« Connaissez-vous Kaze ? »