Positionné en tailleur, les mains jointes à hauteur de torse, le jeune membre du clan au dojutsu immaculé adresse ses dernières prières. Destinées aux kamis ? Pas seulement, non, il requiert également toute la force et le soutien de ses ancêtres, tombés au combat avant lui. Car il le sait, la tâche qui l’attend est un chemin ouvert vers la mort et la souffrance, un sentier périlleux flirtant avec le royaume des yokais et celui des défunts, ou la moindre erreur vous offrira votre entrée chez les esprits.
Depuis son enfance, on l’a conditionné, formé, élevé pour dédier et donner sa vie si nécessaire, pour le bien de la Soke. Depuis qu’il est en capacité de se battre, la garde de la jeune Shiharashi est son devoir primaire, son objectif principal. L’idée d’une fin prématurée pour un grand sacrifice ne l’effraie pas, ne l’effraie plus désormais, il se sent prêt. Alors à quelques minutes d’emprunter ce sentier obscurci par le mal et les ténèbres, il ne doute pas, n’hésite pas. Seulement cherche-t-il à puiser dans la puissance des anciens, des ancêtres, afin d’accomplir au mieux son devoir.

Un sentier qu’il lui faut l’emprunter accompagné de frères d’armes et surtout, de leur illustre chef de clan, Eimei-sama. La seule présence de cet homme dans l’escouade suffit à démontrer l’importance de cette mission, qui n’affiche pourtant que le rang B.
Une mission de rang aux allures de rang A, selon son humble avis, tant les enjeux diplomatiques et économiques sont grands. Ouvrir un chemin sécuritaire depuis la capitale jusqu’au pays de la Foudre, une grande première d’aussi loin qu’il se souvienne. De ce qu’il sait de l’histoire d’Homura, ce qu’on lui a appris, jamais pareille expédition n’a été entreprise auparavant. Déblayer une voie sûre jusqu’à Kaminari no Kuni, éliminer les yokais infestant cette route et assurer un passage hors de tout danger. L’objectif en fin de course étant de pouvoir améliorer et accélérer les échanges d’informations entre Homura et Kumo.

Sans aucun doute sa mission la plus importante de sa petite carrière de shinobi, Tatsuya se sentant honoré et fier d’avoir été choisi parmi tant d’autres, tout particulièrement d’avoir été placé dans l’unité d’Eimei-sama.
Sortant de son état de transe, il se redresse, arborant un air solennel, déjà concentré dans ce qui l’attend une fois en dehors des murs. Soufflant sur les quelques bougies allumées pour sa méditation, il quitte sa chambre et après avoir prévenu ses parents de son départ, s’éloigne du domaine familial. Des adieux sobres qui ne laissent pas la place aux émotions, chacun se l’interdisant dans la famille. Les plus affectés retiennent leurs larmes, les plus forts rassurent, posture droite et fière. En l’observant disparaître au fur et à mesure qu’il marche en direction de l’Arche, sa mère sentira ses yeux s’humidifier et ses joues accueillir les larmes qui s’en écouleront. Elle adressera chaque soir qui suivront cette journée, son lot de prières afin de protéger l’âme de son fils parti en mission ce jour-là, dans l’espoir qu’il lui revienne sain et sauf.

Tatsuya lui, arrive finalement au lieu de rendez-vous avec le reste de l’équipe. Immédiatement reçu par des exclamations d’une voix qu’il met du temps à reconnaître, sonnant comme familière à ses oreilles sans parvenir à mettre un nom dessus. C’est seulement en voyant la tignasse rousse du corps remuant son bras pour attirer son attention, que le souvenir de la rencontre dans les toilettes publiques lui revient en tête. Quelque peu surpris de la retrouver dans ces circonstances, il amorce un léger mouvement de recul quand elle se rapproche, s’arrêtant net dans son avancée. — Yohka-san… Ce n’est pas qu’il est ennuyé de la revoir, mais il craint quelque peu quant à la présence d’un pareil énergumène pour une tâche de cette importance. — Tu peux m’appeler Tatsuya, tu sais. Mais en effet, le hasard peut se révéler intrigant par moment. Joueur, aurait-il pu dire. Il dépasse la jeune femme, passant à hauteur de Karasu, l’énigmatique Hyuga issu de la Soke, dépourvu de Byakugan. Répondant à son salut amical par une salutation respectueuse, ponctué d’un — Karasu-sama. L’historique entre les deux branches de leur clan obligeant à certaines formalités, d’autant plus en présence de l’homme à sa tête.

Il est rapidement interrompu par la tornade rousse Yohka, lui frappant dans les côtes afin de forcer la discussion. Ce dont elle lui fait part laisse quelque peu perplexe Tatsuya, ayant beaucoup de mal à envisager la chose d’une façon aussi sérieuse qu’elle. — Goûter la viande de yokai ? Quelle idée… surprenante. Pourquoi vouloir faire une chose pareille ? Qu’est-ce qui te garantie qu’ils sont comestibles ? Ne compte pas sur moi pour te préparer des grillades… si nous croisons l’un de ces monstres, nous devons l’éliminer au plus vite et passer au suivant. L’insouciance de cette fille l’inquiète, elle pourrait bien se faire tuer en essayant de suivre une de ses idées farfelues. Ou pire, les faire tuer. Une petite mise au point s’impose, il faut lui faire assimiler le sérieux de cette mission. — Yohka-san, nous ne partons pas en voyage découverte culinaire, tu sais. Eimei-sama nous fait l’honneur de nous accompagner, de nous guider dans cette épreuve, et il est absolument hors de question que tes… frasques, mettent en danger sa vie. Comportes-toi comme une véritable kunoichi, s’il-te-plaît.

Elle doit bien en être capable, non ? De faire preuve d’un minimum de sérieux et de responsabilité.

Détendre son string ? De quoi diable pouvait-elle parler ? Le jeune balafré laissa échapper un soupir ennuyé, Yohka n’était définitivement pas un élément fiable sur lequel ils pouvaient s’appuyer sans crainte d’une faille. — Tu ne veux donc pas comprendre… se contenta-t-il simplement de lâcher, quelque peu désabusé par l’irresponsabilité dont la rouquine faisait preuve dans un moment pareil. Tenir ce genre de propos au sujet d’un représentant d’un des trois clans les plus influents et puissants de la nation, elle ne devait pas avoir eu une éducation comme les autres. Soit, si elle était de nature à faire passer son petit plaisir personnel avant les intérêts d’Homura, il n’irait pas la forcer à accomplir son devoir, en revanche il ne manquerait pas de le mentionner dans son rapport. Ce genre de comportement n’avait rien à faire au sein d’une armée shinobis, mais davantage dans une cours de récréation.

Karasu eut le bon esprit de recentrer la discussion sur la mission, dévoilant ses capacités et invitant le reste du trinôme de Genis à en faire autant afin d’élaborer une ébauche de stratégie concernant le déplacement. Acquiesçant de la tête en notant les informations dont lui faisait part son semblable, il prit la suite, Yohka ne semblant pas vouloir daigner y mettre du sien encore une fois. — Je me chargerai du rôle de sentinelle, il s’agit d’un de mes domaines de prédilection. Mon Byakugan sera en mesure de vous avertir des éventuels dangers que nous rencontrerons en chemin. Il avait suffisamment confiance en lui et ses capacités pour assurer ce rôle de la bonne manière. Appartenir à la branche secondaire ne signifiait pas être dépourvu de la fierté caractéristique des Hyuga. — Offensivement, je me spécialise dans le corps-à-corps, usant de mon art et de mes pupilles pour frapper avec précision les points sensibles de l’ennemi et le neutraliser. Et c’était tout ce qu’il y avait à dire pour le moment.

Moment choisi par Hyuga Eimei pour se dévoiler. Tatsuya détourna immédiatement son attention des autres pour aller se présenter, s’inclinant respectueusement devant Eimei, avant d’ajouter. — Eimei-sama, je suis Hyuga Tatsuya. C’est un honneur de vous assister sur cette mission, je ferai en sorte d’être à la hauteur. Sobre, mais clair sur ses intentions, témoignant de l’immense respect qu’il éprouvait pour cet homme à la tête des siens depuis une vingtaine d’années environ, l’opportunité qui lui était offerte en ce jour était une chance unique qu’il se devait de saisir. Issu de la branche secondaire, il n’apparaissait pas au premier plan des affaires de son clan, n’était pas le plus considéré d’entre tous, souvent mis en retrait, sa valeur amoindrie par rapport à un noble Hyuga de la Soke. Avoir l’immense honneur d’escorter la figure du clan dans une mission aussi importante que celle-ci pouvait lui permettre de prouver qu’il était capable d’apporter plus encore pour les siens.

Pour toute réponse, il n’eut le droit qu’à réceptionner des rouleaux de parchemins, distribués sans prévenir par un Eimei désireux de partir immédiatement. Habitué à être ignoré par les plus nobles de la Soke, Tatsuya se contenta de ranger les rouleaux dans son baluchon de voyage, avant d’emboiter le pas à son supérieur.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il était plutôt pressé d’en finir avec cette traversée, le supérieur. Il menait une allure élevée, peut-être trop dangereuse aux yeux du Genin aux pupilles immaculées, qui ne pouvait s’empêcher que de foncer de la sorte les exposait à un assaut surprise d’un yokai, ou de vulgaires bandits. Comme il l’avait annoncé tout à l’heure, c’était son rôle de prévenir le danger et de s’assurer que personne ne soit blessé, mais on ne lui facilitait pas la tâche. Usant de son dojutsu, les veines ressortant en nombre autour de ses yeux, il se concentrait pour garder une vision claire sur leur environnement, poussant sur quelques centaines de mètres afin d’anticiper une menace fixe. En pleine course, il décela les projectiles de bois quelques secondes avant qu’elles ne soient en mesure de les transpercer, forçant chacun à une défense réflexe. L’action s’était déroulée si vite qu’il n’avait pas eu le temps de les avertir, chacun avait dû s’employer pour ne pas finir embroché.

Tatsuya, lui, avait stoppé sa course, adoptant une posture défensive et réagissant dans la foulée aux deux pieux le menaçant. D’une gestuelle fluide et précise, il balaya chacun des projectiles d’une frappe des paumes de ses mains, les déviant de leur trajectoire pour les envoyer s’écraser sur le sentier, dans son dos. — Je vais bien. Se contenta-t-il de répondre, avant d’immédiatement analyser la zone à l’aide de son Byakugan. Un piège aussi grotesque et rudimentaire ne provenait pas de yokais, à moins que ces monstres soient soudainement capables de construire des lances et mettre au point des plans pour attaquer l’humain. Si les responsables de cette attaque sournoise étaient encore dans les parages, il espérait bien les identifier à l’aide de son dojutsu clanique.

Ne relâchant pas sa vigilance, gardant une posture défensive, il effectua un balayage des lieux. A la moindre source de chakra ou silhouette suspecte détectée, il alerterait ses camarades ninjas et son chef de groupe.

Tout s’enchaînait à grande vitesse, tout juste avaient-ils repoussé le piège des lances de bois, que Tatsuya repérait la présence d’un assaillant dans leur dos, comprenant immédiatement ce dont il s’agissait. — Dans notre dos ! Se contenta-t-il d’alerter ses camarades, lui-même pivotant immédiatement en direction de l’adversaire pour lui faire face. Les pieux de bois ne constituaient donc pas une réelle attaque, mais une simple diversion afin de mieux les attaquer par derrière, pendant qu’ils étaient occupés à gérer l’assaut frontal. Malheureusement pour l’ennemi, il avait sous-estimé les capacités de l’équipe, qui réagissait au quart de tour, à l’image du chef de groupe qui venait de neutraliser le tronc d’arbre menaçant dangereusement leur flanc droit.
Ce qui là encore, n’était qu’une simple diversion afin de mieux se focaliser sur l’assaut qui allait suivre. Une grosse boule de feu crachée, puis une rafale de vent venant amplifier le feu de la technique, créant un assaut dévastateur des deux techniques combinées. Inutile de prévenir ses camarades, la dangerosité du combo se suffisait à lui-même. Qui que soit cet individu, il ne venait pas pour faire des prisonniers. A Karasu de se mettre en avant en gérant par lui-même l’imposante boule Katon renforcée par le vent, usant d’une technique secrète du clan que connaissait Tatsuya, lui-même étant en mesure de l’utiliser. Et c’était d’ailleurs cette technique qui aurait été appliquée s’il avait dû dresser sa propre défense.

Fort heureusement, son partenaire et cousin Hyuga leur avait ouvert une porte de sortie idéale, leur laissant le loisir de la contre-attaque. L’attrapper vivant, c’était effectivement ce qu’il souhaitait faire. Yohka fut plus rapide à réagir, s’appuyant sur les épaules de Karasu pour se propulser vers l’ennemi, prenant les devants de la riposte. Ce qui laissa le Hyuga balafré interdit une fraction de secondes, surpris de constater que la rousse pouvait se montrer professionnelle et sérieuse. Léger sourire aux coins des lèvres, il se remit les idées à l’endroit et se propulsa vers l’avant, contournant son cousin et les restes de l’assaut ennemi, cherchant à passer dans le dos de ce dernier afin de lui couper la retraite si jamais il cherchait à se soustraire à l’emprise de Yohka.
Il fallait bien reconnaître qu’elle ne blaguait pas cette fois, l’un de ses bras se décuplant d’une façon disproportionnée pour venir emprisonner le corps de l’adversaire entre ses doigts. Le clone de l’assaillant s’était désagrégé immédiatement après l'enchaînement, témoignant d’une réserve de chakra probablement en panne sèche. L’utilisateur devait être fatigué et incapable de se sortir de cette prison organique, s’il ne souhaitait pas voir son corps être brisé en mille morceaux, mieux valait-il pour lui qu’il se montre coopérant. Tatsuya s'était tout de même positionné dans son dos, au plus proche de lui dont le permettait l’énorme main de sa partenaire.

Byakugan désactivé, un kunai dans sa main droite, il éleva la pointe de son arme afin qu’elle entre dans le champ de vision de l’ennemi, qu’il comprenne le sérieux de la menace. — Si tu ne veux pas mourir ici, reste immobile. Il pouvait s’imaginer que le Genin était en plein bluff, qu’il n’oserait pas enfoncer la lame de ce kunai en travers de sa gorge, et il se tromperait grossièrement. Ici, le jeune homme à la crinière azurée ne se battait pas seulement pour sa propre survie, mais pour celles de ses compagnons et surtout, de son chef de clan ici présent. Risquer l’intégrité d’Eimei-sama simplement par état d’âme lui était interdit, ce n’était pas ce à quoi on l’avait entraîné, conditionné depuis son plus jeune âge. Prendre une vie était un acte qui le répugnait, mais dont il était parfaitement capable, il l’avait déjà fait auparavant pour protéger Hyuga Shiharashi, la membre de la Soke dont il avait la responsabilité, dont il était le gardien attitré. — Qu’est-ce que vous nous voulez ? Pourquoi nous avoir tendu une embuscade ? Son ton était était différent d’ordinaire, plus aucune trace de bienveillance dans sa voix, ni de gentillesse évidente dans son regard.

Le Hyuga à la balafre fut satisfait de voir que le ninja ennemi n’avait dès à présent plus aucune chance, ni solution à disposition pour s’échapper et leur fausser compagnie. Dès lors, il lui semblait évident qu’ils arriveraient à le faire parler et en savoir plus sur ce qui l’avait poussé à les attaquer ainsi. Que ce soit le mode de procédé, qui laissait très clairement penser à une préparation en amont supposant que cet homme avait été mis au courant de leur mission, ou le fait que ce soit un shinobi qui vienne directement s’en prendre à eux, tout cela ne pouvait en aucun cas être une simple coïncidence. Mais alors quoi ? Encore les plans fourbes et déshonorants d’un traître à la nation ? Est-ce que quelqu’un à la capitale avait décidé qu’il était préférable que cette mission n’aboutisse jamais ?

Ils devaient en être sûrs.
Tatsuya chercha du regard le chef de groupe, Eimei, afin que celui-ci ne les renseigne sur la marche à suivre. Que souhaitait-il faire du prisonnier ? Fallait-il procéder à l’interrogatoire ici et maintenant ou chercher un lieu plus à l’abri des regards ? Voulait-il qu’on l’exécute purement et simplement afin de se reconcentrer sur la mission ? Seulement après quelques longues dizaines de secondes d’un mutisme absolu, d’une situation qui commençait doucement à venir gênante selon lui, le Genin préféra en tirer la conclusion que tout comme durant l’embuscade, son chef de clan préférait se placer en observateur. Et bien que cela ne l’enchantait pas vraiment, un membre de la Bunke agissant de son libre arbitre devant la tête dirigeante du clan pouvant être mal perçu, il se hasarda tout de même à faire quelque chose. Il le fallait bien de toute façon, on venait d’attenter à leurs vies, à tous.
— Parce que vous pensez pouvoir nous acheter avec votre or ? Savez-vous à qui vous venez d’essayer de vous en prendre ? Nous sommes des ninjas d’Homura, nous représentons la volonté et l’autorité du Shogun, le régent de cette terre que vous osez fouler de vos pieds pervertis par la traîtrise… De son point de vue, quiconque osait s'en prendre à des shinobis d'Homura était considéré comme un traître à la nation. Il tentait de rester le plus neutre possible dans ses déclarations, mais son grand sens de l’honneur mélangé à l’adrénaline coulant encore dans ses veines rendait l’exercice difficile. — Yohka-san ? Est-ce que tu peux serrer un peu plus fort s'il-te-plaît ?

L'heure n'était plus à la plaisanterie ni aux propositions absurdes, l'ennemi n'avait aucun moyen de s'en sortir par de vils techniques pour les pervertir. — Je vous laisse encore une chance de vous expliquer. Qui êtes-vous et pourquoi nous avoir tendu cette embuscade ? Comment saviez-vous que nous serions-là ? Qui vous a informé ? Se voulant plus intimidant, il rapprocha la lame de son kunai de la jugulaire du captif, afin de le motiver à passer aux aveux.

Lorsque Yohka refusa à son tour l’offre du criminel, Tatsuya soupira intérieurement, se faisant la remarque qu’il valait peut-être mieux pour elle qu’elle ne parle pas, finalement. Ses actes témoignaient clairement de ses compétences, elle n’avait rien à envier à un autre Genin d’Homura, mais question langage et état d’esprit, c’était déjà plus nuancé… On pouvait pourtant clairement se rendre compte de son implication dans la mission et de sa volonté à la mener à bien, sans aucune perte dans leur équipe. Seulement dès qu’elle l’ouvrait, le Hyuga avait l’impression d’entendre parler un vulgaire voyou ou un villageois quelconque, vraiment pas sérieux.
Le moment n’était pas au jugement, ni même au reproche, comme il aurait eu envie de le faire en temps normal. Yohka lui faisait cette impression d’être une jeune enfant que l’on avait placé au sein des forces armées du Shogunat sans même prendre le temps de lui apprendre ce que cela pouvait entraîner, ni même de l’avoir alerté de quelques règles et conseils à ce sujet. Aussi, pas surprenant que ses manières et son phrasé tombaient souvent à côté de ce que l’on attendait d’une kunoichi du Shogun, même si encore une fois, elle donnait de sa personne pour en accomplir les objectifs qu’il fixait.

Le bleuté ne releva pas la remarque de sa partenaire d’équipe concernant le fait de crever un œil de leur prisonnier, jouant sur l’absence de réponse pour continuer d’instiller le doute dans l’esprit de ce dernier. Qu’il commence à envisager cette option comme une possibilité de la suite du sort qui lui était réservé, s’il ne commençait pas à se livrer concernant ses intentions derrière cette attaque. « Yohka-san, Tatsuya-san, attendez ! Ne restons pas à découvert, allons nous mettre en sécurité pour l'interroger rapidement ». Alors qu’il s’apprêtait à se montrer plus insistant, Karasu appuya l’idée qu’il avait envisagé tout à l’heure, à savoir de procéder à l’interrogatoire dans un coin plus sécurisé. Ce à quoi il acquiesça d’un signe de tête, jetant un rapide coup d'œil à leur chef d’Unité pour constater qu’il conservait sa position en retrait, silencieux.
Laissant le soin à son semblable à la chevelure de jais d’essayer de soutirer des informations à sa manière, le jeune noble de la Bunke surveillait en contrebas qu’il n’arrive rien à Eimei, tout en maintenant de la lame de son kunai, la pression contre la gorge de leur prisonnier.  Et cela porta ses fruits, puisque ce type qui prétendait être un mercenaire répondant au nom de Ado Watatsuki, affirmait avoir été engagé pour éliminer Eimei, sous ordre d’un commanditaire trop effrayant visiblement pour oser dévoiler son identité, ou les raisons d’un tel acte. Suspicieux, Tatsuya ne put tout de même pas s’empêcher de craindre pour la vie de leur chef de clan. Jamais il ne permettrait sa mise à mort alors qu’il se trouvait à ses côtés, quitte à y laisser sa propre vie.

Et alors qu’il s’apprêtait à tenter de faire parler davantage ce Watatsuki, l’homme à la tête du clan Hyuga coupa court au procédé, décidant qu’il était temps de se remettre en route et d’aller directement confronter le fameux commanditaire.
Si cette idée inquiétait le jeune Genin à la tignasse azurée, comme pouvait le laisser entrevoir l’expression faciale qu’il arborait depuis qu’ils avaient repris leur progression, il tacha de garder le silence et de faire confiance en leur chef d’équipe. Après tout, de part son rang de Jonin et sa place au sein du clan, il était bien plus compétent en la matière et si telle était sa décision, alors sans doute que c’était la meilleure des choses à faire. Lui devait se contenter d’ouvrir ses Byakugans, de rester sur ses gardes et prêt à réagir au moindre danger, de protéger Eimei et ses camarades coûte que coûte. Et de la confiance, il allait en falloir au moment de se retrouver dans la zone où d’après les dires de Ado, son patron se terrait. — Qu’est-ce qui est arrivé ici… ? Est-ce qu’il posait la question à ses camarades, à son chef, à Ado ou encore à lui-même ? Il n’aurait su le dire, les mots étaient sortis d’eux-mêmes face à ce paysage désolé qui s’offrait à sa vue. Une clairière dévastée par les flammes, à en juger l’état de la végétation, totalement calcinée. La terre était morte et ce dans un large périmètre, comme si un terrible incendie l’avait réduite en cendres.

Et puis ces corps…
Des corps humains, également brûlés jusqu’à la mort et sans doute même après qu’ils aient rendu l’âme. Mais quelle atrocité avait bien pu se produire en ces lieux ? Si depuis qu’il avait rejoint les rangs du Shogunat, ou même encore depuis qu’il assurait la protection de Shiharashi, il avait pu être confronté à la mort, allant jusqu’à la semer de ses propres mains, jamais il n’avait été confronté à une telle vision cauchemardesque. — C’est horrible… Les larmes ne coulaient pas, mais il éprouvait un profond sentiment de chagrin à contempler ainsi la nature morte et ces nombreux corps dépossédés de la vie. Il ne tarda pas à activer ses Byakugan, voulant s’assurer de la nature de cette catastrophe. Après tout, si l’on se fiait aux dires du mercenaire, un dangereux criminel se cachait ici, peut-être en était-il le responsable ? Si tel était le cas, ses pupilles finiraient par le trouver, le localiser. Le coupable devait être trouvé et puni, assurément.

Karasu semblait prendre un peu trop de plaisir à exécuter les ordres d’Eimei, faisant souffrir plus que nécessaire leur prisonnier. Il faisait tout pour obtenir des informations de la part de ce dernier et en cela, son camarade Hyuga ne pouvait pas le blâmer. Leurs vies à tous étaient en jeu et il soupçonnait que cet endroit soit le lieu décidé pour être leur tombe. La vérité fut rapidement confirmée par le mercenaire, qui s’était évanoui si tôt après leur avoir annoncé être tombé dans son piège. De son point de vue, ce n’était pas vraiment l'œuvre du brigand mais davantage de la volonté de leur chef de groupe, qui avait voulu vérifier de lui-même de quoi il en retournait. Et ce dont il s’agissait, Tatsuya pu l’observer au travers de ses Byakugans, non sans afficher une mine quelque peu inquiète.
— Elle arrive… Une silhouette féminine et une quantité de chakra se dégageant de son corps telle une aura enflammée, s’il avait utilisé un pronom féminin, il n’affirmerait pas pour autant qu’il s’agissait d’une humaine. Inutile d’avoir la confirmation de ce Watatsuki pour comprendre qu’il s’agissait en réalité d’un Yokai… Et d’après la chaleur intense qu’elle dégageait, laquelle frappait le groupe à cette distance, cela devait être intenable en se trouvant à proximité d’elle.

Eimei semblait la connaître, détenir des informations sur ce monstre incandescent, confirmant dans la foulée qu’il n’était pas judicieux de se rapprocher trop près. Ranshi Onna, tel était le nom du Yokai. De connaître cette information ne rendait pas cette monstruosité moins dangereuse pour autant, probablement qu’au moindre contact de son corps de feu suffirait à engendrer de sévères brûlures.
L’option envisagée par leur chef, celui-ci adoptait d’ailleurs une posture défensive, était de chercher à faire fuir Ranshi Onna. Pouvaient-ils seulement espérer lui faire peur ? Ou parvenir à la frapper suffisamment fort pour qu’elle envisage de se retourner ? D’après ce qu’il connaissait de l’équipe et de leurs atouts, ils étaient tournés vers l’offensive certes, mais principalement via des assauts au corps à corps. Rien que les trois Hyugas se spécialisaient naturellement dans le combat à mains nues, seulement leur adversaire semblait posséder un manteau naturel de flammes, s’y frotter serait au risque d’y perdre leurs mains, si ce n’est pire.

— Kage Bushin no Jutsu. Deux clones consistants firent leur apparition à droite et gauche du balafré, lequel leur ordonna par la parole de mener un assaut coordonné contre le Yokai enflammé. — Prenez-la en tenaille et frappez avec le Juken. Ils acquiescèrent, avant de prendre chacun une direction et de courir vers Ranshi. Pendant ce temps, Tatsuya venait se positionner devant le chef du clan aux Byakugan, à quelques pas de lui, adoptant à son tour une position défensive, faisant barrage de son propre corps à un éventuel assaut. Il appartenait avant tout à la Bunke, son rôle depuis toujours était de protéger les membres de la Soke, défendre leur représentant Hyuga Eimei, s’imposait donc comme une priorité.
Les deux clones quant à eux chargèrent à l’unisson le Yokai, tous les deux employant la même technique pour tenter d’atteindre leur cible. Le Hakke Hachi Shô, trois courtes séries ponctuées de quelques frappes du plat de la main, cherchant provoquer des dégâts internes à leur cible.

Si Tatsuya ne misait pas cher sur la réussite de cet assaut combiné de ses clones, il cherchait avant tout à réunir des informations sur la bête. Comment allait-elle réagir ? Il observait attentivement.