C	LE LEGENDAIRE MASQUE D'ARGILE @Shiratsuchi Renzo & @Minamoto Yoichi

Le professeur et archéologue Akira Nakamura a été blessé lors d'une expédition visant à retrouver un trésor légendaire : le masque de Koriki Sadao.
Selon certaines légendes, ce masque en argile détiendrait des pouvoirs mystiques et renfermerait une partie de l'âme du premier Daimyo de Kaminari. Malgré les doutes des autorités et de la majorité des savants quant à l'existence réelle de ce masque, le professeur Nakamura est convaincu de sa réalité et de son importance historique. Toutefois, en raison de sa blessure, le professeur Nakamura souhaite déléguer cette recherche à des shinobis pour continuer ses recherches et creuser une piste afin de retrouver les traces du masque légendaire. Votre mission consiste à suivre les instructions de l'archéologue et de creuser la piste qu'il vous donne avant de lui faire part de vos conclusions.

Étapes — → Se rendre chez l'archéologue → Prendre note de ses instructions → Vous rendre dans la zone des recherches et creuser la piste de l'archéologue → Surmonter les potentiels obstacles → Revenir au village pour lui faire part de vos conclusions → Faites votre rapport aux autorités

Récompenses — ◘ 5 XP et 60 000 ryôs par participants.

Plus le temps passait à l’intérieur des murs du village caché de la Foudre, plus le jeune dramaturge s’imprégnait de la culture et s’accoutumait à son environnement, ses habitants et ses habitations, leur cuisine et leurs divertissements, tout lui paraissait si différent de ce qu’il avait l’habitude de vivre dans le pays gelé de Tetsu. Les citoyens avaient tout le loisir de sortir et profiter de l’air frais des montagnes, s’adonner à des activités en groupe à l’air libre, se promener dehors sans avoir à se soucier du lendemain. Depuis qu’il avait basculé sur ce nouveau rythme de vie, Yoichi avait retrouvé une certaine vitalité, une inspiration telle qu’il n’en avait jamais connue dans l’enceinte de son propre foyer, à l’abri des tempêtes de neige. Ici, il était davantage en sécurité et prenait du plaisir à visiter des lieux qu’il n’avait encore jamais osé imaginer explorer un jour. Des lieux qu’il n’avait rencontré que dans ses rêves les plus fous, et qu’il n’avait pu visualiser que dans les livres et les colportages de son village, il y avait une satisfaction particulière à pouvoir mettre une image sur ce qu’il lisait. C’était pour lui comme sortir de l’ignorance, cesser de lire des ombres projetées sur un mur et voir le monde tel qu’il était vraiment. Malgré tout, sa passion pour la lecture demeurait sa principale source d’inspiration.

Parmi ses lectures du moment, il y avait ce bouquin d’histoire qui lui avait permis d’en apprendre plus sur la fondation du village et ses débuts. Outre la situation de crise politique dans laquelle se trouvait le village, il savait que mieux connaître le contexte de celui-ci était crucial s’il voulait trouver sa place au sein de la communauté. Il était curieux d’en apprendre plus lors sa rencontre avec le fameux professeur et archéologue Akira Nakamura — il était d’ailleurs le père d’Aya Nakamura une fameuse chanteuse de théâtre Nô, lequel l’attendait dans sa demeure afin de lui faire part de ses instructions pour retrouver une sorte de trésor légendaire. Le masque de Koriki Sadao, le premier Daimyô de la Foudre qui est mort d’une maladie mystérieuse en l’an 34 avant d’être remplacé par son fils Tomio. Entre conspiration et soif de pouvoir, le village est depuis tiraillé entre les camps du Daimyô et du Raikage afin de savoir qui aura vraiment le contrôle de Kumo. Préférant prendre ses marques avant de se positionner sur l’échiquier politique, d’autant qu’il demeurait un étranger aux yeux des Kumojins, il profitait de cette neutralité pour garder une certaine indépendance et liberté d’action afin d’exercer son art à foison et à tous les publics.

L’existence de ce masque était pour le moins controversée dans le milieu intellectuel de Kumo: d’aucuns pensent qu’il ne s’agissait que d’une rumeur sans fondement tangible des chercheurs de trésor, d’autres préfèrent dire qu’il s’agit là d’une simple légende nourrie par des paysans afin de nourrire leur imagination. Malgré l’éminente influence du professeur parmi ses pairs, il allait sans dire que cette poursuite d’un artefact que beaucoup considéraient comme chimère avait porté un coup dur sur sa réputation et sa crédibilité, ce qui avait impacté négativement l’ensemble de ses recherches. Pour autant, il s’obstinait à cette quête de l’inconnu comme s’il s’agissait pour lui du projet de sa vie, et le feu de son âme ne voulait guère s’éteindre à la perspective de prouver le contraire à ses détracteurs. Si beaucoup auraient vu là l’expression d’un besoin égocentrique d’un individu refusant d’avoir tort, le dramaturge lui ne le voyait aucunement sous cet angle-là. Il voyait bien que pour être aussi passionné par cette recherche, c’est que l’archéologue avait des pistes, un semblant d’indice qui sous-tendait l’existence de cette relique. D’après le rapport, il s’était apparemment blessé lors de sa dernière mésaventure sur la zone de recherche, d’où la nécessité d’avoir recours aux ninjas de Kumo pour poursuivre son chantier.

Arrivé de bon matin devant la porte d’entrée de la maison Nakamura, il frappa quelques coups avant d’être accueilli par une servante portant un tablier par dessus une tunique traditionnelle, les manches retroussées elle s’inclina et fit signe d’entrer dans une sorte de hall d’entrée où étaient exposées toutes sortes de curiosité, allant de statuettes exotiques à des fragments de ruine datant d’une époque révolue, le tout précieusement conservé derrière une vitre transparente. La servante lui annonça que le professeur Nakamura viendrait le recevoir. Son attention se posa en particulier sur un assortiment de masques anciens accrochés contre un mur, il tentait de comprendre l’origine de chaque masque et il pouvait lire en deçà qu’ils étaient portés par des grands guerriers et autres personnalités célèbres de l'histoire de Kaminari. Étaient-ils également le réceptacle de l’âme de leur propriétaire? Se pouvait-il qu’il y eut un lien avec le masque qu’ils allaient prospecter lors de la mission? Plongé dans une profonde réflexion et fasciné par tout ce puits de savoir dans l’attente de leur hôte, Yoichi remarqua à peine la présence de son coéquipier du jour qui venait d’arriver sur les lieux peu de temps après lui et dont il ne connaissait que le nom.

— Oh tiens? Bonjour, mon nom c'est Yoichi, enchanté. Fascinants ces masques tu ne trouves pas?

La fugacité du temps et les aléas de l’évolution humaine imposaient qu’ils ancrent leur existence dans des reliquats de mémoire. Entre croyance et besoin de conserver le passage du temps dans ces îlots de matérialité, ces masques n’étaient ni plus ni moins que la manifestation d’un désir profond de vaincre la décadence physique et morale des hommes, préserver un faux-semblant de constance, et les inspirer par la gloire du passé. Les grands hommes, ces faux idoles que vénéraient les séides d’un passé révolu, il n’était pas rare de découvrir qu’ils n’étaient finalement que des opportunistes et des êtres aussi fragiles que le plus humble des roturiers. Arpentant les couloirs de l’histoire fragmentaire, l’inquisiteur des récits et mythes du Yuusei se révélait intrigué par toutes les formes d’expression artistique, qu’elles fussent d’ici ou d’ailleurs. Il se targuait d’être le traqueur de légendes perdues, le colporteur des histoires noyées dans le flot continu de l’obscurantisme populaire, et il maintenait le cap de son œuvre d’éloquent escamoteur au service de la plèbe sans frontières. Depuis ses origines jusqu’à ce jour, il avait vécu au sein d’une terre mère brutale et sans pitié, la neige ne laissant guère de repos à ces êtres décharnés, et la faim les rappelant à la vanité de la condition humaine. Le sanctuaires d’âmes au repos avait suscité l’intérêt de l’intellectuel qu’il était, pondérant s’il était vrai que ces objets étaient bien le réceptacle des âmes ayant marqué l’histoire du pays, ou si tout cela n’était que le fruit d’un homme perdu dans le monde des idées obsolètes. Les élucubrations d’un historien perdu dans sa quête éternelle du tangible, l’objet de sa soif érudite l’avait conduit à se perdre dans les méandres de sa psyché.

Des bruits de pas annoncèrent la venue du maître des lieux, descendant d’un escalier en colimaçon depuis l’étage supérieur. L’homme venait interrompre le bref échange entre les deux coéquipiers dont la collaboration s’était faite quasiment à l’improviste, dans la mesure où Yoichi s’attendait à parler à un homme du nom de Renzo. Un brin étrange, mais sans conséquence pour le mercenaire, si ce n’est d’imposer chez lui des ajustements dans son discours. Son attention se porta de la mystérieuse Ran à celui qui venait les recevoir à bras ouverts.

— Bienvenue dans mon sanctuaire, chers shinobis. Je vois que vous vous êtes familiarisés avec ma collection.

Le professeur était habillé d’un large nemaki gris, on pouvait observer chez lui une chevelure brune et foisonnante arrivant jusqu’aux épaules, négligés pendant des semaines du fait de sa convalescence et de sa quête obsessionnelle, ses nuits étaient davantage consacrées à la recherche des indices qui pouvaient le conduire à se rapprocher de son but qu’à veiller à la récupération de sa condition physique.

— Je vous remercie d’être venus. Il invita les deux ninjas à s’asseoir à une table où des chaises étaient disponibles mais Yoichi lui indiqua d’un signe de la main que ce n’était pas nécessaire.

— Nous ne resterons pas longtemps. Il accorda un sourire poli. Dites nous ce que nous avons besoin de savoir s’il vous plaît.

Même si au fond de lui, dans d’autres circonstances moins pressantes, l’amateur de curiosité se serait fait un plaisir de tergiverser avec son interlocuteur sur ses nombreuses moutures sur les masques des figures historiques accrochés dans son mémorial personnel, il avait conscience que sa partenaire de mission n’avait peut-être pas la même patience que lui pour ce genre de choses et se contenta d’une présentation succincte des faits.

— Soit. J’aurais besoin de votre aide pour récupérer le masque de Koriki Sadao. Il s’agit d’une pièce unique vous vous en doutez, car il appartenait au premier daimyô de la Foudre.

— Très intéressant, quelle est l’histoire derrière ce masque? Finalement, il ne fallut pas longtemps pour le passionné d’histoire qu’il était de céder à la tentation d’en connaître davantage sur le contexte de cette relique mortuaire. La question faisait clairement plaisir à l’archéologue, bien que celui-ci eut anticipé cette explication.

— On parle d’un masque funéraire. Ceux que l’on pose sur les défunts afin de mouler le masque à l’effigie de leur visage. Ainsi, cela nous permet de se souvenir exactement à quoi il ressemblait avant d’être enterré. Sa valeur historique est incontestable. Mais ce n’est pas tout. Il s’arrêta dans son explication afin de poser une question fondamentale. Connaissez-vous la légende du Yuusei?

— Naturellement. Tout le monde la connaissait en principe, après tout, il s’agissait du mythe fondateur du monde tel qu’il existait aujourd’hui.

— Voyez-vous… Sa voix se fit plus sérieuse, comme s’il allait leur faire part d’une révélation qui allait bouleverser le cours de l’histoire. Certaines de mes sources indiquent que ce masque serait aussi le réceptacle d’un des quatre vices d’Izanagi: Corruption.

Le monde des idées avait beau être le milieu du Vrai, le reflet des choses telles qu’elles étaient, les chimères ne cessaient de hanter le domaine de la matérialité, brouillant sans cesse la frontière entre la réalité et le monde sensible. Les histoires folkloriques jouaient dans le terrain vague des on-dit et du mythos, un puits de science qui n’empruntait pas les sentiers de la méthode, puisqu’une fois soumise à l’épistémologie de la métaphysique suprême, on constatait la profondeur des limbes dans lesquelles l’âme s’était perdue. Si l’embouchure des interprétations ne pouvait conduire qu’à une seule vérité, rien ne laissait penser qu’un esprit sagace fût capable de regarder la lumière sans se faire éblouir par elle. Déçus par le prosaïsme des choses, nous avions tendance à retourner à notre caverne spirituelle, projetant notre propre prisme subjectif sur le mur de la réalité. La quintessence du vrai était une chose difficile à saisir pour l’homme qui n’y était guère préparé, aussi refusions-nous trop souvent d’arpenter les chemins contredisant nos croyances, nous laissant bercer par la douce mélodie des sirènes.

La mine circonspecte de Yoichi trahissait tout ce qu’il y avait à savoir de ce qu’il pensait des déclarations du savant. Dans son for intérieur, l’amoureux des mythes et légendes espérait que cette découverte fut vraie, que l’homme face à lui avait découvert une de ces authentiques reliques, et en même temps, le scepticisme de ses confrères s’expliquait d’autant plus naturellement par le fait qu’il existait une faille majeure dans sa théorie. Une contradiction que ne tarda pas à souligner la rousse qui évoqua qu’il était impossible pour les mortels d’avoir accès à de telles reliques — pour peu que celles-ci existaient, dans la mesure où celles-ci étaient censées être accessibles au commun des mortels. Ce à quoi le chercheur rétorqua avec son air de monsieur-je-sais-tout:

— Ha-ha! mais c’est là que vous vous trompez ma chère. J’ai ici, entre mes mains, une exégèse qui reprend ce passage. Regardez plutôt. Il se rapprocha d’une étagère, avant d’en sortir un bouquin dont les pages étaient jaunies par le temps. Des annotations étaient gribouillées entre les lignes. Il arrêta son doigt sur un des passages, attirant l’attention sur un paragraphe écrit dans des caractères écrits à la main. La traduction originale est erronée, ce que l’auteur de la légende voulait dire à l’époque n’était pas que ces reliques étaient “inaccessibles” de manière absolue, mais qu’elles étaient “interdites”. Ce qui change complètement la donne!

Interdite, inaccessible, quelle différence? Yoichi n’avait aucune intention de céder à l’hubris ni de défier les mises en garde d’Izanami. Si celle-ci avait scellé les vices dans ces artefacts, c’est que ceux-ci avaient le potentiel de menacer l’humanité. Défier ces précautions, c’était réduire à néant les efforts pour empêcher les vices de reconquérir le monde, si tant est que ceux-ci aient un jour existé. Le dramaturge tendit le bras, la paume vers le haut afin de se faire confier le précieux ouvrage.

— Je peux?

Le professeur Nakamura accepta de donner le livre. Le regard  de Yoichi bondissait frénétiquement d’une page à une autre, jusqu’à finalement se déposer sur un passage où il plissa les yeux pour mieux en lire le contenu.

— Il est fait mention d’épreuves: “Seul l’élu est en droit de protéger ces trésors de l’humanité.” Qualifier ces réceptacles du vice de “trésors” était plus que suspect, et cela suffisait à arriver à la conclusion suivante. Vous avez mis la main sur une copie écrite du culte d’Izanagi, il n’est pas prudent de se fier à ce genre d'informations pour vos recherches, si vous voulez mon avis. Nous allons chercher votre masque, mais relique maudite ou trésor caché, le tombeau du daimyô est certainement bien gardé et grouille probablement de pièges en tous genres pour empêcher les curieux de l’infiltrer. Il se tourna vers la dénommée Ran afin de savoir si elle souhait ajouter quelque chose avant de s’en aller vers leur destination. Allons-y, à moins que vous ayez d’autres questions.

Nul secret trop ténébreux, nul danger trop périlleux était à même d’entraver les interrogations d’un esprit vorace dont la raison d’être première était de se mettre en quête des légendes de cette planisphère, d’exhumer les reliques de l’ancien monde et de donner un sens fondamental aux plus grandes questions que se posait la civilisation. En cela, l’archéologue n’était pas si loin du théologien, et le théologien, n’était guère très différent du poète qui dans sa quête de l’absolu, naviguant entre être et néant, défiant les limites du temps, appréciait la beauté des choses et leur nature, leur consacrait une mélopée riche en signification. Le signifié s’illuminait à l’aune du signifiant, le porte-parole incantait de sa voix séraphique le chant doucereux des oiseaux et décrivait la danse légère des pétales portées par le zéphyr. Il vouait son art à la nature, et celle-ci devenait le reflet de ses aspirations spirituelles. L’artiste vagabond pérégrinait au fil des saisons, tel le flibustier se laissant porter par la houle. Ses seuls trésors consistaient en cette synesthésie générale que lui offrait chaque étape de son voyage. Il n’était plus seulement le lecteur de ses ouvrages, il leur offrait la matière à devenir réalité, leur concrétude s’incarnant dans ses gestes et les exploits des grandes figures de cette existence éphémère dont il était le coryphée. De simple chanteur, il devenait aussi aventurier, mais aucune aventure ne valait la peine d’être vécue sans être bien accompagné.

Un palais sous haute surveillance, une relique sacrée précieusement conservée. Cela ne faisait guère trembler le baroudeur qui voyait là une opportunité d’écrire une nouvelle page de sa propre histoire. Fouler le lieu du repos du premier Daimyô de la Foudre, c’était une opportunité qui ne pouvait se refuser pour le féru de science qu’était le Minamoto. La pupille de ce dernier s’illuminait depuis qu’on lui parlait de son caractère légendaire et qu’il effleurait la possibilité de toucher à une telle relique mystique de ses propres doigts chérubins. Pour cela, il fallait traverser les périls de la Vallée pernicieuse qui les séparait de leur destination, le collecteur les prévenant sur la nature hostile d’une partie de sa population. Un avertissement qui le laissa sans surprise étant donné que les terres du Yuusei étaient habitées de nombreuses influences, certaines bienveillantes, d’autres plus néfastes. On disait qu’il était inconsidéré de se lancer dans l’inconnu sans y être préparé, mais aussi que la meilleure manière de faire face à l’incertain était de présumer le pire avant d’y être confronté.

Ses pas l’emmenèrent vers les remparts de la Foudre d’abord, animée par la noria humaine de paysans et convois marchands, une cohue qui ne laissait guère la place à la conversation. Ce ne fut qu’après s’être éloigné des portes et qu’ils retournèrent finalement au silence que sa coéquipière lui fit une observation.

— J’ai mes propres raisons, comme tu dois avoir les tiennes. J’ai besoin de l’argent pour financer mon projet de me représenter dans le monde entier, divertir les gens et leur raconter des histoires et légendes, les faire voyager sans avoir à braver les dangers sur les routes. Ne trouves-tu pas qu’il est encore plus excitant de participer aux aventures que de les raconter?

Partageait-elle son allant pour l’épique, ou avait-elle un objectif bien plus précis en tête? Tout le monde n’avait pas les mêmes aspirations, et encore moins la même passion que lui pour les grands périples. Il y avait certes un contraste évident entre la réalité et ce que l’on racontait dans les manuscrits. Leur avancée à travers la campagne se fit sans interruption, leur permettant d’admirer un paysage ciselé par de nombreux cours d’eau dans un cadre pittoresque, dans lequel on pouvait voir des villages, îlots de sérénité, profiter de la richesse des ressources mises à disposition par mère nature. Leur chemin croisa seulement celui de quelques pèlerins ou des marchands itinérants les saluant et leur souhaitant la bonne journée. Des doutes émergèrent progressivement quant aux dires de leur commanditaire, qui leur avait évoqué la présence de malfrats dans la région. Il n’eut pas à attendre longtemps avant d’être rassuré sur la question, puisque sans crier gare, une flèche à quelques centimètres de son soulier le stoppa dans sa marche, attirant son attention vers une colline où était posté un groupe de trois voyous à capuche avec un air patibulaire, deux coupe-jarrets émergèrent des broussailles pour les encercler par derrière, armés jusqu’aux dents. Celui qui avait tiré la flèche sur la colline s’exclama:

— Halte! Il faut payer une taxe de 200 000 ryôs par tête pour passer, sinon faites demi-tour!

Sans montrer le moindre signe de nervosité, Yoichi fronça le sourcil, puis se retourna vers Ran en ignorant le brigand qui venait de leur adresser la parole.

— C’est donc ça l’hospitalité kaminarijine? Quel privilège, n’est-ce pas?  Que diriez-vous de leur exprimer notre reconnaissance?

Voyant que la tentative d’intimidation du malandrin n’avait que peu d’effet sur un aventurier qui avait l’habitude de rencontres peu savoureuses, il haussa encore plus le ton.

— Répondez! Payez maintenant sinon…

Le barde tira l’éventail de sa ceinture, avant de le déployer comme pour s’éventer, donnant l’impression qu’il avait la garde complètement baissée. De l’autre bras, il l’ouvrit vers les bandits derrière eux, comme pour inviter sa coéquipière à lancer les réjouissances.

— Honneur aux dames?