▶ Sujet: Re: [Flashback - année 79] - L'Île des Secondes Chances

L’examen genin n’était qu’une farce pour les membres de la lignée Fuwa. Il était rare que ses membres en sortent victorieux. Avec les années, ils se préparaient d’avantages à l’excursion sur les archipels de la Lune. ce format leur était plus favorable, contrairement aux affrontements à demi-clos. Le véritable examen, c’était celui-ci.

Sa préparation commençait tôt, très tôt. La clause Kaguya, bien qu’un ticket d’entrée précieux, était dangereuse. D’abord par l’entraînement, déjà adapté à celui de l’archipel. Ensuite, durant l’examen. L’évaluation des candidats, l’estimation des taux de victoire. Il pouvait arriver de tirer le gros lot, un tirage chanceux, un format moins contraignant. Mais c’était rare. Ces opportunités étaient saisissables. Pour les autres, l’observation commençait.

Les Fuwa ne possédaient aucun pouvoir clanique et un chakra peu impressionnant. Quelques alliances de sang avec le clan Yuki avaient été approchées comme solution, en vain. En revanche, ils étaient laborieux et pratiquaient un même ensemble de discipline, qu’ils peaufinaient doucement. Et je ne faisais guère exception. J’avais conscience de mes limites, bien plus proches que n’importe qui ici. J’avais aussi conscience de mes possibilités, moins vastes, plus avertis.

Durant mon affrontement, un fumigène avait explosé à nos pieds. Simulant la défaite à ce moment, je donnais des capacités que mon adversaire n’avait pas, économisant, dissimulant les miennes. Cependant, lors de cette promotion, une autre personne avait intentionnellement perdu : Togawa Terusuke. Son chakra perturbé trahissait une aura sinistre. Dans le jargon des Fuwa, l’on appelait cela “les vautours”.

Des oiseaux de malheur, humant le sang, charognard, dévoreur de détritus aux heures perdues, à l’apparence semblable à leurs idées laides. L’assassin en devenir que j’étais, à qui on inculquait la haine des continentaux, ne pouvait qu’enrager. Un traître. Si dans quelques mois une mission visant son assassinat se défilait, je la réaliserais avec plaisir au lieu de celle des diplomates contestataires, desquelles j’accompagnais notamment mon pére en tant que soutiens.

Enfin, parfois. Pour forger l’expérience. Pour apprendre. Retour à la réalité, je n’étais pas encore taillé pour être autonome. Non faute d’esprit, faute de talent. Alors je me faisais discret sur le bateau durant la traversée, sur l’île durant le discours. Je m’éclipsais dès le silence trop long de l’examinateur. Tout avait déjà commencé. Les candidats s’échangeaient des regards, cherchant alliés. Le vautour sa première victime dans le lot restant.

Les alliances augmentaient drastiquement les chances de survie. Seulement, les alliances des premiers jours étaient trop grandes, trop amples. Trop fragile, quand venait le moment où les animaux, les monstres et les yokai venaient les cueillir. Le fait était immuable. Trop facilement repérables, ces groupes courraient à leurs pertes. Je ne pouvais me mettre en avant, créer et guider ces âmes perdues. Le vautour rôdait. Je ne pouvais me permettre de devenir sa cible prioritaire.

Ici, j’avais des armes. Mon savoir, tenue des archives des Fuwa. Ma capacité à éviter le danger. Ici, je devais choisir avec soin des alliés qui ne se connaissaient pas, Des compagnons de fortunes ni trop fort ni trop faibles, à l’oreille attentive.

Ici, j’étais la proie.

▶ Sujet: Re: [Flashback - année 79] - L'Île des Secondes Chances

La tension régnait sur l'île de l'examen genin, où chaque instant pouvait devenir une épreuve de survie. J’étais dissimulé dans l'ombre des arbres, continuant mon observation minutieuse. J’avais conscience que chaque décision que je prendrais aurait un impact sur ma survie et ma progression dans cet examen.

Alors que les candidats se dispersaient et cherchaient des alliés, je me déplaçais silencieusement, glissant entre les arbres comme une ombre. Je sentais les pulsations du chakra des autres participants, une compétence travaillée chez les membres de la lignée Fuwa. C'était cette aptitude qui me permettait de déceler la présence des autres ninjas et d'évaluer leur puissance relative.

Pendant que je continuais ma traque silencieuse, mon attention fut attirée par une perturbation dans le flux de chakra à proximité. Celle-ci n’avait duré qu’un instant. Dans cet ordre de grandeur, il ne pouvait s’agir que d’un combat qui avait su mourir durant sa naissance. Les deux opposants avaient probablement usé de diplomatie à la place de violence.

A moins que cela ne soit un assassin en bonnes et dûes formes mais l’approche permettrait de repérer une ou deux personnes, confirmant ou infirmant cette possibilité. Il pouvait s’agir d’animaux ou de yokai, mais l’excursion en bâteau m’avait octroyé l’avantage d’avoir ultérieurement sondé la signature des différents participants.

Au fur et à mesure de mon approche, il semblait s’agir de Hoshizora et Washiro, dont seul leurs apparences respectives me venait en image. Je souhaitais avoir au moins un contact visuel pour observer leurs premiers échanges et me faire une idée de ce que la scène avait à offrir. Et rapidement, le déroulé semblant calme, je décidais de les suivre pour entendre quelques bribes de leurs conversations.

▶ Sujet: Re: [Flashback - année 79] - L'Île des Secondes Chances

La diplomatie n’avait pas sa place sur l’île de la Lune. Le sabre de Washirō, toujours maculé du sang de son précédent assaillant, pointait désormais dans ma direction. Je maudissais ne pas avoir assez de talent et de temps, malgré mes entraînements interminables, de ne pouvoir me cacher suffisamment. Les paroles qu'il proféra étaient empreintes d'une froide détermination, démontrant sa loyauté envers le Seigneur et son mépris envers quiconque chercherait à semer la discorde parmi ses fidèles. Je restais calme malgré la menace apparente, comprenant le ressentiment justifié de Washirō envers ceux qui pourraient compromettre l'unité et la discipline nécessaire au pays de l’Eau.

Mon regard croisa le sien, cherchant à transmettre une certaine assurance, tout en laissant transparaître une volonté de dialogue plutôt que de confrontation. Si je m’étais trop approché, je n’avais qu'à m'éloigner pour à nouveau profiter d’une discrétion accrue. S’il m’apparaissait comme un allié, l’échange qu’il avait mené avec la kunoichi prouvait une indiscutable supériorité. Je n’étais pas certain de pouvoir esquiver l’intégralité de ses coups, compromettant ma survie en cas d’erreur de jugement. Une telle mort m’était prohibée, la stupidité allant à l’encontre de mes précautions. Sans bruit, ou presque, la distance qui nous séparait variait, m’appliquant à ne pas montrer la fuite que j’entreprenais.

Je ne représentais aucune menace immédiate, et mon objectif était bien plus complexe que de simplement semer la discorde. Je m'efforçais de naviguer dans ce terrain délicat où la confiance était rare, et où chaque acte pouvait être interprété comme une menace. La forêt restait plongée dans un silence tendu, les murmures des feuilles et le bruissement des arbres semblant être le seul témoin de la fragilité de la situation. Nous étions tous les deux des étrangers dans ce terrain hostile, et il nous fallait choisir avec sagesse nos alliés et nos ennemis pour survivre à la clause Kaguya.

J’estimais être assez loin pour effectuer une petite série de mudra afin de ressentir à nouveau la présence des deux sabreurs. L’assaillante nous avait quittés. Satisfait, je dessinais d’une plume, des lettres qui venaient décorer un petit papier que j’enroulais autour d’une flèche, à l’aide de cheveux volés, noués en catogan. J’armais le message sur la corde de l’arc avant d’y accumuler la tension pour la relâcher. Le projectile décrivait une courbe basse, se faufilant à travers les troncs et les fougères, jusqu’à venir se planter à côté du sabreur. Les fils de cheveux s’agitaient à l’impact, se comportant comme une toile d’araignée, venant capter par intermittence la lumière qui s’y reflétait.

Non.
Pourquoi seul ? Menace créature, mort
Prononce le nom de ton seigneur.

L’encre, le papier et le temps étaient limités. Je n’avais pu me résoudre à bâcler une phrase faisant potentiellement mention du Troisième Daimyos de l’Eau, Hatoshi Gensei. Pour autant, ce moyen de communication était courant pour les archers, pour peu s’y intéresser. La vitesse à laquelle son attention se porterait sur le message attelé au tube de la flèche m’indiquerait son accoutumance à ces procédés, joignant ses actes à ses paroles, approuvant sa sincérité.

▶ Sujet: Re: [Flashback - année 79] - L'Île des Secondes Chances

La tension dans le corps de Washiro reflétait son état d'alerte, mais il sembla accepter la méthode de communication, ressentant un léger mouvement pour attraper le papier. Lorsqu'il prit connaissance du contenu, je me préparais mentalement à sa réaction. Sa réponse était concise, et je pouvais comprendre la logique derrière ses actions. J’avais eu la même conduite. Une option par défaut, néanmoins calculée par l’obsession d’échapper à la vigilance de Togawa Terusuke.

Cependant, le moment crucial était arrivé lorsqu'il évoqua son allégeance. Les mots résonnaient, confirmant sa loyauté envers le Daimyō. Une information précieuse que j'avais recherchée, les affiliations politiques étaient cruciales dans ce contexte délicat. La sienne me semblait sincère. Les mots pouvaient tromper, mais les vassaux du seigneur de l'eau possédaient en commun une fierté singulière dans leur servitude. Hatoshi Gensei était un nom lourd de poids, et s’il était possible de le prononcer en étant convaincant, il était moins aisé de le faire en étant convaincu.

Intimement, je discernais un rapprochement s’effectuer. De nature circonspect, je préférais m’appuyer sur des preuves bien réelles, au lieu d’une sensation présentement à sens unique. Le regard de Washirô balayait encore la forêt à ma recherche, ne distinguant qu’une ombre lorsque je guettais ses manières peu perceptibles. Depuis le début, il savait approximativement dans quelle direction scruter, sans jamais réellement me trouver. Une assurance préservée, face à un adversaire visiblement plus averti, plus éminent que moi. Une porte dérobée, résultant d’une fuite préparée.

Et à nouveau, j’allais user du papier pour porter mes mots. Du reste du parchemin, j’imprimais de ma plume de ce qui s’apprêtait à sceller notre rencontre. Le bois de l’arc s’arquait à nouveau, pour venir délivrer le message, rasant le sol sous les fougères pour venir flouter mes coordonnées. Je n’étais prêt à céder cet avantage qu’à une condition bien précise, remplaçant la méfiance par une connivence inhérente.

Moi aussi. Échapper assassin. Mieux choisir allié.
Moi aussi. Fuwa Yasahiro, et toi ?
Toi connaître ?

Sa connaissance des vassaux ainsi que la mienne, serait mise à rude épreuve. La protection du seigneur exigeait des services et des conseils, et les relations entre sujets étaient parfois teintées de jalousie ou de rivalités.

▶ Sujet: Re: [Flashback - année 79] - L'Île des Secondes Chances

Le chakra de Washirô se muait quelque peu, contournant un obstacle afin d’utiliser le couvert de la forêt. Cette fois, la réponse se faisait attendre davantage, profitant de ce répit pour me mouvoir vers une fuite plus aisée. L’aspirant genin échangeait quant à nos présents et futurs voués à l’assassinat, méséstimant les répercussions que la Brume Sanglante avait apporté : un subtile mélange de peur, de cruauté et de docilité. Des Hommes plus malléables, par la perte et la souffrance, renaissaient en sanguinaire plus proches des Kaguya que de professionnels du meurtre discret, parfois déguisé.

L'atmosphère avait radicalement changé après la passation de pouvoir, l’académie mettait les bouchées doubles pour réarmer un savoir émoussé durant le règne du second seigneur. Terusuke Togawa était l’une des incarnations de ce temps trouble, nourrissant des connivences avec les maîtres des os. Il arborait un chakra sinistre, propre à ce conditionnement. Le passe-droit de l’île de la seconde chance, loin de la brume de l’archipel principale et de sa sentence, profitait aux pulsions telles celles de la Kunoichi blonde qui venait d’attaquer le sabreur.

Malheureusement, mon nom ne disait rien à Asakura Washirô. Ce fait ne me surprenait guère, après tout, ma famille bien qu’appartenant aux vassaux les plus anciens, se comptait parmi les plus petites et les plus discrètes, aux tâches occultes données et exécutées en tapinois. De mon côté, la vassalité des Asakura venait d’activer certaines mémoires profondes, les liant effectivement à un titre en particulier, celui de “Monsieur de Kiri”. Dans mes souvenirs, cet homme était plus âgé. Mon paternel m’avait assuré que je n’aurai jamais à croiser leur chemin, la nature de leur servitude était différente que celle des Fuwa, se complétant l’une et l’autre.

Je venais de statuer le “Monsieur de Kiri” comme un allié fiable, mais je n’avais rien à offrir pour faire céder sa méfiance. A tout instant, le doute pouvait s’avérer un argument suffisant pour rompre cette alliance naissante mais fragile, de par sa confiance unilatérale. Le sabreur transpirait une maturité et une plénitude singulière parmi les candidats, preuve d’un affinage lent. Le Asakura imposait sa posture et son expérience, j'avais peur que cela fasse fuir d'autre futur allié si je m’alliais d’or et déjà à ses côtés. Notre duo sortirait son épingle du jeu, assurément. Pourtant, je craignais un échec de taille au moment le plus opportun. Ma stratégie ficelée ne datait pas d’aujourd’hui.

Je m’étais préparé, non pas pour réussir un examen inadapté à mes compétences, mais à la clause Kaguya, dont ma lignée enregistrait des archives sur leurs déroulés, leurs décors, leurs faunes et flores. L'entraînement draconien n’effleurait que le but de la survie et de l’assassinat, que mon corps peinait à assimiler. Les rayons du soleil perçaient à travers le feuillage dense, illuminant le sol de taches dorées. Avec précaution, je fis un pas en avant, faisant glisser les feuilles et les branches sur mon passage. Et puis, je me montrais enfin à Washirô. Je me tenais là, plus loin qu’annoncé, immobile, mon regard scrutant les environs avec une intensité palpable.

– Dans cet archipel, nulle autorité et nulle Brume n’applique leurs lois. Certains pensent lire entre les lignes de la clause Kaguya, d’autres se vengent, d’autres cèdent à la peur, d’autres laissent libre court à leur apprentissage ou à leurs pulsions. C’est le cas de la Kunoichi qui vient de vous assaillir, c’est aussi le cas de Togawa Terusuke, prenez-y garde. D’autres encore, trop innocents, composent une tribu ignorant les menaces.

Lorsque nos regards se croisèrent, il y eut un instant de silence, comme si le temps lui-même retenait son souffle. Mon arc pointait le sol, d’une flèche déjà encochée, tandis que ma seconde main en empoignait une autre. Puis, lentement, un sourire éclairait mon visage, brisé par la distance.

– Cher confrère, nos familles respectives partagent une fidélité aux Seigneurs de l’Eau, qui nous précède tous deux. Cela me peine que la mienne ne soit reconnue, mais tel est mon lot. Je me prépare depuis enfant à ce test, mais j’aurai néanmoins besoin d'alliés, jusqu’à former un groupe. Je pense que votre présence complique cette tâche. Aussi permettez moi de vous suggérer de vous éloigner de la plage, et de ni allumer un feu ni y cuire quoique ce soit durant la deuxième nuit, et de vous cacher. Lorsque l’île se réveillera, tremblant dans le souffle d’un éveil d’une seconde vie, le véritable examen commencera. A ce moment-là, veuillez vous diriger vers le Nord-Ouest. Si vous avez estimé mon conseil de valeur comme une raison suffisante à notre association, rendez-vous y, je vous retrouverai.

Le bourreau, proie aux liens des amitiés et du sang de ses victimes, ne pouvait se tenir à mes côtés de par sa réputation, ameutant ses détracteurs. J’estimais le bénéfice s’opérer après avoir conquis des complices tiers. Il m’étais également difficile de contredire Washirô dans l’immédiat si d’aventure le cas de figure se présentait. Je préférais savoir ma vie entre mes mains, dans mes propres procédures et directives, écartant d’office des partenaires trop expérimentés ou à l’écoute restreinte. Le pari était le suivant : prouver ma valeur, la lui faire désirer pour obtenir une position semblable à celle d’un meneur, tout du moins durant cet examen. Le Monsieur de Kiri ne s’attendait probablement pas à se faire un allié des plus précautionneux. Un flottement planait. J'espérais sa survie jusqu’à notre retrouvaille imminente, avant de disparaître.

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