Ils sont lents et pas franchement habiles, aussi lorsque le mur d’eau s’élève tout autour de Jinmu, aucun d’eux n’est en mesure de réagir à temps. Les deux bandits sur les flancs se heurtent à la défense aqueuse, les lames usées s’éclatent dessus, se brisant en deux, tandis que leurs propriétaires sont repoussés de deux pas vers l’arrière. Quant à leur chef, la surprise de voir leur cible user du Ninjutsu le déstabilise totalement, lui faisant oublier momentanément toute envie de passer à l’attaque. Une passivité et une faiblesse qui seront fatale au groupe, puisque la riposte fuse sans trop traîner.
Le mur d’eau utilisé défensivement devient des projectiles tranchants à vocation offensive et l’agresseur devient l’agressé. Deux premiers piques se plantent dans le crâne du gusse à la droite du Yamanaka et deux autres se logent dans le torse de l’ennemi à sa gauche, les deux tombent au sol, morts. Quant aux derniers projectiles Suiton… ils viennent s’enfoncer dans les genoux du meneur de la bande, qui s’effondre à terre dans un hurlement mélangeant douleur et peur, se sachant désormais à la merci des deux véritables dangers dans cette zone.

Tout cela aurait effectivement pu être réglé avec moins d’effusion de sang, mais n’est-ce pas tout ce qui fait le charme d’Ame no Kuni ? De la violence à outrance, des cascades d’hémoglobines et des sentiers parsemés de cadavres ? Ce n’est pas Ryuku qui ira dire le contraire, véritable psychopathe dont la foi aveugle envers une entité démoniaque imposant régulièrement des tributs de sang, lui impose de peindre et saupoudrer de carmin un paysage bien trop gris à ses yeux.
Jinmu en a tout juste terminé avec ses propres adversaires, qu’il peut entendre exulter le Dragon de la Mort, pointe du katana défiant le ciel. Bozan est à genoux devant lui, dépourvu de ses bras que le Kyusaburo s’est occupé de trancher durant leur duel. — Bishagatsuku-sama ! Acceptez cette âme, que je collecte en votre nom ! Nourrissez-vous de son sang et buvez sa peur ! Dans un rire dément, l’utilisateur du Yoton abat la pointe de son arme sur le front de Bozan et y enfonce la lame de plusieurs centimètres. L’excitation du moment fait tressaillir l’ensemble de son corps, ses yeux s’ouvrent et se referment à répétition tandis qu’il savoure le rituel, il s’immobilise, garde le silence et surtout cette pose sacrée.

Pendant que l’esprit du fanatique s’échappe dans un autre monde, sur les terres de son Seigneur et maître, Bishagatsuku, l’esprit de Jinmu s’infiltre dans la tête de son prisonnier, cherchant à y dénicher des informations utiles. Il y glane ainsi le nom de sa victime, celui de son petit frère assassiné et de tous ses compagnons. Il apprend également qu’ils possèdent un abri délabré non loin d’ici, à quelques kilomètres à l’est. Ils y ont peu de vivres, peu de moyens en général, la région est rude pour des petites frappes de leur genre. Nulle défense psychique ne vient vraiment s’opposer à l’intrusion du Yamanaka, ainsi peut-il s’autoriser de poursuivre un peu plus loin.
De la brume, comme un manteau opaque recouvrant les terres sur des kilomètres. Une sensation de peur profonde… de danger encouru à vouloir pénétrer cette brume… des cris d’agonie… du sang… une masse sombre et puis plus rien. Rien d’autre de bon à en tirer avec lui, l’esprit de Jinmu finira par le laisser tranquille. La bave aux lèvres et les yeux révulsés, le dénommé Chihito s’écroulera immédiatement après que l’intrusion mentale se termine, inconscient.

— Fouille les, et brûle les corps s'il te plait. La voix s’échappe de sous le masque de Jinmu, rappelant son camarade à la réalité. Il se décide enfin à bouger, retirant lentement l’acier sanguinolent du crâne de sa victime sacrificielle, se permettant de goûter au sang s’écoulant de la lame de son arme. Il ne répond pas à la demande émise par le masqué, lui adressant seulement un hochement de tête, accompagné d’un sourire malicieux. Ce qu’il advient des dépouilles de ses victimes lui importe peu du moment qu’il a pu réaliser son offrande à son seigneur.
Rien de bien intéressant à récupérer sur les corps, quelques ryos, des biscuits dont la date de consommation pourrait être remise en question, rien de plus. Les armes ne valent même pas la peine d’être ramassées tant elles sont fatiguées, aussi Ryuku s’occupe déjà de faire disparaître les corps. Une série de mudras plus tard et il vomit une quantité de lave sur un premier corps, qui déjà commence à fondre. Tandis que Bozan se dissout lentement, mais sûrement, l’illuminé se rapproche des corps laissés par Jinmu afin de leur faire subir le même sort que Bozan.

Il n’a pas fait dix pas qu’un rugissement déchire le ciel, une monstruosité volante surgissant soudainement dans votre champ de vision à grands renforts de battements d’ailes. Intrigué, l’exalté à la chevelure blanche observe la bestiole se rapprocher dangereusement, ne comprenant que trop tard qu’elle ne fait pas que passer dans le coin… mais qu’elle est venue s’offrir son repas, à savoir lui. A peine a-t-il le temps de lever son arme pour tenter de lui déchirer une aile que la gueule du yokai s’abat sur lui, l’engloutissant de moitié, les crocs se plantant férocement dans son bassin. Le monstre n’a pas besoin de poser les pattes au sol ni même de ralentir son mouvement qu’il reprend déjà de l’altitude, quelques mètres de hauteur à peine, soulevant son repas comme s’il ne pesait rien.
Une traînée de sang se répand sur le sol tandis que le yokai s’éloigne, empruntant à priori une direction similaire à la trajectoire initiale du binôme. Ainsi, si Jinmu fait le choix de poursuivre sa route désormais seul, en espérant peut-être retrouver la trace de son camarade qu’il ne serait pas stupide de présumer mort ou sur le point de le devenir, il pourra se rendre compte que le sang de son allié lui laisse une piste toute fraîche à suivre.

Et pas que.
Tout au long de sa progression, en prêtant un tant soit peu d’attention au décors se dressant face à lui, l’Errant manipulateur d’esprit pourra retrouver des morceaux du Kyusaburo semblant être tombés pendant le transport. Vulgairement arrachés par des dents aiguisées, comme si le yokai ne cherchait même pas à attendre d’être posé en lieu sûr pour déguster la chair de sa proie. Un morceau d’une main, un bout de pied, la moitié d’une jambe… et des tâches de sang comme un petit garçon sèmerait des cailloux derrière-lui au beau milieu d’une forêt.

Tout cela sur plusieurs longs kilomètres, environ une bonne dizaine.
Jusqu’à ce que la piste disparaisse, ou du moins que la visibilité soit rendue quasi nulle par un épais voile brumeux…

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Spoiler:

La progression de Jinmu se fait forcément plus lente, une fois pénétrée sur cette vaste zone embrumée. Celui-ci préférant se montrer prudent, deux copies d’ombres ont fait leur apparition afin de parer à toutes éventualités, ce qui n’est pas mal pensé après l’assaut de la créature ailée. Un yokai qui ne semble plus donner de signe de vie depuis que l’errant a fait ses premiers pas dans cette vaste plaine rocailleuse. Il pleut énormément au Pays de la Pluie, comme on pourrait s’y attendre, ce qui rend certaines zones difficilement praticables par endroits. La boue, la visibilité réduite, le froid..
Pendant la première heure que le Yamanaka passera en exploration, il pourra se rendre compte de certaines choses. Premièrement, ici aussi la pluie semble tomber en abondance, comme partout ailleurs. Ensuite, cette brume blanchâtre intrigante et au fonctionnement particulier… Comme si elle arrivait par vague, Jinmu pourra remarquer que les moments où la brume s’empare du terrain n’est pas régulier. Toutes les vingts minutes environ, elle glisse sur la zone comme un raz de marée blanchâtre, s’imposant sur les lieux en maîtresse durant environ une dizaine de minutes, avant de progressivement s’évader… se dissiper ? Le cycle se répète inlassablement.

Durant cette phase de clarté, la brume étant si légère qu’on pourrait presque y voir comme si elle n’était pas là, le terrain se laisse plus facilement observer. Une vallée rocheuse, dépourvue de toute végétation, comme si la terre était morte depuis bien longtemps désormais. Pas un élément végétal n’y vit, sans doute à cause des conditions de la zone qui ne le permettent pas. Mais aucun être vivant tout court ne semble vivre dans le coin, ou alors sont-ils bien cachés.
Aussi, alors qu’il avançait un peu à l’aveugle, un des clones du masqué l’aura interpellé via ce lien mental établi entre eux. Il commencera par signaler une masse informe pas loin de lui, avant d’y apporter quelques précisions au fur et à mesure qu’il coupait à travers le voile blanchâtre. Un squelette géant, s’apparentant à celui d’une bête vivant probablement dans la région. Plus rien, si ce n’est la carcasse au clair et ce crâne morbide qui vous toise de ses grands yeux vides. Une rencontre qui pourrait faire froid dans le dos, mais qui se révèlera être la première d’une longue série, toute la zone semblant accueillir les carcasses de différents animaux. Depuis que le trinôme Jinmu a pénétré dans la vallée, c’est déjà le troisième squelette qu’ils ont croisé.

La brume commence lentement à s’évaporer, à nouveau. L’un des clones de Jinmu pourra apercevoir à une centaine de mètres, une large ouverture dans la roche, présumant d’une cavité rocheuse. Et à peine a-t-il terminé d’en informer l’original, qu’un cri effroyable retentit, qui ne manquera pas de sonner familier aux oreilles de l’Errant, reconnaissant celui de la bête démoniaque lui ayant brutalement arraché son compagnon de route. Le cri du yokai ailé impose également un constat terrifiant auquel le trio n’avait pas encore prêté attention, dans cette vallée où la végétation n’a plus sa place et dont celle de la faune locale semble compromise, il y règne un effroyable silence de mort…

Plusieurs choix semblent s’offrir à Jinmu, des directions différentes dans la poursuite de son exploration.

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Muni d’une torche pour s’éclairer dans cette caverne humide et sombre, la première réplique de l’homme masqué ouvre la marche. Il progresse prudemment, conscient du danger qui rôde en ce lieu, probablement tapis dans la pénombre à guetter le bonne opportunité pour lui sauter à la gorge. Les premières minutes, rien ne se passe. On entend le bruit des nombreuses gouttes s’écouler du plafond que l’on peut deviner pas bien haut, trois ou quatre mètres tout au plus.
Finalement, la première alerte vient du clone assurant vos arrières. Il s’agite en pensant avoir entendu un bruit, sa torche enflammée balaie l’espace devant lui, mais les yeux du clone ne distinguent rien. Il en fait tout de même la mention à son maître via le lien mental, assurant avoir ressenti une mauvaise présence tout proche de lui.

Vous poursuivez votre progression jusqu’à ce que le clone de devant aperçoive un autre cadavre non loin. Humain, celui-ci. Il n’a pas encore achevé sa décomposition, l’odeur qui s’en dégage aurait de quoi faire vomir quelqu’un n’ayant jamais senti la flagrance putride que dégage un corps se décomposant. Le clone signale un carnet que tient entre ses doigts le macchabé. Aurait-il souhaité inscrire quelques lignes à l’attention d’un proche avant de rendre son dernier souffle ? Vous pouvez vous en emparer si vous le souhaitez, ainsi que lui faire les poches, mais vous ne trouverez rien de guère intéressant.
En feuilletant les pages du carnet, vous remarquerez que l’écriture est parfois illisible sur certaines pages. L’encre s’efface, la feuille est déchirée ou trouée, impossible d’en avoir un récit complet. Mais vous pourrez tout de même y relever quelques notes étonnantes…

Le carnet semble appartenir à un dénommé Gyusu Koronbasu, un explorateur solitaire amoureux de la recherche et découverte des mystères de ce monde. Ame semble être son terrain favoris, notamment les alentours de la capitale, dont il a trop peur de s’approcher après sa première tentative dont il se demande encore comment il est resté en vie.
Il mentionne la découverte d’une terre embrumée… un mystérieux voile blanc qui apparaît et disparaît… plusieurs pages plus loin, que ce voile blanc semble animée d’une volonté qui lui est propre, qu’il se déplace…
Il note également les nombreuses carcasses de bêtes dans la zone… que les créatures réussissant à survivre ici sont encore plus terrifiantes quand on sait à quel point ces terres sont hostiles… des annotations comme démons sanguinaires ou créatures démoniaques couvrent plusieurs fois les pages.

YӨKΛI en lettres majuscules sur toute une page.

Enfin sur les dernières pages écrites, Gyusu relève la découverte d’un lac fumant, mais qu’il n’y a pas mis les pieds après y avoir entendu un cri terrifiant qui lui a glacé tous les os de son corps.

Oh et aussi.
Au dos du carnet, en lettres de sang, il semble avoir donné ses dernières forces pour y écrire le mot suivant : ㄒ丂ㄩ匚卄丨Ꮆㄩ爪ㄖ

Araignée de terre ? Qu’est-ce qu’a voulu dire Gyusu en écrivant ce mot avec son propre sang ? Une mise en garde ? Alors qu’il réfléchit à la question, Jinmu se fera la remarque qu’il ne ressent plus la maigre chaleur de la torche de sa réplique dans son dos. Et ce juste avant que le souffle glacial d’une monstruosité à huit pattes ne lui crache sa rage au visage, d’un cri témoignant de son irrésistible envie de tuer. Quatre grandes pattes ambulatoires velues de chaque côté de son abdomen, ce dernier semblant parsemé de vilaines et grosses pustules prêtes à éclater au moindre contact. Jinmu, le plus proche de l’araignée géante, pourra admirer toute la monstruosité de sa tête. Un visage à la croisée des chemins, entre l’humain horrifié et l’animal martyrisé, notamment deux grands yeux ronds mordorés et un museau proche du nez de l’homme. Deux grosses cornes recourbées sur le crâne, une paire de mandibules si grosse qu’elle n’aurait aucun mal à déchiqueter une corps en deux. Enfin pour achever ce tableau de l’horreur, une grande gueule armée de crocs lui offrant de quoi écraser les os des proies les plus résistantes.

Inutile de se demander où est passé le clone qui fermait la marche, naturellement.
Quant au second, Jinmu doit sa survie à son sacrifice. Le Tsuchigumo profitant de l’effet de surprise et s’étant faufilé dans le dos de l’errant, il avait déjà envoyé ses deux pattes avant afin de l’embrocher vulgairement.

Les quelques secondes de répit que lui offre le sacrifice de son clone pourrait permettre au Yamanaka de riposter, ou prendre la fuite.
Son esprit aiguisé ayant depuis compris que le Tsuchigumo n’était pas qu’une vulgaire mise en garde sur les araignées souterraines du coin, mais bien contre le yokai arachnéen se trouvant face à lui.

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