▶ Sujet: Le Jour de la Caresse [Inuzuka Takeshi & Inuzuka Youji]

Ce jour devait être glorieux, plus que tout autre. Les calendriers du monde ne s'en souviendraient sans doute que comme une banale journée de printemps : les oiseaux chantaient, les fleurs s'épanouissaient et les ruisseaux glougloutaient dans une parfaite harmonie naturelle. Les habitants de Kumo, du pays tout entier, vivraient une vie somme toute très banale. Ils se lèveraient, mangeraient, vaqueraient à leurs occupations et à leurs travaux insignifiants. Pourtant, pour les plus valeureux d'entre nous, ceux dont le sang nous avait prédestinés à quelque chose de plus grand, de plus noble, nous avions depuis longtemps déjà marqué cette date d'une croix rouge dans nos mémoires. Car, chaque année, ce jour-là précisément, les Inuzuka se rassemblaient pour l'un de leurs fameux rituels claniques.

Celui-ci avait vu le jour dans des temps que la mémoire des hommes avait oubliés. Diable, peut-être avait-il précédé même l'apparition du chakra ? Des hommes sans pouvoirs particuliers s'étaient-ils peut-être adonnés aux mêmes traditions que nous en ce jour, ne se doutant pas que, dans les décennies futures, la face du monde, quoique changée à l'extrême, serait toujours peuplée de leurs descendants, au moins spirituels, qui perpétueraient la mémoire de leurs ancêtres en répétant les mêmes gestes emprunts de sacralité, de respect. Le temps, en tout cas, avait conféré à cette fête une aura toute particulière. Elle était devenue un pilier, un repère durant l'année des Inuzuka et chacun savait que, ce jour-là, le clan se retrouverait pour célébrer la mémoire des siens. Tous les Inuzuka du pays qui ne s'étaient pas encore installés à Kumo arrivaient alors au village pour une assemblée présidée par le chef de clan, qui se trouve également être le Raikage - fierté ultime pour ceux de notre race. Après un discours, nous nous séparions dans plusieurs salles pour partager un repas en compagnie de nos Ninkens. Les novices n'étaient pas oubliés et pouvaient profiter du festin qui s'ensuivait au même titre que leurs aînés vétérans. Cette fête avait pour vocation de célébrer l'entente au sein du clan, tant celle des humains et des Ninkens qu'au sein même de chaque espèce. Il était donc de tradition de se saluer en ce jour en adjoignant à la parole un geste : une tape sur la tête, ou sur l'épaule. Par conséquent, on appelait cette fête le Jour de la Caresse.

Il y avait une semaine que j'attendais impatiemment l'arrivée de ce jour, à tel point que j'en dormais mal. Mes rêves étaient devenus peuplés de tous ces visages sans traits de lointains cousins que je ne reconnaîtrai pas. J'avais le désir ardent de tous les voir, d'embrasser du regard la multitude de notre clan et de contempler sa grandeur au nombre de ses membres. Pourtant, je ne pouvais me cacher que cette attente était teintée d'angoisse. Sans doute en croiserai-je plusieurs qui me connaîtraient sans que cela soit réciproque. Cela m'arrivait bien souvent, depuis que je m'étais réveillé d'un long sommeil sans souvenirs, il y a des mois déjà. Que me diraient-ils, alors ? Me prendraient-ils pour un autre homme, comme c'était souvent le cas ? Ces situations me mettaient toujours dans un certain embarras. Peut-être vaudrait-il mieux éviter ces gens-là, pour profiter pleinement des célébrations…

Le matin même, ce n'était donc pas sans une certaine appréhension que j'avais quitté mon lit. Il faisait déjà grand jour, pourtant Miru dormait encore. Le brave petit en avait bien le droit, en temps normal, surmené comme il l'était : ne lui faisais-je pas battre la campagne tous les jours, en quête d'une grande aventure qui aurait rehaussé d'or nos noms dans les chroniques du village ? Mais, cette fois, il me faudrait le tirer de son sommeil. À contrecœur, je lui caressais donc le flanc. Il n'ouvrit pas les yeux mais me signifia qu'il était éveillé en mordant ma main.

"Baha ! Bon petit, bon petit… Garde donc cette énergie pour la fête !"

Je m'habillai sans pompe, sans éclat : il n'était pas de coutume, chez les Inuzuka, de se parer de grands atours et de riches ornements. Nous étions, après tout, des gens fort simples. Je me vêtis donc de ma tenue habituelle, mais pris un soin particulier à placer chacun de ses éléments. Lorsqu'enfin j'eus ceint mon épée à mon côté, il fut temps de se rendre au domaine.

Je n'entendis rien du discours du Raikage, à mon grand dam. J'étais bien trop loin de lui et la foule des hommes et des Ninkens n'était pas des plus silencieuses. Miru lui-même passa son temps à japper à l'adresse d'un autre chiot à quelques rangs devant nous, qu'il semblait avoir pris en grippe. Je plaignais le compagnon humain de cet animal : s'il venait jamais à croiser notre route, il était certain que Miru n'en ferait qu'une bouchée… Malgré sa petite taille, il était, après tout, d'une hargne et d'une vigueur épatantes.

Vint ensuite le temps du festin. Me souvenant de mes angoisses, je décidai de prendre place parmi les novices et me présentai donc dans la salle qui leur était réservée. L'on m'indiqua, à ma grande surprise, que l'on m'y attendait et que ma place était prête. Diable, que les nôtres étaient prévoyants ! Les liens du clan étaient donc si forts que l'on avait prédit mon souci et devancé mon stratagème. Ce fut le cœur léger que je m'assis en tailleur à une table ronde. Miru se lova entre mes jambes, comme à son habitude. Le fumet des mets qui devaient nous parvenir le gardait éveillé.

"Allons, allons, Miru. Restons bien élevés, hm ? Ne laissons pas le festin et la boisson embuer nos esprits et profitons de cette occasion pour faire la connaissance de cousins. Et, en parlant des loups…"

▶ Sujet: Re: Le Jour de la Caresse [Inuzuka Takeshi & Inuzuka Youji]

"Crénom ! Mais qu'est-ce que…"

Voilà donc qu'une diablesse de la pire espèce venait de mettre ses pattes boueuses dans mon assiette. Ah, ça ! S'il y avait bien une chose avec laquelle un Inuzuka ne plaisante pas, c'est sa pitance ! Humains et Ninkens partageaient ce goût pour la nourriture qui confinait à la vénération : nos palais étaient les plus fins de Kumo parce que nos odorats étaient les plus développés. Par conséquent, il n'était pas rare que les Inuzuka soient de véritables gourmets, voire des aventuriers de la gastronomie ! Nos talents nous permettaient de fermer les yeux et de ne pas nous arrêter à des considérations aussi futiles, lorsque l'on parle de cuisine, que l'apparence des mets que l'on nous présentait : tout reposait dans leur fumet. C'était ainsi, à l'imitation des nobles Ninkens qui habitent nos vies, que j'avais découvert le plaisir de dévorer des racines à peine déterrées, par exemple. En somme, j'étais, à l'image de bon nombre de mes cousins, un gourmand de premier ordre et je tenais à ma nourriture. Par conséquent, il me fut tout à fait désagréable de constater qu'entre deux grains de riz, une donzelle avait jugé bon de planter ses orteils.

"Par ma barbe, ôte donc tes pieds de là, gamine !"

Et j'entrepris de piquer lesdits orteils du bout de mes baguettes pour les chasser de la table. En voilà des manières. Les Inuzuka ne sont pourtant pas une meute sauvage : bien au contraire. Notre sang représente l'alliance parfaite entre la civilisation et le monde sauvage. Et cette alliance parfaite exigeait que l'on respectât les coutumes du bien-vivre et du bien-manger lorsque l'on célébrait une occasion comme celle du Jour de la Caresse. Miru se joignit d'ailleurs à moi, à coups de jappements sonores, pour que l'inconnue descendît de la table : lui aussi se montrait particulièrement hostile lorsqu'il s'agissait de préserver sa pitance.

Je haussai les sourcils en entendant la jeune fille aboyer. En voilà des manières de communiquer. Se croyait-elle un Ninken pour parler ainsi ? S'imaginait-elle qu'on la comprenait ? J'avais entendu dire que certains Inuzuka avaient cette faculté, en effet, de communiquer avec leur Ninken. Pour ma part, j'en étais tout à fait dépourvu et ses cris m'étaient simplement insupportables : ne pouvait-elle donc pas articuler une phrase faite de jolis mots et ponctuée d'intonations comme il y en a tant dans notre belle langue ? J'avais décidément une fort mauvaise première impression à l'égard de cette demoiselle. Il n'y avait pas que des jeunes pousses prometteuses au sein du clan, malheureusement… J'espérai in peto qu'elle faisait partie d'une de ces meutes du Nord, un peu attardées et consanguines, mais qui ne se mélangeaient que rarement aux autres. Le genre qui, tôt ou tard, finirait par s'autodétruire et laisser le reste du clan, les vrais Inuzuka, en paix.

Fort heureusement, nous fûmes rejoints par un autre duo, bien plus présentables - et qui d'ailleurs se présenta. Je répondis à leur salut d'un signe de tête et leur rendis l'honneur qu'ils nous avaient fait :

"Bonjour à vous. Je suis Yuusha, voici Miru."

Trop occupé à continuer d'aboyer contre la sauvageonne, Miru ne devait même pas avoir remarqué la présence des deux nouveaux convives. C'est à ce moment qu'une volée de plats fit son entrée. Les murmures admiratifs et impatients se mêlèrent à la rumeur des haleines excitées des Ninkens. Le battement frénétique de leurs queues sur le parquet produisait comme un bruit de tambour de guerre. Démultiplié par le nombre des canidés, il donnait l'impression que nous nous remplissions la panse pour partir à la bataille. À la vérité, c'était bien la caste des guerriers la plus noble du village que l'on nourrissait aujourd'hui.

J'entamai les hostilités et commençai à déchirer des dents une cuisse de poulet fort charnue. Miru récoltait des bouts de gras tombés dans mon écuelle et cassait de petits os entre ses mâchoires pour en avaler la substantifique moelle. Je sentais le jus couler sur mon menton et se mêler à ma barbe, ce qui décuplait le plaisir que me procurait ce festin : c'était bien là la meilleure façon de manger. Entre deux morceaux, j'avalai une rasade de quelque alcool dont on avait empli ma coupe et adressai la parole à mes compagnons de table :

"Alors, dites-moi les jeunes : à quoi s'occupent nos louveteaux ces temps-ci ? Vous savez, quand j'avais votre âge, on n'avait pas beaucoup de temps pour s'amuser et il fallait lutter sans relâche contre le crime qui régnait à Kaminari no Kuni. Ce n'était pas comme aujourd'hui, où l'on a trop de temps libre pour se soucier de ce qui se passe au-dehors, derrière les murailles… Parce que vous savez, les enfants : le Mal est toujours là, qui rôde, de l'autre côté des remparts !"

Et, cette docte leçon donnée - et il ne faisait aucun doute qu'ils m'en remercieraient toujours - je plongeai mes crocs dans un nouveau morceau de volaille.

▶ Sujet: Re: Le Jour de la Caresse [Inuzuka Takeshi & Inuzuka Youji]

Tandis que de nombreux membres du clan du chien s'étaient rassemblés à une même table pour, semble-t-il, apprendre à se connaître, un autre individu loin d'être étranger au monde animal s'était rapproché, dans l'ombre de vos rires, jusqu'à sauter pour s'écraser sur la table de tout son poids.

Un poisson.

Ses yeux globuleux se tournèrent vers Takeshi, en particulier, ainsi que les coupes de saké qui se tenaient près du trio. S'il eut vite fait de descendre l'alcool plus vite qu'aucun d'entre vous n'aurait jamais pu le faire, sa soif fut bien loin d'être étanchée par cette simple fermentation de riz.
Il avisa l'Inuzuka, d'un regard vide, si vide, et pourtant bien avide.

« T'en as d'autres ? Sinon j'te suce ton eau. »

À moins que vous ne vouliez finir aussi asséchés qu'une momie en plein désert, mieux valait lui trouver ce qu'il souhaitait ou l'envoyer valser bien loin d'ici – en veillant à ce que sa bouche ne vous attrape pas au passage pour mettre à bien sa menace.

GABUGABU

がぶがぶ à grandes gorgées

Le Gabugabu est un esprit aquatique et simplet, qui n’erre que pour une seule chose : trouver de l’eau et la boire jusqu’à plus soif. Il boit d’ailleurs si vite qu’il est plus probable de le croiser lorsqu’il est à la recherche d’une boisson plutôt que lorsqu’il l’a déjà trouvée. S’il vous arrive de croiser sa route au cours de sa quête assoiffée et qu’aucun point d’eau ne se trouve à proximité, il n’hésitera pas à faire de vous sa gourde par n’importe quel moyen pour se remplir. Il est plutôt coquet, mais il peut littéralement vous vider de toute votre eau en vous suçant.

@Inuzuka Takeshi fait la rencontre d'un yokai, le Gabugabu !