C	AU COEUR D'UN TRAFIC @Matsurika Hanabi & @Kawasaki Kaïto

Le Shogunat a besoin de plus d'informations concernant une possible activité illégale dans le marché noir de la ville d'Aizakura. Des rumeurs circulent sur des transactions clandestines et des échanges de biens interdits qui pourraient nuire à certains marchands qui pèsent dans l'économie de la capitale. Votre mission est de recueillir discrètement des informations sur ces activités et d'identifier les individus impliqués.

Étapes — → Se rendre à Aizakura ; → Infiltrer discrètement le marché noir d'Aizakura en tant que marchand itinérant ou visiteur ; → Observer les interactions et les transactions pour identifier des schémas suspects ; → Engager des conversations informelles avec les marchands et les habitants pour obtenir des informations sur les activités illégales ; → Rechercher des indices physiques ou des documents qui pourraient fournir des preuves des activités illicites ; → Faites votre rapport aux autorités.

Récompenses — ◘ 5 XP et 60 000 ryôs par participants.

Printemps 83 - Homura, Arche Sacrée.

Je commençais à apprécier de partir en mission. Le monde extérieur n’était finalement pas aussi horrible que ce à quoi je m’attendais. Mon principal problème restait les relations avec mes coéquipiers. Non pas que j’avais du mal à communiquer avec eux, bien au contraire. J’étais du genre bavard. Non. C’était ma façon de parler qui n’allait absolument pas. Je commençais tout juste à m’en rendre compte. Avais-je seulement envie de changer ? Je ne sais pas. Pourtant, il allait bien falloir que je me remette en question à un moment ou à un autre. En effet, lorsque ni l’un ni l’autre n’avait le recul nécessaire sur nos conversations, cela mettait souvent en péril les missions que l’on nous attribuait. Je ne souhaitais pas être mis au rebut alors que j’entreprenais tout juste de sortir de ma coquille.

Je finis d’enfoncer mon chapeau sur la tête et, après avoir vérifié mon sac et glissé mon ordre de mission dans la poche intérieure de mon veston, je saluais le vieux et Roruko : il était grand temps pour moi de quitter la taverne. Je marchais d’un bon pas vers l’Arche Sacrée, lieu de rendez-vous de toutes les missions. Ou presque. Je n’avais nullement envie de passer par l’atelier d’Hanabi pour aller la chercher et faire le chemin avec elle. Parmi tous les coéquipiers, c’était certainement avec elle que j’avais le plus de difficulté. Ses actions nombrilistes me débectaient au possible. Pourtant, il allait bien falloir que nous nous entendions… La réussite de nos objectifs en dépendait.

J’arrivais rapidement à destination. Enfin, aussi rapidement qu’un nain en pleine possession de ses moyens pouvait le faire. Je jetais un rapide coup d'œil aux alentours et ne pus que constater que j’étais le premier de notre duo à être arrivé sur les lieux. Tant pis. Je prendrais mon mal en patience. Je trouvais rapidement un tonneau sur lequel je vins m’installer. Je sortis ma pipe, la bourrais et l’allumais sans ménagement. A ma demande, le vieux m’avait lu plusieurs fois mon ordre de mission. Cette histoire sentait mauvais à des kilomètres à la ronde.

Connaissant que trop bien mes lacunes, j’avais pris le parti de m’habiller en garçon des rues. Je ne faisais pas très propre sur moi, mais c’était l’effet recherché. Nous devions infiltré un marché noir et il m’était impossible, à la vue de mon physique et de mon langage, de me faire passer pour un riche marchand ou tout autre collectionneur cherchant à acquérir je ne sais quel mystérieux objet. De ce fait, j’avais opté pour le garçon des rues. Je pouvais aisément passer pour un adolescent engagé à moindre coup par une personnalité d’Homura afin d’acquérir, en son nom, des babioles. La plupart de ces hommes ne souhaitaient pas être liés de près ou de loin au marché noir. Il en allait de leur réputation (et de leur honneur, pour certains).

Avec l’aide de certains membres du Gang, j’avais confectionné des documents suffisamment bien faits pour passer pour des vrais. Bien entendu, je ne me vanterais pas de leur fabrication. Toutefois, ils étaient nécessaires pour le bon déroulement de la mission, mais également pour donner plus de profondeur à ma couverture. Il ne manquerait plus que je sois grillé avant même que nous ayons pu faire quelques investigations sur les lieux.

En parlant d’endroit… Aizakura. Ce village ne me disait rien qui vaille, certainement parce que le Gang n’avait aucun indic dans le coin. C’était une plongée en eaux profondes, vers des inconnus abyssales qui ne m'enchantaient guère. Très honnêtement, c’est ce côté « inconnu et inexploré » qui m’inquiétait tout autant qu’il m'excitait. Il me poussait à sortir de ma zone de confort, mais m’offrait l’opportunité de découvrir de nouvelles choses, de développer mes compétences. J’allais profiter de cette mission pour faire du repérage…

« BANANIIIIIII ! »

Je fis de grands gestes pour lui signifier que j’étais là : sa chevelure rose était reconnaissable entre mille. Je pris une grande inspiration et sautais de mon tonneau. Je me dirigeais vers elle en trottinant. Je devais faire de mon mieux pour que cela se passe bien entre nous. Le temps de la mission.

« Salutations sur toé, Banani. »

Le vieux savait très bien que je ne m’entendais pas avec la jeune femme. Roruko lui avait tout rapporté de notre première rencontre. Il m’avait donc conseillé d’éviter toutes les conversations superflues. Pour quelqu’un qui adorait parler, c’était un conseil fort avisé mais très compliqué à mettre en pratique. Mentir ne servirait à rien. Je n’avais aucune envie de faire cette mission avec elle.

« As-tu une idée de comment infiltrer le marché noir d’Aizakura ? »

Maintenant que les politesses avaient été faites, il était grand temps de se mettre en chemin et de rentrer dans le vif du sujet.

Résumé:

Partenaire:

Le destin pouvait parfois réserver son lot de surprise, le lien qui semblait se mettre en place entre l’acariâtre Kaïto et la non moins tumultueuse Hanabi échappait à toute logique humaine. Les deux énergumènes ne pouvaient se blairer et pourtant le hasard semblait vouloir que nos deux marginaux se lient. D’abord lors de leur sulfureuse rencontre lors de la découverte et du pistage des réminiscences de chakra du demon renard. Ensuite, lors de leur confrontation peu orthodoxe lors du tournoi des genins d’Homura. Et enfin, les voilà à nouveau associer pour une mission d’infiltration.

 « D’infiltration ? Avec le nabot ? Mais ils sont cons ou quoi là-haut ? » fut la première réaction de la peintre à la lecture de son ordre de mission.

En compagnie du nain, elle devait récolter des informations sur d’étranges trafics se passant à Aizakura, ville importante de la province du pays du Feu. Elle avouait volontiers que son coéquipier semblait posséder des capacités aussi originales qu’utiles mais son caractère en faisait une personne peu reliable aux yeux de la jeune artiste.

De toute manière un ordre est un ordre, c’est donc avec circonspection que la jeune femme se prépara afin de rejoindre son acolyte aux portes d’Homura.

C’est vêtue d’une étonnante robe d’un blanc immaculée -tranchant avec ses habitudes à présenter en permanence des taches de peintures sur ses vêtements- et d’un large chapeau entouré d’un complexe noeud vert, couleur que l’on retrouvait sur le noeud cintré de sa robe, qu’elle retrouva le nain, présentant alors une tenue à priori bien plus adaptée à quelques légères mondanités qu’à une mission d’infiltration.

 « Salutation sur toi Kaïto. » Repondit-elle au salut du nain, reprenant sa formulation de politesse.

Ne tournant guère autour du point, le nain interrogea directement l’artiste sur leur infiltration du marché noir d’Aizakura.

 « J’ai bien quelques pistes mais il semblerait que nos idées ne soient pas similaires… » Dit-elle en regardant la tenue défroquée de son coéquipier.

 « J’ai récemment infiltrer un grand marchand de la capitale possédant une fille de mon âge. J’ai même ici quelques documents… » Revela-t-elle en cherchant visiblement quelque chose dans son indéfectible besace. « Ah le voilà ! » Elle en sortit un document officielle d’identité d’une dénommée Oda Nao, fille du richissime marchand Oda Hentei.

 « Ils se trouvent qu’Oda Hentei a eu recours à de nombreuses reprises au marché noir, ce papier devrait pouvoir m’ouvrir des portes. Il faut juste trouver son emplacement… »

Effectivement, le papier tout à fait officiel pouvait lui offrir un droit d’entrée au sein du marché noir. Seul point négatif était que le portrait du document ne ressemblait aucunement à celui de la kunoichi. Problème qu’elle résolut rapidement en utilisant sa capacité à manipuler l’encre et son art du dessin pour modifier subtilement le portrait présent sur le document, le rendant tout à fait semblable au visage de la jeune femme.

 « Hop ! Et voilà… Et toi. Tu pensais à quoi ? »

Elle avait un moyen de participer légitimement au marché noir en prenant l’identité d’Oda Hentei mais elle ne savait pas encore où se déroulait les transactions incriminées. Certainement que son comparse saurait se montrer utile.

Spoiler:

Printemps 83, Pays du Feu - Homura, Arche Sacrée.

L’idée de lui en coller une me traversa l’esprit lorsqu’elle se permit de juger ma tenue. Oh, elle ne le fit pas ouvertement. Hanabi était bien trop intelligente pour ça. Son petit commentaire sur nos intentions vis-à-vis de l’infiltration et son regard sur mes vêtements furent suffisants pour me tirer une grimace et des envies meurtrières à son égard. Au fond de mes poches, mes poings se serrèrent et évitèrent de justesse à ma colère de prendre le dessus sur ma raison.

Maîtrise de ses émotions.

Contrôle de soi.

Putain. Il en avait de bonnes, le vieux. C’était déjà bien compliqué en temps normal de ne pas se laisser déborder… Qu’est-ce qu’il croyait ? Qu’en présence d’une personne qui m’insupportait au plus haut point, j’allais pouvoir gérer ? Des choix. J’avais dû en poser. Au-delà de mes rancoeurs envers la jeune femme, je voulais réussir cette mission. Il était bien plus important pour moi de développer mes capacités d’infiltration que de chercher querelle à ma partenaire de mission. Après tout, j’avais des objectifs bien précis à remplir.

Et j’étais prêt à tous les sacrifices pour pouvoir les remplir.

Y compris faire équipe avec Hanabi.

« Bien joué. »

Bien que froid, le ton utilisé n’était pas agressif. J’étais impressionné que mon interlocutrice ait pensé à un tel subterfuge. Je ne la pensais pas capable de mettre en place une telle emprise. Force était de constater que je m’étais lourdement trompé. Finalement, malgré le fait qu’elle soit insupportable, elle n’était pas aussi stupide que ce à quoi je m’attendais.

« C’est une bonne approche… Certainement l’une des meilleures que nous puissions avoir. »

Je lui fis un signe de la tête vers la sortie de la capitale pour lui signifier que nous nous mettions en route. Nous aurions tout le temps de faire le point durant notre trajet.

« J’en suis arrivé à la même conclusion que toé. Quoé que tu puisses en penser, j’ai également penché pour cette solution… »

Tout en marchant, je sortis à mon tour des documents de mon sac.

« Plusieurs types de personnes peuvent accéder au marché noir. Mes compétences ne me permettent pas de prendre n’importe quel personnage, j’ai choisi celui qui me collait le mieux à la peau : le garçon des rues. »

Je lui tendis les papiers pour qu’elle puisse y jeter un œil.

« Si ces transactions clandestines peuvent nuire à certains marchands de la capitale, sache que d’autres s’en abreuvent abondamment. Le marché noir est même leur principale source de revenus… J’comprends que le shogunat prenne parti pour la légalité. Toutefois, j’avoue que… »

Devais-je lui faire part de mes réflexions ? Jusqu’à quel point pouvais-je lui faire confiance ? J’estimais néanmoins que, bien tourné, mes propos pouvaient permettre une meilleure compréhension entre nous.

« … j’comprends que plusieurs hommes d’affaires se sentent menacés par la présence de cette foire illégale. D’un autre côté, j’suis bien content qu’on ne nous demande pas de la démanteler. Ce genre de commerce, aussi peu respectueux de la loi est-il, pousse comme de la mauvaise graine. Aizakura n’est pas la seule place de transactions frauduleuses. Cette bourgade n’est qu’un maillon parmi beaucoup d’autres. Si les autorités venaient à fermer ce marché, il ne lui faudrait que quelques semaines pour se reconstituer à l’identique dans une autre ville. »

Printemps 83, Pays du Feu - Pleine nature.

Nous passâmes les portes d’Homura et nous prîmes la route qui menait à notre destination. Il nous faudrait une demi-journée de marche pour y arriver.

« Ce genre d’affaires ne pourra jamais être éradiqué complètement. Stratégiquement parlant, dans c’cas de figure, la meilleure solution est d’infiltrer les rangs de notre adversaire et d’gravir les échelons. Petit à petit et dans les ombres, se faire une place dans le milieu et le contrôler de l’intérieur. Imagine… Oui… Imagine la puissance que pourrait avoir un mec qui soit assez important pour peser dans la balance de l’ombre et de la lumière… De chaque côté de la barrière, il est quelqu’un… Quelqu’un que personne ne peut avoir sous son emprise… »

L’idée était des plus séduisantes.

« Il pourrait contrôler beaucoup de choses… Beaucoup trop, d’ailleurs… »

Je secouais la tête. Mes divagations étaient allées plus loin que prévu. Peu importe… Qui me prendrait au sérieux de toute façon ? Aujourd’hui, je n’étais personne. Demain est un autre jour.

« Pour en rev’nir à nos identités, j’suis l’premier à avoir conscience que mon physique et ma personnalité ne me laissent que des choix limités pour les missions d’infiltration. J’sais de sources sûres que certains individus puissants de la capitale sont liés au marché noir mais ne veulent en aucun cas être liés à celui-ci. Ils ont pris beaucoup de précautions et de mesures pour que les autorités ne les associent pas à Aizakura ou d’autres bourgades s’adonnant à des activités illégales. Bref, j’te passe les détails… »

Je pointais un instant du doigt les papiers qu’elle tenait en main.

« Remonter jusqu’aux différents commanditaires serait, à l’heure actuelle, trop fastidieux. On n’a pas l’temps pour ça. En revanche, entrer en contact avec des individus qui sont en bas d’la pyramide, c’n’est pas bien compliqué. Du moins, c’est suffisant pour pouvoir créer et utiliser ces faux papiers avec leur bénédiction, histoire que ces derniers soient plus crédibles… Du moins, c’est largement suffisant pour une mission de ce genre… »

Je pris le parti de ne pas rentrer dans les détails. Il va de soi que demander le concours de telles personnes n’était pas gratuit. Il y avait toujours un prix à payer. Quelque soit l’aide que nous demandions.

« Ces papiers prouvent que j’travaille pour l’compte d’un certain Cobra, l’un des nombreux hommes de main d’un certain Archange. J’suppose que cet Archange n’est pas le sommet d’la pyramide, mais c’n’est pas mon problème. L’plus important, c’est qu’ils ont leurs entrées sur différents marchés noirs d’la région, y compris celui qui nous intéresse dans notre mission. »

Je récupérais les documents et les rangeais dans l’une des poches intérieures de ma veste.

« C’te branche a l’habitude d’embaucher des p’tites frappes des rues pour certaines transactions. C’est leur jour d’chance ! Il s’trouve que j’suis qualifié pour ce genre de boulot. Du moment qu’le travail est fait et que j’ne fais pas de grabuge, ils s’foutent pas mal de c’que je fais d’mon temps libre… »

Là encore, je pris le parti de ne pas en dévoiler plus que nécessaire. Hanabi n’avait clairement pas besoin de tout savoir des transactions que je pouvais faire avec de tels énergumènes.

« J’ai obtenu l’nom d’un contact. Il est tout en bas d’l’échelle, mais ça s’ra suffisant pour nous permettre de mettre un premier pied dans le milieu. Le reste… Faudra s’débrouiller. Il s’fait appeler Loulou la Frite et passe beaucoup d’temps au Ver Croupissant, une taverne peu fréquentable d’Aizakura. »

Depuis que nous avions quitté Homura, je n’avais pas regardé une seule fois en direction d’Hanabi. Je ne voulais surtout pas voir ses réactions. D’expérience, je savais que son langage corporel me faisait sortir de mes gonds.

« C’n’est pas plus mal que nous puissions mener l’enquête sur deux fronts. On n’sort pas du tout du même milieu social et nous n’sommes pas là pour les mêmes raisons. Loulou la Frite devrait nous aiguiller vers des personnes différentes… En revanche, va falloir trouver une sacrée bonne explication à notre arrivée à Aizakura. Avant même qu’on se présente à notre contact, tout le milieu saura que nous avons débarqué ensemble… Une idée ? »

Résumé:

Étrangement, le nain se montra aimable, admettons volontiers que l’identité empruntée par la peintre pour cette mission était une bonne idée. Dans son cas, le trentenaire confia qu’il avait opté pour une identité de garçon des rues comme son accoutrement le laissait présager. Il tendit quelques papiers à Hanabi sur lesquels étaient réunis de nombreux détails sur l’identité qu’il allait s’accaparer.

Tout en s’éloignant de l’Arche Sacrée, le nain continuait à livrer ses réflexions à Hanabi, notamment son avis sur l’existence des marchés noirs au sein du pays du feu.

 « Si ces marchés existent et persistent c’est qu’ils répondent aux besoin de nombreux Hijins, moi-même il m’est arrivé d’en fréquenter lors de recherches de pigments rares… » Se contenta-t-elle de répondre.

Au grand étonnement de la jeune artiste, le nain se montra plutôt bien informé, ayant déjà quelques contacts pouvant les aider à infiltrer un réseau participant au marché noir, notamment un certain… Loulou La Frite. Elle avait connu des surnoms plus effrayants que celui-ci…

 « Loulou La Frite… Au Ver Croupissant… » Se murmura-t-elle, souhaitant visiblement retenir ces informations.

Arrivés à la fin de sa diatribe, le nain ne manqua pas de relever un détail gênant qui pouvait avoir son importance: l’arrivée des deux genins aux identités et accoutrements si différents ne passerait certainement pas inaperçue.

 « Pour ça j’ai peut-être une solution… » Répondit Hanabi afin d’apaiser les inquiétudes de Kaito.

Se saisissant d’un parchemin et de son pinceau elle se mit a dessiner rapidement un petit nuage rosâtre qu’elle libéra aussi vite du parchemin.

 « Bon, Loulou la Frite au Ver Crépissant, faisons comme ça ! »

Elle sauta lestement sur le petit nuage d’encre et commença à prendre son envol.

 « Oublie pas, la prochaine fois que l’on se voit je m’appellerai Nao… » Dit elle avant de réfléchir un instant et d’ajouter: « Ce sera Dame Nao pour toi ! »

Sans plus de discussions ou d’explications elle s’envola sur son nuage d’encre rosâtre vers leur destination: le village d’Aizakura.

Le trajet se fit rapidement en survolant les forêts de Hi. En quelques heures elle arriva devant l’enceinte du petit village qui occupait une position stratégique puisqu’il se trouvait à la croisée des deux grands axe Nord/Sud et Est/Ouest qui traversait le pays du feu et offrait au village l’accès aux nombreuses denrées possédaient par les marchands de passage. Il était fort probable que certains biens se trouvant sur les étals du village ne soient même pas trouvable à la capitale.

Mettons pied à terre à quelques mètres avant l’entrée, elle expira un coup avant de gonfler sa poitrine et d’avancer d’une démarche assurée en direction de l’entrée, essayant ainsi d’imiter la démarche de la fille de marchand dont elle prenait l’identité.

A son soulagement les gardes de l’entrée, deux gamins dans des armures bien trop grandes pour eux, la laissèrent passer sans aucune demande d’identification. Ce village était vraiment le lieu idéal à l’a tenu d’un marché noir.

Arpentant les rues boueuses du village à la recherche de l’enseigne du Ver Croupissant, elle trouva enfin le gourbi. Dans un état de décrépitude absolue, la bâtisse qui abritait le bar semblait menacer de s’écrouler à chaque instant. Prenant à nouveau une respiration, davantage pour profiter d’une dernière bouffée de bonne air que pour se donner du courage, elle franchit les deux portes battantes de l’établissement et s’avança droit en direction du long bar qui occupait tout un pan de mur.

Malgré quelques timides sifflotements lubriques, son entrée ne sembla pas attirer l’attention.

Ses yeux s’habituèrent peu à peu a l’obscurité régnante, assez pour qu’elles s’aperçoivent que la majorité des clients étaient des prolétaires. C’était donc dans ce genre d’endroit que le nain trouvait des informations, ce genre d’endroit sans importance, fréquentait par des personnes auxquelles personne ne porte véritablement attention. Intéressant.

Elle commanda une chope de bière au comptoir afin de patienter en attendant que le nabot la rejoigne, elle aurait certainement le temps d’en boire quelques autres…

Spoiler:

Printemps 83, Pays du Feu - Aizakura.

J’arrivais en nage à Aizakura aux premières lueurs de l’aube. Le trajet m’avait permis d’extérioriser ma rage et d’insulter copieusement la jeune femme. Cette garce et son foutu nuage m’avaient littéralement abandonné sur place. A quoi bon faire des efforts si ma partenaire de mission prenait un malin plaisir à me foutre des tatanes dans la gueule à chaque fois qu’elle le pouvait ? Certes, j’avais suggéré que nous n’arrivions pas ensemble à la bourgade, mais de là à me laisser faire tout le trajet à pieds alors qu’elle avait la possibilité de me faire une petite place sur son moyen de transport…

J’avais dû bivouaquer dans une clairière alors que la nuit s’était déjà copieusement installée dans les cieux. J’avais mangé un repas des plus austères, dans un silence qui me mettait plus que mal à l’aise. Moi qui avais l’habitude d’être entouré et de converser pendant mes collations, voilà que je me retrouvais seul face à moi-même. C’était fort désagréable. J’avais installé quelques pièges pour la nuit et, caché dans un petit bosquet de buissons, j’avais récupéré des forces, bien emmitouflé dans une couverture.

En arrivant aux portes de la bourgade, je saluais les deux soldats en faction : des gamins dans des armures bien trop grandes pour eux. S’il y avait effectivement un marché noir ici, je trouvais cela curieux que des individus de leur âge aient été désignés comme piquet. Quand bien même la ville était gangrenée par des transactions louches et des bougres pourris jusqu’à l’os, les accomodements financiers effectués à Aizakura étaient suffisamment conséquentes pour que de puissants marchands du pays y voient une nuisance pour leurs profits.

Les marchandises qui passaient donc par ici étaient considérables en nombre. Leur quantité induisait également que leur valeur - du moins, pour certaines denrées - était plus élevée que la moyenne. Marché noir ne rimait pas forcément avec médiocrité. En revanche, il facilitait l’accès à beaucoup de produits qui étaient plutôt difficiles à se procurer par les voies commerciales autorisées par la loi. De ce fait, les entrepôts devaient ressembler à la caverne des quarante voleurs d’Ali Baba.

Alors, pourquoi une telle relaxe au poste de contrôle ? Les responsables de cette plateforme illégale avaient tout intérêt à ce que les produits de leurs clientèles soient protégés.

Et plutôt deux fois qu’une.

Je localisais rapidement le Ver Croupissant. Dame Nao - puisque c’est ainsi qu’elle voulait se faire appeler - m’avait donné rendez-vous ici. A la vue du temps que m’avait pris le trajet, je doutais qu’elle ait passé la nuit ici. Avait-elle vraiment eu le choix ? Je finis par hausser les épaules. Ce n’était pas mon problème. Et cela ne le serait jamais. De ce que je connaissais de la jeune femme, elle était suffisamment débrouillarde pour s’occuper d’elle-même et prendre les décisions nécessaires au bon déroulement de la mission.

Au lieu de rejoindre directement la demoiselle, je pris le temps d’arpenter les rues boueuses autour du bar miteux, histoire de me faire une idée de la configuration extérieure des lieux. Nous nous embarquions dans une mission qui puait littéralement la merde. Je me devais d’avoir une solution de repli si ça se passait mal à l’intérieur.

Était-ce vraiment une bonne idée que nous fassions nos petites affaires chacun de notre côté ?

Voilà que je commençais à m’inquiéter pour ma partenaire de mission. Elle n’avait rien fait pour. Cela serait néanmoins dommage que je sois dans l’obligation de ramener son petit cul en morceaux. Le milieu dans lequel nous venions de mettre les pieds n’était pas un endroit où devrait s’épanouir une jeune femme de son âge. Elle n’en restait pas moins une kunoichi.

Mes pensées étaient déplacées.

J’avais été témoin des ressources dont elle disposait. Celles-ci devraient être suffisantes pour qu’elle s’en sorte en un seul morceau. Et si elle se faisait choper ? Bah. Assez. Trop de sentimentalisme. Les femmes sont suffisamment fortes pour entreprendre ce qu’elles ont envie de mettre en place. Ou du moins, elles ont les moyens nécessaires pour que leurs rêves deviennent leurs réalités.

Était-ce vraiment pour elle que je m’inquiétais ?

Non. Définitivement non. J’espérais simplement qu’elle ait les compétences minimum requises pour m’éviter toute paperasse inutile. Et puis, cela fait toujours mauvais genre de perdre un équipier au cours d’une mission. Cela attirerait vainement l’attention sur moi, en plus de retarder mes plans personnels concernant le Pays du Feu. C’était donc plus pour ma position d’ombre que je me faisais du souci que pour l’intégrité de la jeune femme.

Les rues étaient étrangement calmes.

Beaucoup trop calmes.

Je finis par pénétrer dans le Ver Croupissant. A l’image de son nom peu envieux, la taverne était dans un état de décrépitude avancée. Les arômes qui vinrent chatouiller mon nez purent entrer officiellement en compétition avec les effluves des égouts. Au nom de tous les taverniers décents de ce pays, j’eus honte qu’un tel gourbi puisse se prétendre auberge.

Je m’avançais vers le comptoir d’un pas assuré. Lors du trajet qui me mena de la porte d’entrée au barman, mon regard se balada dans la salle. Il ne s’arrêta pas sur les quelques manants qui se trouvaient parsemés dans la pièce. Je notais néanmoins mentalement leur nombre et leur position. Certaines zones étaient trop peu éclairées pour que je puisse identifier quoi que ce soit. Je ne pouvais pas me permettre d’être insistant. Cela pouvait m’attirer bien plus d’ennuis que d’aides propices.

« Qu’est-ce que tu fous là, gamin ? Tu t’es perdu ? »

Voilà que l’homme derrière le comptoir venait de m’interpeler.

« Wesh, le vieux ! Garde ta compassion et tes inquiétudes pour pigeonner d’autres clients. A d’autres, hein ! »

Je sautais avec dextérité sur l’un des sièges attenant au bar. Je fouillais quelques secondes dans la sacoche et en sortis un jeton avec une tête de cobra inscrite sur le revers.

« J’ne suis pas là pour m’faire t’nir la main. »

Je jetais la pièce sur le comptoir.

« J’dois récupérer un paquet pour Cobra. »

Le barman prit la piécette et se mit à l’observer sous toutes ses coutures.

« Tu n’es pas l’un des gars habituels. »

« Et alors ? C’n’est pas mon problème. J’n’ai pas à m’justifier. Et j’pose encore moins d’questions. J’ne suis pas payer pour faire causette avec mes supérieurs, mais pour exécuter les ordres. »

« Tu as la langue bien pendue, gamin. »

« A c’qui parait ! Ça fait parti d’mon charme… »

J’ajoutais en ricanant :

« … Enfin, ça dépend pour qui. Ceux qui s’font fait couillonner par mon blabla no jutsu préfèreraient voir ma langue en morceaux entre leurs doigts. »

« Tu ne manques pas d’air. »

« J’n’ai pas l’temps pour ces niais’ries. J’ai d’autres livraisons à faire et j’n’aim’rai pas m’faire allumer la gueule par mes supérieurs parc’que j’ne suis pas rev’nu à temps avec les marchandises. »

Le barman reposa le jeton sur le comptoir.

« Concernant Aizakura, on m’a dit d’venir ici et de d’mander Loulou la Frite. »

Je pris bien garde de ne pas mentionner le marché noir. Ne sachant rien encore de ces ramifications, je préférais me montrer prudent quant à ce que je demandais à mes interlocuteurs.

« Comme t’es l’barman, j’pense que t’es l’plus à même d’m’indiquer le chemin pour trouver c’te frite ! »

« Tu prendras bien quelque chose à boire ? »

« Sérieux ? On est obligé d’en passer par là ? »

« Qu’est-ce que je te sers ? »

Je poussais un profond soupir.

« Va pour une peinte de bière ! Et une bien fraîche, hein ! Dans une peinte propre… Pas d’la pisse de yokaï comme certaines tavernes locales… »

Les yeux du barman roulèrent un instant face à ma demande.

« Me r’garde pas comme ça ! C’n’est certain’ment pas la première fois que tu vois un gosse boire. Et si tu m’trouves exigeant sur la d’mande, c’pas mon problème ! Pas envie d’avoir des ulcères… »

Je vins jeter quelques ryôs sur le comptoir et, une fois ma bière servie, je m’installais dans un coin de la salle en attendant que ce foutu barman veuille bien accéder à ma demande. Je poussais de nouveau un profond soupir et dûs, à mon grand désarroi, prendre mon mal en patience.

Où pouvait donc bien se trouver Banani en ce moment ?

J’espérais qu’elle avait plus de chance que moi dans ses entreprises…

Résumé:

Après deux pintes de bières bien loin des standards d’Homura, la peintre s’avisa que son compagnon de mission n’avait peut être pas de moyen de locomotion à sa disposition, bien que cela serait étonnant pour un adepte de l’art de la sculpture et des marionnettes de bois. Si tel était le cas il lui faudrait parcourir les nombreux kilomètres séparant Aizakura de la capitale du Feu, il ne lui servait à rien de l’attendre dans ce taudis. Les clients de l’établissement, un mélange de prolétaire et de marginaux en tout genre, bien que certainement liés pour la plupart au marché noir, ne représentaient pas une bonne source de renseignement pour la jeune femme qui préférait cibler des personnes plus fortunées. Comment pouvait on tirer quelque chose de ces têtes grisâtres qui dépensés les quelques ryos sûrement durement gagner durant la journée dans des verres d’alcools qui leur anesthésiaient l’esprit. D’après ces dires, Kaito semblait plutôt bien se débrouiller avec ce genre d’individus, autant les lui laisser et elle même trouver d’autres informations, au moins en attendant l’arrivée du nain.

Après avoir bu sa choppe, elle quitta l’enseigne non sans laisser une petite création d’encre sous la forme d’un oiseau surveiller le lieu et ainsi la prévenir de l’arrivé de son binôme. Quelques autres créations sous formes de rats et de chats d’encre se mirent à parcourir les ruelles de la bourgade, restant dans l’ombre des murs afin de rester aussi imperceptible que possible. En attendant, elle déambula dans les rues pavées, observant les marchands qui semblaient quelques peu mécontents et les différentes activités d’Aizakura. Sur bien des points la vie dans la petite ville marchande semblait aussi ordinaire que l’on pouvait s’y attendre. Si marché noir il y avait, il était discret et ne devait pas se trouver au cœur de la bourgade, aucun bâtiment ne pouvait décemment accueillir un trafic de l’ampleur décrit dans le rapport, un réseau capable de gêner les affaires des riches et puissants marchands de la capitale.

C’est a la fin de la ruelle marchande que la Peinturlurée trouva ses victimes: un groupe de jeunes hommes aux habits excessivement ostentatoires et à l’assurance inhérentes à tout les riches fils de marchand. Elle avança dans leur direction avec une assurance comparable à la leurs et, arrivant à quelques pas du groupe, se mit à chanceler, heurtant délibérément l’épaule de l’un d’entre eux.

«  Oh ! Excusez moi ! Je ne sais pas ce qu’il m’arrive, cette bière du Ver Croupissant devait être bien plus forte que ce que je pensais… »

Jouant faussement l’ébriété, la jeune femme vit avec satisfaction les trois fils de marchands aux riches oripeaux s’échanger une regard entendu dans lequel l’on pouvait lire la malice et la convoitise que l’on voyait malheureusement bien trop souvent dans les yeux de jeunes élevés avec une cuillère en or.

« Aucun problème mademoiselle. Si je peux me permettre, qu’est-ce qu’une jeune femme aussi distinguée que vous pouvez bien faire dans un endroit pareil ? » Demanda le premier, faussement concerné.
« C’est clair, c’est bon pour les mendiants et la racaille !! » S’exclama le second tandis que le troisième acquiesçait.

« Je… le voyage jusqu’à Aizakura fut éreintant. Je suis Nao Hentei, fille du célèbre marchand de la capitale. J’étais venu faire quelques ventes jusqu’ici mais le convoi a été attaqué par des Yokais et le voici arrivée à bon port mais sans marchandises. A mon arrivée la vue de la taverne m’a semblait des plus attrayante mais… je pense que la fatigue mêlée à l’alcool ne font pas bon ménage. Surtout que je n’ai pas mangée depuis un moment… » Répondit elle en feintant l’hébètement.

Elle doutait que leur compagnie soit bien plus agréable que celle des sordides clients de l’enseigne mais au moins elle mangerait bien.

« Oh ! La fille du célèbre Hentei ! Nous sommes également tout les trois fils de marchands. Je suis désolé des mésaventures qui te sont arrivées en chemin. En tant que confrères marchands nous devons nous serrer les coudes c’est pourquoi on ne peut pas te laisser ainsi, n’est-ce pas les gars ? » Demanda-t-il a ses amis d’un air entendu.

«  Bien sûr que non ! Il en va de la réputation des marchands d’Aizakura ! Pour te souhaiter la bienvenue, permets nous de t’inviter à manger. »

C’est avec satisfaction que la jeune artiste sous couvert les accompagna, qu’elle belle bande de pigeon…

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Le lendemain.

Tandis que Kaito s’installait à une table au sein du Ver Croupissant, certainement heureux de pouvoir enfin déguster une bonne bière après tout une journée et une nuit à cavaler, il eut l’étonnante surprise de voir un oiseau pénétrait par la fenêtre et s’écraser étrangement sur sa table. Au lieu du corps démembré du volatile se trouvait une flaque d’encre qui prit aussitôt la forme de nombreux caractères alphabétiques, un message de la peintre: Kaito, retrouve moi sur place ce soir à 19h00. H. ».

Spoiler:

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Printemps 83, Pays du Feu - Aizakura.

Je n’étais assis que depuis quelques vagues minutes à ma table que l’ennui me gagnait déjà. En tant que tavernier, j’avais honte de constater que certains de mes confrères ne portaient pas l’attention nécessaire à l’entretien de leur bâtiment. Bien que nous soyons là pour enquêter sur certaines activités louches d’Aizakura, c’était désolant de voir que ce lieu était à l’image des pommes infestées de vers. Leur bière était à la hauteur de l’image que je m’en faisais : une boisson tiédasse dans une chope dégueulasse.

Qu’elle ne fut ma surprise lorsqu’un oiseau tout aussi immonde que ma bière vint s’écraser sur ma table. Lorsque son corps se fracassa contre le bois, il se transforma en une flaque d’encre. Celle-ci devint rapidement une suite de lettres à laquelle je ne compris rien. Toutefois, le rose de la dernière lettre me fit associer le message à Hanabi.

Ne sachant pas lire et ne voulant guère prendre de risques en demandant de l’aide, je sus néanmoins déduire que les chiffres indiqués une heure. Certainement pour un rendez-vous. Quant au lieu, j’osais espérer qu’elle n’avait pas cherché autre chose que cette taverne. La jeune femme avait beaucoup d’avance sur moi et je ne pouvais pas me permettre de traîner plus longtemps. Toutefois, je décidais de miser sur la demoiselle. Bien qu’elle fusse insupportable, j’admettais volontiers qu’elle avait de la suite dans les idées.

En jetant un énième regard vers le comptoir, je constatais que le tavernier me regardait d’un mauvais œil. Non pas celui d’un vaurien, mais d’un commerçant peut enclin à laisser un gamin dégueulasser ses tables. Mon gosier laissa échapper un profond soupir. Je ne pouvais pas laisser la situation m’échapper, au risque de ne pas pouvoir rencontrer Loulou la Frite.

Je retirais mon chapeau et l’utilisais pour essuyer minutieusement les tâches avant que l’encre ne s’incruste dans le bois de la table. Je pris une grande inspiration et bus d’une traite ma bière. Tôt ou tard, mon estomac me fera regretter de le malmener ainsi. Mais, qu’importe. L’objectif de la mission était plus important que tout le reste. Je revins vers le comptoir, marchant d’un pas sûr, sous le regard médusé du barman.

« Ma patience vient d’atteindre ses limites. »

Mon ton était étrangement calme, froid et distant. Je ne quittais pas mon interlocuteur du regard. Celui-ci le soutint, bien décidé à ne pas se laisser impressionner par un morveux de ma trempe.

« Qu’est-ce que tu racontes, gamin ? »

Bien que mon corps soit toujours aussi tranquille et impassible lorsque je posais la chope sur le comptoir, une flamme ardente venait de s’allumer dans mon regard.

« Ne me prends pas pour un débile… »

J’allais utiliser l’oiseau d’Hanabi à mon avantage.

« … Je sais que tu as assisté à toute la scène. Dois-je vraiment t’expliquer ce qui vient de se passer ? Cela nous f’rait perdre un temps précieux. A toé. Comme à moé. Tu veux pouvoir garder ta p’tite place derrière ce bar. J’veux pouvoir continuer à faire ma p’tite vie pénard. »

Sans se démonter, l’homme attrapa la chope et se mit à l’astiquer avec son torchon.

« Tu as du cran, gamin. Mais les menaces ne t’attireront que des ennuis, ici. »

« Oh. Ne te méprends pas. Ce sont simplement des constatations. Si j’en venais à te menacer, crois-moé, tu comprendras tout de suite… Vois-tu, je n’aime guère que l’on se paie ma tronche. Encore moins lorsque mon contact s’permet de vouloir rouler mon boss dans la farine parce que j’suis une nouvelle tête… »

« Je ne suis pas ton contact. »

« Faut pas être devin pour arriver à c’te conclusion. Pas b’soin de débiter de telles idioties. »

Je pointais du doigt une chaise vide à l’autre bout de la salle, près d’une porte. Certainement une sortie secondaire.

« Le mec qui était assis là… J’suis sûr que tu l’connais assez bien pour connaître ses p’tites habitudes en ville. »

Le barman blêmit. Intérieurement, je jubilais mais ne laissais rien paraître à l’extérieur. J’avais omis certains détails lorsque j’avais parlé de cet énergumène à Hanabi. J’en savais bien plus sur Loulou la Frite que ce que j’avais laissé entendre dans notre discussion à son sujet.

« Et ne m’réponds pas que tu n’vois pas de qui je parle. Toé et moé, nous savons très bien que cet individu est l’un de tes habitués. J’irais même jusqu’à dire que c’est l’homme que j’t’ai d’mandé d’voir à mon arrivée dans ta… taverne. »

Ne jamais jouer toutes ces cartes d’un coup. Le vieux m’avait appris à les utiliser à mon avantage et à les sortir quand la situation s’y prêtait au mieux. Je l’avais repéré dès mon entrée et je savais qu’il n’était pas parti seul.

« Tu t’doutes bien qu’Archange et Cobra, bien qu’ils aient l’habitude d’embaucher des p’tites frappes dans mon genre, n’engagent pas n’importe qui. Seulement ceux capables de combler leurs demandes et leur coffre-fort. Alors, voilà comment ça va s’passer… »

Bien qu’une partie de mon plan repose sur du bluff, j’étais conscient d’être suffisamment fort pour faire entendre ma voix.

« Si dans vingt minutes, Loulou la Frite n’est pas à la place de la fontaine, je… »

Je fis une suite de mûdras et Moka surgit dans mon dos. Il vint se positionner derrière moi. Par sa présence, je voulais montrer à mon interlocuteur que je ne rigolais guère et que je savais très bien utiliser mon chakra. Alors que l’attention de mon interlocuteur était toute tournée vers la marionnette, j’en profitais pour coller un parchemin explosif sous son comptoir. Dans l’optique où je devais assurer mes arrières, ce papier aura un rôle à jouer si la rencontre venait à dégénérer.

« … reviens mettre à sac ta taverne jusqu’à ce que l’un de tes supérieurs se pointe. »

Alors que j’étais sur le point de quitter le Ver Croupissant pour la place précédemment cité, je crus bon de lancer un dernier avertissement au tavernier.

« Oh ! Et dis aux p’tits copains de notre ami Loulou de ne rien tenter de stupide. Je n’hésiterais pas à foutre un bordel monstre sur l’esplanade s’ils essaient d’me la faire à l’envers. »

Et ça, ce n’était pas bon pour leurs affaires. Puis, sans un regard en arrière, je me dirigeais d’un pas vif et serein vers ma prochaine destination, Moka sur mes talons. Une fois sur place, je trouvais un tonneau que je fis rouler jusqu’au milieu de la foule et m’assis dessus. L’ours se positionna non loin de moi, tel le garde du corps qu’il était. Je sortis ma pipe, la bourrais et, après l’avoir allumé, profitais allègrement de son poison.

Résumé:

La soirée avait été des plus fructueuses. La peintre, prenant l’identité de la fille d’un riche marchand de la capitale, c’était faite invitée dans le restaurant le plus luxueux du village où elle c’était vue offrir des mets savoureux que l’on ne voyait que sur les tables les plus réputées d’Homura. De même, l’alcool qui coula à flot à leur table était d’une qualité franchement supérieure à la normale.

Jouant comme à son habitude l’ivresse elle s’appuya sur la jambe d’un des fils de marchand attablé, celui dont les yeux ne lâchaient pas la jeune femme, mimant un déséquilibre soudain.

« Oupsie ! » S’exclama-t-elle, l’air enivrée. « Je crois que j’ai encore trop bu ce soir… cette alcool est délicieux, tout comme cette nourriture… d’où tirez vous pareils produits ? »

Le jeune homme aux joues rougissante sous la surprise du contact peu orthodoxe de la peintre dissimulée répondit dans une fausse modestie:

« Je suis honoré qu’un palais aussi fin que Dame Hentei puisse se sustenter des humbles mets d’Aizakura. Il est vrai que le village fleurit du commerce entreprenant d’Osuke-sama et dont nos pères sont associés ! »

« Tais toi imbécile ! On ne doit pas parler d’Osuke-sama ! » L’interrompit rapidement le deuxième fils de marchant, visiblement contrarié de voir son ami ainsi s’épanchait de vérité qu’il ne devrait révéler.

« Qui est Osuke-sama ? » Demanda naïvement Hanabi, reportant toute son attention sur le premier fils de marchand.

 « Je… heu… je ne peux pas en parler » répondit il, mal à l’aise.

« Oh ! Pas de problème ! Bon, je vais y aller. Je vous remercie pour ce repas. »

La peintre se leva maladroitement avant de s’incliner lourdement en direction des trois jeunes hommes en signe de remerciements pour le repas et l’alcool. Puis, d’un pas chancelant se dirigea vers la sortie. A peine eut elle franchit les portes du restaurant qu’elle entendit l’un de ses interlocuteurs s’élancer à sa suite.

« Dame Entei ! Vous ne pouvez partir ainsi ! » S’exclama-t-il, affolé de la voir partir.

« Et pourquoi ? Je crois avoir tout vu d’Aizakura… » Le fit-elle languir.

« Il… il y a autre chose à voir à Aizakura, dame Entei. Je ne peux en révéler davantage mais rejoignez moi demain à dix-neuf heures à ces coordonnées. Je vous montrerez d’où viennent toutes les denrées que vous avez vu ce soir ! Et plus encore ! Je suis sûr que cela saurait attirer votre intérêt de marchande ! »

« D’accord… si ce que vous souhaitez me montrer en vaut le prix peut être resterais-je plus longtemps que prévu à Aizakura… » Répondit elle laconiquement.

« Bien entendu ! Bien… heu… alors à demain ! Je suis persuadé que vous apprécierez ce que vous verrez ! »

La journée suivante fut dédiée à la recherche d’une quelconque information à propos du marché noir, du dénommé Osuke et des coordonnées fournies par le fils de marchant amouraché. Elle ne reçut que peu d’informations mis à part qu’Osuke était visiblement une figure aussi connue que crainte. Elle envoya un petit messager d’encre à son coéquipier, oubliant que celui ci ne savait lire.

Enfin, à l’heure venue, elle se rendit aux coordonnées offertes précédemment, un coin d’une large forêt aux alentours du village. Le chemin caillouteux y menant témoignait d’un grand passage. Au fur et à mesure de sa progression, elle se mit a discerner la lueur de quelques torches enflammés et les échos étouffés de discussions et de grognements.

S’approchant, elle reconnue le groupe des trois fils de marchand qui l’attendaient. Celui qui lui avait donné les coordonnées vint à sa rencontre.

« Dame Hentei ! Heureux de vous voir ici ! Tenez ! Mettez ça et surtout, soyez discrète, on ne doit apprendre que je vous ai mené ici. » Dit il en lui tendant un masque aux courbes raffinées rappelant vaguement un cygne au plumage noir.

« Bien, être discrète… j’ai compris » acquiesça la jeune femme amusée de l’ironie.

Son vis à vis mit à son tour son masque reprenant les traits d’un cochon aux reflets d’or de mauvais goût, tout comme ses deux compères et toutes les personnes qui croisèrent leur chemin jusqu’à la petite clairière où semblait se dérouler le cœur des opérations. Plusieurs dizaines d’individus se trouvaient rassemblés, tous masqués à la gloire d’un animal quelconque, entourant une petite estrade où un homme masqué d’une tête de corbeau attirait leur attention sur le prochain article proposé à la vente.

« Mesdames et messieurs ! Soyez attentif ! Notre prochain lot est une paire d’aile d’un rare Yokai papillon en parfait état de conservation ! Sa mise à prix: 1 million de ryos ! 1 million de ryos est cette beauté est à vous ! Alors ? » Annonça-t-il de manière grandiloquente, pointant du doigt une paire d’aile gigantesque aux reflets colorés enchâssée entre deux verres.

Devant l’air interloquée de la jeune femme, son partenaire du soir, le fils de marchand lui murmura à l’oreille:

« Bienvenue, dame Hentei, au marché noir d’Aizakura ! »

Là voilà donc en plein cœur du marché noir visé par leur enquête et toujours aucun signe de son coéquipier nain.

Spoiler: