Mar 22 Aoû - 9:43
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▶ Sujet: Prière avant le grand saut - informations sur le pnj:
| TANABE SATOSHI — 22 ans ♂
Metteur en scène / Dramaturge —Originaire de Tetsu, il est le premier à rejoindre la troupe en l'an 82 quand Yoichi décide parcourir le monde afin de divertir les gens. Issus du même village, les deux amis se connaissaient déjà depuis l'enfance et partageaient beaucoup de centres d'intérêt. Prodige en littérature et calligraphie, il est doté d'une beauté comparable à celle de Yoichi le flamboyant, mais au contraire beaucoup plus taciturne et glacial que lui, préférant passer son temps à écrire plutôt qu'aller à la rencontre des gens. Il sait faire preuve de discernement mais son discours peut se révéler souvent très ferme et peu conciliant à cause de son manque de sociabilité. Il déteste qu'on parle de lui, moins par humilité que par volonté de rester en sécurité dans sa bulle. |
Hiver 82. Dans le village natal de Yoichi à Tetsu.
Les yeux fermés et les mains jointes, le corps entièrement léthargique dû au froid qui s’emparait de son corps tout entier, il ne ressentait plus rien dans les bras, plus rien dans les jambes. Plongé dans une intense réflexion, il était enraciné dans plusieurs centimètres de neige, isolé du reste du monde. Un point infiniment petit au centre de cette plaine enneigée infiniment grande, il ne laissait rien le perturber. Semblable à une statue de pierre, il priait. Il priait pour le repos de sa mère, face à sa stèle funéraire qu’il consacrait d’une poignée de fleurs rouges sélectionnées avec soin. La fleuriste du village lui avait confirmé que ces fleurs surnommées les étoiles de feu ne poussaient qu’à Tetsu et étaient les seules capables de survivre le souffle impitoyable de l’hiver incessant, leur durée de vie était incroyablement longue, aussi n’avait-il pas hésité une seule seconde à s’en procurer afin d’orner la tombe de sa progénitrice. Sa pensée se dirigeait vers cette dernière, en connectant sa mémoire aux innombrables moments partagées, notamment quand elle lui dispensait son savoir sur le marionnettisme, sa passion pour le spectacle et son goût pour la vie en général. Elle était une femme admirable et pleine de vie, brûlant d’une passion inextinguible, le sort en voulut autrement lorsque vint l’hiver il y a trois ans. Fallait-il prier pour une entité supérieure? Izanami la créatrice? Ou Izanagi le destructeur? Il ne savait vers qui se tourner, mais pria quand même en espérant être entendu par quelqu’un, qui qu’il soit.
Situé à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de la mer, la falaise sur laquelle il avait installé la stèle de sa mère résistait fièrement au froid et à la violence des vents. Il pensait que c’était le meilleur endroit pour rendre hommage à sa mémoire, bien qu’il ait hésité à la garder près de la maison. Toutefois, il se souvenait que ce lieu était spécial pour elle et qu’elle serait heureuse de demeurer là éternellement, il en était intimement convaincu. Des pas s’enfonçant dans la neige s’approchèrent de sa position alors qu’il avait le dos tourné, un individu aux cheveux blancs. Celui-ci avançait d’un pas relativement hésitant, après être resté quelques minutes à l’observer à distance, il décida de mettre sa main sur l’épaule sur celui qu’il considérait comme un ami d’enfance. Yoichi leva la tête, comme s’il venait d’être réveillé d’un long coma, il se retourna en devinant déjà de qui il pouvait s’agir.
— Satoshi.
Il ne répondit pas mais acquiesça silencieusement, comme pour respecter ce moment sacré, un moment qu’il ne pourrait revivre avant bien longtemps. Car c’était la dernière fois avant plusieurs années sûrement qu’il avait l’occasion de se recueillir ici, et il avait ressenti le besoin de passer par cette étape avant de quitter le village pour de bon. Sortir de son nid, découvrir le monde. Essayer de comprendre ce que voulait lui transmettre sa mère, tous les plans qu’elle lui avait légué après sa mort, trop de zones sombres persistaient encore dans son esprit. Il avait besoin de savoir, besoin d’avoir des réponses et il savait qu’il ne les aurait jamais ici. Crispant son poing, son désir bouillant de percer les mystères et en même temps de se montrer digne de son héritage, il avait le sentiment que rien ne pouvait l’arrêter. Pas même le froid, pas même la peur qu’il avait de braver l’inconnu et de quitter les siens en les laissant à leur destin. Car la guerre sévissait toujours, de même pour la faim. Rien n’avait changé depuis trois ans, nombreuses étaient les familles en perdition et qui avaient connu comme lui la perte d’êtres chers à cause des derniers hivers au bilan de plus en plus terrible.
— Tu vas finir par prendre racine à force d’être immobile comme ça. Les chevaux sont prêts, tout le monde t’attend depuis un moment. Tu viens?
— Laisse-moi encore deux minutes. Sa voix était faible, sans conviction.
— Tu m’as dit cela il y a une demi-heure maintenant. Tout le monde est en train de geler, dit-il sur un ton légèrement agacé, bien qu’il ne put masquer une certaine inquiétude quant à l’état moral de son ami.
Pas de réponse. Satoshi remarqua les poches sous les yeux de Yoichi, devinant qu’il avait dû très mal dormir ces derniers temps. Il ne réagissait pas aux stimuli de son environnement, et il y avait une certaine pâleur sur son visage qui ne trompait personne, surtout pas lui qui le fréquentait souvent. Haussant les épaules, Satoshi reprit la parole, bien décidé à le convaincre de partir, quitte à le pousser dans ses retranchements. Après tout, il n’était pas connu pour avoir la langue dans sa poche.
— Écoute, je sais que c’est difficile, c’est un grand saut pour toi. Mais pour moi aussi. J’ai perdu quelqu’un aussi dans ma famille. Tu n’es pas un cas isolé. Tout le monde ici a perdu quelqu’un depuis l’hiver 79, depuis la guerre contre Oto. Donc cela ne sert à rien de se morfondre, tu as encore une famille à nourrir, pense à tes frères et sœurs, et ton père qui doit redoubler d’efforts maintenant.
A cet instant, Yoichi se retourna pour attraper Satoshi par le col, comme si la colère venait de réveiller ses sens et l’avait ramené dans le monde des vivants. Le visage crispé par la fureur contrastait avec le visage parfaitement impassible et inexpressif de son vis-à-vis, celui qu’on disait être son opposé, il était à la nuit ce que lui était au jour. Le regard blafard de son ami se reflétait dans les pupilles brillantes du rouquin, dont la tension redescendait lentement en comprenant que c’était la réaction qu’il cherchait avec sa provocation. Il esquissa un sourire avant de lâcher son emprise, reprenant ses esprits, il ouvrit la marche sans se retourner vers la tombe, sans attendre son ami qui le regardait se diriger vers le village d’un pas plus assuré désormais. Yoichi s’arrêta après quelques pas, le dos toujours tourné et brisa le silence une dernière fois à l’intention de celui qui le connaissait plus que personne, et qui allait l’accompagner pour son prochain voyage:
— Merci.
Dernière édition par Minamoto Yoichi le Mer 23 Aoû - 22:55, édité 1 fois |
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Mar 22 Aoû - 17:47
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▶ Sujet: Re: Prière avant le grand saut Plus loin, les deux inséparables croisèrent le chemin d’une vieille dame tentant de porter un panier rempli de morceaux de bois, celle-ci tremblait au niveau des membres inférieurs, trahissant la difficulté qu’elle avait à transporter tout ce matériel jusqu’à chez elle. Échangeant un regard très bref, Yoichi et Satoshi se rapprochèrent pour proposer leur aide à la matriarche, laquelle accepte leur gracieuse demande en se tenant le dos. Ils prirent quelques minutes à peine pour rejoindre une maison à quelques pas d’ici, déposant le panier devant le pas de la porte, ils aperçurent une portée de trois enfants rassemblés à l’intérieur et qui étaient occupés à jouer ensemble. Une scène qui n’était pas sans rappeler à Yoichi qu’il avait une famille qui comptait sur lui, qu’il était le frère aîné et que son rôle, son devoir était d’apporter l’espoir aux personnes qui lui étaient proches. Il refusa poliment de rester chez la vieille dame pour boire un thé, sachant qu’ils n’avaient guère le temps pour diverger davantage, ils devaient impérativement se rendre quelque part.
Marchant aux côtés de Satoshi, Yoichi remarqua que celui-ci avait l’avant-bras qui tremblait, mais celui-ci attrapa son poignet et abaissa la manche afin de dissimuler cette faiblesse, lui qui refusait d’inquiéter son ami dont l’esprit était d’ores et déjà bouleversé par les événements. Ils approchèrent de la place centrale, où un groupe de personnes de tous âges avaient répondu présent. Tous les visages, il les reconnaissait pour les avoir croisés au quotidien ou pour avoir une certaine proximité avec eux, toutes ces années passées dans ce village à l’humble population. Son regard se déposait d’abord sur sa propre famille, composée de ses deux frères et sa sœur, âgés de plus d’une dizaine d’années et qui le fixaient avec des yeux luisant d’admiration. Malgré l’insouciance de l’âge, ils avaient conscience qu’ils ne verraient plus leur grand frère de si tôt, et qu’il s’en allait pour un long périple dans le monde, même s’ils espéraient au fond qu’il revienne bientôt.
Une larme sur la joue, il s’agenouilla pour prendre ses petits frères et soeurs dans ses bras, tandis que Satoshi avait déjà fait ses adieux aux siens à la maison, il n’était pas du genre à afficher ses émotions en public. Se relevant pour essuyer ses larmes, il se tourna vers son père qui lui partagea des mots d’encouragement, des mots qui exprimaient toute la fierté qu’il avait pour son fils. Il lui souhait un voyage sans danger, mais il savait que la réalité en serait autrement, et priait les dieux que ceux-ci le protègent. Loin d’être un véritable croyant, Yoichi appréciait le geste et la pensée, arguant qu’il n’aurait besoin que de ses propres compétences pour naviguer au milieu des périls que lui imposerait le Yuusei. Il fit une tape amicale sur l’épaule de son ami aux cheveux blancs comme neige, qui regardait la scène sans dire mot. Il rassura son père qu’il n’était pas seul pour ce voyage, qu’il allait être accompagné et qu’il n’avait pas à s’en faire, tant qu’il se rappelait de ce que lui avait appris sa mère. Caressant le parchemin à sa ceinture, indiquant qu’il avait bien amené sur lui l’un des pantins que sa mère avait conçu pour lui, il afficha un sourire empli de confiance avant de déclarer finalement:
— Je reviendrai. Je ne sais pas quand, mais je reviendrai, faites-moi confiance. Je trouverai l’argent pour que nous puissions vivre et couler des jours heureux, comme avant.
Sur ces mots, il fit un signe de tête à son partenaire de voyage qui avait l’air plus déterminé que jamais. Ils se retournèrent, portant chacun un sac de voyage sur le dos, équipés des pieds jusqu’à la tête et habillés chaudement pour la route, guidant leur chevaux jusqu’à la sortie du village. Quelques mètres plus loin, résistant à la tentation de se tourner une dernière fois, Yoichi céda à son caprice et lança un dernier regard vers le comité d’adieux, notamment sa famille qui n’était plus qu’un rassemblement de points au milieu de l’infiniment grand. Un ultime signe de main avant de quitter les lieux, il ne savait pas si c’était l’angoisse de partir vers l’inconnu ou la tristesse de se séparer des siens, mais son corps était enveloppé d’un frisson inhabituel. Était-ce le mal du pays qui le saisissait déjà? Il allait devoir s’habituer à cette sensation.
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Mar 31 Oct - 18:33
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▶ Sujet: Re: Prière avant le grand saut Tandis que Yoichi entreprenait un long voyage, espacé de quelques heures seulement avec les adieux faits aux siens, une musique se fit entendre au loin. Agréable, rappelant le son que faisaient des cordes lorsque l’on les jouait les unes avec les autres. Bientôt, il fut plus clair, plus présent, jusqu'à ce qu'il ne lui semble se tenir juste à côté de la personne qui le jouait. Ou plutôt... juste devant.
En se retournant d'un seul coup, l'errant du monde pourrait apercevoir la créature étrange qui se tenait dans son dos il y a quelques instants. Il lui rappelait tout d'une fleur, l'amaryllis – elle lui servait de tête – vêtue dans un kimono pourpre : et là, dans ses mains, se tenait le shamisen qui jouait la mélodie qu'il entendait depuis lors.
Il paraissait observer Yoichi sans jamais cesser de jouer de son instrument, attendant, visiblement, une critique ou une quelconque félicitation sur son talent. Mais il ne dit rien : alors le yokai continua de le fixer, silencieusement, en patientant irrémédiablement jusqu'à ce qu'un son de sa part ne fasse pencher la balance d'un côté ou de l'autre.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]HIGAN KAYŌ彼岸花妖 amaryllis malveillant Le Higan Kayо̄ est un yokai-lycoris drapé d’un kimono et muni d’un shamisen qui se teinte de carmin lorsqu'on critique sa musique. Lorsque la fleur s’est totalement empourprée après trop de reproches, l'offenseur tombe raide mort, complètement asséché et vidé de son sang. Ce yokai attire ses proies grâce au son de son instrument qu’aucun autre ne peut entendre hormis celui qu’il a choisi. Le seul moyen de le chasser est de le féliciter et de désigner pour lui une nouvelle âme à tourmenter. On raconte qu’il s’agissait autrefois d’un musicien n’ayant pas réussi à trouver la paix dans son art, et qui hante tout particulièrement le Pays du Fer.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] fait la rencontre d'un yokai, le Higan Kayо̄ !
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Dim 12 Nov - 19:57
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▶ Sujet: Re: Prière avant le grand saut A chaque grande aventure, sa première épreuve. Il entendit au loin une mélodie frayant son chemin jusqu’à son oreille absolue, il reconnaissait l’instrument qu’il utilisait lui aussi, un shamisen. Ce son si particulier qui lui évoquait sa propre musique, il ne pouvait s’empêcher d’être intrigué par cet appel des tréfonds des plaines enneigées, ou était-ce l’appel de l’aventure qui l’attirait vers l’horizon? Pendant un moment, il crut qu’il s’agissait du fruit de son imagination, jusqu’à ce que son partenaire de voyage lui fasse la remarque qu’il y avait une silhouette au loin, irrégulière et prenant la forme d’une fleur de lycoris plus grande que de coutume et qui était vêtu d’une tenue traditionnelle comme pouvaient l’être les humains. La scène paraissait surréaliste. Cette créature jouant au milieu de la prairie blanche et immaculée, ce point infiniment petit au sein de cet espace infiniment grand, en deçà de l’immensité de l’éther, les cordes de l’instrument faisaient frissonner l’espace de ses vibrations acoustiques, agglutinant autour d’elle les êtres vivants tout autour. Des petits rongeurs à des oiseaux, Yoichi était témoin d’un phénomène étrange, insolite, mais surtout fascinant et empreint d’une indicible beauté. A en juger par l’apparence de ce lycoris humanoïde, il reconnaissait le Higan Kayô, cet être qui peuplait les alentours de Tetsu et qui était connu pour appâter les infortunés voyageurs avant de les drainer de leur sang. L’histoire, il la connaissait sur le bout des doigts, pour l’avoir lu à moults reprises, il lui était impossible d’oublier.
Plutôt que de se contenter de la complimenter, Yoichi fit quelques pas en avant jusqu’à arriver sur le promontoire de neige où était installé le yôkai musicien. Il s’asseya à côté dans une position de seiza, avant de se munir de son propre shamisen qu’il cala sur ses genoux, grattant les cordes avec la grâce de son dextre. S’ajustant au tempo de la musicienne, il traduisit en notes musicales ce que sa voix ne savait exprimer, résonnant avec une harmonie singulière mais sans empiéter sur la séraphique mélopée, il la complimentait à sa manière, proposant humblement ses propres annotations, ajoutant sa voix à la sienne et lui donnant d’autant plus d’écho au milieu de cette nature gelée. Les flocons de neige descendaient sur les cheveux cramoisis de l’artiste, ainsi que sur les pétales d’ivoire de la créature qui avait gardé la même posture, imperturbable, elle était concentrée sur sa performance et ne semblait pas noter sa présence. Parfaitement ancrée, le yôkai s’était mis à augmenter la cadence, libérant de son luth à trois cordes des sonorités empreintes de nostalgie évoquant la chaleur du foyer, et sur le même ton, elle parvenait à colorer cette douce étreinte d’une fragilité similaire à la froideur du frimas, rappelant les hommes à leur vanité et au souvenir du temps qui fuyait leur emprise.
Une beauté en demi-teinte, il visualisait dans son esprit les émotions qu’elle tentait de lui transmettre et il lui répondait avec empathie. A chaque ballade imprégnée de tristesse ou de regret, il lui renvoyait ou plutôt la complétait, avec des sonnets de propre composition, teintés de joie et d’espoir. Ils se complétaient mutuellement, donnant assez d’espace l’un à l’autre pour s’exprimer pleinement et avec toute l’étendue de leur répertoire. Chaque syllabe, chaque apostrophe de leur concerto provoquait des trémors dans la neige environnante, se posant délicatement sur leurs épaules. Les yeux fermés, Yoichi s’abandonnait complètement à la transe lyrique, jusqu’à ce que finalement l’Higan Kayô s’arrête de jouer. Un moment de pause, imité aussitôt par le Tetsujin qui rouvrit les yeux pour les poser sur la lycoris qui se relevait, avant de faire un pas, puis un autre. Ses pattes silencieuses épousaient le lit de neige au sol, elle traversait les collines avec grâce et majesté, un ornement incrusté dans le manteau opalescent. Un sourire serein se dessina sur son visage, alors qu'il voyait sa partenaire de musique s'évanouir dans l'horizon.
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▶ Sujet: Re: Prière avant le grand saut |
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