A peine la journée entamée que la jeune artiste recevait une missive l’informant de la nouvelle mission dont elle avait héritée. Une étrange mélodie dont la source demeure un mystère semble influer sur l’humeur d’un village chaque nuit, tendant à en rendre les habitants plus mélancoliques. Cet étrange ordre de mission ne pouvait que lui rappeler une mission précédente qu’elle avait pu réaliser avec Tsukiyo la Louve et lors de laquelle elles avaient dû faire face à un étrange Yokai-Luciole géant qui émanait chaque soir d’étranges lumières afin d’appâter les Yokais environnants. Même si, dans ce cas précis, la nuisance était sonore et plus qu’appâter les Yokais elle semblait agir directement sur les civils.

Se préparant rapidement, elle rejoignit son coéquipier durant cette mission: un autre genin du nom de Nara Haruko. C’est dans ses éternelles accoutrements d’artistes qu’elle se présenta à l’Arche Sacrée, lieu de rendez vous où m’attendait déjà son futur coéquipier.

Élancé, il possédait une certaine allure dans sa tenue noire où trônait fièrement l’emblème de son clan. Il était peu commun pour un Nara d’attirait ainsi les regards, bien que dans ce cas là le jeune homme ne semblait pas réellement conscient de l’aura qu’il dégageait. Une impression de droiture et d’homme de devoir, c’est les premiers éléments qui frappèrent la jeune artiste qui étudiait d’un œil faussement distrait les traits d’Haruko.

Lui laissant le soin d’entamer de simples salutations, elle répondit sans formalités au Nara:


 « Salut ! Ravie de te rencontrer Haruko, je suis Matsurika Hanabi, artiste de talent. » Commenca-t-elle en appuyant sur le dernier mot de manière délibérée avant de reprendre: « il est rare de croiser de jeunes Nara ces derniers temps… Bon, que penses tu de se mettre en route en direction du village visé par notre mission ? Nous pourrons en discuter plus aisément sur le chemin. »

Sortant un pinceau et un parchemin de sa besace, elle se mit a peindre une petite nuée d’oiseaux d’encre qui prirent aussitôt leur envol afin de partir en reconnaissance, permettant au duo de se déplacer plus rapidement à travers les forêts et vallées du pays.

 « Il s’agit de ma capacité, je peux donner vie à mes œuvre d’encre. Ces petits merles assureront la reconnaissance durant notre trajet donc… mets toi à l’aise ! » Expliqua-t-elle brièvement de manière parfaitement relaxée.

 « Tu n’as pas besoin de m’expliquer ta capacité hein ! » Finit-elle enfin par dire, pensant à tort que son coéquipier étant membre du prestigieux clan des manipulateurs d’ombres, il en partageait forcément les capacités.

C’est ainsi que le duo se mit en route, discutant de leur mission et de ses objectifs. Durant ce temps, la peintre n’eut de cesse de se triturer la tête à propos du visage de son coéquipier. Celui ci lui rappelait vaguement une personne qu’elle avait rencontrée précédemment, elle en était certaine, mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.

C’est avec surprise qu’elle écouta les révélations du jeune homme quant à ses capacités qui, loin des standards de discrétion et de subtilité de son clan, consistait vraisemblablement à se transformer littéralement en une arme surhumaine. Un pouvoir aussi attrayant qu’effrayant et qui ne pouvait venir sans une contrepartie à la hauteur de la puissance donnée comme semblait le confirmer à demi mot le beau brun.

Braquant son regard sur son vis à vis, la Peinturlurée ne put se retenir de murmurer.

« Tu es une sorte de parchemin explosif, c’est ça ? Un simple bout de papier qui se transforme en la plus terrible des explosions en quelques signes… »

D’abord légèrement anxieuse à l’idée de ce que la capacité du Nara pouvait impliquer, notamment en travail d’équipe où il risquait une blessure en cas de d’excès de zèle, elle afficha finalement un large sourire. Le parallèle avec le parchemin explosif lui plaisait. Après tout, lorsque l’on en venait à l’art des sceaux, qui mieux que la native d’Uzu pouvait prétendre à un meilleur contrôle des parchemins au sein d’Homura ? Ils étaient bien peu.

« N’est-ce pas… gênant de vivre au milieu des Nara avec une telle capacité ? C’est clairement aux antipodes de leurs enseignements… si je peux me permettre… » Demanda-t-elle aussi hésitante que curieuse sur la cohabitation entre deux capacités si diamétralement opposés au sein d’une même famille.

La discussion était, si ce n’était plaisante, du moins intéressante et c’est sans voir le temps défiler que les deux coéquipiers arrivèrent en vu du village. L’on pouvait déjà voir quelques villageois prêts à les accueillir.

En se rapprochant, ils purent apercevoir les visages fatigués et les cernes marqués du groupe les attendant, témoins des mélodies nocturnes qui semblaient les assaillirent chaque nuit.
Parcourant les quelques mètres qui les séparaient, un détail attira le regard de la genin. Les champs entourant le village ne semblaient plus entretenues depuis des semaines, ce qui paraissait des plus étranges pour un village si modeste qui n’avait d’autre richesse que ses propres cultures.

Arrivant enfin à leur hauteur, la peintre fit rapidement les présentations tout en notant l’aspect fébrile de leurs interlocuteurs qui semblaient pouvoir s’effondrer de fatigue à chaque instant.

« Bonjour ! Je suis Matsurika Hanabi et voici Nara Haruko. Nous sommes ici sur les ordres du Shogunat. On nous a informé qu’une étrange mélodie retentit tout les soirs et vous pose problème… »

« Bon…Bonjour mademoiselle, jeune Nara… » Fit un homme d’une cinquantaine d’année mais qui en paraissait moitié plus, probablement le chef du village.

« Merci d’être venu, la situation commençait à devenir critique… » Il prit quelques instants avant de reprendre son souffle. « Depuis plusieurs mois maintenant nous entendons toutes les nuits une mélodie démoniaque, si au début nous avons accueilli avec gratitude ce qui semblait être la voix d’un ange venu réchauffer nos cœurs durant l’hiver, on ne peut que constater à présent que cette musique enchanteresse ne peut que l’œuvre d’une entité maléfique… Voyez ce qu’il reste du village… » Ses bras s’étendirent péniblement pour englober la petite dizaine d’individus derrière lui. « Tout les autres sont effondrés dans leurs maisons, à bout de force… nous… nous ne pouvons plus dormir depuis que la mélodie est apparue, les champs sont à l’abandon, le village menace de tomber en ruine et personne ne trouve les forces nécessaires à son entretien. Par pitié… » Des larmes surgirent de ses yeux tandis qu’il s’effondra autant d’épuisement qu’en signe de prosternation. « S’il vous plait… arrêtez la mélodie… s’il vous plait… »

Le groupe de villageois derrière leur chef s’agenouillèrent à leur tour. Leur demande était irrefusable. La genin s’accroupît au niveau de l’homme suppliant et posa sa main sur son épaule afin qu’il relève la tête.

« Bien sûr que l’on va vous aider. Nous sommes là pour ça ! »

Elle se retourna vers son coéquipier, si celui ci avait des questions à poser aux villageois c’était maintenant.

Son coéquipier était pour le moins surprenant. Loin des taciturnes Nara, il savait se montrer compatissant et prévenant envers les autres. Plus encore, son visage sérieux et concerné ne semblait nullement troublé par les complots et stratégies que masquait d’ordinaire les traits des manipulateurs des ombres. Était-ce parce qu’il ne partageait pas le même pouvoir que ses proches ? Un pouvoir qui semblait si destructeur n’avait certainement pas a s’embarrasser des faux semblants et des sournoiseries habituelles du troisième grand clan d’Homura.

Après s’être occupé de raccompagner l’homme épuisait par la démoniaque symphonie qui troublait les nuits des villageois depuis des moins maintenant, le jeune homme revint, visiblement rassuré de la capacité des villageois à résister aussi longtemps à leur mal.

« C’est une nouvelle rassurante ! Espérons donc que les effets de cette étrange mélodie ne soient pas proportionnel au chakra possédé par les individus… Ahahah ! » Dit elle en riant nonchalamment.

Son regard se porta ensuite sur les alentours, sur ce paysage plongé dans une triste mélancolie.

« Bien… on dirait que nous allons devoir attendre l’apparition de cette funeste berceuse pour pouvoir faire de quelconques recherches… » Murmura-t-elle pour elle même.

Elle s’assit lourdement sur la terre battue du chemin, descella d’un petit parchemin de lin son nécessaire à son Art et se mit à peindre le village sous le soleil qui embrasait le ciel d’un rose écarlate dans un ultime éclat lumineux avant de disparaître derrière les montagnes lointaines. C’est ce moment où tout semblait basculer dans l’irréel de la nuit qu’elle souhaitait capturer à jamais dans sa toile.

Les traits de pinceau s’enchaînèrent comme si les mains de la peintre elles-mêmes souhaitaient décrire à l’encre la souffrance du village, de son délaissement  et de la perte de ses couleurs, seul au milieu de l’écrin lumineux du ciel se répercutant sur les champs d’or bordant les alentours. Elle n’avait que rarement était témoin de quelque chose d’aussi pittoresque.

Relevant les yeux de son œuvre, satisfaite, la Peinturluré constata que la pénombre de la nuit avait enveloppé de son manteau opaque le village et ses alentours. L’humidité de la nuit se manifesta sous la forme d’une étrange brume dévoilant à peine la cime des arbres. Telle la promesse étrangement attrayante de faire tourner la nuit des deux Shinobis en un cauchemar symphonique.

Une brève bourrasque de vent emplie brièvement la vallée de son écho et, à son départ, ne laissa qu’un étrange silence que même les insectes nocturnes pourtant si bruyants la nuit ne vinrent troubler. Puis, de manière insaisissable, une douce mélodie commença à émerger de la forêt, emplissant subtilement les tympans de la Peinturluré et probablement de son coéquipier.

« Bien. Nous y voila Haruko ! Tu l’entends toi aussi, n’est-ce pas ? Cette étrange mais douce mélodie… c’est… vraiment étrange… j’ai l’impression de l’entendre au loin et en même temps chaque note semble être jouée dans ma tête. C’est déplaisant.»

L’air quelque peu troublée par cette dérangeante intrusion sonore, la kunoichi n’en oublia pas pour autant leur mission: trouver la source de ce requiem mystérieux et y mettre un terme. En ce sens, son pinceau enduit d’encre rosâtre se mit à s’agiter frénétiquement sur la toile de l’artiste. Un instant plus tard en surgit une grande quantité de chats d’encre rose.

« Allez les petits, trouvez moi la source de cette musique de malheurs ! »

A son commandement la cohorte de félin s’élança agilement dans la forêt, leurs contours disparaissant rapidement dans la brume de la nuit.

« Mes petites bêtes sont plutôt fortes pour débusquer ce qui doit l’être mais nous devrions y aller nous aussi, Haruko. » Dit elle a son coéquipier en marchant paisiblement en direction de la forêt, les mains nonchalamment jointes en soutien de l’arrière de son crâne.

« Par Izanami ! Cette mélodie me fait déjà ch… »

Spoiler:

L’étrange atmosphère s’épaississait à mesure que les deux ninjas s’enfonçaient dans les méandres des bois en périphérie du village à l’agonie. Telle une porte ouvrant sur un nouveau monde aux sensations déplaisantes et emplis d’une mélodie qui semblait faire écho au spleen des étoiles qui octroyaient les quelques parcelles de luminosité ambiante.

Quelque chose clochait en ces terres, abstraction évidente de la douce mélodie mélancolique, sa vision périphérique se rétrécissait à mesure que la brume gagnait du terrain lui faisant perdre ses repères de manière insidieuse. De même, ses chats d’encre paraissaient désœuvrés, déboussolés. Elle ne pouvait s’appuyer sur leurs sens pour ce guider.

Soudain, un bref crissement, une simple mauvaise note jouée dans le vent vint siffler dans les tympans de l’artiste, lui décochant une grimace d’inconfort tandis que ses créations rosâtre explosaient en une gerbe d’encre rose. Toute sauf une, valeureuse dépositaire des derniers instants de ses semblables qui, vaillamment, s’arquait pour tenter de résister au phénomène génocideur d’encre.

« Qu… mais… gné ? » s’éberlua la jeune femme à la vue des flaques roses ornant le sol devant eux. « Ça ne m’était jamais arrivé auparavant… »

Son coéquipier semblait être sur une piste, faisant honneur à la renommée des siens, et demanda à la Peinturlurée de prêter une attention particulière à son chakra qui semblait aspirer par les notes mélancoliques qui les accompagnaient depuis la levée des étoiles.

Soudain, le Nara se mit à luire d’une étrange aura blanchâtre, relâchant une grande quantité de chakra. La Peinturlurée déglutit, elle sentait jusque dans ses os que les capacités physique et martiale de son coéquipier venaient de franchir un niveau. Si elle le devait, pouvait elle faire face à un tel pouvoir ? Ses doutes devinrent une sinistre confirmation lorsqu’elle aperçut le visage détaché du genin. Ce n’était là qu’une infime partie de son pouvoir.

« Oui… merci. » Répondit elle aux considérations du Nara, troublée par sa puissance surprenante.

« C’est… astucieux ! » Ajouta-t-elle face à ses explications.

En plus d’une puissance physique hors norme, il s’avérait perspicace et utilisé ses facultés dans des directions peu orthodoxes. Malin comme un Nara, si il n’en partageait pas le pouvoir de manipulation des ombres, il en demeurait l’héritier de leur culture et de leurs enseignements.

Poursuivant le chat, lui même chassant la lueur blanchâtre de chakra qui s’échappait du corps d’Haruko en direction du coupable -du moins l’espéraient-ils et, s’enfonçant toujours plus profondément dans la forêt, le duo sentit le tremblement caractéristique d’une masse de grande taille se dirigeant rapidement dans leur direction et dont les pas faisaient trembler le sol et craquer les arbres.

« Haruko ! On a de la compagnie ! » Dit elle en prenant appuis sur une branche pour s’arrêter brusquement, délogeant aussitôt son pinceau et son parchemin de sa besace.

Des élégants mouvements de pinceau naquirent un grand nombre de papillons d’encre multicolores qui s’élancèrent en direction des fourrés qui s’agitaient dans tout les sens. Au moment où les entités colorés les pénétrèrent un hurlement qui n’avait rien de mélodieux emplit la forêt musicale.

Devant eux se dressait un gigantesque lapin. Loin d’être comique le Yokai-Leporidé de plusieurs mètres de haut les observait d’un regard assassin dans lequel se dessinait une rage aveugle guidée par bien plus que le simple instinct bestial du Yokai tandis que ses larges pattes terminées par de longues griffes acérées se contractaient nerveusement comme si il s’imaginait déjà les empaler.

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« Je ne suis pas sûr que mes techniques suffiront à percer son pelage ! J’espère que tu es en forme ! » Cria-t-elle a son partenaire tandis que leur opposant leur envoya un large coup de patte.

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Plus loin dans la forêt, dans une petite clairière baignée par la lumière des étoiles.

La vaste ombre jouant paisiblement de son énorme orgue à bouche se mit à remuer, inconfortable, faisant par la même carillonner les quelques clochette qu’elle arborait. Quelque chose ou quelqu’un semblait vouloir le déranger alors qu’il racontait ses rêves aux étoiles. Lui qui n’embêtait personne, loin de la bestialité de ses congénère n’aspirait qu’à discuter avec les étoiles, ses amis lumineuses si silencieuses et pourtant si fidèle qui lui rendait visite chaque nuit sans faute.

Il se releva péniblement et se mit en route en direction des entités qui avaient décidés de lui gâcher son moment privilégié. Comment osaient elles ? Lui, le bon Yāmerunja.

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Tandis que la large patte du colossal lapin yokai s’approchait à grande vitesse du duo, le Nara écarta sans ménagement la peintre d’un coup d’épaule, la propulsant quelques mètres plus loin au milieu des branchages. Son atterrissage leste -presque félin- lui permit d’aussitôt assister au combat dantesque entre le lapin stéroïdé et le Genin à la puissance décuplée par l’ouverture de ces portes de chakra. Le premier échange fût à la faveur de son coéquipier qui, provocateur, finit par arracher la griffe du monstre qui libéra un cri mêlant rage et douleur.

Habilement, elle propulsa d’un coup de patte ravageur une énorme motte de terre, de pierre et autre débris jonchant le sol de la forêt en direction de la Peinturlurée qui se mit aussitôt à effectuer plusieurs mûdras et faire apparaître conséquemment un sceau sur le parchemin qui lui servait de support à ses œuvre.

 « Fûinjutsu ! Scellement Majeur ! » Cria-t-elle sans trop savoir pourquoi hormis que c’était classe.

Le sceau d’encre rose sembla luire un bref instant avant d’aspirer la motte de débris qui si dirigeait dangereusement vers la peintre.

A peine la menace évacuée qu’elle prit conscience du duel de force brute qui se déroulait sous ses yeux entre le yokai colossal et son coéquipier, compétition qui, bien que semblant équitable, tournée doucement mais sûrement en faveur du monstre. Les signes de crispation du Nara ne trompaient pas. Celui ci ne tarda d’ailleurs pas à lui demander du temps, la force constante exercée par le lapin ne lui laissant aucun répit à son physique qui commençait certainement à accuser le contre coup des dernières épreuves.

D’un bond, la peintre s’élança en direction de la bête tout en continuant sa danse des doigts.

 « Fûinjutsu ! Sceau de l’Etreinte de la Pieuvre ! »

Sa sénestre s’apposa brièvement sur la fourrure du monstre tandis que son opposé exécuta un ultime signe qui libéra tout aussi rapidement une gerbe d’encre qui enlaça la bête, prenant la forme d’énormes tentacules rosâtre qui se contractèrent douloureusement afin de subjuguer leur support.

 « Dépêche toi ! Je ne tiendrais pas longtemps ! » Alarma-t-elle aussitôt son coéquipier.

Cependant, un bref contact oculaire avec Haruko la fît tressaillir. Les yeux grands ouverts de son coéquipier au visage subitement blafard se firent le miroir des deux lueurs d’ors luisants derrière la Peinturlurée.

« Mer… »

Sa voix étonnement calme ne put terminer son phrasé alors que la rosâtre sentit son corps se faire propulser violemment vers l’avant, un bourdonnement lui emplit le cerveau tandis qu’elle apercevait l’énorme lapin à ses côtés être lui aussi projeté par la force invisible qui les avaient frappés dans le dos. Alors qu’elle cherchait encore à trouver ses repères, elle sentit son corps s’écraser violemment contre un arbre. Puis, le douloureux atterrissage sans protection sur le sol caillouteux de la forêt. Du sang. Son sang. Son visage était tuméfié, plusieurs coupures sanguinolentes jonchaient ses bras. Elle avait commis l’erreur de relâcher sa vigilance en concentrant son attention sur le Yokai Lapin, oubliant la mise en garde prophétique d’Haruko sur la cible de leur mission qui était toujours en liberté. Elle, la fière traqueuse, avait oubliée l’une des règles les plus élémentaires de la chasse et était devenue la proie.

Elle s’avisa rapidement du cadavre du gigantesque lapin à ses côtés, son corps tordu en des angles impossibles ne laissait aucun doute quant à son sort. Face à elle se trouvait le Yokai qui venait de la brutaliser. De grande taille, celui ci laissait trôner ses yeux dorés sur la peintre tout en caressant délicatement l’énorme orgue à bouche en bambou qu’il transportait. Elle chercha des yeux le Nara mais quand elle le vit elle comprit qu’elle n’entendait plus rien, seulement un étrange bourdonnement. Ses doigts se portèrent à ses oreilles et essuyèrent le sang qui en coulait. Ses tympans étaient touchés.

Elle tendit ses doigts ensanglantés en direction d’Haruko afin qu’il comprenne qu’elle n’entendait plus rien. Puis, se releva péniblement et fit face à la créature. Sa main droite se saisit de son pinceau et se mit aussitôt à dessiner les pensées de la peintre. De sa première œuvre surgit une myriade de papillons multicolores qui s’élancèrent en direction de leur cible. A la différence des papillons qu’elle avait utilisée sans succès précédemment contre le lapin géant, ceux ci avaient pour but de restreindre ses mouvements et bloquer sa vision. De sa seconde œuvre naquit deux tigres d’encre rosâtre et aux rayures bleues qui se mirent aussitôt à s’élancer bestialement vers l’entité musicienne.

Malheureusement, ses œuvres ne semblèrent avoir que peu de succès auprès de Yāmerunja qui d’un simple souffle dans son instrument provoqua une étrange bourrasque de son, probablement la même qui avait propulsé violemment la Peinturlurée et le Lapin Yokai un peu plus tôt, qui rendit aussitôt les papillons à l’état de simples flaques d’encre. Quant aux deux tigres, l’un subit l’assaut physique de l’orgue de bambou dont la calebasse s’écrasa puissamment sur lui. Le second tigre eut plus de chance et put réaliser une morsure avant d’à son tour succomber aux prouesses physique du Yokai musicien. Aussi pauvre qu’était le résultat, elle espérait que son compagnon avait profité de l’échange pour récupérer physiquement et analyser la créature. Ils pouvaient dorénavant se faire une meilleure idée de sa capacité à manipuler le son et l’utiliser de manière quasi physique tout comme il semblait pouvoir se défendre dans des duels de pugilat à l’aide de son instrument. Le fait qu’il ait répondu aussi aisément a la menace des papillons et des tigres signifiaient également qu’il avait de grande chance d’utiliser le son comme moyen de détection tandis que son approche par derrière en surprenant ainsi la Peinturlurée impliquait certainement qu’il pouvait dissimuler le bruit de ses mouvements, même au milieu de la forêt.

Face à lui, deux ninja exténués et ne pouvant communiquer devrait faire face et lutter pour s’en sortir.

Spoiler:

Blessée, meurtrie et sourde, Hanabi vacillait mais tenait bon, mue aussi bien par l’envie de survivre à cette mission que portée par la détermination de son partenaire, perceptible jusqu’en son chakra qui s’agitait vigoureusement, ses émanations exacerbées par l’ouverture d’une nouvelle porte lui ouvrant de nouveaux horizons dans l’exécution de ses techniques martiales grâce à sa puissance décuplée.

Le Nara recouvert d’une enveloppe de chakra écarlate s’élança après quelques signes éloquents en direction de la peintre en direction du Yokai Musicien qui se réjouissait du spectacle qui s’offrait à lui -comme le prouvait l’air gai et entraînant qui emplissait l’espace autour de lui. Couvrant la charge de son coéquipier, elle généra de l’élégante danse de son pinceau sur la toile de lin un petit lièvre d’encre rosâtre qui d’un bond plein de témérité se liquéfia brièvement en une flaque d’encre au pied du colosse troubadour. Brièvement car aussitôt l’encre s’agita et traça les arabesques largement reconnaissables pour un amateur de Fûinjutsu qui y discernerait sans mal les caractères desquels se formait les sceaux explosif. Sceau qu’elle activa d’un signe, provoquant une explosion qui fit perdre pied le Yokai qui subit l’assaut de l’artiste martial déchaîné.

L’air vrombissait sous la vitesse des coups et, si elle pouvait encore faire usage de ses oreilles, Hanabi aurait pu noter le subtilement changement de mélodie, les notes singulières et languissantes de l’Orgue à Bouche de Yāmerunja furent remplacées par le craquement de ses os sous la force relâchée à chaque coup du genin. La bataille tournée doucement mais sûrement à l’avantage du duo qui avait dorénavant l’initiative… jusqu’à ce que Haruko tombe dans les bras de Morphée au milieu d’un assaut bondissant et ne vienne s’écraser au sol devant la créature.

« Merde ! Haruko ! » Cria en vain la Peinturlurée avant de s’élancer à son tour pour protéger son compagnon.

Kunais en main, la jeune femme avait troquée ses habits d’artistes pour ceux de kunoichi. Un premier jet d’un projectile en direction de Yāmerunja pour occuper son attention. Enfin, un fumigène. D’un bond elle récupéra le corps du Nara et mit de la distance entre elle et leur opposant qui dissipa le nuage de fumée d’un simple vrombissement de son instrument. Quelques secondes cruciales qui permirent à la peintre d’effectuer les mûdras du Kaï, cette technique qui permettait de perturber le flux de chakra afin de sortir d’une illusion car il ne pouvait évidemment ne s’agir que de ça, une simple illusion répandue à l’aide du son et qui avait endormie aussitôt le guerrier adopté par les Ombres.

Au moment où sa main allait s’apposer sur  son coéquipier elle sentit qu’à nouveau elle avait perdue la trace de son opposant, un bref instant qui s’avéra fatal tant elle sentit le large instrument se poser sur son dos et le souffle du son en sortir, transperçant de par en par la jeune femme qui s’écroula, incrédule, sa main rencontrant celle d’Haruko dans sa chute inerte.

Puis, le son et la musique semblait à nouveau avoir trouvé un écho aux oreilles d’Hanabi. Elle ouvrit les yeux et put se rendre compte qu’elle était debout au côté de son coéquipier, tout les deux vivants et en bonne santé. Le lapin géant était effondré sur lui même à côté d’eux.

Ils étaient revenus au moment de leur rencontre avec les yeux dorés du Yokai. Elle comprit rapidement. Leur affrontement avec le musicien, sa surdité, ses blessures, tout cela faisait partie d’une illusion très puissante que le Yokai leur avait véhiculé depuis leur arrivé dans la forêt. Il avait par le biais de cette technique simulé leur combat. Le lapin Yokai n’avait pas survécu à cette expérience.

Le regard hautain de la créature se dissipa lorsqu’elle se rendit compte que son illusion avait été brisée dans les derniers instants par le Kaï de la jeune femme qu’elle avait partagé avec le Nara.

Elle percevait encore malgré la fin de l’illusion les courbatures et douleurs de son précédent affrontement même si elle n’en présentait aucun symptôme physique, de même sa réserve de chakra c’était amoidrie à hauteur des techniques qu’elle avait utilisée dans l’illusion. Une technique effroyable où la victime meurt aux mains de son bourreau ou s’épuise inlassablement à le combattre avant de succomber.

« Hoï ! Haruko ! T’es avec moi ? » Son coéquipier devait également sentir les contrecoups de sa porte et elle ne savait pas quels pouvaient être les effets d’avoir été piégé dans une illusion elle même dans une illusion et d’en sortir brusquement. Ce devait être terrifiant.

« Finissons-en une bonne fois pour toute ! » Cria-t-elle encore, autant à destination de son coéquipier que de son opposant.

Reprenant son traditionnel pinceau en main, elle gênera à nouveau une tripotée de papillons multicolores qui vinrent s’agiter autour de Yāmerunja tandis que ses doigts exécutèrent quelques signes et lui apposèrent un sceau réduisant le bruit de ses pas. La créature ne se sentait nullement troublée par sa technique lui masquant une partie de sa vision, elle s’appuyait hautainement sur sa capacité à détecter le son. Elle allait la prendre à son propre jeu.

D’un mouvement vif, elle s’élança, profitant de la cacophonie des papillons pour se glisser à hauteur de sa cible et, d’un geste plein de conviction, lui apposa un sceau avant de de nouveau bondir en arrière et se mettre hors de portée de son terrible orgue à bouche géant.

« Il est tout à toi Haruko ! »

Ses doigts s’agitèrent à nouveau, fixant un unique mudra pour activer le sceau apposé sur la créature. L’encre sembla s’expandre sur le corps du Yokai musicien, tel des chaînes de petits caractères d’encre noire qui vinrent emprisonner le chakra du monstre.

La sueur coulait du front de la jeune femme, il s’agissait de sa technique la plus puissante, un sceau bloquant le chakra d’un individu ou d’une entité à hauteur de sa puissance. Celui ci était évidemment le plus puissante que pouvait exécuter la peintre et son maintient exigé concentration, chakra et d’hardiesse de sa part. Elle espérait que son coéquipier avait assez de force pour mettre un terme à la créature qui les observait, les yeux écarquillés d’effroi en sentant son chakra être l’objet d’une restriction qui devait lui semblait absolue.

Spoiler:

Des gouttes de sueurs perlées du front de la peintre sous l’effort déployé pour maintenir le sceau d’endiguement du chakra apposé sur le Yokai musicien. Non seulement sa formation venait de pomper ses dernières réserves de chakra, la pression que son maintient exerçait sur la jeune femme était démentielle, elle pouvait la ressentir physiquement, ses muscles semblants se tendre à l’extrême pour s’opposer à la puissance de l’énergie du Yokai, comme si elle devait retenir unique ouverture d’un barrage dans laquelle l’eau s’engouffrait et pousser afin de pouvoir s’échapper. Mais elle tint bon et pu ainsi profiter les yeux grands ouverts de stupéfaction de la libération du pouvoir de son coéquipier. Le Nara avait fait preuve jusqu’à maintenant d’ingéniosité et de force, plus que de raison si l’on devait le comparer à ses pairs Genin. Cependant, s’il ne possédait plus les bénédictions physique de ses portes, l’aura meurtrière qu’il relâcha à ce moment précis la fit frémir. Il avait semblé abandonner ce calme Naraesque qui l’accompagnait depuis le début de la mission et son visage laissait cette fois place à un masque de rage silencieuse. Son regard froid et implacable se tourna vers Yāmerunja qui paniquait face à son impossibilité d’utiliser son chakra et l’implacable aura meurtrière de son opposant.

Quelques foulées sur lui même comme s’il s’échauffait. Puis, il disparut un bref instant des regards pour réapparaître à quelques centimètres du monstre musicien. La Peinturlurée se ravisa, le poing du Nara etait d’ores et déjà dans le ventre du Yokai, le perforant sous le regard incrédule de son propriétaire avant que ce dernier ne se fasse repousser violemment par l’impact du choc. La surprise totale avait poussé le monstre à lâcher sa prise sur son orgue à bouche géant, instrument qu’Haruko se saisit immédiatement pour transpercer à nouveau le Yokai.

Hanabi se relâcha. Cette fois s’en était bel et bien finis de ce monstre mélomane. Cependant, le Nara lui semblait avoir encore quelques affaires à régler et quelques ressentiments à libérer. D’une force égale à sa cruauté, il vola les dernières seconde de vie de l’entité démoniaque en lui plantant à nouveau son instrument dans l’abdomen dans une gerbe de viscère et de sang violet, laissant exploser toute sa rancœur. La Peinturluré ne savait pas ce qu’il avait vécu durant l’illusion du monstre qui se considérait l’ami des étoiles mais elle semblait l’avoir profondément touchée. Certainement le Nara possédait lui aussi une part d’ombre. Bien que celle ci paraissait à la peintre bien plus noire et profonde que la normale.

Toujours était-il que les deux genins venaient d’abattre Yāmerunja, un Yokai mélomane connu pour être un redoutable adversaire. Le crédit qu’ils gagneraient de cette victoire ne serait pas négligeable pour les deux Shinobis du Feu.

S’approchant calmement de son coéquipier qui lui tournait le dos, encore penché sur le cadavre du Yokai, elle demanda d’une voix qui se voulait aussi calme que claire, tel l’effet d’un filet d’eau fraîche, afin de sortir Haruko de sa torpeur.

« Ça va Haruko ? Cette créature était bien plus puissante que ce à quoi je m’attendais. Le Shogunat nous récompensera bien pour sa tête. » Dit elle avant d’ajouter d’un ton neutre: « Tu as bien combattu. Merci. On n’y serait jamais arrivé sans toi. »

Puis, elle dépassa le Nara et s’agenouilla auprès du monstre. La redescende après un tel combat pouvait parfois être violente ou bouleversante, d’autant plus lorsque le dit combat implique d’être la victime d’illusions. Elle laissa donc ce moment au silence et au calme, laissant sa partenaire reprendre la totalité de ses moyens et de ses esprits. Son corps tremblotant semblait évidemment accuser lui aussi le contrecoup du dépassement de soi dont il avait fait preuve plus tôt.

L’artiste en profita pour découper la tête du Yokai qu’elle scella dans un petit parchemin afin de la remettre aux autorités du Feu, elle fit de même avec le massif instrument de musique du monstre. Celui-ci n’avait jamais été consigné dans les rapports mentionnant Yāmerunja et semblait avoir avoir l’étrange faculté de maximiser ses pouvoirs. Si les Yokais pouvaient acquérir des objets qui leurs permettaient de maximiser leurs potentiels les pertes du Shogunat lors des missions n’allaient qu’être croissante. Une étude devrait être menée diligemment à son retour à la capitale.

 « Bien. Ça va mieux Haruko-san ? Je te propose de retourner au village, ses habitants doivent attendre avec impatience des nouvelles de notre succès. Eux qui sont enfin débarrassés de cette mélodie insomniaque ! On devrait y passer la nuit et l’on reprendra la route du retour demain à l’aube ! »

C’est ainsi que le duo sortit de la forêt et rejoignit le village où le chef pleura de joie à la nouvelle. Bien entendu le duo fut porté au triomphe mais le manque d’énergie des uns et des autres et la perspective d’une bonne nuit de sommeil mit rapidement fin aux réjouissances. Le lendemain matin, sous les hourras des villageois qui les acclamèrent à nouveau à leur départ, les deux jeunes ninjas repartirent en direction de la capitale livrer la tête de leur cible et leur rapport. Le trajet se passa dans le silence, chacun ressassant et digérant les récents événements. Haruko avait dû vivre une expérience personnelle éprouvante tandis que la Peinturlurée avait vécu la mort pour la première fois bien celle ci s’avérait finalement n’être qu’une illusion.

« Ce fut dur mais je pense que nous avons vécu une expérience d’une grande valeur. Nous sommes assurément plus forts maintenant Haruko-san. » Dit finalement la jeune femme.