▶ Sujet: Les hiboux, un chouette allié des Fuwa

Alors que mes flèches fendirent l'air avec une précision grandissante, je sentis le regard de mon père empreint d'expérience posé sur moi. Chacun de mes mouvements était scruté avec une attention minutieuse, chaque détail de ma technique soigneusement observé. J'avais travaillé dur pour affiner mes compétences à l'arc, ma détermination se reflétait dans mes déplacements et la courbure de ma posture.

Le terrain, presque en friche, simulait des environnements difficiles pour viser et générer le moins de bruit possible. Soudain, le sifflement caractéristique de la flèche trouvant sa cible perça l'air, et je vis un sourire d'approbation se dessiner sur le visage de mon père. Son acquiescement silencieux réchauffa mon cœur, confirmant que mes efforts acharnés ne passaient pas inaperçus.

Une fois la séance d'entraînement terminée, mon père, Yahiro, m'invita d'un geste à le rejoindre dans une salle du dojo. L'intérieur était décoré avec des petites tapisseries brodées ornant les murs et des meubles sculptés ajoutaient une touche d'élégance à l'espace. Le contraste avec la rudesse de l'entraînement extérieur était saisissant.

Il s'installa dans un siège, l’expression sérieuse et résolue. Lorsqu'il m'invita à m'asseoir en face de lui, je ressentis un frisson d'anticipation mêlé d'une pointe d'anxiété. Sa volonté de me parler de quelque chose d'important était palpable.

Le silence s'installa entre nous, chargé de l'atmosphère solennelle de la pièce. Je sentais son regard perçant sur moi, son expérience et sa sagesse pesant dans ses paroles à venir. J'étais prêt à écouter, à absorber chaque mot qu'il allait prononcer, conscient de l'importance de cet instant.

– A présent, Yasahiro, tu es prêt. Ecoute bien mon récit.

Les Fuwa, nom d’un agglomérat de groupuscule fraîchement formé, avaient fui le continent principal, leur terre natale, car l’absence d'un quelconque pouvoir avait accrût la différence à un rythme effréné avec les autres factions ninja. La Guerre Sanglante avait engendré de nombreux clans ayant en tête une quête d'une évasion à corps perdu. Les Fuwa avaient pris la mer, ignorant où les vagues les conduiraient, tant que cela les éloignerait du danger.

Je m’apprêtais à recevoir un énième évangile comme à l'accoutumée. Cependant, l’histoire était cette fois-ci différente des autres déjà connues…

▶ Sujet: Re: Les hiboux, un chouette allié des Fuwa

Leur destin les avait menés au Pays de l'Eau, mais ce nouveau territoire était tout sauf accueillant. Il était infesté de Yokai, des créatures surnaturelles, chacune aussi étrange et redoutable que la suivante. Les Fuwa avaient dû faire face à des Yokai de toutes sortes, mais aucun d'entre eux n’était aussi tenace que le Yokai-insecte qui les avait traqués pendant des jours. Leurs tentatives de riposte avaient été vaines, provoquant à peine quelques légères blessures.

Yahiro poursuivit le récit, sa voix empreinte de gravité. Sans l’avoir vécu, il dégageait l’impression de se souvenir de cette nuit précise, restant gravée dans la mémoire collective du clan, une nuit où la mort semblait les guetter à chaque coin d'ombre. Les Fuwa étaient acculés, leur situation devenant de plus en plus désespérée. Ils savaient qu'ils ne pourraient pas échapper à cette créature implacable.

Soudain, alors que le désespoir les étreignait, un hibou géant fit son apparition. Ses plumes d'un blanc immaculé ressortaient comme une étoile dans la nuit noire. L'oiseau majestueux se jeta dans la bataille avec une férocité étonnante. Ses serres acérées lacéraient la chair du Yokai-insecte, tandis que ses ailes déployées créaient une tempête de poussière et de plumes.

La bataille avait été épique, une confrontation entre le surnaturel et le mystique. Les Fuwa, inspirés par la bravoure de l'hibou géant, avaient retrouvé leur détermination. Ils avaient uni leurs forces à celles de l'oiseau, et ensemble, ils avaient affronté le monstre avec une résolution farouche. Les cris stridents du Yokai-insecte résonnaient dans l'air, mais ils étaient étouffés par le rugissement du vent et le battement puissant des ailes de l'hibou.

L'affrontement était semblable à une danse mortelle sous la lueur de la lune. Finalement, après une lutte acharnée, le Yokai-insecte avait été vaincu. Il gisait, inerte, tandis que le rapace géant se tenait triomphant au-dessus de lui, ses plumes mouchetées de sang. Les Fuwa savaient que cette victoire n'aurait pas été possible sans l'intervention de cet allié inattendu. Puis l’oiseau, fier, s’écroula. Son plumage rouge suppurait à son tour du liquide rouge de la vie.

▶ Sujet: Re: Les hiboux, un chouette allié des Fuwa

Le Yokai-insecte avait été vaincu, mais l'hibou géant en sortit gravement blessé. Les Fuwa, témoins de cette bataille titanesque, s'approchèrent de l'oiseau, leur gratitude se lisant dans leurs yeux et la peur sur leurs visages. Le feu de l’action passé laissait désormais en suspens les soupçons et les questions.

Les discussions gravitaient autour du sort de l'immense rapace et de sa véritable nature : les archers oscillaient entre l'assistance et l'exécution, qu'il s'agisse d’un Yokai-oiseau ou d'une espèce endémique. La découverte d’un nid à proximité qui choyait en son sein des œufs aussi gros qu’un petit homme laissait croire à la couvée du gigantesque hibou.

Les Fuwa se trouvaient confrontés à un dilemme moral. Devaient-ils sauver l'hibou géant, un allié providentiel, au risque de compromettre leur propre sécurité, ou devaient-ils l'abandonner, craignant les éventuelles répercussions de sa lignée de Yokai-oiseaux ? La tension était palpable dans l'air. Finalement, après moultes dissensions, après des heures de délibérations, les Fuwa parvenaient à un accord.

Les Fuwa décidaient de prendre soin des œufs, tout en prodiguant des soins sommaires à la génitrice blessée afin d’en observer le comportement, maintenant une vigilance prudente. Les jours passèrent, et l'hibou géant, affaibli mais en voie de guérison, semblait comprendre que leur intention n'était pas hostile, mais empreinte de gratitude pour son acte héroïque.

Peu à peu, une forme de confiance s'installa entre les Fuwa et l'immense oiseau. Les archers apprirent à mieux connaître la créature qui les avait sauvés de la mort certaine. Lorsque les œufs finirent par éclore, les Fuwa furent témoins de la naissance de créatures aussi majestueuses que leur mère.

Sous son impulsion, les petits hiboux partagèrent un lien spécial avec les futurs ninja qui les avaient protégés. En grandissant, la portée entière avait appris à parler le langage des hommes, sous la plus grande surprise des Fuwa. Plus tard, ce lien s’était transformé en un pacte puis en un art : le Kuchyose.

▶ Sujet: Re: Les hiboux, un chouette allié des Fuwa

Je pris une profonde inspiration, conscient de la tâche qui m'incombait. La portée des oiseaux géants était maintenant une part intégrante de notre clan. Mon père poursuivit, sa voix empreinte de gravité, transmettant non seulement des mots, mais une tradition

– Ton chemin sera pavé de défis, mon fils. Les Hiboux Géants sont nos alliés. Des alliés si précieux que nous ne pouvons nous permettre de les perdre. Tu devras à ton tour leur prouver ta valeur en protégeant la nouvelle couvée qui arrive, léguant ce lien à la future génération, comme je l’ai fait et comme ceux d’avant l’ont fait.
– Seul ?
– Avec tes cousins qui ont survécu à l’Archipel de la Lune. Vos expériences là-bas vous serviront. Pour leurs besoins, les Hiboux Géants se sont installés dans une région avec des proies assez grosses, similaire à l’île de la clause Kaguya.

Ma voix se brisa légèrement, le découragement envahit mes pensées. Mes balbutiements s'éteignaient avant que je puisse terminer ma phrase.

– M-mais je vais y passer si je dois en affront-

Un coup sur la tête, un geste rapide et précis, venait me couper la parole. La douleur vive, comme un éclair, se propagea à travers mon crâne. Je clignai des yeux, tentant de chasser l'effet de la pichenette envoyée par les doigts musclés d’un archer aguerri. C'était un rappel brutal, sans incidence quelconque, de l'obligation de respecter la parole de mon paternel.

- Nos alliés ne seront pas blessés. Fatigues et affaiblis suffisamment les menaces qui rôdent autour pour qu’ils s’en occupent. Pour les plus dangereuses, servez d’appât pour les éloigner et semez-les.

Les mots de mon père résonnaient en moi, comme un serment gravé dans la pierre. Je savais que cette directive était cruciale, non seulement pour la survie de notre clan, mais aussi pour la préservation de notre lien avec les Hiboux Géants. Mon père avait confiance en moi, tout comme nos ancêtres avaient eu confiance en leurs fils et filles pour perpétuer cette tradition.

Je n'allais pas les décevoir. Mon destin était tracé, et je m'apprêtais à l'accepter avec détermination. Je ramassais l’arc déposé à mes côtés et d’un hochement de tête j’indiquai à Yahiro que j’étais fin prêt. Posant sa paume sur mon torse, sa vision laissait place à un petit écran de fumée, qui en s’estompant, dévoilait la merveille de la nature qu’était l'île des Hiboux.

Des falaises escarpées s'élançaient vers le ciel, des arbres centenaires s'étendaient à perte de vue, et au loin, nous apercevions les nids des Hiboux Géants, perchés sur les plus hautes branches. Ces créatures majestueuses survolaient l'île, patrouillant avec grâce, leurs yeux perçants scrutant chaque recoin de leur domaine.

Notre objectif était de piéger la zone, de créer un labyrinthe mortel pour les insectes géants. Nous disposions des pièges faits de lianes solides et de branches, camouflés habilement avec de la boue et des feuilles, tissant un filet géant tendu entre les arbres. Lorsqu’un insecte s’y engouffrera, il pourrait s'emmêler et être immobilisé par la structure.

Avec trois cousins, nous nous installâmes, près des nids où les œufs des Hiboux Géants étaient soigneusement protégés. La nuit tomba, et bientôt, nous fûmes plongés dans l'obscurité, éclairés seulement par les étoiles scintillantes qui se réfléchissaient dans le regard perçant des Hiboux.

▶ Sujet: Re: Les hiboux, un chouette allié des Fuwa

Le matin suivant, l'île des Hiboux fut secouée par les premiers bourdonnements d'insectes géants, des créatures monstrueuses qui semblaient surgies d'un cauchemar. Ils avaient senti l'odeur des œufs des Hiboux et étaient venus pour les dévorer.

Leurs exosquelettes luisant au soleil. Ils fonçaient vers les nids avec une détermination effrayante. Mon cœur battait fort, mais je savais que je devais les maintenir loin des œufs. Une myriade de volées de flèche fusait en leur direction, venant découper leur patte ou
s'encastrer dans leurs énormes yeux globuleux.

Lorsque le premier monstre fut pris au piège, sa démarche bruyante et maladroite alerta les autres. Ils avançaient prudemment, mais notre ruse était supérieure. Les pièges se refermèrent sur eux un par un, les entravant et les rendant vulnérables. La canopée tremblait sous l'impact de vibrations puissantes.

L’alpha, le plus gros et le plus dangereux des insectes géants, venait de faire son apparition. Ses mandibules noires aspiraient la lumière ne laissant que désespoir, et ses yeux luisaient d'une intelligence prédatrice. Il semblait flairer le danger, se méfiant de notre astuce. Il émettait des sons étranges, comme s'il annonçait sa supériorité et contrôlait tous les insectes de l'île.

C'est alors que je me portai volontaire, il fallait servir d'appât pour éloigner la menace. Mon cœur battait la chamade, mais je savais que c'était la seule option. Avec un arc en main, je m'élançai vers le plus gros des insectes géants.

Je décochai une flèche en sa direction, l'atteignant en pleine carapace. Il rugit de douleur et tourna son attention vers moi. Ses mandibules claquèrent avec une violence terrifiante. J'étais agile, esquivant ses attaques, mais je devais rester à portée de ses yeux, pour rester l'objet de sa colère et ainsi le maintenir éloigné des nids.

Le monstre était obsédé par moi. Il me pourchassa à travers l'île, détruisant tout sur son passage. La bataille fit rage pendant ce qui sembla être une éternité. Le soleil laissait place à la lune jusqu’à ce que les ténèbres de la nuit se retirent à nouveau. Mes forces commençaient à s'amenuiser, mais je savais que je devais tenir bon.

A plusieurs reprises je l’avais semé, me réfugiant dans des caches plus sommaire les une que les autres, avec de simples systèmes d’alarme rudimentaire installés autour. Plusieurs fois, l'œil à demi-clos, mes repos avaient été dérangés. La créature avait la même ténacité que celle dans l’histoire de mon père. A bout, je devais passer le relai, empruntant le chemin du retour.

Soudain, une flèche bien placée, tirée sans en être l’auteur, avec une précision meurtrière, atteignit l'un des yeux du monstre. Il rugit de douleur, sa vue brouillée, sa rage se décuplait. Il tournoya en furie, trébuchant sur des pièges dissimulés renouvelés par mes semblables. La créature gigantesque se débattait furieusement dans le filet massif. Ses membres énormes tentaient de déchirer les cordes épaisses qui l'entravaient.

Les lianes s'enroulaient autour du corps de la créature, limitant sa mobilité, tandis que les nœuds serrés l’étouffait jusqu’à céder, l’épuisant d'avantages. On ne comptait plus le nombre de salves qu’on lui avait envoyées. L’alpha harassé jusqu’à l’agonie, c’est finalement l’un des Hiboux Géant qui donnait le coup de grâce. Les batailles s’achevaient, le calme tombait à nouveau sur l’île avec le cadavre du Yokai insectivore comme trophée.

Nous restions jusqu’à l’éclosion assez rapide des œufs. Les jeunes oisillons Géants émergèrent, couverts de duvet, avec de grands yeux curieux qui scrutaient le monde qui les entourait. Les liens qui se formèrent entre les archers et les oisillons étaient profonds. Au fil des jours, les oisillons grandissaient à vue d'œil. Leurs duvets se transformèrent en plumes majestueuses, et leurs cris aigus se développèrent en puissants chants nocturnes.

Les jeunes oiseaux les considéraient comme leurs protecteurs. C’est durant le baptême du vol que la symbiose se scellait. A l'atterrissage, les Hiboux Géants collaient leurs têtes contre celles des Fuwa, les renvoyant au Dojo. A leur arrivée, Yahiro les questionnaient :

– Comment cela s’est passé ?

A l’unisson, des sourires en seule guise de réponse.