Les traces au sol, le son des tambours et la fumée au loin s'avéraient être les seules pistes qui s'offraient à vous. Et tout conduisait vraisemblablement vers une seule destination logée au cœur de cette forêt. Une forêt réputée dangereuse du fait des yokai qu'elle pourrait abriter, mais vous décidâtes malgré tout d'abandonner votre monture pour continuer le trajet à pied.

Restant sur vos gardes, le clone du marionnettiste partit en éclaireur pendant que vous le suivez prudemment. Vous ne saviez pas sur quoi ni qui vous pouviez tomber. Mais il ne faisait pas l'ombre d'un doute que quelque chose vous attendait au bout de votre trajet.

Un peu plus tard, le clone entendit finalement les sons de fer qui s'entrechoquaient autour de lui, sans pouvoir encore identifier les sources. Puis, sans s'y attendre, il fut surpris par un projectile et disparut, sans même avoir le temps de déterminer sa provenance.

Arrivés à peu près à l'endroit où le clone avait rendu l'âme, vous comprîtes que non seulement vous n'étiez pas seuls, mais également que cette zone était très probablement occupée en nombre.

Finalement, avant même que vous n'ayez le temps de vous préparer suffisamment, deux ombres surgirent derrière vous, côte à côte sur une branche. Une certaine distance vous séparait, vous laissant suffisamment le temps de réagir en cas d’agression.

« C'est eux, tu crois, les chakras que le commandant a perçus ? » Déclara un homme, un soldat arborant les symboles de Tetsu.

Il portait une lame à sa taille et était vêtu d'une fourrure d'ours.

« Ça m'en a tout l'air. Ils m'ont l'air inoffensifs, mais les Otojins nous ont prouvé qu'ils étaient capables des pires ruses. Reste sur tes gardes. » Rétorqua le second, tenant une arbalète dans sa main et un arc accroché son dos.

Même si vous n'aviez peut-être pas entendu clairement leur conversation, vous aviez senti leur présence. Et si ce n'était pas le cas, le carreau d'arbalète qui vint se loger devant vous pour stopper votre course vous indiquait que vous étiez repéré.

« Oy, qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous fichez par ici ? Cette zone est exclusivement réservée à l'armée. » Ajouta l'homme à l'arbalète.

Ils semblaient assez puissants pour ne pas être de simples soldats sans aucune maîtrise du chakra…

Spoiler:

Sur le qui-vive, le tandem n’était mué que par le désir ardent de rattraper le malfaiteur qui s’était emparé des effets personnels de la bretteuse en toute impunité. Si cette dernière transpirait l'irascibilité incarnée, le joueur de lyre quant à lui demeurait placide comme le frimas qui enveloppait l’écorce des feuillus qui les environnaient. Le natif des steppes gelées s’était acclimaté au gercement de ses lèvres, à l’indolence de ses doigts, ses jambes s’engourdissant dans le sable blanc s’agrippant à chacun de ses pas. Ils se mirent d’un commun accord à marcher à travers la forêt qui vibrait au son des tambours, la fumée dans le ciel qu’ils distinguaient au-dessus de la cîme des arbres leur donnait une direction claire et sans équivoque. Ils se repéraient également aux traces laissées sur les arbres, et aux empreintes creusées dans la neige, pour peu que celles-ci ne fussent pas effacées aussitôt par l’Aquilon. Guidant de ses fils de chakra son oiseau survolant la canopée, il s’attendait à ce que celui-ci fût la cible d’une attaque ou du moins qu’il serve de leurre. Lorsque son clone fut détruit par une force invisible, il comprirent qu’ils n’étaient pas seuls et qu’ils se trouvaient dans une zone de belligérance. Restait à déterminer les forces en présence, et celles qui étaient prompts à les aider dans leur quête.

Les échos de conversation qu’ils entendirent derrière eux en hauteur provoquèrent une preste réaction de la part du marionnettiste, lequel se retourna, apercevant en même temps que sa coéquipière un duo de soldats, l’un portant l’insigne de Tetsu qu’il reconnaissait aisément. Il avait aussi combattu dans les rangs de la soldatesque, fut un temps. Il soupçonnait que certains officiers eussent un vague souvenir de son faciès, mais il était tout aussi probable que ceux-ci l’aient oublié complètement. Alors il ne se montra guère très précautionneux quand il s’agissait de montrer patte blanche, sous peine de déclencher d’inutiles hostilités. A entendre leur discours et en décortiquant leurs affirmations, ils apparaissaient comme des soldats de Tetsu — ils en avaient les vêtements, mais Yoichi avait à peine digéré la duperie de Katsuo, si bien qu’il examinait les deux hommes avec circonspection, les doigts en extension, il avait toujours le contrôle sur sa créature volante prête à descendre en piqué si la situation l'imposait.

— Messieurs, vous êtes bien des soldats de Tetsu? Ma camarade et moi cherchons à localiser le voleur en question, pouvez-vous nous renseigner? Quel est ce tintamarre qu’on entend et quelle est la fumée qu’on a aperçu au loin? Êtes-vous au milieu d’un combat?

Sans geste brusque, il gardait ses mains en évidence afin de ne pas titiller la nervosité de l’arbalétrier à la gâchette facile, pour autant, il n’hésiterait pas à forcer son chemin s’ils se montraient trop insistants.

Spoiler:

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Fujiwara K. Seira Vassale de Fujiwara Terutaka

Les deux soldats échangèrent un regard avant de décider de descendre de leur perchoir. Celui qui vous maintenait en joug abaissa son arme, mais tous deux demeuraient sur leurs gardes, prêts à dégainer au moindre signe d'hostilité.

« Décidément, il semble que tout le monde veuille la peau de ce rat. Il est déjà entre les mains de l'armée, vous ne pouvez plus prétendre à sa prime. » Déclara l'un des soldats.

Il se massa délicatement sa nuque, son regard désormais fixé sur Yoichi. Un soupir s'échappa de ses lèvres avant qu'il n'adopte un air des plus sérieux.

« Qui que vous soyez, ce n'est pas à vous de poser des questions. Vous êtes en présence de soldats, les hommes de l'illustre Furie d'Acier : Fujiwara K. Seira, vassal du Tigre de Jade, le Shugo Fujiwara Terutaka. Maintenant, veuillez déposer vos armes et décliner votre identité. » Ajouta-t-il sur un ton qui se voulait plus autoritaire.

Il était désormais plus avancé et vous faisait face, il n'était pas difficile de distinguer le symbole du Môn de la griffe gravé près de l'emblème de Tetsu. Pour Yoichi, qui avait combattu aux côtés de l'armée Tetsujin pendant la guerre contre Oto, ce symbole évoquait sans l'ombre d'un doute Fujiwara Terutaka.

Personne à Tetsu, même parmi les habitants plus misérables qui se terraient dans les tréfonds du pays, ignorait l'identité de Terutaka, le deuxième plus ancien des membres constituant le Conseil des Kan'Rei. Réputé pour sa brutalité extrême, son nom inspirait la crainte même parmi les guerriers les plus redoutables du pays.

Si Izanami ignorait le fonctionnement politique du pays du Fer, Yoichi, désormais, savait qu'il était plus sage de coopérer.

« Si ce charognard vous a dérobé quoi que ce soit parmi les objets confisqués, nous vous les restituerons... Mais seulement lorsque nous nous sommes assurés que vous n'êtes pas des espions ou ses alliés... »

Les deux soldats vous guidèrent à travers les arbres, vous contraignant presque malgré vous à avancer pour éviter d'aggraver la situation. Il était beaucoup plus raisonnable et sûr de coopérer que de résister.

Finalement, après avoir contourné quelques arbres, l'étendard de l'armée flottait fièrement devant vous, à l'entrée d'une grande clairière où des tentes étaient dressées, au centre de laquelle s'élevait la fumée aperçue auparavant. Des soldats s'entraînaient vigoureusement, comme s'ils se préparaient à une grande bataille.

Vous en comptiez déjà une vingtaine, mais vous supposiez qu'ils étaient en réalité bien plus nombreux, probablement cinq fois ce nombre. Ils avaient établi leur campement au cœur de cette forêt réputée dangereuse, même pour des soldats aguerris. Cela en disait long sur la personnalité de la personne qui les dirigeait.

Traversant la grande clairière sous le regard à la fois suspicieux et curieux des soldats, vous avanciez tranquillement, jusqu'à ce que...

« IZA-CHAN ! YOICHI-KUN ! »

Il ne faisait aucun doute sur la voix. Katsuo en personne, solidement attaché à un arbre, arborait une expression déconcertante, mêlant étonnement et joie à votre vue.

Irrécupérable.

Les deux soldats qui vous accompagnaient ne comprenaient pas sa réaction, redoublant de vigilance et d'incertitude.

« Bon sang ! Comme je suis heureux de vous voir ! S'il vous plaît, dites à ces types que... » commença-t-il, interrompu par un kunai fusant depuis la tente en face, entaillant légèrement sa joue avant de poursuivre sa trajectoire.

Le rideau se levait et l'ombre se dévoilait.

« Ferme-la ! Ferme ton maudit clapet, sale cafard libidineux ! »

Fujiwara K. Seira en personne.

Dépassant les deux mètres, elle possédait outre sa taille un corps particulièrement voluptueux et dégageait une aura singulière. Elle avait des cheveux noirs courts coiffés dans une coupe de lutin et un air de prime abord sombre sur son visage.

Pris de peur, Katsuo se tut définitivement, tandis que le regard de la guerrière se posaient désormais sur vous.

Son katana autour de sa taille, elle leva le tokkuri qu'elle tenait entre ses mains et le porta doucement à ses lèvres. Elle prenait quelques gorgées pendant que ses deux hommes de main lui faisaient leur rapport, sans jamais vous quitter des yeux. Son regard demeurait étonnement neutre, voire exprimait une certaine curiosité. Tout le contraire de ses hommes qui avaient l'air de vous prendre un peu de haut.

« Je vois... Allez rassemblez tout le monde, on va lever le camp. Il n'y a pas un yokai à fouetter ici, et l'ennui va finir par me tuer... » lança-t-elle à l'attention de ses hommes. « ... Donc, vous êtes les alliés sur lesquels Katsuo comptait pour qu'on le libère ? Vos auras semblent indiquer le contraire, c'est plutôt curieux tout ça, non ? »

La vérité, elle le savait. Néanmoins, elle souhaitait tout de même vous entendre la confirmer. Vous êtes désormais libre de lui narrer une partie ou l’intégralité de votre histoire avec Katsuo, et ce de la manière qu’il vous plaira…

Spoiler:

Quand son regard s’arrêta sur l’armoirie miroitante de l’un des soldats qui les avait interpellé avec défiance, cela eut pour effet d’une réminiscence soudaine, un bond dans un passé lointain qu’il ne pensait pas exhumer dans de telles circonstances, lorsqu’il rencontra pour la première fois une unité portant le même insigne. Il n’était alors qu’un simple volontaire sans titre ni accomplissement à son nom, un soldat tout ce qu’il y avait de plus ordinaire. Sa chevelure était alors plus courte, aux normes du conformisme militaire, habillé d’un uniforme qui n’avait rien d’élégant ni d’original, à vrai dire, il était difficile pour un quidam de le dissocier du reste de la masse paysanne, et sa physionomie peu athlétique le rendait particulièrement insignifiant aux yeux de la classe guerrière. On le voyait presque comme un fardeau au sein de l’unité, et rien ne le prédestinait à ce qui arriverait plus tard. Il faisait partie d’une légion “spéciale” composée des paysans recrutés dans les villages alentours et qui n’avaient pas vraiment le respect des soldats ayant reçu une véritable éducation militaire. Au contraire, on les toisait et on les regardait à peine comme faisant partie de l’armée de Tetsu, quoiqu’ils étaient parfaits pour envoyer en reconnaissance ou servir de pions à sacrifier à la guise de l’état-major. On le connaissait plutôt pour un habile bonimenteur, un joueur de lyre qui savait aussi raconter de belles épopées au coin du feu pour divertir voire inspirer ses camarades du front. Il jouait par intermittence des petites scènes avec son pantin pour amuser les foules et leur offrir une nuit de tranquillité. Le barde qu’on l’appelait. Un talent pour les arts qui lui était reconnu mais qui n’avait pas grande utilité quand il s’agissait de blesser ou de tuer ses ennemis. C’était qu’à l’époque, il ne réalisait pas encore le potentiel de son art.

Un jour, sa compagnie croisa la route d’un groupe de soldats qui avaient besoin de faire une halte dans leur camp, le temps de se réapprovisionner. Malgré l’insuffisance des rations, les soldats qui portaient le symbole de la griffe se montrèrent bien plus voraces que ce que commandait la bienséance, si bien qu’une rixe éclata au milieu du camp, opposant le groupe de miliciens dont faisait partie Yoichi et les troupes portant cet emblème qui ne lui évoquait rien. Tout avait commencé sur une simple dispute entre deux gardes des camps opposés qui avaient commencé à s’échanger des coups après que l’un ait fait tomber le croustet de pain de l’autre en signe de provocation. Jouant des coudes à travers la cohue pour se rapprocher de la scène, il demanda à l’un des observateurs de lui raconter ce qu’il s’était passé, on lui expliqua que l’un des hommes du bataillon inconnu avait fait tomber le pain d’un des paysans dans la neige pour lui avoir refusé de partager sa ration. Un signe de mépris pour les uns, une juste réprimande pour les autres. Dans l’intention de désamorcer le conflit, Yoichi s’approcha de quelques pas pour séparer les deux belligérants. Puis, sans qu’il ne le voit arriver, il fut soudainement la cible d’une giroflée par derrière qui lui fit aussitôt perdre conscience et tomber face la première dans la neige.

…

Se laissant escorter jusqu’au campement sans faire d’histoire, Yoichi acquiesça en direction d’Izanami pour lui faire comprendre qu’il n’y avait pas besoin de s’inquiéter… pour l’instant. Avec des mouvements de ses doigts, il prévint les deux gardes avant de faire redescendre son pantin et l’enfermer dans son rouleau. Suivant le chemin qu’on leur indiquait de prendre, il se tournait de temps à temps vers l’arbalétrier derrière lui qui pointait son arme vers lui et sa camarade, le regard empli de suspicion. La Furie d’Acier, c’était un nom qui ne lui était pas étranger. Et le nom de leur chef était encore moins inconnu, car Fujiwara Terutaka était un seigneur tyrannique et infâme qui utilisait la terreur et la brutalité pour dominer ses sujets. Profitant des bruits du camp et des armes s’entrechoquant pour étouffer ses paroles, le Tetsujin dissémina quelques informations contextuelles pour l’étrangère qui l’accompagnait au cours de ce voyage sinueux dans les terres de neige:

— Fujiwara Terutaka… C’est un des seigneurs de Tetsu, un homme brutal et tyrannique. Le deuxième plus ancien du conseil des Kan’Rei. Je ne l’ai jamais croisé en personne mais c’est un homme dangereux si on en croit les rumeurs. Et Fujiwara K. Seira, sa vassale.. c’est une longue histoire. Elle…

Il ne put finir sa phrase quand il entendit une voix familière crier leur nom. Un nom qui lui fit naître un sentiment de dégoût en même temps que de satisfaction d’avoir retrouvé le coupable. Toujours le visage aussi niais, il était désormais attaché à un tronc d’arbre, il était d’ailleurs étonnant que le cordage soit suffisamment solide pour retenir une telle masse graisseuse. Ils eurent à peine le temps de réagir aux paroles du traître qu’une nouvelle figure fit son apparition à l’entrée de sa tente, celle-ci répondait probablement au nom de Fujiwara K. Seira. La première impression qu’elle laissa sur Yoichi était que celle-ci avait une très grande personnalité, elle avait au moins deux qualités qui avaient la capacité de mettre n’importe quel homme hors d’état de nuire.

— Enchanté, ô puissante Fujiwara K. Seira, vos exploits guerriers vous précèdent, et votre musculature herculéenne a de quoi faire trembler les plus féroces combattants et les yokais les plus dangereux du Yuusei. Il joua la carte de la flatterie — pour les guerrières il fallait mettre en avant leur force, il couronna le tout d'un coup de bluff phénoménal car il n'avait aucune idée de ce qu'elle avait accompli. Nous sommes très reconnaissants de l'accueil que vous nous réservez dans votre campement. Quant à ce pachyderme que vous désignez comme notre “allié”, je pense qu’il y a erreur. Cet énergumène nous doit des réponses, et vu qu’il est maintenant votre prisonnier, je suppose qu’on doit vous demander la permission pour l’interroger? Concentré sur l’objet de leur visite, il en oublia presque ce que la femme venait de dire à ses hommes. Il repensait aux traces de pas géantes qu’ils avaient aperçu plus tôt avec Izanami. Vous êtes ici pour chasser du yokai? On a peut-être des informations pour vous, si vous êtes prête à négocier avec nous? Il appuya sa proposition avec un sourire espiègle.  

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La Fujiwara vous observait attentivement, tandis que son expression jusqu'alors impassible se mua en affichant un léger sourire d'amusement.
Les paroles flatteuses de Yoichi accentuaient d'autant plus ce sourire, reconnaissant ainsi son effort de se faire apprécier à travers ses flatteries à l'instar des hommes de la Capitale. Cependant, il allait sans dire qu'elle ne se laisserait pas berner aussi facilement.

Un de ses hommes s'approcha finalement d'elle pour lui murmurer quelque chose à l'oreille, faisant alors surgir un souvenir dans son esprit pendant que son regard dévisageait le marionnettiste.

Elle se souvenait de lui, ce barde au sein de l'armée, un élément plutôt atypique parmi les soldats. L'incident dans le camp, où il avait été la cible d'une agression sournoise, lui revint en mémoire. Elle garda ce souvenir pour elle, préférant jouer le jeu avec subtilité.

Finalement, lorsque Izanami déclara être une Fujiwara, Seira arqua un sourcil, légèrement étonnée. Une Fujiwara se faisant dérober ses armes semblait improbable, mais elle ne releva pas la remarque pour l'instant. Quelque chose prenait forme dans son esprit et elle aura bientôt l'occasion de l'expérimenter...

Ainsi, elle laissa un silence s'installer après les paroles d'Izanami, puis prit la parole d'une voix calme et pleine d'assurance.

« Vous êtes bien audacieux, je dois l'admettre. Ce n'est pas tout le monde qui ferait un long trajet pour venir nous voir afin qu'on leur remette un prisonnier. Dites-moi, jeunes gens, quel sort voulez-vous réserver à cet homme disgracieux dont, apparemment, la vie n'a fait aucun cadeau et que même la mort tremble à sa vue et le fuit ? »

La géante croisa ses bras sous sa poitrine, vous observant avec un mélange de curiosité et d'amusement.

Pendant ce temps, la plupart de ses hommes s'agitaient et s'attroupaient les uns après les autres dans la clarière. Cependant, l'attention de Seira était pour le moment focalisée sur vous.

« Je suis de bonne humeur, alors il serait fâcheux de le gâcher en mentionnant des yokai, si tu es incapable de les faire venir à moi. » Ajouta-t-elle d'un ton taquin à l'égard de Yoichi.

Les soldats commençaient à défaire les tentes avec une extrême rapidité, tandis qu'un autre faisait signe à la vassale que son cheval était prêt.
Elle opina de la tête, puis reporta son attention sur vous.

« ... Vous avez l'air déterminés à vouloir la tête de Katsuo. Je suis prête à vous le concéder, seulement il faudra m'offrir quelque chose qui a au moins trois fois sa valeur marchande. Si vous l'ignorez, ce malfrat a une prime de 500.000 ryos sur sa tête. »

Elle jeta un bref regard vers le concerné qui commençait à sangloter pendant qu'on le détachait. Trois hommes armés de lances l'entouraient au cas où il tenterait une folie.
Seira s'amusait étrangement de sa situation, tandis que ses pupilles se posait une nouvelle fois sur vous, sourire narquois à ses lèvres.

« Je ne veux rien entendre pour le moment, vous allez nous suivre jusqu'à notre prochaine halte. Réfléchissez et venez me soumettre votre proposition en début de soirée. Soit votre proposition me convient, et je vous laisse faire ce que bon vous semble de son sort. Soit-elle ne mérite aucune considération, et dans ce cas, vous devrez travailler pour moi pour me dédommager du temps que vous m'aurez fait perdre. Soit... elle mérite toute de même réflexion, et dans ce cas-là, j'aviserai le moment venu... » Conclut-elle, d'un sourire malicieux.

Ses hommes autour arboraient le même sourire, comme si leur cheffe venait de lancer un jeu auquel vous n'aviez encore aucune idée.

Les tambours résonnèrent à nouveau, trois fois pour être précis. C'était le signal de départ. Les centaines soldats formèrent alors deux colonnes et commencèrent à entamer le départ vers une prochaine destination. Seira était au milieu de la formation, marchant pour le moment auprès de ses soldats plutôt qu'utiliser sa monture.

Pendant ce temps, vous étiez libre de vous déplacer parmi la formation établie. Vous étiez libre de tenter de discuter avec des soldats, avec Seira, voire même Katsuo, ou vous isolez légèrement pour faire le point. Personne ne semblait enclin à vous fliquer...

Spoiler:

Ses oreilles bourdonnaient encore quand il ouvrit les yeux sur l’intérieur d’une tente qui n’était pas la sienne, celle-ci était bien plus grande que celle qu’il habitait d’ailleurs, il s’attendait à voir des décorations ou des effets personnels lui révélant des indices sur son propriétaire mais comprit promptement qu’il ne s’agissait pas d’une tente personnelle mais qu’elle avait pour fonction de détenir des prisonniers de guerre. Des cages à taille humaine, des menottes, des chaises disposées en ligne à ses côtés. Il voyait des traces de sang séché au sol, à ses pieds, indiquant que la précédente personne à être assise avait été la victime de certaines sévices. Qu’est-ce qui était devenu de cette personne? Quoique ce n’était sûrement pas le moment de s’inquiéter pour quelqu’un d’autre que lui, au vu de la situation actuelle. En effet, il était placé sur une rangée de chaises, en compagnie d’autres personnes qui avaient participé à la bagarre générale et se retrouvaient ligotés. Le visage des autres était marqué de contusions, probablement à cause de la rixe de tout à l’heure. Seuls les dieux savaient le sort qu’on leur réservait et qui était à la tête de cette arrestation massive.

Spontanément, Yoichi tenta de se lever mais s’interrompit aussitôt quand il réalisa que ses bras étaient attachés contre le dos de son siège. Sa vision était encore floue, quand il vit une femme entrer dans la tente, la figure imposante et plus musclée que la plupart des hommes, celle-ci passa en revue chacun des séditieux rassemblés, les examinant des pieds à la tête avant de faire signe à l’un des gardes postés à l’intérieur et de sortir. Celui-ci acquiesça et attrapa l’un des prisonniers par le coude pour l’emmener dehors bien que celui-ci se débattait et poussait des cris de désespoir.  En dépit de la situation complexe dans laquelle il se trouvait, Yoichi s’adressa à l’un des gardes postés non loin de lui et lui demanda qui était la femme qui était entrée dans la tente. Il découvrit qu’il s’agissait d’une subordonnée de Fujiwara Terutaka le Tigre de Jade, une guerrière du nom de Fujiwara K. Seira. Qui était-elle? C’était la première fois qu’il rencontrait un officier de Tetsu en personne.

— Qu’est-ce qu’on fait attachés ici? Qu’est-ce que vous comptez faire de nous?

Un sourire sournois se dessinait sur le visage du garde qui laissa Yoichi sans réponse. Il se mit alors à déglutir, blafard, il redoutait le pire.


...

La maîtresse des lieux semblait ouverte à négocier la liberté de son prisonnier, moyennant une coquette somme d’un million de ryôs et demie. Une réponse qui ne satisfaisait pas vraiment Yoichi même si celui-ci s’attendait à ce qu’une personnalité aussi exigeante ne se fasse pas facilement persuader par sa langue de bois, quoique ses flatteries avaient au moins le mérite de se faire voir sur un meilleur jour peut-être? Seul la suite lui dirait si ses efforts allaient payer. Finalement, l’armée se mit en marche et à sa tête, la dame de fer qui suggérait à ses invités de suivre le mouvement tandis qu’ils réfléchiraient à la proposition qu’ils lui soumettraient en fin de soirée, sous-entendant qu’elle leur laissait le loisir de réfléchir le temps d’arriver à consensus. On pouvait détecter une forme de malice dans son regard, ou était-ce… un défi?

— C’est entendu.

Il ferma la conversation en se tournant vers sa coéquipière qui pour l’heure n’avait toujours pas récupéré ses affaires, et ne savait pas si celles-ci étaient désormais entre les mains de l’armée.

— Qu’est-ce que tu en penses? Je n’ai pas suffisamment d’argent pour payer la caution de Katsuo, et même si je l’avais… le seul fait de payer pour lui me répugne au plus haut point. Donc il nous faut des alternatives. On peut se séparer et interroger les gardes pour en savoir plus sur cette Seira, en savoir plus sur ses centre d’intérêts ou ses faiblesses, des leviers sur lesquels on peut jouer pour qu’elle accepte de nous aider. Ou bien, on réfléchit à un plan pour leur dérober Katsuo et s’enfuir, mais avec un gros tas pareil, pas sûr qu’on aille très loin.

Ayant posé les différentes options avec sa camarade, il se rendit aux côtés de la formation, marchant en même temps que les soldats afin de faire la conversation et leur demander des renseignements sur leur discipline militaire, leurs valeurs et surtout, leur chef de guerre qu’il rencontra plus tôt. Il repéra l’un des deux gardes qui les avaient escortés dans le campement, l’arbalétrier et l’homme à la fourrure d’ours.

— Dites-moi, ça manque un peu de musique ici, ça vous dirait que je joue un petit air pour galvaniser les troupes? Sinon, où vous allez comme ça? Vous traquez des Otojins près de la frontière? Il changea de sujet, focalisant son attention sur Seira en récoltant des informations sur elle, en tentant également d’évaluer la teneur de la relation entre elle et ses hommes. D’ailleurs votre cheffe est plutôt impressionnante, elle doit aimer la violence et la bagarre, comme le Tigre de Jade je suppose? J’avais aussi une question pour vous d'homme à homme: est-ce que certains d’entre vous ont déjà tenté de conquérir son cœur? C'est pour un ami.

Des questions quelque peu risquées et indiscrètes  certes, mais nécessaires afin de définir sa prochaine stratégie. Ils n'avaient aucune raison de lui répondre ou de lui fournir des informations gratuitement, aussi était-il prêt à leur graisser la patte comme il savait si bien le faire, pour arriver à ses fins.

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Les deux colonnes de soldats progressaient d'un pas fier sous les ordres de leur commandant. Ni les morsures du froid glacial ni la neige moelleuse qui engloutissait leurs pieds à chaque enjambée ne troublaient leur détermination. Au contraire, un sourire éclairait certains visages pendant que d'autres entonnaient des chants pour se galvaniser.

Profitant de ce moment de répit, vous vous concertiez pour savoir ce qu’il convenait de faire dans votre situation. Fuir était une option, mais interroger les soldats ou même entamer une nouvelle conversation avec la vassale de Fujiwara Terutaka semblaient tout aussi plausibles.

Le marionnettiste finit par prendre une décision, se mêlant aux soldats à l'arrière du groupe. Ces derniers l'accueillirent chaleureusement, curieux de voir quel air il allait jouer. Leurs yeux pétillaient d'enthousiasme, prêts à s'amuser, surtout s'il s'agissait de défier les soldats en avant, dont les voix portaient jusqu'à eux.

« Allez, montre-nous de quoi tu es capable ! Épate-nous ! » Lança l'un des soldats en lui donnant une tape amicale sur l'épaule.

Tout autour de Yoichi, les dizaines de soldats s'arrêtèrent en le regardant lorsqu'il aborda un sujet aussi sensible que le cœur de leur commandant. Leurs rires éclatèrent finalement si fort que même la lointaine Seira semblait pouvoir les entendre.

« Seira-sama est très joueuse, mais attention à ne pas gâcher notre journée en abordant ce genre de sujet avec elle. » Avertit l'un des soldats en souriant amicalement. « Nous ignorons notre destination, nous allons simplement là où la neige nous porte, mon ami ! » Ajouta-t-il en se donnant un petit air intelligent, provocant les rires de ses camarades.

Un autre soldat le frappa à l'épaule, manquant de le faire chuter au sol, provoquant un éclat de rire général.

« Ne dis pas de bêtises, le philosophe du dimanche ! » Renchérit-il d’un léger rire. « Nous allons là où les caprices de Seira-sama nous mènent. À moins que des ordres express ne modifient ses plans, attendez-vous à affronter le danger. Elle ne vit que pour ça. C'est la meilleure façon pour elle de s'aguerrir et de se rapprocher un jour de la Seigneurie. Cela dit, si par malheur elle ne trouve rien à se mettre sous la dent... eh bien, vous feriez bien de déguerpir, Ahaha ! » Ajouta-t-il en se tournant vers Yoichi.

Comme vous l'aviez constaté, la plupart des soldats de la troupe de Seira étaient très différents des quelques gradés qui gravitaient autour de la vassale. Et bien qu'ils vinssent tous de milieux variés, ils semblaient avoir trouvé leur place ici.

Finalement, la présence d'Izanami se fit sentir dès lorsqu'elle interrogea l'un des soldats. Quelques regards convergèrent vers elle, donnant l'impression qu'elle attirait l'attention de certains hommes. Il fallait dire qu’elle avait de quoi faire tourner quelques têtes, à défaut de posséder ses lames pour en faire tomber quelques-unes…

« Tu ne sais vraiment pas qui est cet homme ? Katsuo est un criminel pas comme les autres. Certains l'appellent le « rat de Tetsu », bien que je te l'accorde, il ressemble plus à un porc qu'à un rat... Quoi qu'il en soit, tout cela pour te dire que cet homme est un bel enfoiré. Il a trompé de nombreuses personnes pour leur dérober leurs maigres biens. Il a feint à maintes reprises d'être victime pour mieux poignarder dans le dos. Il est capable de s’infliger les pires humiliations et tortures pour arriver à ses fins… De nombreux marchands, voyageurs, citoyens et même certains soldats se sont plaints de lui auprès de la capitale. Je ne sais pas comment il réussit toujours à s'en sortir. Alors tu ne peux pas imaginer notre joie quand nous l'avons croisé en train de se pavaner dans la forêt comme une catin attendant d'être accostée, Ahaha ! » Raconta-t-il en riant nerveusement.

Le jeune soldat passa sa main derrière sa tête, ses joues s'empourprant devant la beauté de l'Homurajin. Certains de ses camarades semblaient comprendre pourquoi il s'était lancé dans cette longue tirade, bien qu'il ne fût généralement pas le plus bavard.

Cela suscita d'autres rires.

« Deux katanas, c'est ça ? Et d'autres objets que je n'ai pas pu examiner de près. Tout ce qu'il avait sur lui se trouve maintenant en possession de Seira-sama. Elle vous les restituera sûrement en temps voulu, ne vous en faites pas. » Glissa un autre soldat situé sur le flanc gauche d'Izanami.

[…]

Quelques heures plus tard…

La nuit commença à envelopper le pays de fer de son obscurité. Votre voyage avait été long et éprouvant, obligeant Seira à ordonner la mise en place d'un campement à la sortie de la forêt. C'était là que vous alliez passer la nuit avant de reprendre votre route.

La fière Fujiwara semblait avoir un perdu de son éclat, sans doute frustrée que votre périple se soit déroulé sans le moindre danger jusqu'à présent.

Adossée à un arbre près du feu de camp, elle laissa les soldats s'occuper de monter les tentes tandis qu'elle vous accueillait pour entendre votre réponse. Cependant, avant que vous n’articuliez le moindre mot, l'un des soldats arriva en courant, manquant de peu de vous renverser.

« Seira-sama ! Seira-sama ! Le faucon est arrivé ! » Hurla-t-il, visiblement essoufflé.

Il lui tendit un minuscule parchemin. Après avoir effectué un mudra, l'objet, comportant le sceau de Terutaka, reprit sa taille initiale, et la Fujiwara se mit à lire les instructions. À la fin de sa lecture, son visage s'illumina, un sourire carnassier se dessinant sur ses lèvres.

Elle prit un moment pour vous observer, gardant toujours ce sourire sur son visage. Puis, elle balaya la zone du regard, cherchant à capter l'attention de la plupart des soldats. Une idée germa dans son esprit, de quoi animer la soirée.

« Eh bien, je vais vous faciliter la tâche les jeunes. Pour laver votre honneur, j'autorise l'un d'entre vous à affronter Katsuo dans un duel singulier. Si votre combattant l'emporte, vous serez libres de faire ce que vous voulez de lui. Je vous restituerai également tous vos biens et j'exaucerai l'un de vos vœux, pourvu qu'il rentre dans le champ de mes compétences. Si votre combattant échoue, il devra se faire hara-kiri pour partir dignement. Qu'en dites-vous ? » Conclut-elle, un sourire malicieux aux lèvres.

Quoi de mieux qu’un duel autour du feu pour galvaniser les troupes avant le rendez-vous de l’aube ?

Spoiler:

Lorsqu’on lui remit le sac sur le visage, il avança un pied devant l’autre dans les bruits d’une foule animée et cacophonique, péniblement pour avoir reçu un coup plus tôt au visage — il sentait le goût du sang dans la joue, il devinait que quelque chose était sur le point de se produire, pour le meilleur ou pour le pire, son destin était scellé. Tel le repentant marchant jusqu’à la guillotine, il traînait des jambes, les mains menottées et le menton baissé, il comptait ses pas et méditait sur un moyen de s’extraire de cette situation critique. Naturellement, il comprit qu’il n’était qu’une question de temps avant qu’on ne le cloue au piloris ou qu’on ne lui inflige une punition corporelle afin de donner l’exemple au reste de l’armée, car il n’était pas sans savoir qu’il n’était qu’un soldat sans influence, qui plus est, un soldat qui s’était impliqué dans une guerre intestine avec une compagnie militaire qui avait à coeur de discipliner ses fantassins de la manière la plus violente qui fût. Le reflet d’une philosophie propre au Tigre de Jade, l’impétuosité mêlée à une rigueur spartiate, il avait fallu qu’il croise la route de ceux qu’il assimilait à une bande de bêtes sauvages. Il allait découvrir à ses dépends qu’il était dangereux de jouer avec les fauves.

Ces derniers vociféraient des paroles inintelligibles jusqu’à faire vibrer ses tympans, quand finalement, on l’arrêta dans sa marche funèbre, avant de lui découvrir la tête sans crier gare. Tout était flou au départ, mais tout se détaillait progressivement. Ses yeux peinèrent à s’ouvrir lorsque la lumière descendit sur ses paupières closes. Appréhensif, son regard balaya son environnement, révélant à lui une multitude de soldats formant un cercle, tels des spectateurs devant une animation de rue, à la différence que l’attraction ici, c’était le groupe de prisonniers rassemblés. En se comptant lui-même, Yoichi put dénombrer quatre personnes de son groupe. En face, quatre autres soldats qu’il reconnaissait car il s’agissait de guerriers de la Griffe ayant participé à la rixe plus tôt. Cet arrangement étrangement symétrique avait certainement une finalité. Alors qu’à l’autre bout de cette arène virtuelle, installée sur une sorte de trône élevée par une estrade en bois installée visiblement pour l’occasion, elle était sise aux meilleures loges et prête à se délecter du déchaînement de testostérone qui allait suivre. Et quel meilleur prétexte pour lui offrir ce divertissement qu’un groupe de mutins incapables de contenir leurs pulsions, purgeant leur peine en s’attaquant les uns les autres dans les règles de l’art?

Les chances de victoire semblaient égales des deux côtés, à la différence que le jeune barde n’était guère versé dans l’art du combat comme ses pairs, et tous ceux qui le connaissaient n’avaient aucune intention de compter sur lui pour l’emporter dans une épreuve de force physique. Toujours à la traîne dans les entraînements physiques, ses performances relevaient du médiocre. Ses coéquipiers ne le voyant que comme un fardeau en de telles circonstances, ils l’exclurent de leur stratagème et se préparèrent à combattre en infériorité numérique, tout en laissant le quatrième sur le banc de touche.

...

Des souvenirs longtemps refoulés resurgirent dans l’esprit de l’ex-soldat du Fer quand il écouta la vassale de sa Seigneurie annoncer les réjouissances de la soirée. Elle proposa tout simplement un combat qui allait les opposer à leur prisonnier, leur donnant l’opportunité unique d’en obtenir la responsabilité s’ils venaient à l’emporter. Bien que cela représentait l’occasion inespérée pour le duo d’infliger une correction à celui qui les avait trahi plus tôt, Yoichi avait encore des doutes sur la finalité derrière cette proposition de la part de la générale. Était-ce la missive portée par le faucon qui l’avait influencé sur cette soudaine décision? Que celle-ci tienne parole ou pas — rien n’était moins sûr, ils n’avaient en réalité jamais eu l’occasion d’être témoins des capacités de Katsuo, aussi appelé le Rat de Tetsu, pour peu que celui-ci avait des “capacités” pour combattre ou s’il avait juste réussi à survivre grâce à une chance extraordinaire. L’enjeu était surtout de taille pour celui qui échouait — tout portait à croire à une victoire certaine face à un homme incapable de voir le bout de ses propres orteils ou à courir quelques mètres sans s’époumoner, puisque le perdant devait procéder au suicide rituel. Une tradition samouraï, déclinée de leur code d’honneur et auquel Izanami ne devait pas être étrangère du fait de son appartenance au clan Fujiwara.

— Qui serais-je pour te priver de cette satisfaction? Lança-t-il avec un sourire complice à la bretteuse sans s’embarrasser de précautions, il ne voyait guère d’autre choix qu’elle pour prendre sa revanche sur celui qui l’avait détroussé.

Lucide, l’homme qui aimait tirer les fils depuis les coulisses connaissant ses limites, il préféra laisser l’honneur de ce duel à sa coéquipière, bien que celle-ci n’était armée que d’un bâton. Il devinait que ce dernier en dépit de sa rusticité suffirait amplement à neutraliser un adversaire aussi ventripotent que le cousin lointain des Akimichi. Constatant la ferveur populaire et leur rancœur partagée à l’égard du malfrat, il eut été dommage de ne pas profiter de ce mouvement général pour les manipuler dans le sens qu’il le souhaitait. Faisant tourner l’éventail dans sa main, il frappa sa paume avec celle-ci, d’un air satisfait, annonçant à voix haute l’ouverture des paris:

— Combien de coups avant que Katsuo déclare forfait? Faites vos jeux messieurs!

Spoiler:

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Ainsi, c'était Izanami qui allait affronter Katsuo au milieu de l'arène improvisée. La tension dans l'air était palpable, et les soldats formaient un immense cercle autour du feu, excités à l’idée de tuer leur ennui avec ce duel qui s’annonçait divertissant.

Sur ordre de Seira, des hommes déroulèrent des parchemins pour distribuer des rations de vivres, marquant ainsi l'événement. Les portions de viandes séchées furent distribuées à tous, et trois tonneaux de saké furent placés stratégiquement pour que tous les spectateurs puissent en profiter.

Pendant que la foule s'excitait en voyant Izanami se placer au centre de l'arène, deux hommes conduisirent Katsuo jusqu'à la vassale. Il semblait implorer Seira du regard, tentant de négocier sa libération.

« ... Seira-sama ! Ayez pitié, je vous en supplie ! Vous savez que je suis un piètre combattant. Laissez-moi vous servir, vous savez que je peux vous être utile par d'autres moyens. Je vous l'ai prouvé par le passé, j'espère que... » Commença -t-il avant d'être interrompu par un geste de la main.

Seira ne semblait pas disposée à la clémence.

« Et si pour une fois tu arrêtais de faire ta mauviette, Katsuo ?! Sache que je ne te dois absolument rien ! Et tu ne peux que t'en prendre à toi-même de t'être fait banni de la tribu et d’être devenu… ce que tu es… » Fit-elle d'un regard méprisant.

Elle se laissa un instant pour atténuer sa colère, puis proposa un accord à Katsuo.

« Techniquement tu es un homme mort. Tout le monde veut ta peau à Tetsu : la tribu, les civils et même l'armée. Alors voilà ce que je te propose, fait appel à l'autre toi que tu caches à tout le monde et bats-toi comme un homme.

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Si tu gagnes, je te rendrai ta liberté, tu as ma parole. Tu pourras aller où tu veux sans que mon unité ne s'en prenne à toi. Si tu perds, tu devras subir le sort que cette gamine te réserve. Même si je présume que ce sera surement toujours plus doux que le sort que nous réservons aux gens de ton espèce... »

Deux soldats apportèrent des tenues plus confortables pour Katsuo, ainsi qu'une cotte de maille, une lance et de la nourriture.

« Allez enfile tout ça, puis mange et bois autant que tu veux. Si tu trépasses, je ne veux pas entendre d'excuses ! » Ajouta Seira en le dévisageant d’un regard sévère.

Les Katana d'Izanami furent également apportés, l'un près de Seira et l'autre près d'Izanami.

« C'est pareil pour toi, je ne veux aucune excuse si tu venais à perdre ! » Conclut-elle, désormais prête à assister au duel.

Katsuo suivit les consignes de la guerrière puis alla retrouver Izanami au centre du cercle. Il semblait avoir des regrets et tenta de s'excuser auprès d'Izanami.

« ... Je... Je suis désolé Izanami-chan. Est-ce que tu crois pouvoir me pardonner ? Si je dois périr, je voudrais au moins partir en sachant que tu me pardonnes... » Dit-il, en levant légèrement la tête vers la samouraï.

Pendant ce temps, Yoichi avait réussi à animer la foule avec les paris. D'aucuns semblaient apprécier son état d'esprit, voyant même en lui un potentiel futur membre de cette unité.
Finalement, les soldats se prononçaient les uns après les autres, ma majorité semblait parier sur Izanami, tandis qu'une infime partie misait sur Katsuo. Plusieurs soldats firent le tour de groupe pour récolter les mises et l'apporter au pied de Yoichi. Autant de pièces d'or entre les mains d'un seul homme...

Spoiler:

La terre grondait au rythme des rugissements frénétiques, la soldatesque survoltée demandait le sacrifice du sang pour expier l’injustice et purger la colère des cieux, dont les hommes n’étaient que les serviteurs et les acteurs, sacrifiés à l’aune d’une tragédie divertissant les dieux jusqu’au dernier acte. La commotion carnavalesque avait de quoi réveiller les morts, s’abreuvant des blessures et des souffrances des martyrs, au nom de l’assouvissement des désirs des concupiscents s’adonnant aux pulsions primitives. Violence meurtrière et impétuosité, le carmin ruisselait sur les moutures d’une estampe détaillant les traits de la condition humaine et de la guerre glorifiée. Le dramaturge ne connaissait que trop bien le besoin d’expiation des hommes se livrant à leur plaisir carnassier. Et les satisfaire, l’artiste le savait. Le grandiose, le dantesque, les spectacles étaient cela similaires à ces scènes de divertissement auxquelles ces bêtes sanguinaires se livraient.

Examinant la situation dans laquelle il se trouvait, il lui suffisait d’un seul regard pour disposer mentalement chaque pièce de l’échiquier dans le plateau virtuel sur lequel il évoluait, les positions de chaque combattant, et leur potentiel respectif. Tacitement, les rôles étaient attribués, et tout le monde convint de dire qu’il n’était guère adapté pour le corps-à-corps, aussi resta-t-il en retrait pour laisser ses compères aller au front. Un ordre de bataille qui s’effectua spontanément, non pas que ses coéquipiers lui faisaient confiance mais ne le respectaient guère assez pour se reposer sur ses capacités physiques, fébrile qu’il était. Se jetant dans la bataille, les deux fronts s’entrechoquèrent. L’infériorité numérique du groupe de Yoichi laissa entrevoir une issue malheureuse, d’autant plus que les adversaires avaient au sein de leur groupe une force de la nature inarrêtable qui perça les lignes à la manière d’un bélier, chargeant tout droit dans la mêlée en direction de celui qu’il identifia comme le maillon faible du groupe. Haut les chœurs, la foule encourageait le favori du groupe qui répondait au nom de Taiki, un gorille de presque trois mètres de haut. Un des soldats les plus athlétiques et prometteurs de son régiment. Le choc fut d’une violence inouïe, envoyant le rouquin valser plusieurs mètres plus loin. Son dos retomba lourdement sur le sol poussiéreux, laissant une longue empreinte derrière lui, et le goût du sang teinta ses lèvres flétries par les sévices qu’il venait de subir.

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Taiki
Soldat de la Griffe

— TAIKI! TAIKI! TAIKI!

Le primate géant se frappa énergiquement la poitrine de ses poings, recevant le bain de foule en tournant le dos à son adversaire terrassé. Toute l’audience s’exclama à l’unisson, célébrant la première victime du pugilat. Ou du moins c’est ce qu’ils pensèrent. Ils se turent subitement quand ils réalisèrent qu’ils s’étaient réjouis trop précipitamment, puisque quelques instants plus tard, l’artiste-soldat venait de gesticuler. Péniblement, il se releva en crachant un filet rouge sur le côté. Sa résilience avait eu l’effet d’à la fois décevoir et impressionner ses détracteurs ébaubis, en même temps que l’équipe dont il faisait partie et qui le considérèrent avec davantage de respect. A ce moment-là, il déclara simplement:  

— Si vous voulez gagner, écoutez-moi… Faites-moi confiance et je vous mènerai jusqu’à la victoire. Un regain d'assurance inattendu de la part de quelqu’un qui venait de mordre la poussière.

Comment réagirait son équipe en difficulté? Et comment allait-il faire pour renverser la vapeur? C’était le moment de vérité.

...

En parallèle de ces réminiscences lointaines qui conféraient un air de déjà-vu à cet affrontement pour le moins inégal sur le papier, Yoichi donnait de la voix pour galvaniser les masses et d’alimenter l’engouement des spectateurs autour de cet événement sportif opposant la duelliste à l’épée et le ventripotent personnage fourbe et lâche qu’il était. Il ne connaissait que trop bien les joies des bagarres au sein des casernes que ce fût pour passer le temps ou pour régler les différends entre les hommes, il était hors de question de manquer l’occasion de relâcher les tensions à l’aube d’une bataille importante. Car si la Vassale du Tigre tenait à ce point à organiser cette confrontation qui mettait en jeu la libération d’un captif aussi important que le Rat de Tetsu, c’était qu’elle y trouvait un intérêt qui dépassait le dénouement du combat en lui-même. En prêtant une oreille attentive aux mots qu’elle avait glissé à l’attention d’un des hommes les plus indésirables du pays, on pouvait entendre qu’elle suggérait à celui-ci de révéler “ce qu’il cachait à tout le monde”. Une figure de style de la part de la tigresse ? Le littéraire doutait que cette dernière en fut capable et s’en tint à sa théorie première qu’elle faisait allusion à un pouvoir qu’il ne leur aurait pas encore été révélé? Pour autant, ce n’était pas lui qui allait apprendre à sa coéquipière à rester sur ses gardes ou à lui enseigner les arcanes martiales, il lui faisait entièrement confiance même s’il continuait à observer l’évolution de la situation de son point de vue extérieur.

Les mises grimpèrent à un rythme effréné, culminant à trois millions de ryôs. Jamais le paysan n’avait-il cumulé autant d’argent entre ses mains, et la tentation de se dérober avec une telle somme lui avait certes traversé l’esprit, mais il se rendit à l’évidence qu’il lui était impossible de mettre son plan à exécution dans la mesure où il n’était ni un voleur ni capable de se garantir de s’échapper sain et sauf au milieu de cette centaine d’individus armés jusqu’aux dents. Contenant ses ardeurs, le croupier put se rendre compte qu’Izanami était largement favorite dans ce duel, faisant grimper la cote de Katsuo jusqu’à des hauteurs vertigineuses. La décision fut de taille pour Yoichi qui décida simplement … de ne pas mettre en jeu son argent, prudent qu’il était, il appréciait trop sa valeur pour tout risquer sur un événement aussi trivial. Il avait beau apprécier le tumulte des représentations et des divertissements, il était aussi à bien des égards, un instigateur du chaos. Et quoi de mieux que le chaos pour détourner les regards tandis qu'il observait son environnement, détaillant l'équipement des soldats, puis quittant son poste pour aller vérifier s'il retrouvait les mêmes traces qu'auparavant qu'ils eurent du mal à identifier, il souhaitait approfondir l'analyse, retrouver les bois découpés et les empreintes géantes dans la neige pour peu que celles-ci ne fussent pas effacées.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Fujiwara K. Seira Vassale de Fujiwara Terutaka

« Peu m'importent les largesses divines, jeune samouraï. Il n'y a qu'une seule chose qui compte pour moi et qui ne dépend que de moi : survivre ! Si pour cela tu dois périr, alors tu périras ! »

L'homme s’était subitement métamorphosé.

Son attitude et son état d’esprit avait changé, au point que les soldats cessèrent un instant leur festivité. Personne ne comprenait, alors les esprits les plus simples semblaient attribuer cette transformation à un soudain élan de courage suscité par l'instinct de survie.

Pourtant, comme Seira l'avait en quelque sorte prédit, Izanami observa un changement notable chez Katsuo. Il semblait plus confiant, plus déterminé, comme s'il était possédé par une tout autre entité. C'était un détail intrigant, bien que cela ne changeât probablement rien à la situation.

Seira, allongée sur un côté, observait attentivement la scène, affichant un amusement non dissimulé. Elle ne prêta aucune attention à Yoichi, qu'elle avait senti s'éloigner du groupe.

Katsuo fit soudainement un léger pas vers l’arrière, puis vint d’un geste vif percuter le bout du kunaï d'Izanami avec une certaine agilité, provoquant une explosion spectaculaire qui stupéfia les soldats.

Le nouveau Katsuo qui émergea montra qu'il n'était pas à sous-estimer. L'estime d'Izanami augmenta néamoins auprès des soldats, qui ne voyaient pas comment une samouraï maîtrisant en plus le Fuinjutsu pourrait perdre contre ce renégat. Seule Seira semblait envisager que le duel ne fût pas joué d’avance. Les capacités du rat, qui avait certes plus l'apparence d'un porc ou disons une vache, lui étaient familières, et elle sentait également qu'Izanami était une adversaire redoutable.

Alors que l'explosion se dissipait dans le ciel, laissant place à un nuage de fumée au-dessus de la zone, Katsuo resta vigilant, prêt à contrer la prochaine offensive d'Izanami. La samouraï fut néanmoins d'une rapidité déconcertante, contraignant son adversaire à bondir rapidement en arrière avant de rouler pour prendre de la distance, échappant de justesse à l’attaque de la samouraï. Il se redressait sous les rires de l’assemblée.

« Tu es rapide. Tu m'exaspères. » Glissa-t-il, visiblement exaspéré.

Il réalisait que le moindre coup pouvait lui être fatale. Après réflexion, il fit soudainement grossir son bras gauche, lui donnant une taille imposante, puis il sollicita ses réserves de graisse pour enfler son poing, le rendant encore plus menaçant. Il enchaîna alors dans un excès de colère, lançant une attaque visant à littéralement à écrabouiller Izanami. L'impact de son poing projeta la neige et des débris sur ceux qui étaient trop proches de la zone de combat.

« Trente ans que j’ai appris à survivre dans la pauvreté et la misère. Ce n'est pas aujourd'hui que je trépasserai, samouraï ! »

Si elle voulait le vaincre, Izanami allait devoir mettre le paquet et prendre certainement un peu de risque…

...

Un peu plus loin, Yoichi ressentait l'intensité du combat sans comprendre pourquoi il durait aussi longtemps, compte tenu de ce qu'il savait de Katsuo. Cependant, une étrange mélodie l'envoûtait. Étonnamment, ce son parvenait à ses oreilles malgré la distance et le bruit des combats. Il semblait presque contraint de suivre cette mélodie.

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HIGAN KAYŌ

彼岸花妖 amaryllis malveillant

Le Higan Kayо̄ est un yokai-lycoris drapé d’un kimono et muni d’un shamisen qui se teinte de carmin lorsqu'on critique sa musique. Lorsque la fleur s’est totalement empourprée après trop de reproches, l'offenseur tombe raide mort, complètement asséché et vidé de son sang. Ce yokai attire ses proies grâce au son de son instrument qu’aucun autre ne peut entendre hormis celui qu’il a choisi. Le seul moyen de le chasser est de le féliciter et de désigner pour lui une nouvelle âme à tourmenter.
On raconte qu’il s’agissait autrefois d’un musicien n’ayant pas réussi à trouver la paix dans son art, et qui hante tout particulièrement le Pays du Fer.

Arrivant devant l'entrée de la jungle, s'il prêtait suffisamment attention, il pouvait apercevoir une étrange créature dissimulée derrière un arbre. La créature était une légende Tetsujin, et peu de ceux qui l'avaient rencontrée étaient encore en vie pour en parler. Elle était vêtue dans un kimono pourpre avec une fleur, l'amaryllis, comme tête, et elle tenait un shamisen qu'elle jouait avec dextérité.

La créature semblait avoir choisi Yoichi comme cible, jouant sans cesse sa mélodie et attendant une réaction, qu’elle fût des critiques ou des louanges.

Pendant que Yoichi était absorbé par la musique et le yokaï impatient d'avoir un retour, l'un des soldats de Seira se rapprochait d’eux, avec visiblement une envie pressante à soulager…

Spoiler:

Du sommet de sa musculature colossale, le pugiliste le toisait du regard en menaçant de l’écraser une fois pour toutes s’il osait engager une nouvelle passe d’armes avec lui. Malgré les éraflures sur son visage et ses avant-bras, le musicien se releva, un filet rouge au coin de la bouche alors qu’il reprenait peu à peu son souffle, considérant la situation dans toute sa nébulosité. Car conscient du désavantage numérique dans lequel il se trouvait, il comprenait qu’il n’avait pas le droit à l’erreur s’il souhaitait mettre en déroute l’équipe adverse qui, contrairement à la sienne, n’avait pas encore essuyé de blessures. Portant ses yeux vers son camarade tombé au sol, inconscient suite à la charge du mastodonte, Yoichi réanima l’esprit guerrier de ses camarades avant que ceux-ci ne se laissent dominer par la désespérance et le défaitisme. Contre toute attente, ses paroles aussi osées et surprenantes fussent-elles de la part d’un homme qui venait de se faire mettre à terre avaient réveillé une volonté revancharde, une foi qui dépassait l’étude des probabilités. Le pragmatisme n’avait guère sa place dans l’esprit des hommes dont la force trouvait ses origines dans leurs convictions les plus profondes. Pour autant, creux était le proverbe de celui qui ne savait transformer ses mots en impulsion, c’est pourquoi celui qui s’improvisait chef d’équipe se mit à concentrer ses ressources mentales pour élaborer un plan qui les mènerait vers la victoire. Les idées valsaient dans les recoins de son esprit débordant d’imagination féconde, il finit par opiner de la tête, levant ses doigts en avant comme pour commencer à jouer le chef d’orchestre.

Son équipe était composée de deux autres hommes de stature moyenne, mais encore en bonne santé, il se mit à les disposer sur le terrain telles des pièces sur un plateau. Il les fit reculer afin de séparer les forces adverses et s’offrir l’opportunité de les éliminer un par un. C’était le plan. Il contrôla l’un des soldats plutôt costaud qui réussit à l’emporter dans son duel au corps-à-corps avec un adversaire grâce à une habile contre-attaque — une esquive suivie d’une projection envoyant sa cible voltiger dans le décor, puisant dans ses capacités athlétiques et la ruse du marionnettiste. C’était comme s’il incarnait lui-même ces personnages, leur insufflant une nouvelle vie, avec leur personnalité et leur histoire, à la différence qu’il ne s’agissait guère d’une fiction mais de la réalité. Par la grâce de son pouvoir de contrôle, il faisait de ces soldats de véritables guerriers. Ce fut au tour du second soldat d’entrer en jeu, plutôt agile mais d’une force laissant à désirer, effectua une grande foulée tout autour du groupe d’adversaires, créa un angle mort en faisant mine de préparer une attaque depuis le flanc, afin de détourner leur attention, laissant le temps au premier soldat de se rapprocher et infliger une attaque décisive. L’enchaînement des assauts suivait une chorégraphie qu’on aurait tout droit sortie d’une représentation, menée d’une main de maître dans les coulisses. De fil en aiguille, le groupe ennemi se réduisit jusqu’à peau de chagrin, au point qu’il ne restait finalement plus que le plus redoutable d’entre tous, Takai.

Ce dernier, agacé par le retournement de situation, gonfla son torse et se frappa des poings pour se donner du courage et exprimer sa confiance sauvage en ses capacités physiques d’une classe supérieure. Quoiqu’il sous-estimait encore l’intelligence, et la reléguait à un instrument employé par les faibles. Monopolisant l’attention du seul ennemi debout, il en profitait pour faire appel à ses deux pions qui se lancèrent sur le musculeux — ou du moins ils essayèrent, l’un le saisissant au cou, alors que l’autre l’attrapa aux jambes pour le faire tomber. Une vaine tentative puisque la brutasse parvint à se libérer de toute subjugation, attrapant l’un par la gorge et donnant un coup de genou dans l’estomac de l’autre. Ses tactiques n’avaient aucune emprise sur la réalité implacable qu’était la force du soldat d’élite de la Griffe. Même si ce dernier n’avait pas compris tout ce qu’il s’était passé plus tôt pour que sa propre équipe soit entièrement décimée, quel tour de prestidigitation les avait frappé, il se doutait intuitivement que le responsable de tout cela n’était autre que celui qui se tenait encore devant lui et qui n’était qu’à quelques doigts de succomber à ses blessures. Un cloporte qu’il lui suffisait maintenant d’écraser.

…

L’apparition épiphanique de l’entité démoniaque, princesse des lycoris enchantées, jouant l’élégie en pianotant ses doigts sur les trois cordes de son shamisen, prit le vaillant troubadour par surprise en ce qu’il constatait qu’il s’agissait d’un yokai natif de la région, qu’on pouvait rencontrer à l’occasion des visites sur les terres enneigées. Il avait reconnu la musique, et la suivait de manière inconsciente, le flux des sonorités résonnait de manière familière sans qu’il se sente pour autant en danger. Un faux sentiment de confort, il souhaitait y demeurer pour toujours. Il n’en était pas à sa première rencontre avec la créature sans-visage qui lui jouait à titre personnel les mélodies éthérées que seul son oreille savait percevoir, tandis qu’insouciant de la scène qui se déroulait devant ses yeux, un soldat de la griffe se soulageait au pied d’un arbre innocent. Il tendit l’oreille, et accueillait les complaintes du yokai-lycoris exprimant une profonde tristesse, comme si elle recherchait une sorte de reconnaissance de sa part, tirant sur le pathos pour faire vibrer les fibres de son humanité. Qui était-il pour refuser la faveur d’un compliment à une créature sensible et aussi esseulée? Comment ne pouvait-on pas attribuer des émotions ou de l’intelligence à des êtres capables d’exprimer une telle affectation?

— Ton chant me rappelle les malheurs du peuple et la morosité de leurs visages déclinant à l’horizon. Oui, tu as raison, il ne faut pas s’arrêter au voile de misère qui nous touche mais donner de l’espoir à nos jeunes pousses, porter la flamme qui animera le cœur pour l'éternité. Cet homme là-bas ne comprendras pas la beauté complexe de ta musique, mais peut-être que la femme allongée plus loin, Fujiwara K. Seira, saura se montrer digne de ta superbe?  Il était curieux d’utiliser la créature comme un moyen d’attirer la femme hors du campement, et peut-être s’offrir un échange en privé et obtenir quelques réponses qu’elle n’oserait pas donner devant ses hommes.

En même temps, quelque chose frappa l’esprit du rhapsode, quand il réalisa que si le démon lycoris était venu jusqu’à lui, c’était que quelqu’un l’avait désigné directement comme cible, quelqu’un qui le connaissait personnellement ou l’avait croisé récemment?

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Si le véritable Katsuo, couard, était admiratif devant la philosophie des samouraïs, il n'en était rien pour celui qui se tenait en face d'Izanami. Cette facette de sa personnalité avait été façonnée par le rejet, la misère et la pauvreté. Seule une chose comptait pour lui : la survie, et ce peu importait les moyens…

« Viens donc embrasser la mort si tu la recherches tant, fillette ! » Finit-il par rétorquer, laissant la taille de son bras se décupler, menaçant d’écraser Izanami à l’aide son poing géant.

Katsuo était surpris de voir que la samouraï ne cherchait même pas à esquiver l'attaque qui pourrait la blesser gravement. Il ne comprenait pas pourquoi elle risquait autant alors qu'une simple esquive aurait sans doute suffi.

La surprise de Katsuo se transforma rapidement en douleur lorsque la pointe du katana d'Izanami vint amortir le coup en se logeant sur son poignet. L'audace de la samouraï le laissait sans voix, il ne comprenait toujours pas comment quelqu'un pouvait prendre de tels risques lorsqu’il existait des moyens plus simples pour se défendre.

Le géant laissa toute même la force de son poing s'étendre et écraser légèrement la tête et le bras droit de la samouraï. C’était suffisant pour que son bras fût neutralisé pour la suite du combat, tandis que les séquelles à la tête se feraient ressentir bientôt.

Katsuo réalisait toutefois trop tard ce que tramait l'intrépide Homurajin. La lame du katana d'Izanami augmenta en effet soudainement de taille en se prolongeant, tandis qu’elle elle enclencha subitement une frappe verticale du haut vers le bas, tranchant littéralement le bras du géant à travers sa cotte de mailles censée le protéger.

« Ahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh ! »

Un cri de douleur intense déchira le ciel, tandis que le sang de la victime venait souiller la neige immaculée.  

Katsuo se retrouva à genoux, son regard obnubilé par l'horreur qu'il venait de subir. Sa véritable personnalité semblait alors reprendre le dessus…

« J'... J'abandonne... Seira-sama, ayez pitié, j'abandonne. »

Seira observait attentivement la scène, le visage impassible.
Les soldats autour reprirent leur ferveur, se moquant du grassouillet.

Pendant ce temps, Yoichi faisait face au Higan Kayо̄. Le Yokaï se dissimulait en partie derrière un arbre, agitant les pétales qui formaient sa tête. Les pétales semblaient se tourner vers le marionnettiste et l'observer alors qu'il lançait des louanges à l’égard du yokaï. La petite créature tournoyait sur elle-même, jouant toujours de sa musique avec enthousiasme, exprimant d’une certaine façon sa joie à travers ses pétales.

Un soldat ivre s'approcha de la scène, ignorant ce qu'il voyait en mettant sur l'effet de l'alcool. Pendant qu’il se soulageait, le yokai-lycoris suivit les instructions de Yoichi, dirigeant ainsi sa musique vers Seira, la prenant pour cible. Cependant, il ne suffit que d’une inspiration, et elle semblait comme immunisée contre son influence, érigeant une barrière psychique pour se protéger des invasions extérieures.

Comprenant que son pouvoir était inopérant contre elle, le yokai-lycoris tourna son attention vers Yoichi, désireux de se venger de ce qu’il considérait comme une supercherie.

« Oy, mais tu parles avec une fleur ou je rêve ? » S'exclama soudainement le soldat en écrasant la petite créature sans comprendre ce qu'il se passait.

Il venait de sauver le marionnettiste sans le savoir. Il déposa sa main sur son épaule et l'incita à retourner rejoindre les autres.

…

« Suite à l'abandon de Katsuo, la victoire revint donc à Izanami ! » Déclara Seira en allant rejoindre les deux combattants au centre de l'arène improvisée. « Je ne peux t'accorder ce que tu souhaites. Tu connaissais les règles. Ton sort est désormais entre les mains de cette jeune fille. » Ajouta-t-elle en s'adressant à Katsuo.

Ce dernier commença à ramper jusqu'à se retrouver à ses pieds, implorant sa clémence. La vassale soupira, puis écrasa son bras encore valide sous sa botte.

« Ton sort est entre ses mains. Qu'est-ce que tu ne comprends pas ?! » Ajouta-t-elle avant de le jeter aux pieds d'Izanami. « Peu importe ce que tu veux faire de lui, fais-le vite, que l'on passe à autre chose. » Conclut-elle, visiblement agacée par l'abandon du criminel.

Peu importait le sort qu'Izanami lui réservait, Seira s'en souviendrait...

Spoiler:

Le seul vrai combat de l’homme était celui qui l’opposait à sa propre lâcheté. Tandis que son corps accusait encore le coup de sa dernière blessure, il visualisait dans son esprit les moults ouvertures dans la garde de son adversaire, approchant pas à pas, comme autant de tintements sonnant le glas. Autour de lui, les clameurs avaient périclité pour laisser place à la sclérose du frimas environnant, les bruits sourds qui auraient intimidé les âmes timorées — pire encore les auraient réduit à la léthargie, avaient à l’inverse réussi à électrifier l’ensemble du corps du volubile soldat de Tetsu. Si ses versets n’avaient guère le pouvoir de heurter le golem de chair que nul ne pouvait égaler en termes de force virile, il devait employer des tactiques industrieuses, alliant placidité et pragmatisme, clairvoyance et volatilité. Car si la domination physique du pugiliste était manifeste, il n’en demeurait pas moins qu’il présentait aussi des lacunes sans lesquelles Yoichi ne pouvait espérer mettre en déroute un adversaire d’une férocité primitive, une force de la nature indomptable et incoercible. Sa carrure pachydermique projetait une ombre menaçante sur la silhouette chétive du dernier survivant lorgnant les détails physiologiques du gargantuesque membre de la soldatesque tetsujine qui avait imposé son hégémonie sur le reste de la cohorte, trouvant pour la première fois un véritable rival en la personne de l’esthète à la langue d’airain.

Sa rhétorique quant à elle n’avait guère d’utilité pour ce qui allait suivre, car le domaine des mots ne pouvait atteindre cette réalité implacable qui le rendait physiquement incapable de repousser une offensive directe de la part d’un combattant de cette trempe. Ainsi il élabora dans sa tête plusieurs scénarios basées sur les connaissances cumulées pendant le combat, une luxuriance d’idées lui vinrent à l’esprit, certaines aboutissant à des résultats peu concluants, d’autres en revanche lui offrirent une tournure… à peine encourageants. Autant dire que que ses espoirs déclinaient à mesure qu’il évaluait ses chances de vaincre dans une pareille situation que rien n’aurait pu l’aider à anticiper. Il était probablement déraisonnable de s’attendre à ce qu’il réussisse à tourner l’affrontement à son avantage, quand ses coéquipiers mieux constitués que lui se firent balayer d’un revers de la main. Alors il cogita encore, laissant les secondes s’égrener et la distance qui le séparait de sa némésis se raccourcir. Une goutte de sueur s’écoulant sur la tempe de l’éphèbe, il détailla une dernière fois le bras du guerrier qui s’élevait dans les airs avant de redescendre comme la foudre vers son visage de porcelaine.

Toutefois, les phalanges passèrent à travers Yoichi, sa silhouette se dissipant telle une brume qui se dispersait. Désorientée, la brute tenta de comprendre ce qu’il venait de se passer et à peine se retourna-t-il qu’une rafale de poussière se leva tout autour, formant un rideau dont l’opacité empêcha à sa cible de déchiffrer la suite des événements. A ce moment précis, les contours d’une créature volatile fit son apparition, son envergure avait de quoi épouvanter l’ensemble de l’arène. Pour cause, il s’agissait d’un immense pantin de bois reproduisant la forme d’un oiseau, poussant un cri strident qui fit saisit les moins avertis, les plongeant dans une sorte d’inquiétude frissonnante, se questionnant sur les fonctionnalités du mannequin de bois articulé. On pouvait lire dans les yeux Takai de nombreuses émotions, dont la terreur de voir sa vie ôtée par la figure spectrale qui venait d’émerger. Un assaut psychologique. Paniqué par ce jeu d’ombre chinoise, le pourtant si courageux guerrier de la griffe se rua dans la foule afin d’échapper aux serres de la créature. Il avait perdu son sang-froid, et son inexpérience lui empêchait de tenir sa position, et au lieu de cela, il prit ses jambes à son cou, définitivement. Cela scella la victoire à la Pyrrhus du tacticien, dernier debout dans cette épreuve visant à divertir les troupes distraites plutôt que de remédier aux tensions.

...

— Déjà terminé? De retour au campement, il n’avait aucun doute sur la victoire de son coéquipier, en dépit des handicaps qu’elle dût subir et surmonter.

Flanqué du soldat qu’il rencontra sur son chemin et qui lui sauva accidentellement la mise, Yoichi revint sur les lieux du combat qui s’était conclu sur un carnage colorant la neige d’une teinte pourprée, ou plutôt une opération chirurgicale opérée par les mains expertes de la Fujiwara argentée. Il avisa le corps sanguinolent du charlatan implorant la miséricorde alors qu’il n’avait pas su montrer de reconnaissance au contraire, il avait trahi leur confiance pour l’éternité. Quelle importance qu’il succombe à ses blessures? Un châtiment qui trahissait une certaine véhémence de la part de la samouraï, laquelle le méprisait à juste titre, ainsi le dramaturge observa la scène, sans s’interposer à ce qui était en train de se produire. Il eût été dommage de devenir un dommage collatéral de la lame excitée de la spadassine survoltée, souillant le sol blanc du carmin de sa victime. Au fond, il méritait son sort, pour avoir trahi la confiance des deux bienfaiteurs. Contraint par l'indigence certes, mais il était maître de ses actions, et Yoichi lança un applaudissement, encourageant le reste de la foule à suivre, après quoi il demanda à Seira quelle était la teneur de ses plans.

— J'ai une proposition pour vous: laissez-nous vous rejoindre dans la bataille à venir, et en échange de nos services, vous nous organiserez une audience avec le Conseil des Kan'Rei.

Spoiler:

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Nezumi Katsuo Mort

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Fujiwara K. Seira Vassale de Fujiwara Terutaka

Gisant dans son propre sang, Katsuo tentait tant bien que mal de chercher de l'aide. Il réalisait que cette fois-ci, il ne pourrait pas s'en sortir seul. Ses ruses habituelles ne suffiraient pas. Tétanisé par la peur de mourir, il redoutait d'Izanami, visiblement déterminée à laver l'affront dont elle avait été victime, tout en cherchant un éventuel sauveur parmi les spectateurs.

Seulement, le rat de Tetsu ne trouvait que des regards moqueurs et des rires ivres parmi les soldats d'un côté, et le visage impassible, voire froid, de Seira de l'autre. Souffrant de surcroit de la perte de son bras, Katsuo se trouvait enveloppé d'un désespoir qu'il n'avait pas ressenti depuis fort longtemps.

Finalement, lorsque ses yeux se posèrent à nouveau sur Izanami, la lame renforcée de chakra de la samouraï le transperça avec une violence inouïe. Rapidement, la lame vint pourfendre son cœur, marquant ainsi la fin de toutes ses souffrances.

Un silence pesant s'abattit sur l'assemblée alors que son corps tombait raide dans la neige immaculée qui l'avait vu naître. Le rat de Tetsu n'était plus...

« L'homme qui craint la mort ne saura jamais offrir le moindre spectacle. » Glissa Seira d’un ton sec en réponse à la remarque d'Izanami.

Elle fit quelques pas pour se retrouver entre le cadavre de Katsuo et Izanami. C'est à ce moment que la voix de Yoichi l'interpella, attirant ainsi son attention. Le marionnettiste lui fit une proposition pour le moins audacieuse.

Seira le dévisagea un instant, comme si elle cherchait de nouveau à confirmer quelque chose. À mesure qu'elle le regardait, tout semblait lui revenir, confirmant ainsi les questions qu'elle se posait à son sujet depuis leur rencontre dans la forêt. Voilà qui lui redonnait le sourire, un sourire pour le moins énigmatique.

« Tu sembles bien confiant quant au fait de revenir en vie de la bataille qui nous attend, hein. J'imagine que le temps change les hommes, pour le meilleur ou pour le pire. » Glissa-t-elle, faisant écho au passé du marionnettiste. « Tu n'es pas d'accord, Izanami ? » Demanda-t-elle tout en fixant Yoichi du regard.

Il voyait forcément où elle voulait en venir…

« ... Cela me rappelle une histoire... » Commença-t-elle d'une voix calme mais toujours énigmatique.

Elle laissa un moment de silence planer, comme pour inviter ses interlocuteurs à se plonger dans ses paroles.

« ... En effet, il y a de cela quelques années, à la suite d'une bataille, un jeune paysan qu'on avait forcé à prendre les armes tenta de séparer des soldats d'une dispute. Il fut frappé et devint prisonnier de notre troupe. Il dut alors passer par l'épreuve des hommes de la Griffe : un combat dans une arène improvisée pour regagner sa liberté. Cet homme, dont le chakra était à peine éveillé et que tout le monde sous-estimait, chez qui on ne voyait pas l'once d'une force physique, a su faire preuve d'intelligence et de stratégie pour changer son destin. Il remporta donc son duel alors même qu'il n'avait techniquement aucune chance face à un de nos soldats aguerris. Cependant, pour une raison qui nous échappe, il a fini par disparaître, comme d’autres, de la circulation. Seulement, lui, il avait le potentiel pour devenir à terme un officier, voire davantage, qui sait. Quel gâchis. Tu n'es pas d'accord ? » Dit-elle en fixant Yoichi, curieuse de connaître sa réponse.

Elle tourna ensuite son regard vers Izanami, lui remettant son second katana entre les mains.

« Tu as eu ta vengeance, je te remets donc ce qui te revient de droit.
Il est indéniable que Katsuo était pourvu d'une plus grande force brute que toi. Mais la force brute entre les mains d'un homme qui ne sait pas s'en servir et qui craint la mort se transforme forcément en fardeau. » Ajouta-t-elle, jetant un dernier regard au cadavre du rat de Tetsu.

Elle chercha du regard l'un de ses hommes, puis hocha la tête, lui laissant le soin de venir s'occuper du corps du défunt. Elle revint ensuite sur les deux compagnons de voyage.

« Si vous êtes prêts à nous suivre jusqu'au pays du Son pour massacrer ces enfants de putain, alors je serais folle de refuser votre proposition. Je vous laisse donc le soin de nous accompagner jusqu'à notre avant-poste situé aux portes du Son. Une fois sur place, si la vue du champ de bataille ne vous effraie pas, alors nous vous équiperons pour prendre part à la bataille. Pour le reste, nous verrons en temps et en heure. » Conclut-elle.

Par la suite, ses hommes s'occupèrent des blessures d'Izanami. Puis, dès le lendemain matin, le bataillon se mit en route vers l'est du pays...

Spoiler:

La mort digne, la mort lâche. Ces choses n’avaient guère d’incidence morale dans les derniers instants de celui qui venait de rendre son dernier souffle, et le sort voulut que le perfide pied-plat voie sa vie se faire enlever par l’acier de celle qu’il eut ratiboisé, parmi une flopée de victimes qui voulurent lui faire connaître un destin similairement sauvage, la justice fut rendue sans équivoque et la loi du talion respectée. L’équilibre revenait enfin pour celle dont l’humeur fut perturbée, et les badauds guillerets de se lancer dans des clameurs et des applaudissements face au massacre d’une bête agonisante à leurs pieds, et dont l’exécution soulagea tout le monde d’un besoin frissonnant de purger leur hostilité, pire encore, leur dégoût à l’égard de cette innommable lie de l’humanité, le faux repentant qui à force de mimiquer les contours de l’innocence et de la niaiserie, en trahissant les siens avait fini par rompre les liens avec la société. Il était condamné à l’antithèse du guerrier, le marginal indésiré qui n’avait jamais su se conformer aux attentes d’un monde impitoyable qui l’avait contraint à errer dans les prémisses d’une terre inhospitalière, sombrant dans les abîmes de l’immoralité et de la répugnance, détroussant ses ennemis comme ses alliés. Tel fut le destin du Rat de Tetsu, une mort prématurée peut-être, pour quelqu’un qui avait peut-être encore cette lueur d’espérance, aussitôt étouffée par la représaille insatiable. Le crime de trop, la trahison qui amena enfin la conclusion d’une vie touchée par l’infortune et son impossible rédemption.

D’une certaine manière, cette sentence avait réveillé la vigilance du déserteur, qui s’identifiait à celui qui avait rendu l’âme sous ses yeux, les gouttes de sang parsemant encore la neige à ses pieds, son regard vitreux les parcourait avec un air songeur. Le tourment de se voir condamné à l’échafaud, son visage blafard trahissait un voile d’incertitude. Quoique ce fut avec une attitude ferme et relativement désinvolte qu’il formula sa requête à l’adresse de la cheffe des armées, il ne pouvait s’empêcher de méditer sur les conséquences de ses actes, son choix d’avoir tourné le dos au chaos sanglant, et au fracas de l’acier. Il sentait encore le souffle glacial des damnés glisser dans son dos, lui rappeler son défaut de loyauté et son refus de se conformer à l’ordre établi, au lieu de cela, il décida de fuir et de se départir d’un destin qui tentait de le ramener dans les rangs. Rejoindre le cortège des âmes se dirigeant vers la roue de la réincarnation, ou se révolter contre le fatalisme: pouvait-on évoquer du courage ou de la folie, entre intégrité et hypocrisie, il ne cessait d’osciller entre la peur de l’un et la tentation de l’autre, et par intermittence rappelé à la réalité de la vie que même sa prose ne savait enchanter. Alors il inspira l’air dans ses poumons, reprenant quelques couleurs afin de répondre à celle qui l’avait subjugué par son discernement. D’un sourire faux-semblant, il tenta de maintenir le subterfuge en prononçant des paroles subtiles teintées d’équivocité dont il avait le secret:  

— Un individu aussi lâche ayant quitté le champ de bataille, déshonoré son pays, abandonné ses camarades, mérite-t-il vraiment d’hériter d’un tel rang? Et qui plus est, revenir dans l’armée pour goûter à l’acier, à la sueur et au sang, je n’ose imaginer quelqu’un de plus insensé pour faire la guerre, alors diriger des hommes… Il élève son regard vers le ciel, les nuages et les oiseaux traçant des lignes sur ses iris. Mais si une telle personne existe, alors je n’ose imaginer ce qui l’attend, si ce n’est le même sort que celui qui vient de périr pitoyablement. Il fixe la dépouille de Katsuo se faisant emmener par les soldats, une sombre prémonition. Votre histoire mérite réflexion en tous cas, je vous remercie de nous l’avoir partagée.

Sans s’attarder davantage, il accompagna la compagnie de la Griffe aux côtés de sa camarade Izanami, vers les frontières du Son où il serait de nouvelle fois confronté à la décadence des hommes et leur déchaînement de violence. Sur le chemin, il se rappela d'un détail très important:

— Que diriez-vous de faire un pari pour pimenter les choses? Si ma camarade et moi parvenons à tuer plus de soldats ennemis que vous, nous aurons droit à une prime d'un million cinq cents mille ryôs. Si au contraire, vous et votre compagnie arrivez à en tuer davantage, je vous paierai la même somme. Et en bonus une prime de deux cents mille ryôs pour la tête de chaque officier ennemi?  Il afficha un sourire espiègle, tendant la main à Seira, conscient que sa proposition pouvait être mal reçue et elle était libre de l'ignorer complètement, tout dépendait de son niveau d'orgueil. Sauf si la Compagnie de la Griffe de la grande Fujiwara Seira n'est pas aussi forte qu'on le raconte?

Spoiler:

Quelle ne fut pas la déception de la vassale lorsqu'elle réalisa que le marionnettiste avait une fois de plus opté pour la fuite. Il se savait pourtant pris au piège, mais persistait dans le déni. Seira songea un instant à l'idée de le mettre à terre, en face du cadavre de Katsuo, et de placer sa lame sous sa gorge pour observer sa réaction. Bien que l’idée l’amusât, elle se ravisa, laissant son interlocuteur feindre l'innocence tout en le scrutant attentivement. De toute évidence, peu importait le jeu auquel il se livrait ou les motivations qui le poussaient à vouloir s'entretenir avec le Kan'rei, lui et sa comparse seraient sans doute bien plus utiles sur le champ de bataille que la plupart des soldats composant ce bataillon. Seira n'en doutait pas un instant.

Le lendemain, alors qu'ils cheminaient vers la frontière Otojin, la furie se vit proposer un défi pour le moins audacieux. Si, en temps normal, ce genre de proposition aurait suscité un élan d'intérêt en elle, là, il n'en fut rien. En effet, elle était plongée dans ses réflexions concernant la manière dont elle allait torturer et massacrer ses ennemis. Cependant, la provocation pour le moins osée de la part du marionnettiste la fit tout de même sortir un instant de son état méditatif. Ses yeux de prédatrice rivés sur lui, elle le domina entièrement grâce à sa taille pour le moins imposante :

« … C'est un défi qui aurait été intéressant à relever s'il venait d'un homme qui ne cherche pas à dissimuler son passé. Cependant, puisque tu aimes jouer, voilà ce qui va se passer : tu vas combattre pour ta patrie et te racheter pour t'être volatilisé depuis ce fameux jour... Si tu combats vaillamment et que tu fais tomber les têtes des officiers ennemis, alors peut-être que je ne te priverai pas de la récompense qui est due aux soldats pour service rendu. » Glissa-t-elle, d’un sourire carnassier.

À trop vouloir jouer, Yoichi devait réaliser qu'il pouvait tout perdre, surtout face à Seira qui n'appréciait guère les hommes tentant de la contraindre à accepter quelque chose par en jouant sur son point faible... Ceci dit, peut-être que si Yoichi lui avait donné une réponse différente hier, les choses auraient pu prendre une autre tournure. Peut-être, rien n'était moins sûr.

Ses deux hommes finirent par raccompagner Yoichi auprès des autres soldats, lui permettant ainsi de retourner à sa méditation. Une méditation visant à visualiser le plan de bataille qu'elle tenterait d'appliquer au moment opportun.

Quelques temps plus tard...

Le bataillon se retrouva à la frontière, dans un avant-poste manifestement en piteux état. C'était le résultat de nombreuses batailles opposant Tetsu à Oto depuis plusieurs années déjà. Cette petite forteresse avait été à tour de rôle conquise par les deux armées. Aujourd'hui, elle était entre les mains de Tetsu qui y faisait transiter ses soldats et toute sa logistique.

Parmi les soldats, on y trouvait des blessés prêts à être exfiltrés vers des bases plus sûres à l'intérieur du pays, mais aussi de nombreux soldats prêts à rejoindre les différents fronts. L'ambiance se voulait naturellement beaucoup plus sérieuse, les visages marqués par les combats ou l’anxiété ressenti à l'idée de rejoindre le front.

Finalement, un officier missionné par Seira vint retrouver Izanami et Yoichi :

« C'est bien vous, les deux nouveaux soldats de Seira-sama ? Elle m'a dit que vous pourriez avoir besoin d'équipement. Allez donc voir s'il y a quelque chose qui pourrait vous convenir parmi les équipements qui se trouvent sur l'étal près de la réserve. » Fit-il, en indiquant la direction du bout du doigt.

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