La cité d’Homura… Combien de temps s’est écoulé depuis mon départ de mission ? Combien de jours depuis mon combat contre ce traître de Karasu ? J’ai l’impression d’avoir perdu toute notion du temps depuis que je me suis engagé à la poursuite de cette ordure, plus encore après ma défaite. Si c’est un miracle d’avoir survécu à mes blessures, un miracle fortement provoqué par l’intervention d’un ange gardien tombé du ciel, je n’ose imaginer ce qui serait arrivé si je n’avais pas été trouvé si vite après être tombé. Ma sénestre passe sur mon ventre, l’effleurant, comme pour vérifier que le traumatisme de la blessure est encore bien présent. Je ne la sens pas sous mes vêtements, mais inutile d’en toucher les contours ou de l’observer au Byakugan pour savoir que la cicatrice est bien là.
J’en serre les dents et le poingt, de rage, de frustration, mais surtout d’humiliation. Karasu m’a fait voir ma propre faiblesse, mes faiblesses. Moi qui clame haut et fort mes convictions, mon prétendu sens aiguë de la justice et de l’honneur, ma loyauté envers ma nation et mon clan, lorsqu’ils ont eut le plus besoin de moi, je les ai laissé tomber, me suis montré décevant, limité par une force tout juste à peine capable de tenir tête à un vulgaire traître en désertion. Suis-je vraiment à la hauteur de mes ambitions ? De mes convictions… ?

C’est dans l’espoir d’obtenir ses réponses que je me suis isolé du reste du monde pendant quelque temps, que je ne suis pas immédiatement rentré à la cité une fois ma convalescence terminée. Le besoin de réfléchir, de me remettre en question, de comprendre là où j’ai échoué. Le problème c’est que je ne me sens pas plus éclairé aujourd’hui, que je ne l’étais après être sorti de l’inconscience. Je ne sais plus vraiment ce que je suis, ce que j’incarne réellement… Hyuga Tatsuya est mon nom, oui, mais ensuite ? J’ai besoin de savoir… mais je ne sais pas où chercher, je ne sais pas comment faire…
Ce que je sais en revanche, c’est que je ne veux pas retourner auprès des miens. Je ne veux pas rentrer à Homura pour le moment, du moins je ne peux pas. La honte de mon échec pèse bien trop lourdement dans mon cœur et mon esprit pour espérer rentrer bien sereinement et reprendre mon rôle de Genin au sein de l’armée du Shogunat, ni même ma place au sein de mon clan. Je ne pourrais même pas regarder ma propre mère dans les yeux sans éprouver de la honte. Non je ne peux pas. Il me faut d’abord retrouver Karasu, il me faut arracher plumes et langue de ce foutu corbeau et apporter sa tête à Fujiwara Gen’Ichiro, comme je l’ai juré avant de l’abandonner en pleine mission de haut rang. Ce serment prononcé à un ami, à un frère d’arme, mais aussi à tout un clan, si je ne le tiens pas, comment est-ce que je pourrais me tenir droit devant eux et ne pas me sentir comme la dernière des raclures ?

Je ne supporte pas l’échec, mais plus encore que d’échouer, je ne supporterai pas de manquer à ma parole. Alors je ne rentrerai pas pour le moment, j’ai pris ma décision. En tant que membre de la branche secondaire du clan Hyuga, mon absence, ma désertion, ne passera pas auprès de la Soke, j’en ai que trop conscience. Peut-être même qu’on prendra cet acte comme de la trahison envers le clan, c’est une possibilité envisagée, une très forte possibilité. Aussi, je tiens à faire face à mon destin. Je tiens à assumer mon choix et mes responsabilités en présentant ma décision devant mon chef de clan en personne.
Il est hors de question de pénétrer à l’intérieur de la cité, mais je peux faire venir Hyuga Eimei à moi. Pas parce que je suis quelqu’un d’assez influent au sein du clan pour valoir le déplacement, mais parce que le dojutsu encore actif en ma possession l’est. Le Byakugan est le trésor de notre clan, un atout militaire non-négligeable pour Homura, il saura venir au moins pour me l’arracher de ses propres mains. Le sceau apposé sur mon front depuis ma naissance ne m’offre pas grand espoir de survie quant à cette confrontation, mais je dois prendre ce risque. S’il n’est pas convaincu par mes paroles, il aura tout le loisir d’activer ce sceau et de sceller mon sort. J’aurais fait ce que je pense être juste, il est hors de question de passer le reste de mes jours en tant que simple fugitif, considéré comme un traître à la nation du même acabit que cette pourriture de Karasu qui se prétendait shinobi, qui se prétendait mon cousin.

J’ai donc fait parvenir une lettre à Eimei-sama.
En réalité, j’ai rédigé deux lettres. Une pour notre illustre chef de clan, et une autre pour mon camarade Fujiwara. J’ai ensuite patienté, à quelques kilomètres de la cité, guettant le sentier principal permettant d’y accéder. Pour avoir longtemps déambulé dans les rues d’Homura, je peux reconnaître un marchand itinérant quand j’en vois un. Naturellement, le contenu adressé au premier n’est pas similaire à celui reçu par le second. D’ailleurs, il est probable que la seconde lettre ne soit plus utile dès lors qu’Eimei-sama aura décidé de m’exécuter et récupérer mes Byakugans. Quoiqu’il en soit, dans cette lettre sera renseigné ma demande, ainsi que la façon de nous retrouver s’il accède à ma demande. Un point de rendez-vous établi non loin d’Homura, quelques kilomètres là encore, un peu à l’écart d’éventuels regards indiscrets, mais connu du clan Hyuga.

Une forêt au sein de laquelle les jeunes membres possesseurs du dojutsu sacré, viennent s’entraîner, perfectionner leur maîtrise du Juken et leur utilisation des pupilles. C’est ici que j’ai appris certaines des techniques secrètes du clan, ici que j’ai forgé mes paumes et mon caractère. C’est donc ici que je l’attends, appuyé contre le tronc d’un arbre, guettant son arrivée à l’aide de ce fameux dojutsu.

J’espère qu’il viendra, mais j’en suis quasiment sûr.
Ce que j’espère par-dessus tout, c’est qu’il me laissera ma chance.

Naturellement, je le détecte visuellement avant de percevoir le son de ses pas trahissant la quiétude des bois. Je prends le temps d’analyser son comportement, mais ne suis pas vraiment surpris de ce que je constate. Il ne montre aucun signe de méfiance, progressant jusqu’à moi comme s’il s’agissait d’une simple balade en forêt. Une assurance sans doute exacerbée par l’activation de son dojutsu, si j’ai pu être en mesure de le voir venir depuis plusieurs kilomètres, je suis persuadé qu’il a repéré ma position avant même de s’enfoncer dans la forêt. C’est pour cette raison que je n’ai pas cherché à me dissimuler, sachant pertinemment qu’il n’y avait nul endroit pour se soustraire à ses Byakugans. De toute façon, je n’en avais pas franchement envie, prêt à accepter mon sort quel qu’il soit.
Il n’est pas venu seul, je décèle les ombres le suivant dans la pénombre qu’offre la typologie des lieux. Pas une surprise non plus, qui aurait envie de laisser sortir seul le chef d’un des trois illustres clans de la cité, fils de la Shogun de surcroît, sachant d’autant plus qu’il s’en va à la rencontre d’un ninja qu’on pensait porté disparu, ou déserteur.

Sentant une bonne dose de pression m'envahir au fur et à mesure que l’ensemble des personnages gagnaient du terrain sur ma personne, je m'efforçais de ne pas effectuer de geste brusque ou de mouvement étrange pouvant les inciter à penser que je chercherai à lancer une offensive. Bien qu’Eimei n’avait absolument pas besoin de leur soutien pour me battre en duel si un combat devait éclater, les ombres nous encerclant enterraient tout espoir de me voir triompher, même le pourcentage le plus infime. Et bien que je m’étais préparé à remettre ma vie entre les mains de cet homme ayant tout juste mon âge, mais un statut social et une maîtrise de notre art bien plus élevés, je ne pus empêcher cette goutte de sueur de perler depuis mon front.
Alors qu’il se rapproche dangereusement, je m’incline respectueusement comme j’ai toujours eu coutume de le faire. Ce n’est pas parce que ma situation a changé concernant ma position au sein du Shogunat que je dois balayer toute loyauté ou respect envers les miens. Venant se planter à quelques pas de moi, Byakugans encore bien actifs, le silence que garde Eimei et de ce fait impose à tous, ne me laisse pas indifférent. Moi qui n’ose pas rompre ce mutisme tant qu’il n’a pas pris la parole en premier, moi qui n’ose pas bouger un doigt de pied tant qu’il n’a pas ouvert le dialogue, un flot d’émotions heurte tout mon être durant cette scène qui me paraît interminable. Même avaler ma salive me semble interdit en cet instant.

Fort heureusement il finit par remuer les lèvres, faire entendre le son de sa voix.
Et avec les premiers mots, ses pupilles claniques s’éteignent, désamorçant momentanément cette menace immaculée planant sur ma vie. Au ton de sa voix, aux mots employés, il ne me semble pas hostile ni méprisant à mon égard. Il ne semble pas non plus m’avoir déjà condamné, et même si je ne le connais pas particulièrement, je n’ai pas l’impression qu’il cherche à abaisser ma méfiance pour mieux frapper au moment opportun. Ce ne serait pas noble et juste de sa part, mais surtout, il n’a pas besoin d’employer un tel subterfuge pour me neutraliser. — Avant toute chose, Eimei-sama, permettez-moi de vous remercier d’avoir pris la peine de vous déplacer jusqu’ici. Ma lettre était floue, effectivement, et je ne suis personne pour exiger que vous fassiez tant d’efforts pour répondre à ma demande, mais il fallait que cela se déroule en dehors des murs de la cité…
Je ne chercherai pas à le convaincre en lui expliquant mes actes, je veux seulement lui faire part de ma vision des choses et du flou qui enveloppe mes pensées et mes convictions depuis quelque temps. Ensuite, il décidera de ce qui doit être la suite de mon histoire. Je me permets donc de reprendre. — Comme vous le savez, je me suis absenté en dehors d’Homura depuis une importante mission qui m’a été attribué, en compagnie de mon respecté camarade, Fujiwara Gen’Ichiro, ainsi que d’un membre de notre clan avec lequel vous et moi sommes déjà parti en mission, Karasu. Des émotions négatives m’assaillent rien qu’à l’évocation de ce nom, maudit pour ma part, déclencheur de tout ce qui est en train de m’arriver aujourd’hui. Je tente toutefois d’en faire abstraction et continue. — Nous devions retourner au village de Ranshi Onna, la yokai que nous avons éliminé, afin d’en apprendre plus sur ses origines. Mais ce n’était qu’un objectif secondaire dans notre mission, le but premier étant de porter secours au village d’Himewara, victime d’attaques de ces fléaux démoniaques. Jusqu’ici, rien de tout cela ne devait être nouveau aux oreilles du chef Hyuga et héritier du trône.

— Comme vous avez pu le constater, Karasu lui non plus n’est jamais rentré à Homura… Cette fois, l’arrêt marqué n’est pas volontaire. Une douleur imaginaire se fait ressentir à mon ventre, au niveau de la cicatrice que m’a laissé le kunai que ce traître m’a enfoncé avant de me laisser pour mort. — Nous venions de terminer d’analyser le village de Ranshi Onna, nous n’avons pas décelé grand-chose de nouveau si ce n’est l’apparition d’un yokai de feu à priori inoffensif et une zone réagissant étrangement au chakra. Notre chef d’équipe, Fujiwara Gen’Ichiro, a donc ordonné que nous partions sans plus tarder pour Himewara. Mais le yokai de feu s’est élancé dans la direction opposée de ce village et Karasu, visiblement plus concerné par ce yokai et ses secrets que la mission, a déclaré qu’il ne suivrait pas les ordres et partirait de son côté, poursuivre le yokai. J’ai donc tenté de l’en dissuader, lui rappelant ses devoirs en tant que shinobi du Shogunat et son statut de noble Hyuga. Il s’est montré sourd à tout propos, rejetant l’autorité même de Fujiwara Gen’Ichiro et déclarant ouvertement ne plus vouloir appartenir à la grande armée du Feu…

J’ai beau me convaincre que la folie habitait déjà son esprit à ce moment-là, qu’il n’y avait rien à faire d’autre afin de le convaincre de rester, je ne peux m’empêcher d’éprouver à nouveau une désagréable sensation d’échec. Et elle me peine suffisamment pour que mon regard défaille un instant, dévie des yeux d’Eimei pour s’orienter vers le sol, coupable. — Devant cet acte de trahison, j’ai perdu la clarté de mon jugement. Honteux face à mon ami et membre du clan Fujiwara, honteux devant l’humiliation et la traîtrise de l’un des nôtres envers notre nation et le clan Fujiwara, la colère m’a envahit et j’ai ressenti le besoin de venger notre honneur. Plus que ressenti, elle m’a guidé, m’a totalement submergé, prenant possession de mon corps, allant jusqu’à me faire abandonner à mon tour la mission sans même me rendre compte que je tournais le dos à mon ami et camarade samouraï… De cela aussi, depuis mon réveil, je ressens une grande honte. Mais je tente de poursuivre mon explication, d’aller jusqu’au bout des choses, même si ma voix se fait hésitante par moment, plus faible à d’autres, tant c’est le chaos dans mon esprit.
— Je l’ai retrouvé grâce aux Byakugans. J’ai d’abord tenté de le raisonner, mais il en est ressorti que de la folie et des propos incohérents, offensants et humiliants. J’ai alors pris la décision d’engager le combat pour le neutraliser. Des flashs de notre affrontement s’invitent dans ma tête, je peux ressentir la douleur de chaque coup reçu, chaque blessure qu’il m’a infligée. Pire encore, le traumatisme de sentir ma propre vie quitter mon corps est encore bien palpable, bien présent dans mes souvenirs. Honteux, cette fois je baisse la tête pour ne pas la relever. — J’ai échoué, Eimei-sama…

Car oui, c’est bien la triste et pathétique réalité des choses. Au final, j’ai échoué sur toute la ligne.

Eimei ne semble pas encore au courant de la désertion de Karasu, ce qui doit sans doute vouloir dire que Gen’Ichiro n’est pas encore rentré de la mission. Connaissant son sens de l’honneur, il a dû poursuivre la mission en solitaire, qu’importe les risques immenses qu’il encourt désormais à agir seul. Notre équipe semblait déjà partir avec de maigres espoirs de réussir, à la base, mais maintenant qu’il est seul, je suis plus inquiet que jamais pour sa survie. Je connais sa bravoure et ses qualités au sabre, tout comme sa puissance en tant que shinobi, mais un unique homme contre une horde de yokais, peut-il seulement espérer triompher sans y laisser la vie ? La situation de mon ami me préoccupe réellement… Une fois que j’en aurais fini ici, je tenterai d’éclaircir tout ça.
— Il se nommait Zabuza… J’ai entendu cette histoire également. A l’époque, la nouvelle avait eu son petit effet au sein du groupe de Genins du Shogunat que je fréquentais. — Il me semble qu’il était membre du clan Fujiwara, mais ma mémoire me fait peut-être défaut. J’ai retenu son nom avant tout parce que son comportement m’avait choqué et révolté à l’époque, trouvant la trahison en plus de la tentative de meurtre sur sa camarade inadmissible. En revanche, Eimei n’a pas tort de soulever la similitude entre les deux affaires, tout comme laisser sous-entendre qu’il pourrait y avoir d’autres cas de ce genre sommeillant au sein de l’armée du Shogunat… — On dirait que les rats infestent nos rangs, Eimei-sama… Un effet Naga ? Ou peut-être le reste de ses partisans, laissés parmi nous afin de continuer de collecter de précieuses informations, semer le trouble au sein du Shogunat…

Seulement des suppositions, je ne cherche pas particulièrement à semer le trouble dans l’esprit du chef de clan Hyuga, mais réagis seulement à ses propos. D’autant que je me préoccupe toujours autant du sort d’Homura qu’avant ma disparition, même si aujourd’hui je n’ai plus le cœur et l’esprit à y demeurer. Ma protection de la nation du Feu et de sa capitale ne sera jamais remise en cause, qu’importe les douleurs physiques et psychologiques endurées, qu’importe l’ennemi que je dois affronter, le doute qu’il cherchera à instaurer au plus profond de mon âme.
Mais comme le souligne si bien l’héritier au trône, ce n’est pas ça qui m’inquiète. Pas aujourd’hui en tout cas, pas en cet instant bien précis. Je prendrais de traquer et éliminer les ennemis et traîtres à la nation plus tard, si nécessaire, mais pour l’heure le sort d’un seul traîte m’intéresse, m’obnubile. La clairvoyance de mon interlocuteur m’impressionne, sa facilité à se mettre à ma place et comprendre mon ressentiment vis-à-vis de ce qui m’est arrivé. Lors de la mission effectuée sous ses ordres, je ne l’aurais jamais imaginé capable d’une telle chose tant il m’avait semblé détaché et indifférent, d’une certaine manière. Bien que je n’oublie pas qu’il nous ait protégé des flammes meurtrières de Ranshi Onna, j’étais persuadé qu’il s’agissait seulement d’un acte réalisé en adéquation avec sa position de chef d’escouade et rien d’autre. Mais ici, maintenant… J’ai cette impression de me trouver en face d’un autre Eimei.

Et cette version d’Eimei semble parfaitement comprendre la situation, semble déjà savoir où je voulais en venir avec cette lettre et cet échange demandé. Il me laisse l’opportunité de le formuler moi-même, d’y mettre mes propres mots, mais j’ai la très nette impression qu’il a déjà deviné ce qui va suivre, ce que je veux exactement. Et il me donne confiance, du moins m’apporte cet espoir que je vais être entendu et surtout, compris. Alors je relève la tête, comme il me le demande. Je relève la tête et décide de lui faire honneur, de me montrer digne de ce dojutsu qui m’a été offert à la naissance, de ce nom qu’on m’a laissé porter depuis mes premières respirations dans ce monde. Mon regard posé dans le sien, sans tressaillir ni chercher à fuir, je m’exprime distinctement, avec conviction. — Je souhaite quitter l’armée du Shogunat et partir à la recherche du traître Karasu. Je souhaite obtenir vengeance pour l’humiliation subie, avoir la chance de restaurer mon honneur auprès de vous, auprès des miens, ainsi que de la Shogun que je sers depuis la naissance. Mais pour ce faire, j’ai conscience que la voie que je vais emprunter ne sera pas digne d’un noble ni d’un Hyuga, et encore moins d’un soldat du Feu. Or, je ne souhaite pas être entravé de telles chaînes durant ma quête, au risque d’échouer à nouveau… Ce n’est qu’alors que je reviendrais, la tête du traître en guise de réparation et mon honneur pleinement retrouvé. Ce n’est qu’alors que je pourrais à nouveau me présenter dignement devant vous ou les membres du clan, que je pourrais pleinement accomplir mon devoir de guerrier.

Et j’ai parfaitement conscience de ce que je perds en quittant le Shogunant, en m’ouvrant la porte d’une vie d’errant, de déserteur à sa faction, mais je sais plus que tout que c’est la seule option encore envisageable à ce jour. — J’ai conscience de la gravité de cet acte, Eimei-sama, tout comme je sais qu’il est difficile pour notre clan ou même le Shogunat de laisser courir en liberté ces pupilles si précieuses… Aussi, je m’en remets pleinement à votre décision. Arrachez-moi les yeux si nécessaire, libérez ce sceau ou enfermez-moi pour le restant de mes jours, j’accepterai votre décision car je sais qu’elle sera juste et uniquement destinée à préserver les secrets du Byakugan. Il me serait d’une très grande utilité dans la traque de Karasu, mais les espoirs que je reparte d’ici vivant, libre et avec mes Byakugans sont si infimes que je préfère accepter dès maintenant que ce ne sera pas possible. Et ce n’est pas grave, en tant que membre de la Bunke, j’ai accepté mon sort depuis de nombreuses années déjà. Ce dojutsu ne m’a jamais réellement appartenu.

Un maigre sourire étire fugacement mes lèvres, si Shiharashi avait été là, sans aucun doute qu’elle aurait été furieuse de m’entendre parler de la sorte.

Le silence qui s'installe après avoir déclaré mes intentions est lourd, pesant, je peux sentir mon cœur rebondir dans ma poitrine autant que j’en perçois les battements, seul bruit me parvenant en cet instant. Que le sujet est épineux, qu’il plonge Eimei dans une phase de réflexion, je m’y attendais. Ce n’est pas comme s’il pouvait simplement me donner sa permission de quitter les rangs du Shogunat comme on accorde à son enfant le droit d’aller jouer avec ses copains dans la rue voisine.
Il finit toutefois par briser le silence, sa décision semblant prise. Et vouloir s’attribuer la responsabilité de la désertion de Karasu et mon échec quant à ma tentative de l’en empêcher est tout à son honneur, mais ne fait que renforcer en moi ce sentiment détestable de faiblesse et d’humiliation, d’échec. Mettre mon propre chef de clan dans une telle position me déshonore, c’est indigne d’un membre du clan, qu’importe sa branche ou sa position en son sein. Je suis peut-être sa responsabilité, mais ma propre faiblesse ne doit pas être motif d’humiliation pour le meneur du clan Hyuga, ni même pour aucun autre des miens. C’est à moi seul que revient toute la responsabilité de ce fiasco, à moi qu’il incombe de remettre les choses à leur place, de restaurer mon honneur et laver l’affront commis par Karasu envers Gen’Ichiro.

Ce qu’il déclare ensuite laisse à réfléchir, à mon tour de me plonger dans une phase de réflexion au fur et à mesure qu’il m’explique les conséquences de ma possible désertion. Devenir un traître, être traqué par mes frères d’armes, par les membres de mon clan, salir à jamais mon nom et celui de ma famille, jeter le déshonneur sur eux ainsi que tous ceux ayant eu confiance en moi, qui ont parié sur ma réussite. Je n’y avais pas forcément réfléchi jusque-là, aveuglé par ma soif de vengeance, mais je causerai bien plus de mal à mes proches que Karasu a pu m’en faire si je prenais la voie du nukenin. Mais alors que faire ?
Oui, mon honneur a été bafoué et je dois laver cet affront par le sang du fautif. Mais non, je ne veux pas que ma famille ou les êtres qui me sont chers souffrent des retombées de ma désertion. Le dilemme semble sans issue acceptable… « Mais si tu agis en mon nom, tu ne seras pas considéré comme un déserteur. Tu seras libre de recouvrer ta dignité en préservant ta famille du mensonge que d’avoir élevé un traître pendant toutes ces années. Si c’est là ta mission, tu ne ferais que ton devoir. Et le sceau qui orne ton front n’aura jamais été ton meilleur allié qu’en cet instant, en préservant tes pupilles du danger qu’elles te soient prélevées. Ta mort protégera le secret de notre clan. Ta vie le fera tout autant. »

Mes yeux s'agrandissent à l’unisson de mes lèvres qui s'entrouvrent, les paroles d’Eimei-sama semblant faire mouche. Plus que de m’écouter ou de chercher à comprendre mes motivations, il me fait l’honneur d’apporter une solution à mon problème. Une solution qui me paraît bien plus viable que celles qui s’étaient imposées à mon esprit jusqu’à présent. J’en ai le souffle court, les battements de coeurs qui ne vont qu’en s’accélérant alors que je m’imagine pouvoir repartir d’ici vivant, mon précieux Byakugan préservé et surtout, en conservant la grâce du Shogunat et de mon clan. Plus encore, je bénéficie du soutien direct de mon chef. Pour un peu, ça me semblerait trop beau pour être vrai. Pour un peu, je croirai être prisonnier d’un de ces pièges vicieux sous forme de Genjutsu qu’utilise le traître Karasu. Mais ceci n’est pas une illusion, cette alternative offerte par l’héritier du trône est bien réelle.
Je tombe un genou au sol à la mention de Shiharashi, je m’incline en guise de respect, mais surtout pour lui témoigner toute ma gratitude, en l’écoutant me garantir sa protection et son bien être quoiqu’il arrive, quoi que je choisisse, qu’importe le sentier sur lequel je décide de m’engager… Je n’ai pas les mots pour m’exprimer dans l’immédiat, forcé de retenir les larmes de couler tandis que je ressens de la culpabilité pour l’avoir si mal jugé à la suite de notre première rencontre. J'ai émis des doutes à son sujet, éprouver certaines craintes le concernant, concernant l’avenir du clan avec un tel homme à sa tête, mais aujourd’hui plus que jamais je comprends à quel point j’étais dans le doute.
Et Shiharashi qui n’avait cessé de le défendre depuis tout ce temps…
Maintenant je comprends pourquoi.
Maintenant moi aussi, je suis prêt à le suivre aveuglément. J’ai seulement besoin de finir cette histoire avec Karasu avant, j’ai besoin de retrouver qui je suis avant.

Conservant ce genou au sol et cette tête basse en guise de respect le plus profond, je trouve la force de mettre des mots sur ma reconnaissance. — Je ne pourrais jamais vous remercier assez pour ce jour, Eimei-sama. Savoir Shiharashi-sama sous votre protection m’allège l’esprit d’un lourd fardeau, je peux vous l’assurer. Tout comme je vous suis reconnaissant pour cette opportunité que vous m’offrez, je n’aurais pu espérer mieux en m’adressant ainsi à vous. Je suis fier d’appartenir à votre clan, je suis fier de vous servir, Eimei-sama. Je me relève finalement, le poing appuyé contre la poitrine, le regard mélangeant fierté et gratitude. Une lueur enflammée traverse mes yeux désormais habillés du dojutsu clanique. — J’accepte votre proposition. J'agirai désormais en votre seul et unique nom. Et je jure sur ce qu'il reste de mon honneur de réparer cette erreur qui pèse malgré moi sur vos épaules.