Une nouvelle fois, le Hyuga à la chevelure bleutée arpente les rues de la cité, s'adonnant à sa traditionnelle balade nocturne. Celle qu’il affectionne tout particulièrement, qui lui change les idées, apaise son esprit avant le coucher et permet à quelques occasions, de voir un problème sous un autre angle et d’y apporter une solution différente que celle imaginée à la base. De la réflexion, mais avant tout, de la relaxation. Il se perd au travers des habitations, traversant le centre-ville sans trop s’y attarder cette fois, prenant la direction de ce coin qu’il apprécie tout particulièrement regagner. Découvert il y a maintenant quelques semaines, guère plus d’un mois, alors qu’il prolongeait une de ses balades, arpentant un sentier différent. L’idée lui était parvenu de changer d’air, d’aller chercher autre chose et il y était parvenu.
Située au niveau d’un terrain d’entraînement, une falaise surplombant ce lieu où les shinobis d’Homura viennent se défier amicalement, se confronter et s’entraîner afin de progresser et de devenir plus forts. Lui ne vient que rarement ici pour cette raison, ses séances d’entraînements se déroulant principalement au domaine familial, ou au sein de celui de la famille de Shiharashi, lorsqu’ils travaillent ensemble. D’un côté comme de l’autre, le tout est assuré pour que cela se déroule à l’abri de regards indiscrets, comprendre par là les yeux espions des autres clans, d’autres familles. Une politique qui n’est pas de son fait, imposée par son paternel, lui-même répondant aux directives du père de Shiharashi, membre influent au sein de la Soke. Telles étaient les conditions pour assurer la sécurité et l’avenir de sa fille unique.

Une contrainte qui le pousse quelque peu à l’isolation, mais uniquement sur ce plan-ci de son éducation. Du reste, Tatsuya étant de nature sociable, il ne rate pas une occasion d’aller à l’encontre de nouvelles personnes. Comme par exemple cette nuit, alors qu’il accède finalement au sommet de la falaise constituant son petit coin personnel, son jardin naturel de méditation qu’il pensait à tort et quelque peu naïvement, être privatif. Il remarque immédiatement la présence de ce personnage à la crinière étincelante dans ce paysage marqué par la noirceur de la nuit.
Deux choses marquent immédiatement la vue du balafré, le sabre à la ceinture de l’homme et le regard perçant avec lequel il dévisage ce qu’il doit probablement percevoir comme une intrusion dans son espace vital. Comme un jeune lion en alerte devant la présence d’un autre félin sur son territoire, à la différence qu’ici, Tatsuya n’est ni un ennemi, ni un envahisseur. Il pensait bêtement se retrouver seul en ce lieu, ce qui de toute évidence n’est pas le cas. Le silence prend son temps, son espace et ses dispositions, laissant le soin aux deux protagonistes d’évaluer la situation. Au Hyuga de ne pas se montrer intrusif et irrespectueux, gardant l’immobilité et une stature droite. Au Fujiwara de tirer la conclusion qu’il n’a rien à craindre de cette soudaine arrivée, qui n’a rien d’un acte dangereux. Ce qui est chose faite avec la prise de parole du samouraï, pour le plus grand plaisir de l’adepte du combat à mains nues.

— Je suis entièrement d’accord, la beauté de ce lieu et son calme reposant en deviennent facilement addictifs. Au sourire bienveillant, il répond d’une façon similaire, enchanté de la tournure que semble prendre la situation. — Enchanté, Fujiwara Kamui. C’est toujours un plaisir de croiser un membre de votre lignée. Mon nom est Hyuga Tatsuya. Il ne lui semble pas nécessaire de préciser à quelle branche il appartient, le sceau marquant son front étant suffisamment visible pour en tirer les conclusions qui en imposent pour qui a connaissance de la particularité au sein de son clan. L’invitation de Kamui a prendre place à ses côtés en bordure de roche résonna agréablement en lui, il n’avait pas imaginé que la rencontre tourne si bien aussi rapidement. Les relations inter-claniques au sein de la capitale n’étant pas toujours au beau fixe, particulièrement concernant les trois grands majeurs, il n’était pas rare d’être traité avec méfiance par ces derniers. — Ma foi, je ne vais pas refuser une si belle invitation. Je dois avouer que je me languissais de retrouver cette vue. Il vient prendre place, s’asseyant d’une manière peu conventionnelle à son statut, les fesses à même le sol, la jambe gauche pendue dans le vide, la droite replié vers son torse. La sénestre apposée en arrière, dans l'herbe, tandis que son bras droit repose sur son genou replié. Une posture qui manque quelque peu de tenue, de sérieux, mais il s'en fiche bien à cet instant. Ce n'est pas cela qui compte.

Lentement, il inspire une profonde bouffée d’air frais, ses yeux immaculés brillant du reflet des étoiles illuminant les cieux. Sans décrocher du spectacle saisissant, envoûtant, dont ils étaient humbles bénéficiaires, il ajoute. — Kamui-san, n’est-ce pas merveilleux ? Ces terres qui sont les nôtres, celles de nos ancêtres et de nos enfants futurs, elles qui enflamment nos sens et nous émerveillent, ne méritent-elles pas tous les sacrifices pour être préservées ?

Dans son esprit, la réponse ne fait aucun doute.

Qu’est-ce qui expliquait qu’il était d’humeur à se livrer si facilement à une personne qu’il venait tout juste de rencontrer ? Il n’aurait sur le dire avec exactitude, sans doute un mélange de plusieurs choses, à commencer par la beauté de l’endroit, enflammant ses émotions. Lui qui venait se recueillir ici, peut-être que de savoir que c’était le cas pour ce Kamui appelait à moins de méfiance de sa part. D’autant qu’il était plutôt du genre ouvert à la discussion aux échanges spontanés sans arrière pensée, plus encore lorsqu’il s’agissait d’un membre du clan Fujiwara. Un ensemble de choses, oui, définitivement. Ce qui n’était pas un mal, après tout il s’agissait là seulement de quelques mots concernant la beauté de ce pays. Une admiration pour ces terres que partageait son interlocuteur, pour son plus grand plaisir.
— Nous sommes d’accord… d’un maigre sourire, il approuvait la réponse du samouraï, sa façon de voir les choses se rapprochant grandement de celle du jeune Hyuga. De nouveau, leurs regards se croisèrent. Nul doute que pour une personne extérieure, le choc de pupilles aussi singulières devait être fascinant à observer, les yeux du Fujiwara brillait d’un tel éclat qu’ils devaient se refléter avec une intensité rare dans le regard immaculé de Tatsuya. Comme si le feu ardent de Kamui brûlé à l’intérieur des pupilles du balafré, les sublimant ainsi. Un regard si intense qu’il n’était pas aisé de soutenir, d’autant plus dans un contexte si peu formel, loin de la rigueur et la droiture que leur appartenance à la noblesse pouvait leur imposer quotidiennement. Mais un regard qui exprimait, selon le Genin à la chevelure azurée, un quelque chose de profondément sincère.

Il n’aurait pas su dire pourquoi, mais il ne percevait pas de malice en cet homme, ni de mauvais fond. Sans doute une autre des raisons pour laquelle il s’était rapidement mis à l’aise, se délestant quelque peu du poids de l’étiquette. D’autant que la discussion avait rapidement viré en un sujet sérieux et intéressant. — Je ne pourrais pas être plus en accord avec vous, Kamui-san, le sacrifice ultime est partie intégrante de notre éducation et de nos valeurs. Nous ne le craignons pas, nous le chérissons, prêts à y céder lorsque la situation l’impose. Il faisait évidemment référence aux membres de la Bunke, dont il faisait partie, élevés et entraînés pour servir et surtout protéger les membres de la Soke, jusqu’à donner leur vie afin de préserver celle de la personne dont ils avaient la garde, la surveillance. Comme lui avec Shiharashi, pour qui il n’hésiterait pas à se sacrifier si nécessaire.
Trouver la lumière dans les ténèbres, hein ? Oui, il avait raison, rien ne méritait à l’avance que l’on baisse les bras, que l’on cesse de se battre. — L’ombre de la traîtrise et de la corruption qui plane sur la cité est grande, et dans un sens, c’est assez effrayant faut-il l’avouer… mais tout n’était pas perdu pour autant, des solutions existaient, les ténèbres pouvaient être chassées avec une lumière plus éblouissante encore, avec un feu plus ardent, le feu de l’unité. — Mais il existe un chemin, oui… il en existe même plusieurs, du moment que l’on se donne la peine de l’éclairer. Il s’arrêta un instant, jetant un regard quelque peu incertain sur les terres en contrebas, comme s’il n’était pas encore totalement convaincu de ce qu’il allait dire, qu’il ne s’en sentait pas capable. — Et j’aime à croire que la flamme qui brûle en moi est suffisante pour être une de ces lumières qui éclaireront la voie…

Mais il pouvait tout aussi bien se faire engloutir par cette noirceur, ce mal rongeant de l’intérieur Homura et certains de ses habitants. Encore jeune et trop peu expérimenté, seul, il n’y arriverait jamais, il en était persuadé. Avec du soutien peut-être… mais que ce soit sa place au sein de son clan, ou son rang dans la hiérarchie militaire, il ne représentait pour l’heure que peu de choses, sa voix ne valait presque rien.
Ce constat amer et quelque peu douloureux l’amena à se perdre dans ses pensées, ruminant sur son inutilité, sur sa condition actuelle qui ne lui plaisait guère. Lui qui voulait tellement apporter aux siens, aux habitants de la cité, au shogunat… Le chemin était encore long avant qu’il ne soit réellement un atout pour Homura, qu’il soit ne serait-ce qu’un peu considéré au domaine clanique.

Il commençait dangereusement à s'apitoyer sur son sort lorsque la voix de Kamui l’extirpa de ses réflexions mentales, avec une question qui, de par sa formulation et sa nature même, étonna Tatsuya. Rares étaient ceux qui osaient demander les détails sur ce sujet, plus encore à un membre de la Bunke, la manière étant si délicate et respectueuse qu’il se voyait mal y répondre par la négative. — Rassurez-vous, il n’y a pas de mal à évoquer ce sujet. Il n’éprouvait pas de gêne à en parler, tout comme il ne ressentait pas de colère ou d’injustice à ce propos, contrairement à ce qu’une majorité des siens pouvaient éprouver envers ce sceau maudit. Souriant, sa dextre vint se poser sur son front, à l’emplacement du symbole avec lequel était marqué tous ceux de la branche secondaire.
— Les avis divergent au sein même du clan, vous savez… il y a ceux qui voient ça comme de l’asservissement, une humiliation ou une honte, qui rejettent cette pratique et refusent d’être considérés comme inférieurs à la Soke, la branche principale et dirigeante du clan. Il laissa filer quelques secondes, avant de reprendre. — Puis il y a ceux qui comme moi acceptent ce pan de notre histoire comme il est, y font honneur et accomplissent leur devoir envers la Soke comme un dévoué shinobi répondrait à l’appel de sa figure dirigeante. Il marqua une nouvelle pause, affichant un air sérieux, mais calme, nulle émotion négative ne semblant le troubler pendant son élocution, comme en paix avec cette idée.

— Ce sceau régit notre clan depuis aussi longtemps que nous possédons ce dojutsu fabuleux, dès la naissance il scelle une partie de notre vie en apparaissant sur notre peau. Certains racontent que c’est le prix à payer pour avoir hérité d’un pouvoir aussi important, d’autres que c’est une juste sélection naturelle… les faibles au service des plus forts, des plus dignes. Il esquissa un maigre sourire, attristé par cette dernière déclaration. — C’est une source de tension au sein même de notre clan… il s’arrêta là, ne sachant pas s’il souhaitait en dire davantage. Cette partie-là était plus douloureuse que de savoir que de ne pas répondre aux exigences venant avec cette marque pouvait entraîner la mort du porteur. Les siens se déchiraient entre eux au sujet de ce sceau et cela lui déchirait le cœur…

Finalement, il tacha de retrouver un semblant de sourire, de gaieté, puisant de l’énergie dans ce paysage magnifique s’offrant à eux. — J’espère ne pas vous avoir embrouillé davantage avec mes explications, Kamui-san.

Qu’il se fasse confiance ? C’était exactement ce qu’avait l’habitude de lui répéter son paternel, lorsqu’il venait le trouver, le cœur et l’esprit en proies au doute. En tant que membre de la branche secondaire, on pourrait croire que le jeune Hyuga n’aurait qu’une seule et unique ambition en tête, qu’un objectif à réaliser jusqu’à sa mort, mais il n’en était rien. Tatsuya souhaitait plus que cela, que ce soit pour lui ou pour son clan, pour tous ses frères, il souhaitait plus que cela. De l’ambition il en avait, s’élever au sein de son clan, être suffisamment respecté et admiré, mais aussi suffisamment fort pour abolir ce principe de branches déchirant les siens. Cela ne fonctionnait pas, il avait pu le constater tout au long de son existence, beaucoup trop étaient ceux qui n’acceptaient pas ce sceau, ce principe de lignée et de servitude d’une branche pour l’autre.

Un rêve ambitieux, un projet fastidieux. De par sa position au sein du clan, il n’était pas le mieux engagé pour y parvenir, probablement que la Soke ne l’accepterait jamais venant de lui. Il ferait tout pour y parvenir, quitte à solliciter le soutien du Shogun, de bénéficier de son appuis, ou de devoir passer par un intermédiaire. Si le Chef de clan finissait par entendre ses arguments, adhérer à sa vision nouvelle pour les leurs, il n’aurait même pas besoin d’aborder le sujet lui-même. Mais dans un sens comme dans l’autre, il allait falloir du temps, beaucoup de temps. Un temps durant lequel il allait devoir tout faire pour grimper les échelons au sein du Shogunat et renforcer sa position au sein des Hyuga, se faire un nom, devenir quelqu’un. Pas juste le serviteur de la Soke. Pour se faire, Kamui avait raison, il devait se faire confiance, entretenir cette flamme brûlant en lui et la transformer en un véritable brasier.

— Puisse vos paroles être entendues, cher Kamui-san. Il lui adressa un hochement de tête, respectueux et salutaire. Ses propos et la réflexion silencieuse qui s'en était suivi venaient de trouver échos en lui, avait apporté la petite étincelle pour le conforter à se lancer pleinement dans ses projets.

Du reste, les explications fournies sur le principe des branches Hyuga semblaient avoir été efficaces et le samouraï y voyait désormais plus clair. Voilà une bonne chose de faite, il était important aux yeux du shinobi aux yeux immaculés que de bien faire comprendre le fonctionnement de son clan aux autres, afin que doutes, craintes et rancœurs puissent totalement se dissiper un jour. Cet éternel climat de tension régnant entre les différents clans d’Homura était regrettable à ses yeux, tout autant que douloureux à supporter. Ils devraient être une cité unie sous une seule et même bannière, pas un amas disparate de familles cherchant à tirer leur épingle du jeu et uniquement la leur. Les récents évènements ayant secoué la capitale le prouvaient, fonctionner ainsi ne mènerait qu’à leur propre perte. — Vous m’en voyez ravi, si d’aventure vous aviez d’autres questions, n’hésitez pas à venir me voir.
Le discours que son interlocuteur lui proposa quant à cette question de servitude entre Soke et Bunke, ce principe de faibles héritant du sceau afin de servir les plus forts, laissa quelques secondes Tatsuya silencieux. S’il avait commencé par l’observer dans les yeux au début de ses paroles, il avait finalement dévié le regard pour se perdre dans l’immensité se dévoilant à eux, en contrebas. Ce qu’il disait n’avait rien d’idiot, évidemment, puisqu’il partageait cette pensée. En dehors du fait qu’ils obtenaient cette marque maudite à la naissance, rien de génétique ne faisait la distinction claire entre un Hyuga fort d’un Hyuga faible. Il en était la preuve, membre de la Bunke et pourtant, il savait son Juken au moins égal à d’autres de la Soke. Cela n’avait pas réellement de sens et représentait une des raisons pour laquelle il souhaitait débarrasser son clan de ce fardeau. — Je vous remercie pour cette analyse perspicace, Kamui-san. Rassurez-vous, vous n’outrepassez pas vos droits… à vrai dire, je suis d’accord avec vous. Il n’irait pas s’expliquer davantage ou argumenter sa dernière déclaration, se contentant d’observer ces mots s’évaporer dans le vide, rejoignant les étoiles au ciel.

Prononcer ce genre de paroles en compagnie de mauvaises personnes pouvait lui attirer des ennuis, mais quelque chose au fond de lui, depuis leur tout premier échange qui n’était même pas verbal, poussait le Genin à faire confiance à ce Kamui. Cela dit, il n’en dévoilerait pas trop avant d’être totalement certain que ce qu’il lui révélait ne serait pas utilisé à de mauvaises fins. Et la révélation à laquelle s’adonna le Fujiwara ne pouvait que renforcer ce sentiment qu’il était quelqu’un de confiance, ou au moins, qu’ils n’étaient pas si différents l’un de l’autre sur certains aspects. Des tensions internes chez les Fujiwara ? Ainsi donc les samouraïs n’avaient pas le droit d’employer les arts shinobis… Mais alors pourquoi faire de certains d’entre eux des ninjas ?
— Ce que j’entends-là me surprend, je dois le reconnaître. Je n’avais pas connaissance de telles tensions au sein des vôtres, ni même de cet… désapprobation des nobles arts shinobis. Je ne connais pas assez bien vos traditions ni votre histoire, j’ai conscience que le Bushido régie votre façon de vivre et fait de vous les êtres droits et respectueux que j’admire, mais cela me semble quelque peu excessif… Au final, que ce soit Hyuga ou Fujiwara, chacun avait sa propre lutte en interne et tous deux faisaient de leur possible pour que ça ne s’ébruite pas. — Kamui-san, quelle est votre position à ce sujet ? Vous n’êtes évidemment pas obligé de répondre à cette question si vous la jugez trop intrusive. Il lui adressa un sourire compatissant, signe qu’il comprenait un refus éventuel.

Au fur et à mesure qu’il écoutait les explications du samouraï à la chevelure flamboyante, Tatsuya se rendait compte de son ignorance totale de la position de ce clan envers les arts shinobis. A tel point qu’il peinait à masquer sa surprise, avait-il été si aveuglé par son admiration par ces guerriers prônant le bushido qu’il n’en avait point remarqué le reste ? Les arts ninjas, une dérive du chakra… le vice des hommes… les mots semblaient forts, et peu justifiés. Si certains utilisaient le chakra d’une manière peu recommandable, en faire une généralité ne semblait pas adéquat. — Je vois… je savais que les vôtres ne tenaient pas forcément une opinion très flatteur de nous autres shinobis, mais je n’avais pas mesuré l’ampleur de la chose. Veuillez excuser mon ignorance à ce sujet…
Cela ne faisait que représenter un des soucis majeurs planant sur la cité depuis des années maintenant, la mauvaise information circulant entre les clans majeurs. Si le jeune Hyuga en savait si peu au sujet des Fujiwara, ce n’était pas par manque d’intérêt, bien au contraire, mais principalement par la désinformation qui circulait au sein de son propre clan. Histoires déformées, amplifiées ou inventées, ce que l’on pouvait apprendre sur les autres clans était à prendre avec prudence, selon de qui venait cette information. Si bien qu’il était difficile d’y voir clair, de déterminer ce qui était vrai ou faux, de réellement savoir. Certes on pouvait toujours s’ouvrir aux autres et en apprendre directement à la source, mais là encore le partage d’informations entre membres de différents clans n’était pas chose courante…

A vrai dire, ce qui se déroulait en cette douce nuit, au sommet de cette falaise, entre l’Azuré et le Flamboyant, pouvait bien être considéré comme rare, si ce n’est unique. Un échange ouvert, sans mauvaise intention, un véritable partage tourné vers l’envie de découvrir son prochain, d’en apprendre plus sur l’autre. Plutôt que de se déchirer via des menaces à peines voilées ou des insultes peu flatteuses comme il était de coutume. Et cela faisait du bien, d’autant lorsque les deux esprits correspondaient si bien. Oui, cette condamnation des arts shinobis paraissait absurde quand on savait que les samouraïs usaient du chakra tout autant que les shinobis. Gardant le silence, il acquiesça face à la conclusion de son interlocuteur, ne jugeant pas nécessaire d’en rajouter.
Et alors qu’il s’apprêtait à rompre le silence, ce fut une voix extérieure à leur échange qui fut la première à le faire. Un cri, semblerait-il, survenant d’un emplacement que l’obscurité ne lui permettait pas de déterminer avec exactitude. Quelqu’un aurait-il entendu leur conversation, tapis dans la pénombre depuis tout ce temps ? Pas le temps d’y songer qu’un projectile se dirigeait avec rapidité sur son visage, clairement avait-il été désigné comme cible. Et ce fut la main du Fujiwara qui le détourna de cette grosse pierre, la roche ne faisant que le frôler avant de finir sa course dans l’herbe derrière eux.

— Ne vous excusez pas, Kamui-san, vous avez bien fait. Merci pour votre réactivité, sans vous je crois que mon visage n’aurait pas apprécié la rencontre avec cette pierre… Mais qui pouvait bien lui vouloir du mal ? Sans aucune raison apparente, sans même daigner s’annoncer, il avait frappé dans l’intention évidente de blesser le détenteur du Byakugan. Détenteur qui était à deux doigts d’activer ses pupilles afin de localiser l’individu et exiger de sérieuses explications. Mais Kamui le localisa bien assez tôt, permettant par la suite au noble à la chevelure bleutée d’en faire autant. — Mais quelle est cette créature… ? Petite chose poilue dissimulée sous un chapeau de paille bien trop grand pour elle, l’animal si cela en était réellement un lui était impossible à identifier. Il adressa un regard perplexe à Kamui, tentant de déterminer si ce dernier en savait plus à ce propos, mais n’ayant pour toute réponse que l’animosité évidente de la boule de poils à son égard. — Sale face de rat ? Moi… ? Un nouveau projectile rocailleux menaçait son faciès. Cette fois, il fut en mesure de l’intercepter d’un habile mouvement de la paume de sa main parcouru d’une couche de chakra. La pierre éclata en morceaux tandis que le balafré affichait un air offensé. — Cela suffit avec vos pierres ! Qu’est-ce que je vous ai fait pour mériter cette violence ?!

Mais l’étrange bestiole prenait déjà la fuite, d’une manière plutôt disgracieuse et discutable sur le plan de l’efficacité. — Je ne sais pas vous Kamui-san, mais il est hors de question que je le laisse s’en tirer aussi facilement ! Et sans attendre une quelconque réponse, le Genin s’élança à la poursuite de la petite bête à chapeau, lui sommant de s’arrêter. Rejoint par son camarade Fujiwara, ils prirent en chasse l’animal, qui sentant que le binôme nouvellement formé allait le rattraper, exécuta un bond sur un caillou et s’arrêta net, leur tournant le dos avant de leur montrer son fessier poilu. — Pauvres nazes ! Vous pensez quand même pas m’attraper ? Dans vos rêves ! Et il fila de plus belle, non sans adresser une insulte à l’être immonde qu’était le Hyuga aux cheveux courts.

Un bien drôle d’animal que cette petite bête recouverte de poils, aussi loin qu’il cherchait dans sa mémoire, il n’avait pas connaissance d’un pareil animal. Doté de parole, affublé d’un chapeau bien trop grand pour lui et extrêmement grossier envers les humains. Il avait même tout l’air d’un petit diablotin à en écouter les paroles offensantes qu’il continuait de proférer à l’encontre du Hyuga, qui se demandait encore pourquoi il avait été désigné comme cible prioritaire de ses attaques verbales.
Il fut ravi de constater que son camarade Fujiwara partageait la même envie de faire taire cet animal, de mettre fin à son petit numéro. Lorsqu’il suggéra de l’arrêter avant qu’elle n’atteigne une zone plus propice à sa fuite, le jeune balafré acquiesça silencieusement, prenant immédiatement l’impulsion de son acolyte afin de coller à ce changement de rythme. La vélocité de Kamui n’avait rien à envier à celle de Tatsuya, et ensemble ils n’eurent aucun mal à reprendre la bestiole, le samouraï tentant même de s’en emparer. Il fallut un réflexe salvateur au yokai pour se soustraire aux doigts du samouraï, et la peur le fit détaler plus vite encore.

Adressant un regard confiant à son camarade, ils n’eurent pas besoin de mot pour se comprendre. Si leur cible était rapide, tous deux n’avaient pas dit leur dernier mot, ni même employé toutes leurs qualités de shinobis. — Bonne idée, cela devrait lui clouer le bec. Le séparer de son chapeau de paille auquel il s’accrochait dans sa fuite comme à son trésor le plus précieux le rendrait probablement moins arrogant. — On recommence comme tout à l’heure. Ils devaient le prendre sur deux flancs en simultané, comme précédemment, s’ils voulaient parvenir à leurs fins.
D’une impulsion synchronisée, ils filèrent en avant avec plus de rapidité qu’ils en avaient démontré jusqu’à présent. Chose que constata la boule de poils dont ces derniers se hérissèrent un instant devant le danger imminent, le Kebukai sursautant de surprise avant de détaler de plus belle. D’un petit rire joueur, il fila au travers des rochers et des herbes, son chapeau zigzagant dans son sillage. Ce ne fut pas assez pour empêcher le retour de ses poursuivants, l’ombre menaçante de Kamui fondant sur lui sur sa gauche, sa main tentant une fois encore de l’attraper dans sa course. Le Kebukai esquiva, relâchant brièvement sa prise sur son chapeau, qui s’envola de quelques centimètres de son crâne, flottant dans l’air. Lorsqu’il voulut le récupérer de ses petits doigts, sa main fut repoussée sèchement par le revers de la dextre de Tatsuya, surgissant au dernier moment pour le contrer dans son action.

Le yokai poussa un cri d’affolement, tenta de son autre main de prendre son précieux chapeau, mais la paume de la senestre du Hyuga claqua sur son ventre, l’envoyant valser plus loin. Ce fut finalement le Fujiwara qui récupéra le fameux chapeau, les deux ninjas s’échangeant un regard de satisfaction devant leur réussite. — Bien joué, Kamui-san. Je me demande s’il se montrera toujours aussi véhément maintenant que nous avons ceci entre notre possession. Si le Kebukai était joueur, Tatsuya n’était pas en reste de son côté. Sans oublier sa fierté de noble qui en avait pris un coup entre les insultes et les jets de pierres au visage. — Bas les pattes les tronches de blobfish ! Touchez pas à mon chapeau ! Je vous jure que je vais vous tailler en pièces ! Il gesticulait à une dizaine de mètres d’eux, le poil hérissé comme un chat enragé, n’ayant de cesse de se rapprocher de quelques pas, avant de repartir en arrière. — Si tu l'abîmes, je te broie les noix !
— Allons, allons… vous pensez encore être en position de nous menacer ? Pourquoi ne pas plutôt vous calmer et discuter calmement ?
N’éprouvant que de la haine et du mépris pour cet être à poils courts qui osait lui adresser la parole, le Kebukai s’empara d’une nouvelle pierre qu’il jeta avec hargne sur Tatsuya. — Toi m’adresse pas la parole, foutu chat crevé ! Ayant esquivé la pierre, plus vraiment surpris d’un tel geste, il laissa échapper un soupir ennuyé, cherchant du regard son camarade la crinière flamboyante. — Je ne crois pas qu’il soit judicieux que je force le dialogue, cette chose a visiblement une dent contre moi… Je vous le laisse, Kamui-san.